Un événement qui a été exploité à fond par les opposants à l’Église a été la création, en 1838, à l’insu de la Première Présidence, d’une bande appelée les Danites. Bien que son existence ait été éphémère, les antimormons et les auteurs de livres à sensation s’en sont emparés pour répandre, des décennies durant, l’idée de l’existence d’une bande de tueurs chargés de tuer les apostats, les non-mormons et quiconque déplaisait notamment à Brigham Young. La vérité à ce sujet.

LA BANDE DES DANITES DE 1838

par Leland H. Gentry
BYU Studies, vol. 14, 1973-1974, n° 4 – Été 1974

Vers la fin de l’occupation du Missouri par les mormons, à la fin de 1838 pour être plus précis, plusieurs dirigeants de l’Église de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours furent arrêtés et accusés de trahison. Le procès qui s’ensuivit fournit des témoignages abondants concernant l’existence, dans les cercles mormons, d’une organisation secrète, liée par le serment, appelée « la Bande des Danites » [1]. Mais la plupart des éléments de preuve confirmant l’existence du groupe venaient d’hommes opposés à Joseph Smith et à ses proches collaborateurs à la direction de l’Église [2].

Les Danites firent leur apparition pendant une période très trouble de l’histoire mormone. Pour cette raison, entre autres, il est très difficile d’isoler les nombreux éléments pour en dégager les faits. Un des buts principaux de cet article est de montrer qui a été responsable de la création et de la poursuite du mouvement et pourquoi.

L’apparition des dissidents

Une des causes majeures de la création des Danites fut la situation financière de l’Église. D’une manière générale, les saints étaient pauvres, situation aggravée par l’insistance répétée de leurs voisins non mormons pour qu’ils trouvent d’autres endroits pour s’installer [3]. De plus, des entreprises financières malavisées contribuèrent à créer des problèmes. La faillite de ce qui a été appelé la Banque de Kirtland en Ohio fut une des causes principales des problèmes du Missouri. Beaucoup parmi les principaux saints subirent de lourdes pertes dans cette entreprise, parmi eux Oliver Cowdery et David Whitmer, le premier, vice-président de l’Église tout entière et le second, président de l’Église en Sion. Avec certains membres du Collège des douze apôtres, il imputèrent leur détresse financière à Joseph Smith et à ses partisans les plus proches. La situation qui en résulta est un des épisodes les plus pénibles de l’histoire de l’Église [4].

En même temps que se déroulaient ces événements en Ohio, il y avait ceux qui se produisaient au Missouri. Pour obtenir de l’argent afin d’acheter des terres dans le nord du Missouri, Thomas B. Marsh et Elisha H. Groves furent envoyés par les membres du Missouri vers les branches dispersées en Illinois, au Kentucky et au Tennessee. Grâce à leurs efforts, ils recueillirent quelques quatorze cents dollars [5]. Ces fonds furent mis entre les mains de John Whitmer et W. W. Phelps, membres de la présidence en Sion. Mais au lieu d’utiliser l’argent comme prévu, les deux présidents achetèrent des terres en leur nom propre et tentèrent de les vendre à leurs frères appauvris avec un petit bénéfice. Ce procédé suscita immédiatement des protestations de toutes parts, les membres insistant sur le fait que les deux hommes n’étaient que des agents désignés pour agir au nom de l’Église. De leur côté, Phelps et Whitmer prétendaient qu’ils avaient droit aux bénéfices en compensation de leur temps et de leurs efforts [6].

Mesures prises contre les dissidents

Au cours de l’hiver de 1837-1838, Oliver Cowdery, David Whitmer et Lyman E. Johnson quittèrent Kirtland (Ohio) pour s’installer à Far West (Missouri). Peu de temps après leur arrivée, ils se lancèrent dans « un système généralisé de calomnies et d’insultes » prétendument « dans le but de détruire la réputation de certaines personnes [7]. » En temps voulu, David Whitmer, W. W. Phelps et John Whitmer furent rejetés comme présidents de l’Église au Missouri. Peu de temps après, une procédure fut entamée contre eux pour les juger, eux et d’autres, en vue de leur exclusion de l’Église [8]. Les procès qui en résultèrent ne contribuèrent pas à apaiser les mauvais sentiments qui existaient déjà, mais ne servirent qu’à les enflammer. Finalement, les saints du Comté de Caldwell décidèrent de débarrasser leur communauté de ces hommes.

Le premier encouragement officiel donné pour éloigner ces « dissidents » du Comté de Caldwell vint sous la forme d’un discours prononcé par Sidney Rigdon le dimanche 17 juin 1838. Ce discours qui, dans des annales de l’histoire de l’Église, a été surnommé le « Salt Sermon » [le sermon sur le sel – NdT], reste un des événements les plus contestables de l’époque [9]. John Corrill, qui fut un de ceux qui entendirent le discours, écrivit à ce propos :

« Le président Rigdon a prononcé du haut de la chaire ce que j’appelle le ‘Salt Sermon’. ‘Si le sel perd sa saveur, il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds des hommes’, telle était l’écriture qu’il a développée. Il n’a pas cité de noms dans son sermon, mais tout le monde a bien compris qu’il parlait des dissidents ou de ceux qui avaient renié la foi. Il a accusé indirectement certains d’entre eux de crime [10]. »

Bien que l’on ne puisse pas démontrer au-delà de toute contestation que le sermon de Rigdon fut la cause principale du départ rapide des dissidents hors du comté, il ne fait guère de doute qu’il joua un rôle important. Les saints de Caldwell semblent avoir estimé que c’était un crime plus grand de tolérer davantage les dissidents que de les chasser [11]. Selon John Corrill, « l’Église, disait-on, ne deviendrait jamais pure si ces dissidents n’étaient pas expulsés de son sein. En outre, si on leur permettait de rester, ils détruiraient l’Église [12]. »

La deuxième mesure prise contre les dissidents eut lieu à ce même moment sous la forme d’un long document dressant la liste des péchés qui leur étaient imputés et leur ordonnant de quitter le pays sous peine de devoir en subir les conséquences. Cet avertissement solennel fut adressé « à Oliver Cowdery, David Whitmer, John Whitmer, W. W. Phelps et Lyman E. Johnson ». (…)

Le document était signé par quatre-vingt-quatre citoyens de Caldwell, mais on ne sait pas qui en est l’auteur [14]. Sampson Avard, fondateur et dirigeant de l’infâme Bande des Danites, fut le premier à signer. Il est possible que ce soit lui qui ait rédigé le document et qui l’ait présenté pour être signé lors d’une ou de plusieurs réunions des Danites. Plusieurs des signataires étaient des membres connus de l’organisation des Danites.

Histoire de Sampson Avard

On ne sait pas grand-chose de Sampson Avard avant son arrivée à Far West aux environs de juin 1838. Il naquit un 23 octobre, année inconnue, dans l’île de Guernesey, paroisse de St. Peter (Angleterre) [15]. Quelque temps avant 1835, il émigra aux États-Unis et s’installa à Freedom (comté de Beaver, Pennsylvanie), où il s’engagea pendant un certain temps comme prédicateur campbellite [16]. On ne sait pas au juste comment il entra en contact avec l’Église, mais il existe une indication qu’il s’y intéressait dès octobre 1835 [17]. Il fut baptisé vers cette époque par Orson Pratt, qui l’ordonna immédiatement ancien et le mit à part comme président de sa branche locale [18]. Alors qu’il remplissait toujours ses fonctions, Avard fit un peu de travail missionnaire près de chez lui avec Erastus Snow [19].

Il s’installa à Kirtland à la fin de 1836. Peu de temps après son arrivée, il demanda et reçut une bénédiction patriarcale de Joseph Smith, père [20]. Un an plus tard, en octobre 1837, sa licence de grand prêtre fut révoquée par son collège à Kirtland [21]. Bien que la nature de l’infraction d’Avard ne soit pas spécifiée, B. H. Roberts affirme qu’elle résidait dans le fait qu’il était allé au Canada peu après son arrivée à Kirtland et qu’il avait présenté de fausses lettres de créance à John Taylor, qui était alors l’officier président, affirmant qu’il avait été nommé président de la branche à la place de Taylor. Roberts en conclut qu’Avard s’était rendu au Canada à la demande des « apostats » de Kirtland, qui souhaitaient remplacer Taylor par quelqu’un de moins loyal à Joseph Smith. Plus tard, quand Joseph Smith et Sidney Rigdon firent une visite au Canada, l’affaire fut éclaircie. Le Prophète, dit-on, réprimanda sévèrement Avard pour ce qu’il avait fait et par conséquent Avard perdit sa licence [22].

En juin 1838, Avard était à Far West. Le 2 juin, Oliver Cowdery écrivit ce qui suit à ses frères Lyman et Warren à Kirtland : « Avard est arrivé il y a quelque temps. Il semble très amical, mais je le considère avec tant de mépris qu’il ne retirera probablement que très peu de choses de moi [23]. » Avard fut excommunié de l’Église le 17 mars 1839 à Nauvoo, en même temps que George M. Hinkle, John Corrill, Reed Peck, W. W. Phelps, Thomas B. Marsh, Burr Riggs et plusieurs autres [24].

Tout indique que l’ordre des Danites apparut vers l’époque où Sidney Rigdon donna libre cours à ses sentiments dans son « Salt Sermon ». Le but de l’ordre, à l’origine, semble avoir été d’aider les saints de Caldwell dans leur volonté de se libérer de l’influence des dissidents. John Corrill, qui fut présent à au moins une des toutes premières réunions du groupe, dit : « Il y eut un effort pour élaborer un plan pour se débarrasser des dissidents. » Il prétend, avec d’autres, s’être opposé à la création d’une bande dans ce but, mais en vain. Il dit :

« Je pense que le but originel de la bande des Danites était d’agir contre les dissidents ; mais par après, elle devint un système visant à exécuter les projets de la Présidence et, s’il s’avérait nécessaire de faire usage de la force physique pour édifier le Royaume de Dieu, c’étaient eux qui devaient le faire. C’est mon opinion concernant leur objectif ; et j’ai appris cela de diverses sources liées à la bande [25]. »

Avard, le premier de ceux qui témoignèrent lors de l’audience du tribunal de Richmond en novembre 1838, le confirme. Selon sa version, le but original de la bande « était de chasser du comté de Caldwell tous ceux qui devenaient dissidents de l’Église mormone [26]. »

Avec la fuite des dissidents le 19 juin 1838, les Danites perdaient leur raison d’être [27].Il fallait trouver un nouvel objectif pour justifier leur maintien. Les menaces guerrières que lançaient continuellement contre les saints leurs voisins missouriens fournissaient justement cette justification, à savoir : une protection contre la violence des émeutiers. Reed Peck, qui assista à une réunion présidée par Avard, affirme s’être entendu dire que le but principal de l’organisation des Danites était que ses membres « puissent être organisés plus parfaitement pour nous défendre contre les émeutiers [28]. » Sidney Rigdon prétendit plus tard que « les Danites furent organisés pour assurer une protection mutuelle contre les bandes qui se formaient et qui menaçaient de se former [29]. » Luman Andros Shurtliff, qui fut à un moment donné membre de l’ordre, écrivit que l’organisation des Danites « fut créée pour notre défense personnelle, ainsi que pour celle de nos familles, de nos biens et de notre religion [30]. »

Avec le temps, l’ordre, sous la direction d’Avard, se donna un troisième but, qui état totalement étranger à l’esprit de l’Église : les représailles contre ceux qui commettaient des déprédations contre les saints sans défense [31]. Selon les renseignements reçus par Joseph Smith après la disparition des Danites, Avard enseigna en secret à ses troupes :

« Ne savez vous pas, frères, que vous aurez bientôt la possibilité de prendre vos compagnies respectives, de faire une expédition sur les frontières des colonies et de vous approprier comme butin les biens des Gentils impies? Car il est écrit : Les richesses des Gentils seront consacrées à mon peuple, la maison d’Israël ; et ainsi vous balayerez les Gentils en les volant et en pillant leurs biens ; et de cette façon nous édifierons le Royaume de Dieu [32]. »

(…)

La nature de la société des Danites : ses enseignements et ses pratiques

L’enseignement et les pratiques de l’ordre des Danites lui donnaient son identité et son caractère propre. Joseph Smith le qualifia un jour de « combinaison secrète [38] », le rattachant ainsi aux organisations sataniques mentionnées dans le Livre de Mormon [39].

Le recrutement dans la bande semble s’être fait par le contact personnel et l’admission comme membre était exclusivement sélective. (…) [40]

L’aspect le plus important de la société des Danites, à part son caractère apparemment exclusif, était sa nature secrète. Les lieux de réunions étaient soigneusement gardés pour empêcher l’accès d’intrus. De plus, disait-on, ceux qui se rendaient à la réunion étaient « bien armés, certains avaient des sabres, d’autres des pistolets, d’autres encore des fusils et des fouets [41]. » Il était commandé aux initiés de régler tous leurs différends avec les futurs frères danites avant qu’ils ne soient acceptés comme membres à part entière afin de réduire le risque de divulguer les secrets danites dans un moment de colère.

Les secrets de l’ordre étaient en outre protégés par des serments et des alliances solennels que chaque initié était tenu de contracter. Selon Avard, le serment de garder le secret était imposé pour que tous les membres soient liés par alliance pour que tous ceux qui révélaient les secrets de la société soient mis à mort [42]. (…)

Personnalité et méthodes d’Avard

Rien ne révèle mieux la nature de la personnalité de Sampson Avard que la rapidité avec laquelle il enfreignit son serment danite et « se mit à table » après sa capture. Il prétendit que le Danitisme était un ordre de l’Église et qu’il ne faisait qu’agir sous les ordres de la Première Présidence mormone [53].

Son témoignage fut accepté sans difficulté par tous ceux qui s’opposaient au mormonisme [54]. Le général John B. Clark, qui fit Avard prisonnier, rapporta ce qui suit au gouverneur Boggs : « Je dois faire remarquer ici que s’il n’y avait pas eu la capture de Sampson Avard, le dirigeant mormon, je ne crois pas que j’aurais pu obtenir des faits utiles. Personne ne nous a rien révélé d’utilisable jusqu’à ce qu’on l’amène [55]. » Compte tenu de la nature secrète de l’ordre des Danites et le fait qu’Avard en était le principal représentant, il est facile de voir comment il a pu fournir tant de « faits utilisables ».

Il y a de nombreux indices qui prouvent qu’Avard était malhonnête. Nancy Rigdon, l’une des rares personnes autorisées à témoigner en faveur des prisonniers mormons, dit qu’elle avait personnellement entendu Avard dire « qu’il était capable de mentir sous serment pour obtenir un but quelconque, qu’il avait dit de nombreux mensonges et en dirait encore [56]. » Pendant qu’il attendait d’être jugé, Avard aurait dit à Oliver Olney que « si lui, Olney, souhaitait s’en sortir, il devait jurer de toutes ses forces contre les dirigeants de l’Église, car c’étaient eux que le tribunal voulait incriminer… j’ai l’intention de le faire… car si je ne le fais pas, ils m’ôteront la vie [57]. » Joseph Smith accusa Avard d’avoir enseigné à ses capitaines qu’il était prêt à mentir sous serment pour laver n’importe lequel d’entre eux d’une accusation et qu’ils devaient faire la même chose [58]. Lyman Wight écrit ce qui suit dans son journal :

« 12 novembre. La session du tribunal s’est ouverte ce matin et Sampson Avard a prêté serment. C’était un homme dont la réputation était totalement ruinée à tous les niveaux de la société et, alors qu’il était étranger, il s’est imposé à l’Église mormone et pour monter dans l’estime de l’Église, il a inventé des projets et des plans pour s’opposer à la dictature des émeutiers, des programmes qui étaient tout à fait contraires aux lois de cet État et des États-Unis et il s’est souvent efforcé de les imposer aux membres de l’Église et, lorsque Joseph Smith le repoussait, il en était souvent chagriné. Il m’a dit un jour que la raison pour laquelle il ne pouvait pas réaliser ses plans était que la Première Présidence de l’Église craignait qu’il ait trop d’influence et n’acquière l’honneur que la Présidence désirait se réserver. À un moment donné, il m’a dit qu’il serait damné s’il ne menait pas à bien ses plans. Plus d’une fois il a conspiré contre elle (la Présidence) pour lui ôter la vie, pensant pouvoir ensuite gouverner l’Église. Amené devant le tribunal, il a juré que tous ses projets relevant de la trahison (qu’il s’était juré de mener à bien) avaient été conçus par nous [59].

Morris Phelps, qui avait été Danite à un moment donné et qui passa l’hiver de 1838-1839 en prison pour de prétendus méfaits, écrit :

« Il [Avard] finit par se transformer en conspirateur et chercha à se lier d’amitié avec le monde et de sauver sa peau en portant de faux témoignages contre la vie des innocents. Ce Samson moderne était quelqu’un qui s’était insinué parmi des mormons qui avaient déclaré ne plus vouloir supporter les insultes d’émeutiers et étaient décidés à les combattre pour se défendre et il était là et pas un peu quand il y avait des choses à trouver dans une maison évacuée par les émeutiers. Mais quand il devait affronter l’ennemi, [il était] comme le Samson d’autrefois, se battant pour ses droits. Trois jours après avoir été découvert par les émeutiers, dans un bouquet d’arbres, à plusieurs kilomètres du danger, pensait-il, il fut amené dans leur camp et il était tout miel et tout sucre [60]. »

Il est évident que les capacités de persuasion d’Avard n’étaient pas des moindres. De plus, sa capacité d’utiliser à ses propres fins des notions familières et sacrées était aussi ingénieuse que perverse. Dans les instructions qu’il donnait à ses capitaines danites, par exemple, il aurait enseigné que le vol n’était pas quelque chose de mal à condition qu’on le fasse pour soutenir le Royaume de Dieu [61]. En parlant en particulier de piller les ennemis de l’Église, Avard dit :

« De cette façon nous édifierons le Royaume de Dieu et nous ferons rouler la petite pierre dont Daniel a vu qu’elle se détachait de la montagne sans l’aide d’aucune main et roulait jusqu’à ce qu’elle remplisse la terre entière. Car c’est exactement comme cela que Dieu envisage d’édifier son royaume dans les derniers jours [62]. »

Dans son exploitation de la crédulité de ses frères, Avard enseigna à ses partisans de manifester une fidélité extérieure à l’Église en consacrant au magasin de l’évêque tout le butin pris aux Gentils [63]. John Clemenson témoigna lors du procès que Dimick B. Huntington, un Danite, l’informa personnellement qu’à Gallatin les Missouriens prirent les marchandises du magasin d’un certains Jacob Stollings, les empilèrent à l’extérieur, puis mirent le feu au bâtiment, ostensiblement pour imputer le méfait aux mormons [64]. Toutefois, pendant que les Missouriens étaient partis chercher des chariots pour emporter les marchandises, les Danites arrivèrent, empilèrent les marchandises dans leurs chariots et partirent. Clemenson dit :

« D’après ce que je sais, les marchandises furent remises à l’évêque de l’Église à Diahman comme propriété consacrée à l’Église. Beaucoup de biens ont étés amenés dans les camps mormons, mais je ne sais pas d’où ils venaient. J’ai cru comprendre que c’étaient des biens consacrés. On faisait souvent la réflexion parmi les troupes que le moment était venu où les richesses des Gentils devaient êtres consacrées aux saints [65]. »

Avard enseigna à ses partisans que s’ils étaient fidèles, le Seigneur les protégerait en temps de guerre. Selon Joseph Smith, il dépeignit à ses partisans « une grande gloire qui planait à ce moment-là au-dessus de l’Église et allait bientôt se déverser sur les saints comme une nuée le jour et une colonne de feu la nuit [66]. » Reed Peck ajoute que « il décrivait d’une manière extrêmement frappante des victoires dans lesquelles un homme en poursuivrait mille et deux en mettraient dix mille en fuite, promettant l’aide des anges » si le besoin s’en faisait sentir. Selon Peck, il faisait tout pour inspirer chez les Danites du zèle et du courage et pour leur faire croire que Dieu allait bientôt « réaliser son ‘acte étrange’ » dont les Danites devaient être les instruments choisis [67]. John D. Lee confirme cela. Il porte l’accusation que l’on enseignait aux Danites que s’ils consacraient fidèlement leurs richesses au Seigneur, « le Seigneur… mènerait leurs batailles et les sauverait de leurs ennemis [68]. »

Avard semble avoir été extrêmement habile à convaincre ses partisans qu’il avait l’aval des dirigeants de l’Église pour ses opérations. Toutefois, pour les empêcher de s’informer personnellement, il leur faisait jurer de conserver « un secret éternel sur tout ce qu’il leur communiquerait ». Des réunions avaient lieu tous les jours et étaient menées à une telle allure qu’il était presque impossible de « réfléchir mûrement à la question ». Au cours de l’endoctrinement de ses capitaines, Avard aurait dit :

« Si l’un de nous était reconnu [c’est à dire par un ennemi], qui peut nous faire du mal? Car nous nous serrerons les coudes et nous nous défendrons les uns les autres en tout. Si nos ennemis jurent contre nous, nous pouvons jurer aussi. Pourquoi sursautez-vous en entendant cela, frères ?

« Comme le Seigneur vit, je mentirais sous serment pour disculper n’importe lequel d’entre vous et si cela ne suffisait pas, je les mettrais [c.-à-d. les ennemis]sous le sable comme Moïse l’a fait avec l’Égyptien ; et de cette façon nous consacrerons beaucoup de choses au Seigneur et nous édifierons son royaume et qui peut s’opposer à nous ? Si l’un de nous transgresse, nous lui ferons son affaire entre nous. Et si quelqu’un de cette société des Danites révèle l’une de ces choses, je le mettrai là où les chiens ne pourront pas le mordre [69]. »

Naturellement, les partisans d’Avard étaient consternés par certains de ses enseignements. Ces instructions allaient à l’encontre de leur compréhension de la façon dont le royaume de Dieu serait édifié. Avard essaya de calmer leurs appréhensions en affirmant que si de tels actes pouvaient être illégaux aux yeux de l’homme, de toutes façons, sur la terre, « aucune loi n’était exécutée en justice » et même si c’était le cas, elle ne s’imposerait pas aux saints, parce que ceux de l’Église appartenaient à une nouvelle dispensation, une période de temps où « le royaume de Dieu devait abattre tous les autres royaumes » et le Seigneur lui-même allait régner et ses lois seules étaient les lois qui existeraient [70].

Les mobiles qui ont amené Avard à organiser les Danites ne sont pas tout à fait clairs. Au départ il a pu être animé du désir sincère de protéger la vie des saints et de préserver les principes de liberté qui leur étaient chers. Mais il utilisa l’organisation à d’autres fins. Joseph Smith était enclin à être d’avis qu’Avard « aspirait en secret à être le plus grand des grands et à devenir le chef du peuple (mormon). Le Prophète dit :

« À une époque ou les émeutiers opprimaient, volaient, fouettaient, brûlaient, pillaient et tuaient jusqu’à ce que la patience ne semble plus être une vertu et que rien d’autre que la grâce de Dieu déversée sans mesure ne pouvait soutenir des hommes subissant de telles épreuves, [Avard chercha à] créer une combinaison secrète qui lui permettrait de s’élever pour devenir un grand conquérant aux dépens et pour la perte de l’Église. Il essaya d’y parvenir par les discours mielleux, flatteurs et ensorceleurs qu’il adressait souvent à ses associés, tandis que sa salle était bien gardée par certains de ses partisans prêts à lui donner le signal à l’approche de quiconque n’approuverait pas ses mesures [71]. »

(…)

Relation des Danites avec « les armées d’Israël »

L’accroissement des hostilités et des menaces d’hostilités vers la fin de l’été et le début de l’automne de 1838 incita les saints à s’organiser en groupes militaires pour se défendre. Sur le conseil du général Alexander Doniphan, brigadier général du nord du Missouri, les saints créèrent deux unités, une à Far West et l’autre à Adam-ondi-Ahman [77]. Beaucoup de ceux qui appartenaient à ces unités légitimes étaient également membres du clan danite. Autant que nous le sachions, quasiment aucun effort n’était fait pour faire la distinction entre les activités que l’on avait dans l’un ou dans l’autre groupe [78]. En outre, les Danites et les troupes légitimes étaient organisées en compagnies de dix et de cinquante, ce qui brouillait encore davantage les choses. Joseph Smith essaya de faire la distinction entre les groupes en ces termes :

« Qu’il soit bien compris ici que les compagnies de dix et de cinquante créées par Avard étaient totalement séparées et distinctes des compagnies de dix et de cinquante organisées par les Frères pour se défendre en cas d’attaque des émeutiers. Cette dernière organisation a été créée plus particulièrement afin qu’en ces temps de grande alarme aucune famille ou personne ne soit négligée. Par conséquent, une compagnie s’occupait à abattre des arbres, une autre à les découper, une autre à cueillir du maïs, une autre à moudre, une autre à la boucherie, une autre à la distribution de viande etc., etc., pour que tous aient quelque chose à faire à leur tour et que personne ne manque de ce qui est nécessaire à la vie [79]. »

Une fois capturé par les Missouriens, Avard se dit apparemment très vite que s’il pouvait convaincre le tribunal que les deux types de troupes n’étaient qu’une seule et même chose et que la Première Présidence était responsable de leur création et de leur maintien, on le mettrait en liberté. C’est exactement la position qu’il adopta et son témoignage fut accepté sans discussion, car Avard ne fut jamais censuré d’aucune façon pour ses liens avec les Danites. Joseph Smith, par contre, tenait à ce qu’il soit bien entendu que les deux groupes étaient distincts. Il écrit :

« Que personne dorénavant, que ce soit par erreur ou volontairement, ne confonde cette organisation [c.-à-d. la milice légitime de Far West] de l’Église créée dans des intentions bonnes et justes avec l’organisation des ‘Danites’ par l’apostat Avard, qui est morte presque avant de naître [80]. »

D’autres facteurs montrent bien que les deux groupes étaient distincts. Contrairement à la recherche du secret de la part des Danites, l’appartenance aux « armées d’Israël » [81] était accessible à tous les hommes valides. En outre, les armées d’Israël avaient un but purement défensif et ne se distinguaient pas par des serments secrets ou des mots de passe d’aucune sorte. Elles étaient gérées de manière publique conformément à la discipline militaire reconnue.

Rien ne confirme autant le fait que ces deux groupes étaient séparés que la comparaison entre les officiers des deux organisations. Reed Peck, membre à un moment donné des Danites, affirme ce qui suit :

« Philo Dibble m’a dit qui étaient les officiers de la bande des Danites : que George W. Robinson était colonel, que lui [Dibble] était lieutenant colonel et Seymour Brunson, major, et que j’étais choisi comme adjudant. Après cela, j’ai eu une conversation avec George W. Robinson, dans laquelle j’ai appris en outre que Jared Carter était capitaine général de la bande, Cornelius P. Lott, major général, et Sampson Avard, brigadier général. Ceci selon mes souvenirs [82]. »

Par contre, l’organisation des armées d’Israël, était la suivante :

« Il fut décidé que le Colonel Wight serait commandant en chef à Adam-ondi-Ahman ; [Seymour] Brunson, capitaine des volants de Daviess ; le colonel [George M.] Hinkle, commandant en chef des troupes de Far West ; le capitaine Patten, capitaine de la cavalerie [à Far West] ; et que le Prophète, Joseph Smith, fils, serait le commandant en chef du royaume tout entier [83].

On remarquera que, dans la citation ci dessus, Avard met Joseph Smith comme « commandant en chef » des armées d’Israël et ne parle absolument pas de lui-même. De cette façon, Avard, qui ne pouvait manquer de connaître la différence entre les deux organisations, essaya de faire payer au prophète mormon la sottise d’Avard. Cependant, George M. Hinkle, démasqua involontairement la gredinerie d’Avard lors de l’audience lorsqu’il se plaignit amèrement de ce que les Danites lui avaient enlevé tout pouvoir ainsi qu’aux officiers des troupes de Far West. Il fait donc clairement la distinction entre les deux groupes [84].

Rapport des Danites avec la Première Présidence

On peut naturellement se poser la question de savoir ce que les membres de la Première Présidence savaient du mouvement danite. Avard enseignait systématiquement à ses partisans qu’il avait le soutien sans réserve des plus hauts dirigeants de l’Église [85]. Étant donné la nature secrète de l’ordre et les châtiments sévères infligés en cas de diffusion des secrets des Danites en dehors des lieux secrets, les membres qui entretenaient des doutes ne semblent pas s’être sentis libres de s’informer par eux-mêmes. Mais avec le temps, certains membres commencèrent à insister pour avoir une visite de la Première Présidence.

Selon Peck, Avard céda à contre-cœur, ayant insisté longuement sur le fait qu’il était « impossible à la présidence de venir expliquer ses idées et ses souhaits » à cause du poids écrasant de ses devoirs religieux [86]. L’un de ceux qui réclamaient la visite était Lorenzo Dow Young. Selon son témoignage, il considérait que ce qu’il entendait aux réunions danites était « en contradiction flagrante avec les principes enseignés par les dirigeants de l’Église et par les anciens en général ». Parlant de ses efforts personnels pour inciter Avard à céder, Young écrit :

« Le point culminant finit par arriver. Lors d’une des réunions, le Dr Avard exigea particulièrement que toutes les personnes présentes qui avaient assisté aux réunions deviennent immédiatement membres de la société en contractant les alliances requises et je fus spécialement désigné. Je demandai la parole. Elle me fut accordée. Je commençai par donner les raisons pour lesquelles j’étais entré dans la société et j’allais en démasquer la méchanceté lorsque le Dr Avard m’ordonna péremptoirement de m’asseoir. Je refusai de m’asseoir avant d’avoir complètement exprimé mes idées. Il menaça d’appliquer la loi de l’organisation sur-le-champ. Je me trouvais directement face à lui et j’étais bien préparé pour l’événement. Je lui dis de toute l’énergie dont je disposais, par le ton et par mon attitude, que j’avais autant d’amis dans la maison que lui et que s’il faisait le moindre geste pour mettre sa menace à exécution, il ne sortirait pas vivant de la maison car je le tuerais sur place. Il n’essaya pas de mettre sa menace à exécution, mais la réunion prit fin. Sorti de la réunion, je me rendis directement chez frère Brigham et lui racontai toute l’histoire. Il dit qu’il soupçonnait depuis longtemps le Dr Avard de manigancer des choses mauvaises en secret [87]. »

Ce genre de pression eut pour résultat la seule visite connue de Joseph et de Hyrum Smith aux réunions danites. Les éléments dons nous disposons montrent que Rigdon fut présent plus d’une fois, peut-être à plusieurs reprises. À la réunion, Avard informa les personnes présentes qu’il avait « décidé la Présidence à venir pour montrer que ce qu’il faisait était conforme à ses directives et à sa volonté ». Peck ajoute cependant qu’Avard « n’expliqua pas à la Présidence » en la présence des personnes assemblées « ce qu’avaient été au juste ses enseignements dans cette société » [88]. John Clemenson, également présent en cette occasion, témoigne :

« Les trois qui composaient la Présidence assistèrent à l’une de ces réunions et pour satisfaire les gens, le Dr Avard donna la parole à Joseph Smith, qui leur fit le serment que s’il les entraînait dans des difficultés, il leur donnerait sa tête comme ballon de football ; qu’il était de la volonté de Dieu qu’il en soit ainsi. L’instructeur et l’agent actif de la société était le Dr Avard [89]. »

C’est pendant la deuxième étape du développement danite, à savoir au moment où les saints se préparaient à résister aux nombreuses troupes d’émeutiers qui se formaient et menaçaient de se former, que la Première Présidence fit son unique visite. Ne comprenant pas pleinement tout ce que Avard avait à l’esprit ni la nature dévastatrice de ses enseignements, Joseph Smith a pu avoir le sentiment que l’existence de la société avait une base légitime en ce sens qu’elle était organisée à des fins de protection. C’est certainement à cette lumière qu’il faut interpréter son commentaire « qu’il était de la volonté de Dieu qu’il en soit ainsi ». Réfléchissez à la déclaration suivante de Joseph Smith :

« Le système danite… n’eut jamais d’existence officielle [c’était un terme utilisé par certains des frères] à Far West et découla de l’expression dont je m’étais servi lorsque les frères se préparaient à se défendre contre la populace du Missouri à propos du vol des idoles de Mica (Juges 18). Si l’ennemi vient, les Danites les poursuivront, voulant dire par là les frères pour des raisons d’autodéfense [90]. »

Apparemment Avard profita de l’expression et l’appliqua à sa bande secrète. C’est ainsi que Joseph Smith put écrire dans sa prison en 1838 :

« Nous avons appris… depuis que nous sommes en prison que beaucoup de choses fausses et pernicieuses qui visaient à égarer les saints et à faire beaucoup de tort ont été enseignées par le Dr Avard comme si elles venaient de la Première Présidence et nous avons des raisons de craindre que beaucoup d’autres individus comploteurs et corrompus comme lui enseignent beaucoup de choses dont la Présidence, avant son incarcération, ne savait absolument pas qu’on les enseignait dans l’Église. Si elle l’avait su, elle les aurait méprisés, elles et leurs auteurs, comme elle méprisait les portes de l’enfer. Nous voyons donc qu’il y a eu des falsifications, des abominations secrètes et des œuvres perverses de ténèbres qui se sont passées, jetant la confusion et la détresse dans l’esprit de ceux qui sont faibles et qui ne se méfient pas, tout cela en l’attribuant à la Présidence, alors que la Présidence ne savait rien et qu’elle était innocente de ces choses… [91]. »

Plus tard, dans une deuxième lettre envoyée de la prison de Liberty, le Prophète écrit :

« J’estime qu’il ne faut pas organiser des bandes ou des compagnies, par alliance ou par serment, par châtiments ou par le secret ; que le passé ou nos expériences et nos souffrances dues à la méchanceté du Dr Avard suffisent et que notre alliance soit celle de l’Alliance éternelle, telle qu’elle est contenue dans l’Écriture, et les choses que Dieu nous a révélées. L’amitié pure est toujours affaiblie dès l’instant où l’on entreprend de la renforcer par des serments assortis de châtiments et par le secret [92]. »

On ne connaît pas le rôle exact joué par la Première Présidence dans ce qu’on a appelé la Guerre mormone [93]. George M. Hinkle, mécontent d’avoir soi disant été maltraité par Joseph Smith, témoigna lors de l’audience comme suit :

« Je me souviens qu’au conseil à Far West, quelques jours avant l’arrivée de la milice de l’État, en ce qui concerne les dispositions à prendre pour la guerre, la Présidence devait avoir la direction suprême et que son quartier général devait être à Diamon où vivait Joseph Smith, fils, elle pourrait faire tous les préparatifs nécessaires pour mener la guerre d’une manière guerrière et elle devait s’y rendre dans un jour ou deux pour y siéger [94]. »

John Clemenson témoigne : « Il n’était pas rare qu’un membre de la présidence… prenne les armes et se joigne aux troupes [95] » alors qu’Alanson Ripley, Heber C. Kimball, William Huntington et Joseph B. Noble signaient une déclaration officielle affirmant que le Prophète mormon « n’a jamais commandé aucune compagnie militaire ni détenu aucune autorité militaire ni n’a porté les armes au milieu des troupes [96]. »

Pour qui se demande comment quelqu’un qui avait un poste aussi éminent que Joseph Smith a pu être à ce point ignorant de ce que faisaient les Danites, en particulier quand on tient compte de l’importance de l’ordre [97], ce qui suit devrait être intéressant. John Taylor, habitant éminent de Far West pendant la dernière moitié de 1838, dit un jour dans un sermon public : « J’ai beaucoup entendu parler de Danites, mais je n’ai jamais entendu dire qu’ils existaient chez les saints des derniers jours. S’il y a eu une organisation de ce genre [c.-à-d. en 1838], on ne m’en a pas informé [98]. » Le témoignage de Taylor est confirmé par Luman Shurtliff, un Danite qui, tandis qu’il était de garde avec Taylor pendant une phase difficile de la guerre mormone, donna le signal de détresse danite et s’aperçut que Taylor ne le reconnaissait pas [99]. Les liens de Sidney Rigdon avec les Danites prêtent véritablement à discussion. Comme nous l’avons montré tout au long de cette étude, Rigdon fut présent plus d’une fois aux réunions danites. Lors de son témoignage personnel au sujet de l’ordre, Rigdon en parla sur un ton beaucoup moins méprisant que Joseph Smith ; en fait, son ton donne parfois à penser qu’il l’approuvait :

« Quelque temps auparavant [les problèmes du comté de Daviess], en conséquence des menaces que lançaient les émeutiers ou ceux qui étaient en train de se constituer en groupes d’émeutiers, et des méfaits commis par eux sur les personnes et les biens des citoyens, une association fut créée appelée la bande des Danites.

« Ceci, pour autant que je le sache (n’étant pas l’un des leurs, pas plus que Joseph Smith, père [100]), visait à assurer une protection mutuelle contre les bandes qui se formaient et menaçaient de se former dans le but avoué de se livrer à des violences sur les biens et les personnes des citoyens des comtés de Daviess et de Caldwell. Ils avaient des signes et des mots qui leur permettaient de se reconnaître, que ce soit de jour ou de nuit. Ils étaient tenus de garder secrets ces signes et ces mots pour que personne d’autre qu’eux ne puisse les reconnaître. Lorsque l’une de ces personnes était assaillie par une bande de hors la loi, elle en informait les autres, qui venaient à sa rescousse au péril de leur vie.

« C’est de cette façon qu’ils cherchaient à défendre mutuellement leur vie et leurs biens, mais il leur était strictement commandé à ne toucher personne, si ce n’est ceux qui se livraient à des actes de violence contre les personnes ou les biens de l’un des leurs ou contre l’un de ceux dont ils s’étaient engagés à défendre la vie et les biens [101]. »

Certaines déclarations attribuées à Rigdon au cours de cette période ont un fort relent danite. Nous avons déjà parlé du « Salt Sermon », le document cinglant écrit aux dissidents en juin 1838, et du « discours du 4 juillet ». Daryl Chase, l’un des biographes de Rigdon, reconnaît que même si le témoignage rendu contre Rigdon lors du procès était partial, il montre bien qu’il était un des principaux « centres d’agitation du côté mormon [102] ». Voici quelques échantillons de la rhétorique attribuée à Rigdon pendant cette période difficile :

Parlant des dissidents qui n’étaient pas disposés à combattre les émeutiers, Rigdon dit qu’on devrait les asseoir sur leur cheval avec des fourches et des baïonnettes, les obliger à se mettre en première ligne et leur confisquer leurs biens au profit de l’armée [103].

« Dès avril dernier, lors d’une réunion de huit à douze personnes à Far West, M. Rigdon se leva et leur adressa un discours dans lequel il dit qu’il avait supporté des persécutions, des procès et d’autres privations et qu’il n’avait pas l’intention d’encore les supporter ; qu’il avait l’intention de résister à la loi et que si un shérif les poursuivait avec des mandats, ils le tueraient et que si quelqu’un s’opposait à eux, ils lui couperaient la tête. George W. Harris, qui était là, fit la réflexion : ‘Je suppose que vous entendez par là la tête de leur influence.’ Rigdon répondit qu’il entendait par là le morceau de chair et d’os appelé le crâne…[104]

« Je fus invité dans une école où, disait-on, le peuple s’était rassemblé. Je m’y rendis et fus reçu… une garde fut placée autour de la maison et une à la porte. M. Rigdon commença alors à faire des alliances à main levée. La première était que si un homme essayait de quitter le comté ou de faire ses malles dans ce but, quiconque se trouvant dans la maison et voyant cela devait sans rien dire à qui que ce soit d’autre le tuer et le cacher dans les buissons et que tout l’enterrement qu’il devait avoir devait être dans les boyaux d’un vautour de sorte qu’il ne reste de lui que les os. Cette mesure fut adoptée à main levée sous forme d’alliance. Une fois que le vote eut été émis, il dit : Voyons maintenant si quelqu’un ose voter contre et il demanda les votes d’opposition et il n’y en eut pas. L’alliance suivante, que si quelqu’un de la région avoisinante venait en ville et s’y promenait – peu importe qui c’était – quiconque assistant à cette réunion devait le tuer et le jeter dans les buissons. Cela fut adopté comme précédemment. La troisième alliance était de ‘cacher toutes ces choses’. M. Rigdon fit alors la réflexion que le royaume de Dieu n’avait pas de secret, qu’hier un homme avait ‘oublié de respirer’ et avait été traîné dans les buissons et, dit-il, celui qui le raconte mourra [105]. »

Le témoignage ci-dessus vient d’hommes qui éprouvaient de l’animosité pour Rigdon et doit être considéré sous ce jour. Comme le fait remarquer Daryl Chase : « S’il y a ne serait-ce qu’une particule de vérité dans les attestations sous serment des apostats, Rigdon a fait des déclarations insensées » en plusieurs occasions. Les faits montrent, conclut Chase, que Sidney était « un homme dangereux pour exercer une autorité dans une telle situation [106]. » Plus tard il dit que « si le prophète avait le moindre désir de maîtriser le langage extravagant de Rigdon, il n’y réussit pas beaucoup [107]. »

Avard passe pour avoir dit qu’il avait reçu son autorité pour diriger l’ordre danite de la part de Sidney Rigdon [108]. La véracité de cette affirmation, comme de toutes les autres qui viennent d’Avard, est sujette à caution étant donné l’empressement bien connu d’Avard d’impliquer tout le monde sauf lui. Il est possible, au vu des liens ultérieurs de Rigdon avec l’Église, qu’il a pu avoir certains liens avec l’organisation. À partir du moment où il fut libéré de prison en janvier 1839, l’intérêt de Sidney pour l’Église commença à diminuer. Il aurait dit à Brigham Young qu’il ne suivrait « plus jamais les révélations de frère Joseph si cela ne lui convenait pas » et que « comparé à lui dans les souffrances, Jésus-Christ était un insensé [109] ». Rigdon accepta d’aller à Washington pour présenter le cas des saints affligés, mais ne s’en acquitta jamais et en 1843 Joseph Smith commença à soupçonner que Rigdon s’était ligué aux « émeutiers du Missouri » pour causer sa perte [110].

Pour ce qui est de Hyrum Smith, deuxième conseiller dans la présidence, aucune accusation précise contre lui ne découla de l’audience. John Clemenson témoigna :

« Pour ce qui est de Hiram [sic] Smith, je le considère personnellement comme quelqu’un de bien intentionné ; mais en même temps que d’autres, selon l’ordre de la société danite, je pensais que j’aurais autant à craindre de lui que des autres [111]. »

Avard lui-même témoigna :

« Je n’ai jamais entendu Hiram [sic] faire la moindre réflexion enflammée ; mais je le considère comme l’un de ceux qui composent la Première Présidence, agissant de concert avec Joseph Smith, fils, approuvant, par sa présence, ses actes et ses conversations, les projets illégaux de la présidence [112]. »

La seule accusation d’Avard à l’encontre de Hyrum Smith était qu’il était membre de la Première Présidence et par conséquent coupable par association.

Résumé et conclusions

L’attitude que l’on adopte vis-à-vis de l’origine et du développement du problème danite dépend en grande partie du genre de témoignage que l’on est disposé à accepter.

Lorsque l’on tient compte du penchant bien connu d’Avard pour le mensonge aussi bien que ses enseignements non chrétiens aux Danites, il est difficile de voir quel crédit on pourrait accorder à sa parole. De plus, l’empressement avec lequel Avard, une fois appréhendé par la loi, enfreignit son alliance et « se mit à table » en dit long sur sa personnalité.

Les éléments qui permettent de comprendre l’ordre danite viennent de trois sources essentielles. Certains viennent de membres qui n’avaient rien à cacher. D’autres de membres qui souhaitaient impliquer tout le monde sauf eux-mêmes. Une source majeure est Joseph Smith, qui glana son information après la fin de l’ordre. Ce ne fut que lorsque le procès eut lieu que Joseph et son entourage direct prirent conscience de toute l’étendue de l’œuvre d’Avard. Du fond de sa cellule, le prophète mormon renia formellement l’ordre Danite et mit sévèrement en garde contre toutes les associations futures de ce genre.

On reste ébahi devant les méthodes employées par Avard. À l’aide de signes et de symboles secrets communiqués lors de réunions secrètes fortement gardées contre toute intrusion, Avard fit jurer à ses hommes un secret éternel. Cela les mettait dans l’impossibilité, sous peine de mort, de s’informer de la vérité auprès de Joseph Smith ou d’autres dirigeants de l’Église. Avard se montra extérieurement fidèle aux pratiques de l’Église en obéissant à la loi de consécration et en disant à ses partisans de faire de même.

L’ordre danite dura moins de cinq mois. Lorsque Avard eut été fait prisonnier en novembre 1838, le mouvement disparut rapidement. C’est alors qu’Avard fit appel à son ingéniosité pour s’extirper de la situation difficile dans laquelle il était. Profitant du fait que les dirigeants de l’Église étaient impopulaires auprès de la populace du Missouri ainsi que du fait que c’étaient eux que le tribunal souhaitait condamner, il s’employa soigneusement à transférer la responsabilité de l’ordre de ses épaules à celles de Joseph Smith et de ses collaborateurs directs. Comme c’était à la mode à l’époque d’imputer au prophète mormon tout ce qui allait de travers dans le mormonisme, les ennemis de l’Église acceptèrent les mensonges d’Avard sans poser de questions. Sampson Avard, créateur, cheville ouvrière et théoricien de la bande des Danites, ne fut jamais puni pour ses crimes. Joseph Smith et les autres officiers dirigeants de l’Église passèrent les quelques mois qui suivirent dans les prisons du Missouri.

NOTES

[1] Voir Document Showing the Testimony Given Before the Judge of the Fifth Judicial District of the State of Missouri, on the Trial of Joseph Smith, Jr., and others, for High Treason and Other Crimes Against that State [Document reproduisant les témoignages fournis devant le juge du cinquième district judiciaire de l’État du Missouri, lors du procès de Joseph Smith, fils, et d’autres pour haute trahison et autres crimes contre cet État], Washington, D. C., U. S. Government Printing Office, 1841. Cité plus loin sous le nom de Document.
[2] Le fait que les témoignages donnés dans le Document sont généralement défavorables à Joseph Smith vient de ce qu’il a été essentiellement établi sur les déclarations de témoins prévenus contre lui et du fait que témoigner en sa faveur était un acte de courage étant donné qu’il était rendu, la plupart du temps, « à la pointe des baïonnettes ». En outre, chaque fois qu’on trouvait d’autres témoins susceptibles de témoigner pour Joseph, on les mettait promptement en prison, ce qui les empêchait de témoigner. On trouvera un compte rendu plus complet de l’audience dans Leland H. Gentry, "A History of the Latter-day Saints in Northern Missouri, 1836-1839", thèse de doctorat, université Brigham Young, 1965, pp. 546-561. Sur la base des éléments ainsi fournis, Joseph et Hyrum Smith, Parley P. Pratt et d’autres furent détenus pendant plusieurs mois dans les prisons du Missouri au cours de l’hiver et du printemps de 1838-1839, attendant ostensiblement des procès qui n’eurent jamais lieu.
[3] Pendant la seconde moitié d’octobre et le début de novembre 1833, les mormons résidant dans le comté de Jackson (Missouri) furent expulsés de chez eux par les émeutiers. Au bout d’un séjour de deux ans et demi dans le comté de Clay, ils furent une fois de plus forcés de s’en aller. Voir Gentry, « History », pp. 18-47.
[4] Id., pp. 109-118.
[5] Id., pp. 55, 59.
[6] Id., pp. 102-109 Les documents montrent que Groves et Marsh se faisaient chacun payer un dollar par jour plus les frais de déplacement pour leurs services. Elders’ Journal 1 juillet 1838, pp. 37-38. Cela explique peut-être le fait que Phelps et Whitmer ont considéré qu’ils devraient être remboursés, eux aussi.
[7] Ebenezer Robinson, The Return, Davis City, Iowa, 1889, 1:218.
[8] On trouvera un compte rendu des procès dans Gentry, « History » pp. 139-155. David Whitmer avait quitté depuis longtemps son poste au Missouri, préférant, semble-t-il, les cieux plus hospitaliers de Kirtland.
[9] On n’a jamais trouvé de texte de ce discours Beaucoup l’ont cependant confondu avec le « Discours du 4 juillet », encore plus célèbre, prononcé moins de trois semaines plus tard. Reed Peck, l’un de ceux qui l’entendirent, affirme qu’il était féroce et que son message était que quand les membres de l’Église perdent la foi, ils sont comme du sel sans saveur et doivent être chassés et foulés aux pieds. Voir le "Reed Peck Manuscript », photocopie, Special Collections, Harold B. Lee Library, université Brigham Young, p. 23. À l’époque, Peck n’était pas ouvertement dissident, mais il finit par donner sa sympathie au point de vue dissident. Son manuscrit non publié révèle bien son mécontentement caché au cours de cette période.
[10] John Corrill, A Brief History of the Church of Jesus Christ of Latter day Saints (Commonly Called Mormons), St-Louis, impression privée pour l’auteur, 1839, p. 31.
[11] Les sentiments des saints du comté de Caldwell rappellent étrangement ceux exprimés par les résidents du Comté de Jackson en 1833. Le « mal » causé par l’occupation mormone, disaient-ils, était imprévisible, un mal non prévu par la loi, un mal que « les lenteurs de la législation rendaient irrémédiable ». Joseph Smith, History of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, dir. de publ. B. H. Roberts, Salt Lake City, Deseret Book, 1971, 1:396. Cité plus loin par les lettres HC.
[12] Corrill, Brief History, p. 31.
[14] Avard témoigna lors de l’audience en 1838 que Rigdon était l’auteur du document. Voir « Journal History », 13 novembre 1838. (La « Journal History », récit jour par jour des événements historiques qui se sont produits dans l’Église, se trouve au Département d’Histoire de l’Église à Salt Lake City.) Alors que la signature d’Avard est la première à apparaître sur le document, celle de Rigdon ne s’y trouve pas. Il est donc possible que ce soit Avard lui-même qui l’ait rédigé.
[15] Les recherches soigneuses pour trouver les parents d’Avard ainsi que l’année de sa naissance ont été vaines. Les données ci-dessus furent fournies par Avard lui-même lorsqu’il reçut sa bénédiction patriarcale à Kirtland. Voir « Early Church Information File », Bibliothèque généalogique, Salt Lake City, Utah.
[16] « Journal History », 14 octobre 1835.
[17] Voir « Cowdery Letters », 14 octobre 1835. On peut trouver des copies de ces lettres au Département d’Histoire de l’Église à Salt Lake City.
[18] « Journal History », 14 octobre 1835. Voici ce que dit le récit : « Orson Pratt quitta Kirtland pour une nouvelle mission dont il fait le compte rendu suivant : ‘Parti en mission pour le fleuve Ohio, prêchant en chemin ; séjour de deux ou trois semaines dans le comté de Beaver (Pennsylvanie) ; tenu seize réunions, baptisé quelques personnes et créé une petite branche de l’Église et ordonné le Dr Sampson Avard ancien pour les prendre en charge ; retour à Kirtland.’ » Dans un deuxième compte rendu de la même mission, Pratt signale qu’il a « baptisé trois personnes à Freedom (Pennsylvanie), dont j’ai ordonné une, Sampson Avard, ancien… Après avoir donné deux Livres de Mormon, quatre livres de Révélations et obtenu 14 abonnés au ‘Messenger and Advocate’, j’ai laissé au Dr Avard le soin de continuer l’œuvre. Les perspectives d’en voir beaucoup dans cette région accepter l’Évangile sont bonnes. » Messenger and Advocate 2, novembre 1835, pp. 223-224.
[19] « Journal of Erastus Snow », n.p. 1836, original au Département d’Histoire de l’Église à Salt Lake City. Vers cette époque, Lorenzo Dow Young était également occupé à l’œuvre missionnaire dans le sud-ouest de l’Ohio et entra en contact avec Avard, qui présidait toujours la branche de Freedom (Pennsylvanie). Certains des enseignements d’Avard contrarièrent Lorenzo, qui signala qu’il n’aimait pas « l’esprit ni les enseignements de cet homme ». Plus tard, rapporte-t-il, il découvrit « que le Dr et S. S. Rigdon [sic] étaient très intimes et que ce dernier était fortement empreint des idées et de l’esprit du premier. » Quand il fit rapport de sa mission à la Première Présidence, Lorenzo parla de même de sa réaction vis-à-vis d’Avard, sur quoi Rigdon, semble-t-il, « manifesta son mécontentement en me réprimandant vertement pour mes paroles ». Joseph Smith invita Lorenzo à poursuivre son rapport, à la fin duquel, Joseph Smith aurait dit : « Donnez le temps à Avard et il montrera qu’il est un hypocrite fini et un méchant homme ». Voir « Diary and Reminiscences of Lorenzo Dow Young », réflexions non publiées faites en février 1890 et exposées dans un manuscrit qui se trouve au Département d’Histoire de l’Église et cité par Hugh Nibley dans Sounding Brass, Salt Lake City, Bookcraft, 1963, p.219. Il est tout à fait possible que Rigdon et Avard se soient connus avant que ce dernier ne devienne membre de l’Église, car ils venaient tous les deux de la même région de Pennsylvanie et tous les deux avaient fait partie du mouvement campbellite.
[20] « Early Church Records File », Société généalogique, Salt Lake City, Utah. Voir la fiche sur Sampson Avard.
[21] HC 3:519.
[22] B. H. Roberts, Life of John Taylor, Salt Lake City, Bookcraft, 1963, pp.43-44. On ne sait pas si sa licence lui a jamais été rendue.
[23] Tiré d’une lettre originale d’Oliver Cowdery en la possession du professeur Kirk L. Cowdery. Oberlin, Ohio. Voir le photostat dans Stanley Gunn, Oliver Cowdery : Second Elder and Scribe, Salt Lake City, Bookcraft, 1962, Appendix D, p. 263.
[24] HC 3:284.
[25] Document, p. 12. Notez la faiblesse du témoignage de Corrill mise en évidence par les italiques que nous avons ajoutés. À l’exception d’Avard, tous ceux qui témoignèrent à l’audience eurent soin d’introduire leurs observations par des expressions telles que « je pense », « à mon avis » ou « il me semblait ». Ce que Corrill et les autres ont raconté, ils l’ont appris soit grâce au témoignage donné par Avard à cette occasion ou par ouï-dire lors de conversations avec d’autres Danites. Leur mécontentement à l’égard de Joseph Smith et de ses collaborateurs directs faisait qu’il leur était facile d’accepter et de répéter ce qu’ils avaient entendu.
[26] Id., p.1.
[27] John Whitmer, l’un des dissidents, écrit ceci qui représente le point de vue dissident : Tandis que nous étions de retour de Liberty (comté de Clay) [où ils étaient allés pour obtenir l’aide d’un avocat dans leur bataille contre les résidants de Caldwell], nous rencontrâmes les familles d’Oliver Cowdery et de L. E. Johnson, qu’ils avaient chassées de chez elles… Pendant que nous étions partis, Jo. et Rigdon et leur bande de Gadianton avaient maintenu une garde, avaient surveillé nos maisons et avaient insulté nos familles et les avaient menacées de les chasser si elles n’étaient pas parties pour le lendemain matin et proférèrent des menaces contre notre vie s’ils nous voyaient jamais à Far West. » « History of the Church », chapitre 20, tenue par John Whitmer. Whitmer fut nommé historien de l’Église par une révélation rapportée dans le Livre des Commandements, 50:1 et 47:1). Il continua à exercer ses fonctions dans ce poste jusqu’à sa défection en 1838. Après son excommunication, il refusa de rendre l’histoire quand elle lui fut réclamée. HC 3:16.
[28] Document, p. 17. Un deuxième groupe danite fut organisé en juillet 1838 à Adam-ondi-Ahman avec Lyman Wight à sa tête.
[29] Times and Seasons, 15 juillet 1843 ; Nauvoo Neighbor 1, 26 juillet 1843, p. 2. Le « Discours du 4 juillet » de Rigdon fut choisi comme déclaration officielle que les saints ne se soumettraient plus passivement aux violences des émeutiers. Rigdon dit : « L’homme ou le groupe d’hommes qui viennent nous déranger, ce sera entre eux et nous une guerre d’extermination, car nous les suivrons jusqu’à ce que la dernière goutte de leur sang soit versée, sinon ils devront nous exterminer… Une des parties ou l’autre sera totalement détruite. » « Discours prononcé par M. S. Rigdon, 4 juillet 1838, à Far West, comté de Caldwell, Missouri », Far West, Elders’ Journal Press, 1838.
[30] Luman Andros Shurtliff, « Diary », p. 120. Ce manuscrit se trouve dans Special Collections, Harold B. Lee Library, université Brigham Young. Voir aussi Robinson, The Return, 2 :217.
[31] Il est difficile de dire quand ce troisième stade a fait son apparition. Les éléments dont nous disposons nous portent cependant à croire que cela s’est produit après le 6 août 1838, le jour de la fameuse « bataille du jour des élections » au comté de Daviess et avant la mi-octobre, quand les saints prirent la décision ferme de prendre leur propre défense en main. On trouvera le récit de la « Bataille du jour des élections » dans Gentry, « History », pp. 251-258.
[32] HC 3:180. La notion que les « richesses des gentils » devaient être consacrées au peuple du Seigneur semble être tirée de D&A 42:39. Mais quand on lit soigneusement le passage, on se rend bien compte que les richesses dont il est question devaient être données volontairement par les gentils et non extorquées par le pillage de la manière décrite par Avard. C’est là un excellent exemple de la façon dont celui-ci tirait profit des croyances sacrées et de la crédulité de ses partisans pour s’assurer leur collaboration. « On faisait souvent la réflexion parmi les troupes, témoignera John Clemenson, que le moment était venu où les richesses des gentils devaient être consacrées aux saints. » Document, p.16. « Ceux qui apportaient des biens, dit Reed Peck, disaient qu’ils devaient les remettre au magasin [la maison] de l’évêque et les y déposer ; s’ils ne le faisaient pas ce serait considéré comme du vol. » Document, pp. 18-19. Les saints, qu’ils fussent Danites ou pas, estimaient, c’est bien clair, qu’ils agissaient en état de légitime défense. Voir Gentry, « History » pp. 383-390.
[33] Peck, « Peck Manuscript », p.45. Gideon Carter était l’un des trois homes qui furent tués lors de la bataille de la Crooked River en octobre 1838. Voir Gentry, « History », p.404.
[38] HC 3:179.
[39] Voir en particulier Hélaman 2:2-11, 6:21 et Éther 8:7-25.
[40] William Swartzell, Mormonism Exposed, Being a Journal of a Residence in Missouri from the 28th of May to the 20th of August, 1838, Pittsburgh, A. Ingram, pour l’auteur, 1846, pp. 17-18.
[41] Id., p. 20.
[42] Document, p. 1.
[53] HC 3:192-193. Avard fut découvert tandis qu’il se cachait dans les buissons à quelques kilomètres de Far West. Lors de son témoignage au procès, il dit : « J’étais continuellement dans la compagnie de la Présidence, recevant d’elle des instructions concernant les enseignements pour la bande des Danites. Je la mettais continuellement au courant de mes enseignements et elle était bien informée de ce que je faisais et enseignais aux Danites. » Document, p. 21.
[54] Ceci devait comprendre d’anciens membres maintenant apostats aussi bien que des non-mormons.
[55] Correspondence, Orders, etc., in Relation to the Recent Disturbances with the Mormons, Jefferson City, Office of the Jeffersonian, 1840, p. 90.
[56] Document, p. 40.
[57] HC 3:209-210.
[58] Id., p.180.
[59] Cité dans Rollin Britton, Early Days on the Grand River and the Mormon War, Columbia, Missouri Historical Society, 1920, p. 86.
[60] La citation de Morris Phelps est tirée d’un bref récit intitulé « Missouri Persecutions », Blue Book No. 9245, Département d’Histoire de l’Église, Salt Lake City, Utah.
[61] On trouvera la preuve que la notion de royaume faisait partout l’objet de discussions à l’époque, dans The Elders’ Journal 1, juillet 1838, pp. 27-38 et HC 3:49-54.
[62] Id., p. 180.
[63] Mosiah L. Hancock, « Life of Mosiah L. Hancock by Himself », n.p., n.d., Special Collections, Harold B. Lee Library, université Brigham Young. Hancock n’avait pas une haute opinion des Danites. Pour lui, tout cela c’était de l’esbroufe.
[64] C’était un vieux tour dont les Missouriens étaient coutumiers. Voir Gentry, « History », pp. 383-386. Les Danites provoquèrent, eux aussi, des incendies, mais pas autant que ce que les Missouriens leur reprochaient. Le 12 avril 1839, Stollings écrivit une lettre à Joseph Smith demandant que divers objets irremplaçables lui fussent rendus. Joseph Smith répondit que les objets en question avaient été vus en dernier lieu en la possession de Sampson Avard. HC 3:316-317, 378-379.
[65] Document, p.18.
[66] HC 3:179.
[67] Peck, « Peck Manuscript », pp. 46, 47. Le sujet des anges venant à la rescousse des fidèles sera souvent mentionné lors de l’audience. Voir Document, pp. 4, 14, 24, témoignage de Avard, Owens et Hinkle. L’allusion à « l’acte étrange » de Dieu était certainement inspirée par Doctrine et Alliances, 1835, 95:1 et 97:12.
[68] Lee, Mormonism Unveiled, pp. 60-61, 74-75 ; Corrill, Brief History, p. 38. Avard tira tout ce qu’il put de passages comme celui que l’on trouve dans D&A 85:6. Voir aussi Times and Seasons, 1er février 1846 ; D&A 98:37 et 105:14.
[69] Ces citations concernant Sampson Avard se trouvent dans HC 3:179-81.
[70] Id., p. 181.
[71] Id., p. 179.
[72] Document, pp. 5-6.
[73] Id., p. 4.
[74] Correspondence, Orders, etc. . . , p. 63.
[75] Document. pp. 14, 17.
[76] Corrill, Brief History, p.32.
[77] HC 3:161-63. Lyman Wight, résidant de Diahman, et George M. Hinkle, résidant de Far West, furent choisis comme commandants des unités nouvellement organisées. Chacun d’eux détenait, du gouverneur Lilburn W. Boggs, un brevet officiel de colonel dans la Milice de l’État du Missouri. Le gouvernement de l’État avait mis du temps à prendre conscience de la nécessité de disposer d’une unité militaire pour le comté de Caldwell, mais les saints, sensibilisés par les épreuves passées, étaient décidés à ne plus se laisser expulser. Par conséquent, le conseil de Doniphan n’était pas seulement opportun, il allait dans le sens du point de vue des saints eux-mêmes. Au paroxysme des troubles, les deux unités furent envoyées sur le terrain, celle du Caldwell par Doniphan, celle de Davies par le général Parks. Voir Gentry, « History », pp. 367-377.
[78] Les membres de ces unités militaires se considéraient toujours comme des troupes légitimes de l’État et leurs ennemis comme des « émeutiers » à cause des ordres de Doniphan. Voir HC 3:162.
[79] Id., pp. 181-82. Après la reddition de Far West et jusqu’à ce que d’autres dispositions fussent prises, ces unités continuèrent à servir les saints. Les souffrances du peuple mormon pendant la période de l’après-guerre mormone sont racontées dans Gentry, « History », chapitre 14, pp. 599-657.
[80] HC 3:182.
[81] Ce nom fut inspiré de D&A 105:26, 30.
[82] Document, p. 17. Peck, « Peck’s Manuscript », p. 47, dit aussi que Carter fut renvoyé plus tard et remplacé par Avard. Le poste de celui-ci dans les armées légitimes d’Israël était celui de chirurgien. Voir Document, p. 3.
[83] Id., p.4. Plusieurs autorités affirment que Joseph Smith n’a jamais exercé aucune autorité militaire. HC 3:280, 404, 433.
[84] Document, pp. 22-23. Hinkle prétend qu’à son retour du comté de Daviess, il trouva les saints encerclés par leurs ennemis. Il reçut d’Elias Higbee, juge du comté de Caldwell, la plus haute autorité civile du comté, l’ordre de lever la Milice. Dans ce contexte, Hinkle découvrit que la Bande des Danites avait pris le dessus sur la milice locale.
[85] Times and Seasons, 15 juillet 1843 ; Shurtliff, « Diary », p. 120.
[86] Document, p. 18.
[87] Cité dans Nibley, Sounding Brass, pp. 219-220. Autant que l’on sache, pas un seul apôtre n’appartint à l’ordre danite.
[88] Document, p. 18 Bien que membre officiel de l’ordre, Peck abandonna par après ses anciennes attaches avec le clan et plus tard également avec l’Église.
[89] Id., p. 15. Italiques ajoutés
[90] HC 6:165.
[91] Id., 3:231. Italiques ajoutés.
[92] Id., p. 303.
[93] On trouvera le récit de la Guerre mormone, ainsi appelée dans les annales du Missouri, dans Gentry, « History », chapitres 8, 10, 11 et 12.
[94] Document, p. 23.
[95] Id., p. 17.
[96] HC 3:280. La déclaration fut officiellement confirmée devant un juge de paix par six autres connaissances du Prophète, p. 281.
[97] Corrill, Brief History, p. 32, dit que la bande comptait quelques 300 membres.
[98] John Taylor, The Mormon Question : Being a Speech by Vice President Schuyler Colfax at Salt Lake City and a Reply Thereto by John Taylor, Salt Lake City, Deseret News, 1870, p. 8.
[99] Shurtliff, « Diary », p.120.
[100] Avard lui-même reconnut que ni Rigdon ni Joseph Smith ne prêtèrent le serment danite. Document, p. 21. La mention « Joseph Smith, père » désigne Joseph Smith, dont le père, également appelé Joseph Smith, était mort à l’époque de la déclaration de Rigdon.
[101] HC 3:453. Le fait que Rigdon s’abstint de dénoncer les Danites, contrairement à Joseph Smith, est peut-être dû en partie à ses relations étroites avec le mouvement, en particulier dans ses deux premières étapes.
[102] Daryl Chase, « Sidney Rigdon : Early Mormon Leader », thèse de maîtrise, université de Chicago, 1930, p.129.
[103] Document, p. 12, témoignage de Morris Phelps. Voir aussi les témoignages de John Corrill, p.13, John Clemenson, p. 16 et Reed Peck, p.18.
[104] Id., p. 43, témoignage de W. W. Phelps.
[105] Id., p. 46.
[106] Chase attribue les éclats oratoires incontrôlés de Rigdon aux séquelles des mauvais traitements qu’il subit de la part d’ennemis en mars 1832. Chase, « Sidney Rigdon », p. 101.
[107] Id., p. 129. Les éléments dont nous disposons montrent que Joseph Smith essaya bel et bien et plus d’une fois de freiner les éclats émotionnels de Rigdon. Document. pp. 20-21, 33, 43, témoignage de Reed Peck, John Whitnaer [Whitmer] et W. W. Phelps. Orson Hyde, parlant de la conduite de Rigdon au cours de cette période, fit remarquer que « en dépit du fait que frère Joseph essayait de le freiner, il n’en faisait qu’à sa tête. » Voir Improvement Era 3:583. Jedediah M. Grant écrit que les idées folles de Rigdon étaient « si rapides que frère [Joseph] Smith n’arrivait pas à le maintenir dans les limites du bon sens… Son imagination l’emportait non pas ‘au-delà des limites du temps et de l’espace’, mais au-delà des limites de la raison. » Jedediah M. Grant, Collection of Facts Relative to the Course of Mr. Sidney Rigdon, copie au Département d’Histoire de l’Église, Salt Lake City, Utah, p. 9. Newell K. Whitney affirme, lui aussi, avoir entendu Joseph Smith réprimander Rigdon pour « avoir dit au nom du Seigneur ce qui ne l’était pas. » Times and Seasons, 15 octobre 1844.
[108] HC 3:181.
[109] Times and Seasons, 1er octobre 1844. On trouvera un commentaire dans le même sens de David Pettigrew dans le numéro du 1er mai 1845.
[110] HC 5:531-532. Les soupçons du prophète étaient basés sur un renseignement qu’il avait reçu d’Orson Hyde, selon lequel Rigdon s’était ligué avec le gouverneur Thomas Carlin, de l’Illinois, pour s’emparer de Joseph Smith et l’extrader vers le Missouri pour répondre des vieilles accusations. Voir aussi pp. 553-554, où Carlin nie l’accusation dans une lettre personnelle à Rigdon.
[111] Document, p. 17.
[112] Id., p. 21.