JOSEPH SMITH ETAIT-IL UN MARTYR OU UN
MEURTRIER?
Lance Starr
Traduit et affiché avec la permission de FAIR
Les bas-fonds de l’antimormonisme sont truffés d’arguments superficiels et
d’accusations non étayées brandies sans égard pour l’exactitude ou la
vérité. Un de ces arguments est l’affirmation que Joseph Smith ne mérite
pas d’être qualifié de martyr à cause de ce qu’il a fait en ce jour sombre
de 1844 à la prison de Carthage. Les détracteurs prétendent que Joseph
Smith n’est pas un martyr parce que, tandis qu’il était en prison, il
avait un pistolet et qu’il a eu la témérité de se défendre, lui, son frère
et ses compagnons en tirant sur les émeutiers et en tuant deux hommes. Le
présent article a pour but de montrer que ces arguments sont spécieux et
sans aucun fondement.
Une question de changement de définition
Pour que leur argument tienne la route, les détracteurs doivent faire deux
choses. Tout d’abord ils doivent prendre des libertés avec la langue
anglaise. C’est là une tactique assez courante chez les antimormons, qui
consiste habituellement à redéfinir un mot dans l’intention d’exclure.
Dans le cas qui nous occupe, le mot redéfini est martyr. Le dictionnaire
définit le martyr comme une personne qui préfère souffrir ou mourir plutôt
que d’abjurer sa foi ou ses principes religieux. La définition ne comporte
aucune exigence ou nuance. Or certains auteurs antimormons ont pris le
terme martyr et en ont changé subtilement la définition en fonction de
leurs besoins propres. La nouvelle définition serait à peu près celle-ci :
Martyr, personne qui préfère souffrir ou mourir plutôt que de renoncer à
sa foi ou à ses principes, sans aucune résistance ni tentative de se
défendre [1]. Ayant ainsi redéfini le terme, ils l’appliquent à la mort de
Joseph Smith pour lui refuser le titre de martyr. Ils le font sans la
moindre justification lexicale, historique ou biblique [2].
Le recours aux détails historiques insignifiants
Le simple fait de redéfinir le terme ne suffit cependant pas pour créer un
argument qui porte. Aussi, le deuxième élément de l’attaque se base sur le
fait que le lecteur ignore certains faits insignifiants de l’histoire
mormone. Beaucoup de membres de l’Église de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours (et c’est d’autant plus vrai pour les nouveaux membres et
les non-pratiquants) ne sont pas au courant de tous les détails
anecdotiques de l’histoire de l’Église. Certains antimormons férus
d’histoire mormone ont pris pour tactique d’utiliser cette ignorance de
l’histoire comme arme. Ces auteurs prétendent souvent « dévoiler » ces
événements mineurs de l’histoire de l’Église et ont recours au
sensationnel pour choquer les membres de l’Église grâce à des révélations
« cachées » ou à des récits « secrets » concernant divers épisodes de
l’histoire de l’Église. Ils affirment souvent que l’Église cache cette
connaissance de crainte que, si cela se savait, beaucoup de membres de
l’Église n’abjurent immédiatement leur foi et que cela ne cause la ruine
de l’Église. Ils insinuent que l’Église conserve ces « secrets » dans
quelque chambre forte impénétrable dont l’accès est réservé à une petite
élite. Ce que les antimormons ne font jamais remarquer, c’est qu’ils ont
trouvé ces « secrets » dans des livres qui sont diffusés dans l’Église à
l’intention du grand public, ce qui n’est guère l’attitude à laquelle on
s’attendrait de la part de quelqu’un qui veut garder le secret [3].
Ainsi donc, en modifiant la définition d’un mot et en trouvant ensuite un
événement de l’histoire de l’Église qui paraît être en contradiction avec
la nouvelle définition, les antimormon ont déformé malhonnêtement
l’histoire de l’Église et trompé beaucoup de gens.
Occupons-nous maintenant du cas présent : le martyre de Joseph Smith et
les éléments précités.
Le pistolet que Joseph Smith avait en prison
Le premier reproche formulé par les détracteurs est que Joseph Smith avait
un pistolet dans sa cellule au moment où il a été attaqué et qu’il a
déchargé ce pistolet sur les assaillants. C’est vrai. Smith avait
effectivement un pistolet (en fait, selon certains récits, il en avait
deux : un six-coups [4] et un Derringer à un coup) et il a utilisé ce
pistolet. Cependant, quoi qu’en disent les détracteurs, ceci n’est pas et
n’a jamais été un secret [5]. John Taylor, qui était aussi avec les frères
Smith dans la cellule ce jour-là, a noté ce qui s’était passé :
« Je n’oublierai jamais le profond sentiment de compassion et de
sollicitude qui se manifesta sur le visage de frère Joseph quand il
s’approcha de Hyrum et qu’en se penchant sur lui il s’exclama : ‘Oh ! Mon
pauvre cher frère Hyrum !’ Cependant il se releva sur-le-champ, et, d’un
pas ferme et rapide, et d’un air décidé, il s’approcha de la porte et,
tirant de sa poche le six-coups que lui avait laissé frère Wheelock,
entrouvrit la porte et appuya six fois sur la gâchette. Il n’y eut
cependant que trois des six coups qui partirent. Je me suis laissé dire
plus tard que deux ou trois hommes ont été blessés par ces tirs et l’on
m’a dit que deux d’entre eux en sont morts [6]. »
Il y a quelques observations à faire à ce propos. Tout d’abord, le récit
provient d’une publication de l’Église [7]. Il n’a été caché dans aucune
chambre forte, ni dissimulé dans une cachette dans les montagnes.
Deuxièmement, Joseph n’a tiré qu’après que son frère Hyrum a été touché et
tué. N’importe quel tribunal considérerait le fait pour Joseph de tirer
comme un acte de légitime défense [8]. Notez aussi que John Taylor déclare
qu’il « s’est laissé dire » que deux ou trois hommes avaient été blessés
par les coups de feu tirés par Smith et qu’on lui avait « dit » plus tard
seulement que deux des hommes étaient morts. Taylor n’avait pas été témoin
direct de ces événements ! Les recherches ultérieures ont montré que les
renseignements reçus par Taylor étaient inexacts.
Le premier argument antimormon est axé sur le fait que Joseph avait une
arme à feu et qu’il l’a utilisée pour se défendre. Si vous vous rappelez
la définition du martyr pour les antimormons, celui-ci est censé se
soumettre volontairement à son sort, c’est-à-dire qu’il doit aller « comme
un agneau à la boucherie » [9]. Cette expression est cependant quelque peu
trompeuse, surtout pour les détracteurs qui ignorent totalement les
réalités de l’élevage. Pour eux, l’expression « agneau à la boucherie »
implique la soumission totale à son sort, sans aucune tentative pour se
défendre ou s’enfuir [10]. Or quiconque a travaillé à la ferme ou à
l’abattoir sait que les moutons ne vont pas volontairement à la boucherie.
Ils ruent, bêlent, hurlent et font tout ce qu’ils peuvent pour échapper à
leur destin. En fait le bruit qu’ils font est tellement affreux que le
titre d’un film à grand succès de Hollywood a été basé là-dessus : Le
silence des agneaux.
L’expression « agneau à la boucherie » désigne simplement le caractère
inévitable du résultat final. Quelle que soit la vaillance de leur lutte,
le destin des moutons est inéluctable. Sachant cela, si nous l’appliquons
à Joseph Smith et à son frère, il est clair qu’ils ont été véritablement
massacrés comme des agneaux [11].
Chose intéressante, il semble que la menace d’une mort et d’une souffrance
imminentes peut pousser même les hommes les plus parfaits à avoir une
hésitation. On peut donc avancer de manière très plausible l’argument
qu’en adoptant la nouvelle définition du terme « martyr » et en
l’appliquant comme ils le font, les détracteurs refusent d’appliquer le
terme non seulement à Joseph Smith, mais au martyr suprême lui-même, Jésus-Christ.
Les Écritures montrent que le Christ n’était pas un sacrifice tout à fait
volontaire :
« Lorsqu'il fut arrivé dans ce lieu, il leur dit: Priez, afin que vous ne
tombiez pas en tentation. Puis il s'éloigna d'eux à la distance d'environ
un jet de pierre, et, s'étant mis à genoux, il pria, disant: Père, si tu
voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois, que ma volonté ne se fasse
pas, mais la tienne [12]. »
Il apparaît donc que le Christ avait, pour le moins, des hésitations à
l’idée de porter les péchés du monde, de se voir enfoncer des clous dans
les mains et les pieds, d’être élevé sur une croix et de recevoir un coup
de lance dans le côté. S’il en est ainsi, il est certain que Joseph Smith,
étant simplement humain, peut être excusé des actes commis dans le feu de
l’action, dans la peur et sous la contrainte de la mort et de la
souffrance. S’il faut en croire les détracteurs antimormons, la réticence
du Christ n’est pas admissible, puisqu’elle s’écarte de la définition du
martyr telle qu’ils la conçoivent. Nous voyons donc le danger et les
pièges de l’utilisation de définitions modifiées comme instrument
d’exclusion.
La « mort » des émeutiers
La deuxième objection des détracteurs est qu’en se défendant, Joseph Smith
a tué deux des émeutiers qui attaquaient la prison de Carthage. Comme nous
l’avons relevé plus haut dans la citation de John Taylor, c’était là une
croyance assez courante parmi les premiers saints, qui ne semblent pas
avoir mis en doute les nouvelles qu’on leur apportait. C’est regrettable,
car les faits montrent que ces nouvelles étaient erronées.
Tout d’abord, une petite leçon d’histoire. Après la mort de Joseph et de
son frère, Hyrum, l’État d’Illinois fit à contre-cœur une tentative de
rendre la justice. Neuf hommes furent accusés du meurtre de Joseph Smith.
« John Wills, William Voras (Vorhees), William N. Grover, Jacob C. Davis,
Mark Aldrich, Thomas C. Sharp, Levi Williams et deux hommes appelés
Gallaher et Allen, dont les prénoms ne sont pas cités [13]. »
On ne sait pas grand-chose de la plupart des hommes mis en examen, mais
quatre d’entre eux ne furent jamais arrêtés.
« Wills, Voras et Gallaher furent probablement cités dans la mise en
examen parce que leurs blessures, dont les témoignages montrèrent qu’ils
les avaient reçues à la prison, prouvaient de manière irréfutable qu’ils
avaient fait partie des émeutiers. Ils reconnurent certainement leur
vulnérabilité et s’enfuirent du comté. Selon un témoin contemporain, ces
trois-là avaient dit qu’ils avaient été les premiers à la prison, que l’un
d’eux avait tiré à travers la porte, tuant Hyrum, que Joseph les avait
blessés tous les trois avec son pistolet et que Gallaher avait abattu
Joseph tandis que celui-ci courait vers la fenêtre [14]. »
Selon les témoins oculaires, Wills fut touché au bras, Gallaher à la
figure et Voras à l’épaule [15].
Les faits montrent que Smith a effectivement tiré trois coups avec son
pistolet, blessant les trois sus-nommés. Les témoignages montrent aussi
qu’aucun d’eux n’est mort. En fait, ils ont vécu suffisamment longtemps
pour recevoir des costumes de certains citoyens locaux pour les
récompenser de leur participation au meurtre d’un innocent [16]. Cette
tentative de tromperie s’écroule donc sous le poids de ses propres
mensonges [17].
Conclusion
Chose intéressante, alors que beaucoup d’antimormons s’indignent de ce que
Joseph Smith a eu la témérité de se défendre, lui, sa famille et ses amis
alors qu’ils étaient attaqués par des émeutiers au mépris de la loi, alors
qu’ils étaient ostensiblement sous la protection de l’État d’Illinois, je
n’ai jamais vu un seul antimormon critiquer les actes posés ce jour-là par
les émeutiers, si ce n’est dans les termes les plus creux, cela en dépit
du fait que beaucoup de meneurs faisaient partie du clergé de diverses
confessions des environs. Je me pose la question : si l’un de ces
ecclésiastiques avait été touché par les balles de Smith et était mort ;
serait-il considéré comme un martyr ?
NOTES
1. Par exemple, dans un article paru sur internet, Jerald et Sandra Tanner
disent : « Nous estimons que c’est aller au-delà des faits que de comparer
la mort de Joseph à celle de Jésus. Les dirigeants mormons semblent faire
appel à Ésaïe 53:7 : ‘Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point
ouvert la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, à une
brebis muette devant ceux qui la tondent; il n'a point ouvert la bouche.’
Le Nouveau Testament affirme que le Christ a accompli cette prophétie (voir
Actes 8:32). Il est mort sans résistance. Dans 1 Pierre 2:23 nous lisons :
‘Lui qui, injurié, ne rendait point d'injures, maltraité, ne faisait point
de menaces, mais s'en remettait à celui qui juge justement’. Quand Pierre
essaya de défendre Jésus par l’épée, Jésus lui dit : ‘Remets ton épée dans
le fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire?’
(Jean 18:11). Voir http://www.utlm.org/onlineresources/jesusandjosephsmith.htm,
visité le 7 mai 2003).
2. C’est cette même tactique que les antimormons utilisent en ce qui
concerne le terme chrétien. Ils ont ajouté des qualificatifs à la
définition pour exclure ceux, comme les mormons et les catholiques, avec
la doctrine desquels ils ne sont pas d’accord.
3. Par exemple, Jerald et Sandra Tanner citent la History of the Church,
vol. 6, pp. 617-618 et History of the Church, vol. 7, pp. 102-103 toutes
deux publications de l’Église. L’organisation de Luke Wilson, l’Institute
for Religious Research, cite les deux mêmes sources.
4. Appeler le pistolet de Joseph un « six-coups » peut donner une idée
fausse de la réalité. C’était en réalité un « pepperbox », dont vous
trouverez un modèle ici : http://www.fortunecity.com/marina/spinnaker/982/pepperbox.html
(visité le 7 mai 2003). D’un point de vue technique, c’était un six-coups,
mais il avait six barillets qui tournaient plutôt qu’un barillet unique
avec un cylindre tournant. Les « pepperboxes » étaient connus pour ne pas
être fiables et le fait que trois coups ne soient pas partis n’avait rien
d’exceptionnel pour ce genre d’arme. Face à cela, il y avait une foule
d’émeutiers armés, tant dans la prison qu’à l’extérieur, dont le nombre
était de 80 à 120 hommes, armés de véritables fusils ; on comprendra que
l’issue de l’affrontement ne faisait aucun doute.
5. Voir par exemple http://www.utlm.org/onlineresources/jesusandjosephsmith.htm,
http://www.helpingmormons.org/lamb.htm, http://www.irr.org/mit/WDIST/wdist-contradictions.html
(visités le 7 mai 2003).
6. Taylor, John, The Gospel Kingdom, publié par G. Homer Durham, Salt Lake
City, Bookcraft, 1987, p. 360.
7. En fait, ce récit exact apparaît dans plusieurs publications d’auteurs
mormons. Voir, par exemple, Richard H. Cracroft et Neal E. Lambert, A
Believing People : Literature of the Latter-day Saints, Salt Lake City,
Bookcraft, 1979, History of the Church, George Q. Cannon, Life of Joseph
Smith the Prophet, Salt Lake City, Deseret News, 1967, p. 524, Joseph
Fielding Smith, Essentials in Church History, Salt Lake City, Deseret Book
Company, 1950, p. 382, John Henry Evans, Joseph Smith, An American
Prophet, New York, Macmillan, 1933, p. 204 et suiv. et Edward Tullidge,
Life of Joseph the Prophet, New York, 1878, p. 541.
8. Le comportement de Joseph Smith serait également considéré comme
légitime dans le cadre de l’obligation de porter assistance à une personne
en danger, obligation stipulée par la loi.
9. Voir Ésaïe 53:7.
10. Voir http://www.utlm.org/onlineresources/jesusandjosephsmith.htm
visité le 7 mai 2003.
11. Voir D&A 135:4.
12. Luc 22:40-42.
13. Dallin H. Oaks et Marvin S. Hill, Carthage Conspiracy, Urbana,
Illinois, University of Illinois Press, 1979, p. 51.
14. Id., p. 52.
15. Id., p. 53.
16. Id.
17. Si l’on suppose, à titre d’exemple, que Smith ait tué un ou plusieurs
de ses assaillants, il ne s’ensuit de toutes façons pas qu’il n’était ni
prophète ni martyr. Il est certain que tuer un homme en légitime défense
ou pour défendre autrui ne disqualifie pas quelqu’un comme prophète, comme
le montre le cas de Moïse. Il a tué un garde égyptien qui maltraitait un
Israélite. Il est évident que si l’on peut considérer Moïse comme prophète
en dépit du fait qu’il a tué un homme pour en défendre un autre, Joseph
Smith pourrait également être considéré comme prophète même après avoir
tué un homme dans une situation de légitime défense (s’il en était arrivé
là).
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