Dieu a-t-il une forme humaine ?
Marcel Kahne
Les chrétiens traditionnels - faisant allusion aux
Ecritures modernes - reprochent souvent aux saints des derniers jours
d’ajouter à la Bible, affirmant que tout y est contenu et que c’est
suffisant. Certains vont jusqu’à proclamer l’inerrance de la Bible,
ou en d'autres termes, qu’il n’y a pas d’erreur dans l’Ecriture
Sainte. Etant donné ces affirmations, il est curieux de constater que le
monde chrétien rejette ce que dit la Bible quand il s’agit du point de
doctrine le plus fondamental de la foi, la conception de Dieu, alors que Jésus
dit, dans sa prière sacerdotale : « Or, la vie éternelle, c’est
qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ » (Jean 17:3). En effet, alors que la Bible présente
Dieu comme une personne anthropomorphique (ayant une forme humaine), le
monde chrétien le décrit unanimement comme un être immatériel,
immuable, immobile, hors du temps, ayant tout créé de rien.
Cette
contradiction s’explique par le fait que le christianisme
post-apostolique est le produit de la rencontre de deux cultures diamétralement
opposées: la culture hébraïque et la culture grecque. Comme le dit
Daniel Peterson : « On a souvent observé que la pensée hébraïque
se caractérise par le dynamisme et l'activité, tandis que la pensée
grecque tend vers le statique et le contemplatif. » Les Juifs
peuvent discuter à l'infini sur les finesses de l'interprétation et de
l'application de la loi dans la vie de tous les jours, mais s'intéressent
beaucoup moins à la théologie et à la doctrine. De même,
l'enseignement du Christ est fondé sur les règles du comportement et non
sur une quelconque théologie. On ne trouve, dans le Nouveau Testament, aucune
tentative de définir Dieu ou la relation entre le Père, le Fils et le
Saint-Esprit. Les Grecs, par contre, sont davantage axés sur les
questions relatives à la nature et à l'origine des choses. De là leur
passion pour la philosophie. Alors que le grand texte du christianisme
primitif est le sermon sur la montagne, un discours sur la morale chrétienne,
le grand texte fondateur du christianisme traditionnel, imprégné de
philosophie grecque, est le credo de Nicée avec sa définition de Dieu et
de la Sainte Trinité.
Lorsque, après
avoir, dans un premier temps, prêché l’Evangile aux Juifs, la jeune
Eglise de Jésus-Christ se tourne vers l’évangélisation des païens,
elle va se trouver face à un monde dominé par les Académies qui
enseignent la philosophie grecque, notamment la conception du Dieu immatériel
de Platon, et qui forment, en outre, les élites intellectuelles à
l’art de la rhétorique ('l’art de la persuasion' comme le dit
Aristote). Comparé aux hautes sphères de la philosophie grecque dans
lesquelles navigue l’élite intellectuelle païenne, l’enseignement
des missionnaires chrétiens a l’air démodé et puéril par sa lecture
littérale des Ecritures, et l’Eglise chrétienne va être l’objet des
moqueries et du mépris de ses ennemis païens.
« Les
quelques premières pages des Reconnaissances de Clément, un texte chrétien
datant sans doute de la première moitié du troisième siècle, nous
donnent un aperçu d’un affrontement entre la culture philosophique hellénisée
et un témoin chrétien qui n’avait pas encore succombé aux attraits de
cette culture. Le narrateur, qui raconte l’épisode à la première
personne, et qui se dit être Clément de Rome, parle des questions
qu’il se pose dans sa jeunesse concernant l’immortalité de l’âme
humaine et sa recherche désespérée pour en obtenir la preuve. Jeune
homme talentueux, Clément fréquente les écoles philosophiques de sa
ville natale, mais est déçu et déprimé de ne pas trouver d'argument véritablement
convaincant et de voir que ses professeurs et ses condisciples s’intéressent
plus à démontrer leur subtilité qu’à parvenir à la vérité...
« C’est
à ce moment-là que des rumeurs commencent à parvenir à Rome concernant
un grand faiseur de miracles dans la lointaine Palestine. Un jour, en se
promenant en ville, Clément tombe sur un prédicateur occupé à prêcher
aux passants. Il s’agit
d’un chrétien juif, appelé Barnabas, qui proclame la venue du Christ.
Clément écrit : ‘Quand j’entendis ces choses, je me mis, avec le
reste de la foule, à le suivre et à écouter ce qu’il avait à dire.
Je me rendis compte, en vérité, qu’il n’y avait aucun artifice
dialectique [c’est-à-dire aucun argument du genre de ceux qu’on
cultivait dans les académies de philosophie] chez cet homme, mais qu’il
exposait avec simplicité et sans aucun artifice de langage les choses
qu’il avait entendues de la bouche du Fils de Dieu, ou qu’il avait
vues. Car il ne confirmait pas ses affirmations par la force des
arguments, mais proposait, d’entre les personnes qui l’entouraient,
beaucoup de témoins des paroles et des merveilles qu’il relatait.’
« Un
certain nombre de personnes dans la foule furent impressionnées et
commencèrent à accorder crédit à ce que Barnabas et les autres témoins
racontaient. A ce moment-là, un groupe de badauds d’orientation
philosophique, contesta les paroles de Barnabas. Ils ‘commencèrent à
se moquer de l’homme, à le traiter avec mépris et à lui jeter les
grappins des syllogismes, comme des armes fortes.’ Pourquoi les pucerons
minuscules ont-ils six pattes et une paire d’ailes, alors que l’éléphant,
qui est bien plus grand, n’a que quatre pattes et pas d’ailes du tout
? Mais Barnabas refusa d’entrer dans leurs objections ridicules. ‘Nous
sommes chargés, dit-il, de vous annoncer les paroles et les oeuvres
merveilleuses de celui qui nous a envoyés et de confirmer la vérité de
ce que nous disons, non par des arguments subtilement formulés, mais par
des témoins venant du milieu de vous’. »
Au 3ème
siècle apparaît une nouvelle interprétation de la philosophie de
Platon, le néo-platonisme. Son fondateur est Ammonios Saccas, qui ouvre
une Académie à Alexandrie. Il affirme qu'il est impossible de connaître
Dieu et qu’on doit donc le rechercher dans les ténèbres du mysticisme.
Son successeur, l’Egyptien Plotin, qui ouvre à Rome une Académie où
il rencontre un grand succès, semble d’ailleurs être parvenu à trois
reprises, à force d’ascèse, à l’extase mystique, c’est-à-dire à
une brève et fulgurante rencontre avec Dieu. « La philosophie néo-platonicienne
constitue à la fois la clef de voûte dans la longue série des systèmes
philosophiques de l’Antiquité et une pierre d’angle dans la culture
du Moyen Age ».
L’historien
anglais J. W. C. Wand, écrit : « Il est facile de voir quelle
influence cette école de pensée [le néo-platonisme] a dû avoir sur les
dirigeants chrétiens. C’est d’elle qu'ils apprirent ce que cela
impliquait, dans un sens métaphysique, de dire que Dieu est un Esprit.
Cela les aida aussi à se libérer de leur eschatologie primitive et de se
débarrasser de cet anthropomorphisme grossier qui faisait que même
Tertullien [160-220] croyait que Dieu avait un corps matériel. »
C’est aussi au
3ème siècle que les chrétiens vont créer leurs propres Académies,
dont la plus importante, et de loin, est le didascalée chrétien
d’Alexandrie. Hugh Nibley dit à son sujet qu’il était « la
vraie patrie de la théologie chrétienne conventionnelle, dont les bases
furent jetées par le célèbre Clément d’Alexandrie et son élève
plus célèbre encore, Origène. Ces hommes sont tous deux des académiciens
typiques, élevés dès leur tendre enfance entre les quatre murs d’une
institution de l’autorité de laquelle ils ne pourront jamais se libérer. »
Nibley poursuit :
« Le projet de Clément était de mettre la supériorité
intellectuelle de la philosophie grecque à la disposition de
l’Eglise… [il] offrait généreusement de rendre le christianisme
intellectuellement respectable. Pour lui, dit Harnack, la philosophie
religieuse grecque... était le moyen d’atteindre et d’expliquer pour
la première fois le sens le plus élevé et le plus intime du
christianisme. Il était tout dévoué à l’Eglise. Il allait la tirer
d’embarras en la faisant bénéficier des avantages de sa formation et
de son intelligence… Pareille attitude n’était possible, dit Harnack,
que parce que Clément n’avait absolument rien compris à ce qu’était
le christianisme, ‘parce que pour lui l’héritage de l’Eglise dans
sa totalité et dans tous ses détails… était quelque chose d’étranger.’
Son monde, c’était l’université, et son offre d’aider l’Eglise
s’accompagnait de conditions dangereuses... Il était prêt à embrasser
les enseignements de l’Eglise, mais uniquement à ses conditions. Il
prenait le christianisme littéral et le ‘spiritualisait’… Il ne
voyait pas pourquoi il n’irait pas jusqu’au bout pour donner au
message chrétien une stature intellectuelle nouvelle qui le
recommanderait aux gens instruits… Fermement convaincu que ce qu’il
avait appris à l’école était la vérité et que toute connaissance
est révélation (d’après Platon), il se mit en devoir de réviser
l’Evangile pour en faire quelque chose de plus à son goût… ‘On ne
peut nier qu’il y ait eu une reformulation totale… de l’héritage
chrétien en une philosophie religieuse hellénistique,’ dit Harnack. Et
qu’est-il resté du christianisme après cela ? demande-t-il. Il donne
ensuite une réponse presque choquante : 'à part un peu de son attrait
pratique et sentimental, 'Ein Phlegma', un sédiment, un rebut, que l’on
ne peut en aucune circonstance qualifier de chrétien.’ »
Comme le dit
encore Peterson : « Ce sont les premiers Apologistes chrétiens,
Minucius Félix, Justin Martyr et d’autres, avec leur désir de rendre le
christianisme intellectuellement respectable, qui ont sans doute fait plus
que n’importe quel autre groupe pour déformer la doctrine chrétienne
primitive. Avec la meilleure volonté du monde, ils ont adopté et adapté
les concepts philosophiques de leur époque pour exprimer les croyances
chrétiennes et, ce faisant, les ont altérées subtilement mais
incontestablement. »
Voilà donc les
deux courants en présence :
D’une part
l’enseignement originel du christianisme, comme dans les Homélies de Clément,
où Dieu est anthropomorphique. « Et Simon dit : ‘J'aimerais
savoir, Pierre, si tu crois vraiment que la forme de l'homme a été façonnée
d'après la forme de Dieu.’ Et Pierre dit : ‘Je suis tout à fait
certain, Simon, que c'est le cas... C'est la forme du Dieu juste.’
D’autre part,
le camp des intellectuels chrétiens gagnés à la philosophie grecque,
qui vont façonner la doctrine du christianisme à l’image de l’idéal
hellénistique, camp représenté entre autres par Origène, qui « rejeta
l’anthropomorphisme, non parce que les Ecritures ou la tradition chrétienne
unanime le rejetaient, mais parce que les philosophes le méprisaient :
‘Les Juifs, effectivement, mais aussi certains des nôtres, supposaient
que Dieu devait être considéré comme un homme, doté de membres humains
et d’une apparence humaine. Mais les philosophes méprisent ces
histoires qu’ils considèrent comme des fables créées à l’image des
inventions poétiques’. »
Les Grecs
rendaient un culte à une foule de dieux ayant une apparence et des
passions humaines, des dieux comploteurs, intrigants, avides de puissance,
jaloux, etc. Telle n’était pas la conception de leurs philosophes, qui
considéraient ces cultes comme de l’enfantillage. Platon, notamment, va
élaborer une conception de Dieu basée sur le seul raisonnement. Comme
dans l’histoire de l’œuf et de la poule, tout provient de quelque
chose. Tout ce qui est a donc été produit et est donc « contingent »,
c’est-à-dire aurait pu ne pas exister. Platon considère donc que le
monde matériel est une réalité inférieure. La véritable réalité est
le monde des Idées ou des Formes, qui est parfait et immuable. Dieu est
le moteur premier, celui qui est à l’origine de tout et qui existe
parce qu’il est « nécessaire », c’est-à-dire qu’il
n’aurait pas pu ne pas exister. Il doit donc être infini, parfait,
immatériel (car un être matériel se compose de parties et est donc dépendant
d’elles), sans forme, car rien ne peut le limiter (sinon d’autres êtres
que lui pourraient exister et il cesserait d’être nécessaire) et
parfaitement immobile, puisque tout mouvement impliquerait que la
situation précédant le mouvement était imparfaite, et enfin, situé
hors du temps, sinon il ne serait plus ce qu’il était hier et pas
encore ce qu’il serait demain.
Le christianisme,
considéré comme athée, parce qu’il rejetait les dieux auxquels les
Romains rendaient un culte, connut des persécutions pendant plus de deux
siècles. Mais il ne cessait de se répandre, tout en étant divisé.
« A partir du 4ème siècle… les querelles théologiques
- du moins en Orient - passionnent tout le monde ; elles quittent les réunions
discrètes et quasi secrètes du clergé, pour envahir les rues, les
places publiques, les amphithéâtres, la cour, les tribunaux ». Ces
querelles publiques vont même jusqu’à la violence : « De là,
rixes et émeutes, qui appelaient nécessairement les interventions des
pouvoirs publics. »
Or l’empire
romain s’étend sur de nombreux peuples qu’il n’a pas unifiés. Il a
besoin d’un lien solide susceptible de réaliser cette unification.
« Constantin
eut une idée géniale. Le lien mystique, seul capable de maintenir
l’unité de l’empire, et que ni l’hellénisme ni le paganisme
n’avaient pu procurer, pourquoi ne le demanderait-on pas à la religion
chrétienne ? N’avait-elle pas triomphé des pires persécutions ? »
Constantin va donc faire de l’Eglise catholique la religion de l’Etat,
ce qui produira des « conversions » massives puisque c’est
la chose politiquement correcte à faire.
« Mais
l’unité de l’Eglise elle-même allait se révéler plus apparente que
réelle. Des conflits très violents vont
la déchirer. Constantin fit tout pour les apaiser : comme
empereur, plus encore que comme chrétien. Il n’éprouva aucun scrupule
à intervenir dans des questions où il ne comprenait qu’une chose,
qu’elles troublaient la tranquillité publique. Pour les trancher, il réunit
le premier concile œcuménique. »
Constantin va
alors prendre en mains le règlement des différends qui opposent les chrétiens
entre eux. Donnant systématiquement raison à la majorité, il va imposer
à l’Eglise l’unité de doctrine qui va faire d’elle la grande
unificatrice de son empire. Il commencera par régler la grande
controverse relative à la Sainte
Trinité en convoquant, en 325, à Nicée, le premier concile œcuménique,
qui réunit quelque trois cents évêques venus de presque toutes les
provinces de l’empire. « C’est l’empereur, en tant que tel,
qui avait convoqué et présidé le concile. Un précédent est ainsi créé,
qui admet, comme une chose toute naturelle, l’ingérence de l’Etat
dans les affaires de l’Eglise. » Il convient aussi de remarquer
que l’évêque de Rome, Silvestre, qui est censé être le pape,
n’assistera même pas à ce concile où se décide le dogme le plus
fondamental de l’Eglise catholique. Il se contentera d’y envoyer deux
prêtres.
A ce concile, ce
seront des évêques pétris de philosophie néo-platonicienne qui vont
tenter de régler le grand problème de la définition d’une Divinité
qui doit être une et trois en même temps, ainsi que la formulation des
relations des trois personnes de cette Divinité entre elles. Les débats
furent houleux, tandis que « l’empereur s’efforçait de calmer
les esprits, à la manière d’un président d’assemblée ». Le
concile de Nicée ne règlera pas le problème. Comme le dit
Salles-Dabadie : « les diverses façons de concevoir la divinité de
Jésus, puis l’union de cette divinité à son humanité, s’opposèrent
très tôt en des conflits qui devaient durer plus de quatre siècles. Il
fallut tout ce temps pour que l’esprit raisonneur des Grecs acceptât
d’admettre que la personne de Jésus est un mystère insondable, que
l’on peut circonscrire, mais non pénétrer. Les Occidentaux, moins métaphysiciens,
avaient trouvé très vite des formules qui traçaient les contours du
mystère, et dispensaient de chercher au-delà. » Il faudra
longtemps encore avant que les débats des conciles successifs ne débouchent,
vers 500, sur le Credo d’Athanase.
Le Credo d’Athanase
« Quiconque
veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : s'il ne la
garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l'éternité.
Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la
Trinité dans l'Unité, sans confondre les Personnes ni diviser la
substance : autre est en effet la Personne du Père, autre celle du Fils,
autre celle du Saint-Esprit; mais une est la divinité du Père, du Fils
et du Saint-Esprit, égale la gloire, coéternelle la majesté. Comme est
le Père, tel est le Fils, tel est aussi le Saint-Esprit : incréé est le
Père, incréé le Fils, incréé le Saint-Esprit; infini est le Père,
infini le Fils, infini le Saint-Esprit; éternel est le Père, éternel le
Fils, éternel le Saint-Esprit; et cependant, ils ne sont pas trois éternels,
mais un éternel; tout comme ils ne sont pas trois incréés, ni trois
infinis, mais un incréé et un infini. De même, tout-puissant est le Père,
tout-puissant le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit; et cependant ils ne
sont pas trois tout-puissants, mais un tout-puissant. Ainsi le Père est
Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu; et cependant ils ne sont
pas trois Dieux, mais un Dieu. Ainsi le Père est Seigneur, le Fils est
Seigneur, le Saint-Esprit est Seigneur; et cependant ils ne sont pas trois
Seigneurs, mais un Seigneur; car, de même que la vérité chrétienne
nous oblige à confesser que chacune des personnes en particulier est Dieu
et Seigneur, de même la religion catholique nous interdit de dire qu'il y
a trois Dieux ou trois Seigneurs. Le Père n'a été fait par personne et
il n'est ni créé ni engendré; le Fils n'est issu que du Père, il n'est
ni fait, ni créé, mais engendré; le Saint-Esprit vient du Père et du
Fils, il n'est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède. Il n'y
a donc qu'un Père, non pas trois Pères; un Fils, non pas trois Fils; un
Saint-Esprit, non pas trois Saints-Esprits. Et dans cette Trinité il
n'est rien qui ne soit avant ou après, rien qui ne soit plus grand ou
plus petit, mais les Personnes sont toutes trois également éternelles et
semblablement égales. Si bien qu'en tout, comme on l'a déjà dit plus
haut, on doit vénérer, et l'Unité dans la Trinité, et la Trinité dans
l'Unité. Qui donc veut être sauvé, qu'il croie cela de la Trinité.
Mais il est nécessaire au salut éternel de croire fidèlement aussi à
l'incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. Voici la foi orthodoxe:
nous croyons et nous confessons que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de
Dieu, est Dieu et homme. Il est Dieu, de la substance du Père, engendré
avant les siècles, et il est homme, de la substance de sa mère, né dans
le temps; Dieu parfait, homme parfait composé d'une âme raisonnable et
de chair humaine, égal au Père selon la divinité, inférieur au Père
selon l'humanité. Bien qu'il soit Dieu et homme, il n'y a pas cependant
deux Christ, mais un Christ; un, non parce que la divinité a été
transformée en la chair, mais parce que l'humanité a été assumée en
Dieu; un absolument, non par un mélange de substance, mais par l'unité
de la personne. Car, de même que l'âme raisonnable et le corps font un
homme, de même Dieu et l'homme font un Christ. Il a souffert pour notre
salut, il est descendu aux enfers, le troisième jour il est ressuscité
des morts, il est monté aux cieux, il siège à la droite du Père, d'où
il viendra juger les vivants et les morts. A sa venue, tous les hommes
ressusciteront avec leurs corps et rendront compte de leurs propres actes:
ceux qui ont bien agi iront dans la vie éternelle, ceux qui ont mal agi,
au feu éternel. Telle est la foi catholique: si quelqu'un n'y croit pas
fidèlement et fermement, il ne pourra être sauvé. Soli Deo Gloria. »
Nous sommes loin
des paroles de Paul :
« Aussi
est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et j'anéantirai
l'intelligence des intelligents.
« Où est
le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu
n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ?
« Car
puisque le monde, avec sa sagesse, n'a point connu Dieu dans la sagesse de
Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication.
Les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse : nous,
nous prêchons Christ crucifié; scandale pour les Juifs et folie pour les
païens, mais puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour ceux qui sont
appelés, tant Juifs que Grecs. Car la folie de Dieu est plus sage que les
hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » (1
Corinthiens 1:19-25).
Saint Augustin
On ne saurait
mieux résumer l’évolution de la pensée qui a conduit à la conception
que se fait de Dieu le christianisme traditionnel qu’en retraçant le
cheminement de celui qui allait devenir le plus grand théoricien du
catholicisme, saint Augustin (354-430), tel qu’il apparaît dans les
Confessions.
Augustin naît
d’un père païen et d’une mère profondément croyante, qui vont lui
faire faire les meilleures études qu’ils peuvent. Bon élève, il peut
dire : « Je tenais déjà le premier rang dans les écoles de Rhétorique
: ce qui… me rendait tout enflé d’orgueil » (III, 3, p. 93). Il
mène une vie dissolue, mais il y a en lui une soif d’absolu qui va réorienter
graduellement le cours de son existence.
A 19 ans, la
lecture d’un livre de Cicéron suscite en lui un amour profond pour la
sagesse : « Ce livre, qui… contient une exhortation à la
Philosophie, me toucha de telle sorte qu’il changea mes affections… je
brûlais d’un amour ardent et d’une passion incroyable d’acquérir
cette sagesse immortelle, et j’avais déjà commencé à me lever afin
de retourner à vous. » (III, 4, p. 94)
Mais comme tous
les intellectuels de son époque, il méprise la religion chrétienne
qu’il considère comme infantile :
« Je résolus
de m’appliquer à lire l’Ecriture sainte, pour connaître ce que c’était.
Et je reconnus par expérience et non par lumière, que c’est un livre
qui ne peut être pénétré par les superbes, ni entendu par les enfants
: qui paraissant bas dans l’entrée, se trouve fort élevé dans la
suite ; et dont la doctrine est voilée de mystères et de figures… elle me semblait indigne d’être
comparée à la majesté du style de Cicéron. Mon orgueil méprisait sa
simplicité, et mes yeux n’étaient pas assez clairs ni assez perçants
pour découvrir ses beautés cachées. Il est vrai que paraissant basse
pour s’accommoder aux humbles
et aux petits, elle croît avec eux… mais je dédaignais d’être petit
: la vanité dont j’étais enflé me faisait croire que j’étais
grand. » (III, 5, p. 96)
En 373, il adhère
au Manichéisme, qui le séduit un certain temps. Mais au fil des années,
la déception s’installe et il abandonnera définitivement le Manichéisme
en 386. En 384, il est nommé professeur de rhétorique à Milan. C’est
là qu’il entend prêcher un personnage d’une très grande réputation,
l’évêque Ambroise. C’est cette prédication qui va tout changer pour
lui. Ce qui l’a jusqu’alors empêché de devenir chrétien
(catholique), ce sont les croyances qu’il attribue à l’Eglise,
apparemment ce qu’il entend autour de lui et qu’il trouve
inadmissible.
Par exemple, il ne peut pas admettre
que Dieu ait une forme humaine :
« Je ne
savais pas que Dieu est un pur esprit qui n’a point de membres, qui
n’a ni longueur ni largeur, ni cette étendue qui est propre au corps,
parce qu’un corps est toujours moins grand dans sa partie que dans son
tout ; et qu’encore qu’il fût infini il serait toujours moins grand
dans un certain espace que dans toute son étendue infinie, ne pouvant
jamais être tout entier en chaque lieu ; ce qui n’est propre qu’à
Dieu… » (III, 7, p. 101).
« Il me
semblait qu’il était honteux pour vous de croire que vous eussiez une
figure humaine semblable à la nôtre, et que vous fussiez composé de
membres et de parties qui eussent les mêmes traits et les mêmes linéaments
qu’a notre corps, et qui fussent renfermés dans une aussi petite
circonférence. Mais la principale chose et presque la seule qui
m’entretenait dans l’erreur et me mettait dans une impossibilité
d’en sortir, était que, lorsque je me voulais former une idée de Dieu,
je me représentais toujours quelque chose de corporel et de sensible,
m’imaginant que ce qui n’avait point de corps n’avait point d’être. »
(V, 10, p. 171)
« …que
vous fussiez borné et renfermé de tous côtés dans la circonférence si
petite d’un corps humain, qui était l’opinion chimérique que les
Manichéens faisaient passer pour la Foi de votre Eglise. » (V, 10,
p. 172)
Mais les Manichéens
n’étaient manifestement pas les seuls à enseigner que Dieu avait un
corps. Les catholiques « les moins spirituels », sans doute le
commun du peuple, le croyaient aussi, probablement parce que les croyances
populaires sont plus conservatrices et préservent mieux les enseignements
du passé :
« Mais
lorsque j’eus aussi appris, qu’encore que les plus spirituels
d’entre vos enfants que vous avez, mon Dieu, engendrés dans votre grâce
dans le sein de l’Eglise Catholique, qui est leur Mère, croient que
vous avez formé l’homme à votre image, ils ne croient pas toutefois
que vous soyez renfermé dans les limites d’une forme humaine et d’un
corps humain… comme vous n’êtes point composé de parties dont les
unes soient plus grandes ou plus petites que les autres, mais qu’étant
tout entier en chaque lieu vous n’êtes néanmoins en aucun lieu, vous
n’avez aussi nullement cette forme corporelle que je m’imaginais
alors, quoique l’homme que vous avez créé à votre image soit compris
entièrement dans un espace limité de toutes parts. » (VI, 3, p.
187)
Il semble que ni
sa mère, ni le catéchisme, qu’Augustin avait suivi dans son enfance,
ne lui aient enseigné que Dieu était immatériel. Mais la prédication
d’Ambroise va mettre les pendules à l’heure pour Augustin en lui démontrant
qu’il ne faut pas comprendre la Bible littéralement, mais au sens figuré
:
« …En
tirant les voiles mystiques il [Ambroise]découvrait les sens cachés des
passages qui à les interpréter selon la lettre semblent enseigner une
mauvaise doctrine… » (VI, 4, p. 189)
« Après
lui avoir entendu expliquer souvent avec une merveilleuse clarté quelques
passages des plus difficiles et des plus obscurs de l’Ancien Testament,
qui faisaient mourir mon âme lorsque je les interprétais selon la lettre
qui tue…
« C’est
pourquoi, après lui avoir vu expliquer selon le sens spirituel et allégorique
plusieurs endroits de la vieille Loi, je commençai à condamner cette
fausse croyance que j’avais eue qu’il fût impossible de répondre à
ceux qui font mille railleries, et vomissent mille blasphèmes contre la
Loi et les Prophètes. » (V, 14, pp. 177-178)
Augustin respire
:
« C’est déjà
beaucoup que les passages de l’Ecriture sainte ne me semblent plus
absurdes et insoutenables, comme je les avais crus auparavant ; mais que
je reconnaisse au contraire qu’on les peut fort bien soutenir, et
d’une manière qui ne choque nullement la raison » (VI, 11, 206).
Et comment
Augustin explique-t-il le fait que la Bible dit des choses « absurdes
et insoutenables ? » C’est que « le peuple juif était si
grossier et si charnel, que Moïse ne jugeait pas à propos de leur parler
d’autres ouvrages de Dieu que de ceux qui sont visibles et corporels. »
(XII, 17, p. 468)
« L’Eglise
Catholique n’enseigne pas ce que je pensais : elle est très éloignée
des erreurs dont je l’accusais si injustement ; ceux qui sont instruits
dans sa doctrine condamnent comme un blasphème cette pensée, que Dieu
soit renfermé dans la circonférence d’un corps humain. » (VI,
11, p. 206)
La voie est libre
pour sa conversion au catholicisme. En 386, près d’un an avant son baptême,
il est ébloui par la découverte de la pensée néo-platonicienne
(Plotin, Porphyre VII, 9-10), qui lui font comprendre la divinité du
Verbe éternel.
Augustin va dorénavant
poursuivre l’œuvre de ses prédécesseurs d’helléniser le
christianisme. On va retrouver dans ses enseignements la conception
platonicienne de Dieu en tant que moteur premier, immatériel, immobile,
hors de l’espace et hors du temps :
« Mais, mon
Dieu… Comment avez-vous fait le ciel et la terre ? Certes, vous n’avez pas créé le ciel et la
terre, ni dans le ciel, ni dans la terre, ni dans l’air, ni dans les
eaux, puisque toutes ces choses sont comprises dans le ciel et dans la
terre. Vous n’avez pas non plus créé tout ce grand univers dans
l’univers, parce qu’avant qu’il fût créé il n’y avait point de
place dans laquelle on le pût créer pour lui donner l’être. Vous
n’aviez rien entre les
mains dont vous pussiez former quelque chose, si auparavant vous ne
l’aviez faite elle-même, puisque votre être est la cause de tous les
êtres ? » (XI, 6, pp. 412-13)
« L’éternité…
n’a rien en soi qui se passe, mais… tout y est présent ; ce qui ne se
rencontre point dans le temps… puisque tout le passé est chassé par
l’avenir, et que tout l’avenir succède au passé… cette éternité
qui n’est ni passée ni future, forme tous les temps passés et futurs
en demeurant toujours immobile. » (XI, 11, p. 418)
« Vous êtes
seul éternel et immortel, parce que vous ne changez jamais ni par aucune
nouvelle forme, ni par aucun mouvement, et que votre volonté n’est
jamais diverse en divers temps. » (XII, 11, p. 457).
Pour ce qui est
de la question: Que faisait Dieu avant la création du monde ? Il répond
que le problème ne se pose pas puisque c’est Dieu qui a créé le temps
:
« Puisque
vous êtes l’auteur et le Créateur de tous les siècles, comment les siècles
innombrables auraient-ils pu se passer si vous ne les aviez créés ? Ou
quel temps aurait-il pu y avoir, s’il n’avait été formé par vous
?… et ainsi il ne se peut point faire qu’il se soit passé du temps
avant que vous fissiez le temps… Vos années demeurent toutes ensemble
dans une stabilité immuable, parce qu’elles sont stables et
permanentes. » (XI, 13, pp. 420-21)
Comme il ne peut
rien exister en dehors de Dieu, il a fatalement fallu qu’il crée
l’univers à partir de rien :
« Car vous
avez créé le ciel et la terre, non pas de votre substance, puisqu’ils
auraient été égaux à votre Fils unique, et par conséquent à vous, et
qu’il n’y aurait point d’apparence que ce qui n’est pas en vous fût
égal à vous. Or il n’y avait nulle autre chose hors de vous, mon Dieu,
unité suprême et ineffable Trinité, dont vous l’eussiez pu former, et
partant vous avez fait de rien le ciel et la terre, c’est-à-dire
quelque chose d’excellent, et quelque chose qui n’est presque rien. »
(XII, 7, p. 453)
L’influence
d’Augustin sera telle que plus personne ne contestera cette vision
philosophique de Dieu et que le monde chrétien l’acceptera sans
discussion et ceci d’autant plus que la culture occidentale est imprégnée
de la pensée grecque et romaine.
Cela explique que
quand les saints des derniers jours, forts de la Première Vision de
Joseph Smith, enseignent que « le Père a un corps de chair et d'os
aussi tangible que celui de l'homme, le Fils aussi; mais le Saint-Esprit
n'a pas de corps de chair et d'os, c'est un personnage d'esprit »
(D&A 130:22), pour les chrétiens traditionnels, il s’agit là
d’un retour à une conception rétrograde de Dieu, qu’ils assimilent
à celle de la mythologie où les dieux avaient une forme humaine… et
des défauts humains.
Une certitude
reste : la conception chrétienne traditionnelle de Dieu n’est pas
biblique. Elle n’est pas le produit de la révélation, mais d’un
consensus péniblement atteint par des hommes utilisant leur seul
raisonnement et qui débouche sur un tissu de contradictions que nous
devons croire sans le comprendre, car c’est un « mystère ».
Les saints des derniers jours ont, eux, une autre
certitude, celle de Joseph Smith, qui a vu Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ,
confirmant par l’observation directe que l’on peut en toute confiance
laisser la Bible dire ce qu’elle dit.
Ce que la Bible dit
La ressemblance physique de l’homme avec Dieu
L’étude
attentive des premiers chapitres de la Genèse nous apprend déjà
l’essentiel : « Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon
notre ressemblance… Dieu créa
l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et
la femme » (Genèse 1:26-27).
« Lorsque
Dieu créa l'homme, il le fit à la ressemblance de Dieu… Adam, âgé de
cent trente ans, engendra un fils à sa ressemblance, selon son image, et
il lui donna le nom de Seth » (Genèse 5:1, 3).
Le parallèle
entre la ressemblance de Seth avec Adam et d’Adam avec Dieu est
clairement délibéré : il s’agit bel et bien d’une ressemblance
physique dans l’esprit de l’auteur sacré.
« L’Eternel
Dieu dit : Voici l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la
connaissance du bien et du mal » (Genèse 3:22).
Le Père et le Fils
Qui était donc là
avec Dieu ? La réponse incontestable découle du premier chapitre de l’évangile
de Jean. Celui-ci a clairement voulu que le début de son évangile
rappelle au lecteur le début de la Genèse. Les versets 1-5 contiennent
les mêmes idées que Genèse 1-3 : le commencement, la création, la lumière,
les ténèbres :
« Au
commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole
était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été
faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière
luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue »
(Jean 1:1-5).
Qui était la
Parole ? Jean le précise de telle façon qu’on ne puisse s’y tromper
:
« Et la
Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce
et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la
gloire du Fils unique venu du Père. Jean lui a rendu témoignage, et
s'est écrié : C'est celui dont j'ai dit : Celui qui vient après moi m'a
précédé, car il était avant moi » (Jean 1:14-15).
C’est-à-dire Jésus-Christ.
Avec cette allusion volontaire à la Genèse, Jean a voulu que nous
comprenions bien que c’était Jésus, qui « était avec Dieu et était
Dieu ».
Dans l’épisode
où Adam et Eve sont chassés du jardin d’Eden, Dieu est appelé
« JHVH Elohim ». Elohim est un pluriel et on peut très bien
imaginer que ce sont le Père et le Fils qui sont apparus à Adam et à
Eve, même si le verbe hébreu est au singulier (il est au pluriel dans
1:26).
Apparitions de Dieu
Dans l’Ancien Testament
De nombreux
passages parlent des apparitions de Dieu :
« L'Eternel
apparut à Abram, et dit : Je donnerai ce pays à ta postérité. Et Abram
bâtit là un autel à l'Eternel, qui lui était apparu » (Genèse
12:7).
« L'Eternel
lui apparut, et dit : Ne descends pas en Egypte, demeure dans le pays que
je te dirai » (Genèse 26:2).
« L'Eternel
lui apparut dans la nuit, et dit : Je suis le Dieu d'Abraham, ton père;
ne crains point, car je suis avec toi; je te bénirai, et je multiplierai
ta postérité, à cause d'Abraham, mon serviteur » (Genèse 26:24).
« Dieu s'éleva au-dessus de lui, dans le lieu
où il lui avait parlé » (Genèse 35:13)
« Jacob dit
à Joseph : Le Dieu tout-puissant m'est apparu à Luz, dans le pays de
Canaan, et il m'a béni » (Genèse 48:3)
« L'ange de
l'Eternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d'un buisson. Moïse
regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se
consumait point. Moïse dit: Je veux me détourner pour voir quelle est
cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. L'Eternel
vit qu'il se détournait pour voir; et Dieu l'appela du milieu du buisson,
et dit : Moïse ! Moïse ! Et il répondit : Me voici ! Dieu dit :
N'approche pas d'ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur
lequel tu te tiens est une terre sainte. Et il ajouta : Je suis le Dieu de
ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse
se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu » (Exode
3:2-6).
« Dieu
parla encore à Moïse, et lui dit : Je suis l'Eternel. Je suis apparu à
Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu tout-puissant; mais je n'ai
pas été connu d'eux sous mon nom, l'Eternel » (Exode 6:2-3).
« Ainsi
l'Eternel descendit sur la montagne de Sinaï, sur le sommet de la
montagne; l'Eternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse
monta » (Exode 19:20).
« Moïse
monta avec Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël. Ils
virent le Dieu d'Israël; sous ses pieds, c'était comme un ouvrage de
saphir transparent, comme le ciel lui-même dans sa pureté. Il n'étendit
point sa main sur l'élite des enfants d'Israël. Ils virent Dieu, et ils
mangèrent et burent » (Exode 24:9-11).
« L'Eternel
parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle à son ami »
(Exode 33:11).
« L'Eternel
dit : Tu ne pourras pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir et
vivre. L'Eternel dit : Voici un lieu près de moi; tu te tiendras sur le
rocher. Quand ma gloire passera, je te mettrai dans un creux du rocher, et
je te couvrirai de ma main jusqu'à ce que j'aie passé. Et lorsque je
retournerai ma main, tu me verras par derrière, mais ma face ne pourra
pas être vue » (Exode 33:20-23).
« Il n'en
est pas ainsi de mon serviteur Moïse. Il est fidèle dans toute ma
maison. Je lui parle bouche à bouche, je me révèle à lui sans énigmes,
et il voit une représentation de l'Eternel » (Nombres 12:7).
Dieu apparaît
aussi à Salomon (1 Rois 3:5 ; 1 Rois 9:2 ; 1 Rois 11:9).
« Et Michée
dit : ... J’ai vu l’Eternel assis sur son trône, et toute l’armée
des cieux se tenant auprès de lui, à sa droite et à sa gauche »
(1 Rois 22:19).
« L'année
de la mort du roi Ozias [dit Esaïe], je vis le Seigneur assis sur un trône
très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple... Alors je
dis : Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres
sont impures, j'habite au milieu d'un peuple dont les lèvres sont
impures, et mes yeux ont vu le Roi, l'Eternel des armées » (Esaïe
6:1, 5).
Ezéchiel fait
cette description saisissante :
« Au-dessus
du ciel qui était sur leurs têtes, il y avait quelque chose de semblable
à une pierre de saphir, en forme de trône; et sur cette forme de trône
apparaissait comme une figure d'homme placé dessus en haut. Je vis encore
comme de l'airain poli, comme du feu, au dedans duquel était cet homme,
et qui rayonnait tout autour; depuis la forme de ses reins jusqu'en haut,
et depuis la forme de ses reins jusqu'en bas, je vis comme du feu, et
comme une lumière éclatante, dont il était environné. Tel l'aspect de
l'arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l'aspect de
cette lumière éclatante, qui l'entourait: c'était une image de la
gloire de l'Eternel. A cette vue, je tombai sur ma face, et j'entendis la
voix de quelqu'un qui parlait » (Ezéchiel 1:26-28).
Dans le Nouveau Testament
« Mais
Etienne, rempli du Saint-Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit
la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Et il dit :
Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la
droite de Dieu » (Actes 7:55-56).
Paul
s’adressant aux Athéniens sur l’Aréopage : « C‘est ce
qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes : Nous sommes de sa race
… Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la
divinité soit semblable à de l'or, à de l'argent, ou à de la pierre,
sculptés par l'art et l'industrie de l'homme » (Actes 17:29).
« Bien-aimés,
nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas
encore été manifesté; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté,
nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est »
(1 Jean 3:2).
Jésus-Christ, révélation du Père
Nous disposons
donc d’une série importante de témoignages dans laquelle
l’anthropomorphisme de Dieu est clairement exprimé. Cela apparaît également
dans les passages relatifs à Jésus :
« Philippe
lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Jésus lui
dit : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu,
Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu : Montre-nous le
Père ? » (Jean 14:8-9).
« Il [Jésus-Christ]
est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création »
(Colossiens 1:15)
« Car en
lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité »
(Colossiens 2:9).
« … et
qui [Jésus-Christ], étant le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa
personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la
purification des péchés et s'est assis à la droite de la majesté
divine dans les lieux très hauts… » (Hébreux 1:3).
Ce qui précède
est on ne peut plus clair, même si certains objectent, en disant que
c’est là une manière figurée de s’exprimer ou que Dieu emprunte la
forme d’un corps pour se montrer. Cependant la Bible ne dit nulle part
que Dieu est immatériel et sans forme et qu’il prend une forme
corporelle pour se montrer. L’objection est donc basée sur une façon
extra-biblique de concevoir Dieu.
Objections
Peut-on voir Dieu
?
En plus d’Exode
33:23, quatre autres passages d’Ecriture, dont trois ont Jean pour
auteur, semblent aller à l’encontre de ce qui précède :
« Personne
n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est
celui qui l'a fait connaître » (Jean 1:18).
« Personne
n'a jamais vu Dieu; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure
en nous, et son amour est parfait en nous » (1 Jean 4:12).
« Ce
n’est pas que personne ait vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu;
celui-là a vu le Père » (Jean 6:46).
« … Jésus-Christ,
que manifestera en son temps le bienheureux et seul souverain, le roi des
rois, et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l'immortalité, qui
habite une lumière inaccessible, que nul homme n'a vu ni ne peut voir, à
qui appartiennent l'honneur et la puissance éternelle. Amen ! »
(1Timothée 6:15-16).
Joseph Smith
apporte les corrections suivantes dans la Traduction inspirée de la Bible
:
Jean 1:18 :
« Personne n'a jamais vu Dieu sans rendre témoignage du Fils ; car
si ce n’est par son intermédiaire, nul ne peut être sauvé. »
1 Jean 4:12 :
« Personne n’a jamais vu Dieu, si ce n’est ceux qui croient ; si
nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour
est parfait en nous. »
1 Timothée
6:15-16 : « …Jésus-Christ, que manifestera en son temps le
bienheureux et seul souverain, le roi des rois, et le Seigneur des
seigneurs, à qui soient l'honneur et la puissance éternels, que nul
homme n'a vu ni ne peut voir, que nul ne peut approcher, si ce n’est
celui en qui demeurent la lumière et l’espérance de l’immortalité. »
Indépendamment
de ces corrections, il faut remarquer que ces passages ne concernent que
le Père et n’affectent donc que les visions où Jésus est vu à la
droite de son Père, c’est-à-dire celles d’Etienne et de Joseph
Smith. Le Dieu de l’Ancien Testament étant Jésus-Christ.
Dieu est-il un esprit ?
On oppose parfois
à l’idée que Dieu a un corps de chair et d’os, le dialogue entre Jésus
et la Samaritaine ou Jésus semble dire que Dieu est un esprit :
« Seigneur,
lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré sur
cette montagne; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à
Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera
ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous
adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous
connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, et elle est
déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en
vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est
esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité »
(Jean 4:19-24).
L’examen du
texte grec montre que le propos de Jésus n’est pas d’affirmer la
nature de Dieu, mais de jouer sur la préposition ‘ènn’, qui veut
dire ‘en’ pour montrer comment il faut adorer Dieu. Traduit littéralement,
le dialogue donne ceci :
« Seigneur,
lui dit la femme, je vois que tu es prophète. Nos pères ont adoré en
cette montagne; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est en
Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera
ni en cette montagne ni en Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous
adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous
connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, et elle est
déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en
vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. Dieu est
esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité ».
Autrement dit : le culte n’est pas une affaire de lieu, mais une affaire
de communication d’esprit à esprit.
Conclusion
Pour la Bible et
les premiers chrétiens Dieu a une forme humaine. Il est l’Homme
parfait. Il aime, s’irrite, compatit, pardonne, châtie, est patient,
etc. C’est un Dieu que nous n’avons aucun mal à considérer comme
notre Père et à aimer comme tel. Le christianisme traditionnel en a fait
un être qui est « le totalement Autre », n’ayant aucun
point commun avec nous. Il est immatériel, immobile et impassible, et on
peut se demander, dans ces conditions, comment il pourrait avoir une
affinité quelconque avec nous. Peut-être est-ce pour cela qu’on a
substitué à son culte celui de la vierge et des saints, plus proches des
hommes.
En tout état de
cause, ce Dieu est celui de la philosophie, le fruit des débats de
plusieurs conciles, pas de la révélation. C’est donc un Dieu imaginé
par les hommes. Quel crédit
pouvons-nous accorder à cette façon de définir Dieu ? Comme le disait
Joseph Smith, qui était bien placé pour savoir de quoi il parlait :
« Si vous pouviez regarder cinq minutes dans le ciel, vous en
sauriez plus que vous n’en sauriez en lisant tout ce qui a jamais été
écrit sur le sujet. »
|