La théologie de l’Église de Jésus-Christ des
Saints des Derniers Jours propose une conception de Dieu qui diffère
radicalement de celle du monde chrétien traditionnel. Les choses se
compliquent encore quand les uns affirment que Dieu a atteint un stade où
il ne progresse plus et les autres qu’il continue à progresser. La
contradiction n’est qu’apparente. Voici comment on la résout.
PERFECTION ET PROGRESSION : DEUX MANIÈRES COMPLÉMENTAIRES DE PARLER DE
DIEU
par Eugene England [1]
BYU Studies, vol. 29, 1989, n° 3 – été 1989, pp. 31-45
Le 6 avril 1844, Hyrum Smith, conseiller du prophète Joseph Smith, parlant
à la conférence générale de l’Église, dit : « Je ne servirais pas un Dieu
qui n'aurait pas toute sagesse et tout pouvoir [2]. » Pourtant, le 13
janvier 1867, parlant au Tabernacle comme président de l’Église, Brigham
Young dit : « Selon la théorie [de certains], Dieu ne peut plus progresser
en connaissance ni en puissance, mais le Dieu que je sers progresse
éternellement et ses enfants aussi [3]. »
Il est difficile d'imaginer contradiction plus flagrante dans des
déclarations d’autorités concernant la conception mormone de Dieu : Hyrum
Smith dit que Dieu a toute sagesse et tout pouvoir ; Brigham Young dit que
non et qu'il progresse dans ces attributs. Comment a-t-il pu y avoir un
retournement aussi spectaculaire dans le dogme ? N’est-ce pas là une
simple affaire de vrai et de faux ? N'est-il pas certain qu'ou bien Dieu
est parfait, avec l’omniscience et la toute-puissance ou qu’il ne l'est
pas ? Comment pourrait-il y avoir une opposition directe au niveau des
prophètes sur quelque chose d’aussi évident et d’aussi fondamental ?
Ce que je veux démontrer, c’est tout simplement qu’en réalité il n’y a pas
de contradiction [4]. Ces dirigeants de l’Église utilisaient deux manières
différentes, mais complémentaires, de parler de Dieu basées sur deux
aspects différents de la compréhension que les mormons ont de Dieu, qui
sont, je crois, tous les deux essentiels à notre théologie et doivent être
conservés. À l'aide d'un concept de base, celui de sphères de
développement différentes et progressives et d’une possibilité de
perfection au sein de chaque sphère, il est possible de croire à la fois
en la perfection de la connaissance et du pouvoir de Dieu par rapport à
notre sphère et en sa progression dans ces attributs dans sa sphère et les
sphères plus hautes. Ce concept, c’est Brigham Young qui a été le premier
à le formuler fermement, mais il avait déjà été évoqué précédemment dans
certains des discours de Joseph Smith et dans les Doctrine et Alliances et
il a été utilisé par la plupart des personnalités principales de la
théologie mormone depuis le commencement jusqu'à nos jours.
Joseph Smith a enseigné ces deux points de doctrine au sujet de Dieu. Le
Livre de Mormon et les Doctrine et Alliances, conformes en cela aux
Écritures chrétiennes traditionnelles, disent de Dieu qu’il est omniscient
et tout-puissant [5]. Le tout premier grand exposé doctrinal de l’Église,
les Lectures on Faith, va jusqu’à utiliser les catégories
chrétiennes traditionnelles (empruntées à la philosophie grecque) de
l'omniprésence, de l'omniscience et de l'omnipotence pour décrire Dieu. Il
affirme explicitement que « sans la connaissance de toutes choses, Dieu ne
pourrait sauver aucune partie de sa création… et s'il n'y avait pas, dans
l’esprit des hommes, l’idée que Dieu a toute la connaissance, il leur
serait impossible de faire preuve de foi en lui [6]. »
On ne sait toujours pas avec certitude quel rôle Joseph Smith a joué dans
la composition des Lectures on Faith. Ils semblent être
principalement l’œuvre de Sidney Rigdon et certains lecteurs y voient une
étape très ancienne de la pensée doctrinale mormone sur Dieu, une étape
encore fortement influencée par les credo chrétiens traditionnels [7]. Par
exemple, Dieu est décrit comme un personnage d'esprit, seul le Christ
étant un personnage incarné et le Saint-Esprit comme n’étant pas une
personnalité du tout mais comme une sorte de volonté unificatrice du Père
et du Fils. Ceux qui citent les Lectures on Faith ont dû faire un
travail d’édition, ajouter des notes de bas de page et des explications
afin de les rendre conformes à la pensée mormone orthodoxe postérieure,
comme, par exemple, Joseph Fielding Smith le fait au début des Doctrines
du salut. Ce problème a été reconnu dans les efforts des autorités de
l’Église pour revoir les Lectures on Faith au début des années
1900, ou du moins pour ajouter une note de bas de page, et ensuite la
décision prise en 1921 de les exclure plutôt des Doctrine et Alliances
[8]. Mais Joseph Smith ne les a jamais rejetés. Il est probable que, s’ils
avaient été écrits plus tard, lorsque sa compréhension avait évolué, lui
aussi aurait nuancé ou expliqué certains des termes et des notions qui s’y
trouvent, mais je pense qu'il ne voyait aucune contradiction inhérente
entre eux et la compréhension qu’il a acquise plus tard des rapports de
Dieu avec les sphères d'existence supérieures.
Cette vision des choses avait été obtenue et amplifiée pendant un certain
nombre d'années avant d’être proclamée très clairement, globalement et
publiquement dans le célèbre « discours sur King Follett », prononcé lors
de cette même conférence d'avril 1844, au cours duquel Hyrum Smith mit
l’accent sur la perfection de Dieu. Le « discours sur King Follett »
lui-même est sujet à certaines réserves parce qu'il a été enregistré de la
manière assez imprécise qui était possible à l’époque, en toutes lettres,
bien que par quatre secrétaires, dont le travail fut plus tard amalgamé.
Joseph Smith n’y dit nulle part de manière formelle que Dieu progresse
actuellement en connaissance et en puissance, mais aussi bien là que dans
les Doctrine et Alliances, il déclare de manière parfaitement claire que
Dieu n'est pas suprême partout et n'a pas toute la puissance, en disant
qu'il y a des dieux au-dessus de lui et en citant des choses bien précises
que même Dieu ne peut pas faire : Dieu ne peut pas créer les éléments ni
quoi que ce soit d’autre de rien ; il ne peut pas créer des intelligences
ni les sauver de force. En outre, Joseph Smith décrit clairement un
processus éternel d’acquisition de connaissance et de progression par
lequel l'état divin est atteint, et il sous-entend au moins que le
processus continue pour Dieu lui-même :
« Dieu lui-même a jadis été tel que nous sommes maintenant et est un homme
exalté et siège sur son trône dans les cieux là-haut! Voilà le grand
secret… Le premier principe de l’Évangile est de connaître avec certitude
la nature de Dieu et de savoir que nous pouvons converser avec lui… il
faut que vous appreniez comment être vous-mêmes des dieux, et être rois et
prêtres de Dieu exactement comme tous les dieux l’ont fait avant vous, à
savoir en passant d’un petit degré à l’autre et d’une petite capacité à
une plus grande; de grâce en grâce, d’exaltation en exaltation. [Jésus a
dit :] Mon Père a travaillé avec crainte et tremblement pour obtenir son
royaume, et je dois faire de même; et lorsque j’aurai obtenu mon royaume,
je le présenterai à mon Père, afin qu’il puisse recevoir royaume sur
royaume, et cela l’exaltera en gloire. Il passera alors à une plus haute
exaltation et je prendrai sa place, et deviendrai ainsi moi-même exalté
afin qu’il puisse recevoir royaume sur royaume…
« Tous les esprits que Dieu a jamais envoyés dans le monde peuvent se
développer… Les rapports que nous avons avec Dieu nous mettent en mesure
de progresser dans la connaissance… Dieu lui-même, se trouvant au milieu
des esprits et de la gloire, vit, parce qu’il était plus intelligent,
qu’il était utile d’instituer des lois grâce auxquelles le reste aurait la
possibilité d’avancer comme lui. Les rapports que nous avons avec Dieu
nous mettent en mesure de progresser dans la connaissance. Il a le pouvoir
d’instituer des lois pour instruire les intelligences plus faibles, afin
qu’elles soient exaltées avec lui, pour qu’elles aient joie sur joie et
toute la connaissance, tout le pouvoir, toute la gloire… » [9].
Notez ici l’absence de l'absolutisme chrétien traditionnel. L'accent
semble plutôt être sur la ressemblance de Dieu avec les humains, sur le
fait que Dieu est le même genre d'être que nous et met à notre disposition
un processus de progression par lequel il est lui-même passé et dans
lequel il est apparemment toujours engagé, « grâce [auquel les moins
intelligents auraient] la possibilité d’avancer comme lui ». La forme
verbale implique qu’il progresse toujours. Dieu est une intelligence «
plus grande » mais pas absolue ; il évolue vers des exaltations de plus en
plus hautes, pas vers un état absolu de l'exaltation la plus élevée
possible ; une gloire s’ajoute à l'autre « dans toute la connaissance,
tout le pouvoir, toute la gloire [10]. »
Dans le numéro de l'hiver 1978 de BYU Studies, qui contient un texte
nouvellement amalgamé du « discours sur King Follett », Van Hale démontre
que Joseph Smith enseignait le concept de la pluralité des dieux depuis
1835 et que ses associés directs, tels que Hyrum Smith et Brigham Young,
le comprenaient très bien. George Laub cite dans son journal Hyrum Smith
lui-même comme enseignant, le 27 avril 1843, qu'il y a « toute une
succession et une lignée entière de dieux [11]. » En fait, dans ce sermon
même, Hyrum fournit le texte scripturaire de base pour le changement de
perspective qui permet de parler de nombreux dieux, de sphères croissantes
de puissance et d'intelligence et puis de changer de ton et de parler d'un
seul Dieu, notre Dieu, parfait dans l'intelligence et la puissance et donc
capable de sauver ses enfants sur la terre. Il commence son exposé en
citant 1 Corinthiens 8:5-6 : « Il existe réellement plusieurs dieux et
plusieurs seigneurs, néanmoins pour nous il n'y a qu'un seul Dieu, le Père.
» En dépit du contexte de cette Écriture, un commentaire de Paul sur la
croyance aux idoles, Brigham Young, B. H. Roberts, Joseph Fielding Smith
et beaucoup d'autres l'ont employée comme brève explication de la façon
dont il est possible d'être polythéiste chrétien (techniquement parlant,
hénothéiste) et monothéiste : comment nous pouvons parfois parler sur un
mode aventureux d’ordres multiples de la divinité et comment nous pouvons
considérer les sphères avancées qui existent dans les infinis, mais en
même temps, sans contradiction, nous pouvons parler dans un esprit
d’adoration de notre Dieu unique et de sa connaissance parfaite et de son
pouvoir rédempteur suprême dans la sphère de notre monde.
Certains prophètes et théologiens mormons ont considéré que ce passage des
Corinthiens sert expressément à décrire la différence entre une manière de
parler et de penser qui est centrée sur les sphères multiples de
l'existence infinie, où il y a « plusieurs dieux et plusieurs seigneurs »,
et une manière qui est centrée sur la sphère unique de notre existence
immédiate, où il n’y a « qu’un seul Dieu, le Père », celui devant qui nous
sommes responsables et qui est parfait et ne progresse donc pas dans notre
sphère mortelle. Je pense personnellement que cette utilisation du passage
par les prophètes suggère aussi que les deux manières de parler de Dieu
sont vraies et orthodoxes – et complémentaires.
Quand nous considérons les choses de cette façon, nous pouvons comprendre
que Hyrum Smith, quand il proclame : « Je ne servirais pas un Dieu qui
n’aurait pas toute sagesse et tout pouvoir », parle dans l’optique de
cette seconde sphère unique dans laquelle « pour nous il n’y a qu’un seul
Dieu, le Père ». Ce qui le préoccupe, le contexte le montre clairement,
c’est la foi des saints dans le pouvoir du Christ de sauver, qui avait été
peut-être sapée par un accent trop exclusif sur le premier niveau, celui
des sphères multiples :
« Je veux étouffer toute influence fausse. Si je pensais que je devrais
être sauvé et que, dans l'assemblée, il devrait y en avoir qui seraient
perdus, je ne serais pas heureux… Notre Sauveur est compétent pour nous
sauver tous de la mort et de l'enfer. Je peux le prouver par la révélation.
Je ne servirais pas un Dieu qui n'aurait pas toute sagesse et tout pouvoir.
»
Brigham Young, comme Hyrum Smith, utilisait les deux manières de parler de
Dieu. Parfois, apparemment quand il sentait que son auditoire avait le
plus besoin de cette perspective, il parlait au plan de la sphère unique,
se concentrant, en termes chrétiens classiques, sur la souveraineté de
Dieu dans notre monde. Le président Young mettait souvent l’accent sur les
perfections de Dieu, sur sa connaissance et son pouvoir absolument
suffisants pour nous sauver. Mais en beaucoup d'autres occasions,
particulièrement au cours de ses débats continuels avec Orson Pratt, il se
mettait franchement sur le plan des sphères multiples, se réjouissant de
la vision grandiose qu'il avait reçue de Joseph Smith concernant « la
progression éternelle » (une expression qu’il semble avoir inventée), qui
est le cœur de l'activité et de la motivation des dieux et des hommes :
« Le premier grand principe qui doit retenir l'attention de l’humanité,
que doivent comprendre l'enfant et l'adulte et qui est le ressort
principal de toute action, qu'on le comprenne ou non, c'est le principe de
l’amélioration. Le principe de l'accroissement, de l'exaltation, d'ajouter
à ce que nous possédons déjà, est le grand principe et la cause motrice
suprême des actes des enfants des hommes… le ressort principal des actions
de [tous] les hommes. Ceux qui professent être saints des derniers jours,
qui ont la bénédiction de recevoir et de comprendre les principes du saint
Évangile, sont tenus d’étudier, de découvrir et de mettre en pratique dans
leur vie les principes qui sont conçus pour durer et qui tendent vers un
accroissement continuel dans ce monde-ci et dans monde à venir.
« Toutes leurs entreprises terrestres devraient être basées sur ce
principe. Cela seul peut leur assurer l’exaltation ; c'est le point de
départ, dans cette existence, vers une progression sans fin [12]. »
Il ressort clairement d'autres sermons que, quand il parle de «
progression », Brigham Young ne pense pas à un simple accroissement
quantitatif dans le nombre d'enfants ou de royaumes d'esprit, dans le sens
où nous employons parfois le terme « accroissement éternel » actuellement.
Il a dit : « Nous ne cesserons jamais d'apprendre, à moins que nous
apostasiions… Pouvez-vous comprendre cela ? » [13] Et ce n'était pas là
une notion secondaire. Elle était au centre de sa théologie :
« Ne nous replions pas sur nous-mêmes, car le monde, avec toute sa variété
d'informations utiles et ses riches amas de trésors cachés, est devant
nous ; et l'éternité, avec toute son intelligence pétillante, ses
aspirations sublimes et ses gloires indicibles, est devant nous [14]. »
« Quand nous serons passés dans la sphère où Joseph se trouve, il y aura
encore un autre département et puis un autre et un autre et ainsi de suite
vers une progression éternelle dans l'exaltation et les vies éternelles.
C'est l'exaltation que je recherche [15]. »
« Quand nous aurons vécu des millions d'années en la présence de Dieu et
des anges… cesserons-nous alors d'apprendre ? Non, sinon l'éternité
cessera [16]. »
Brigham Young se délectait de sa vision illimitée d’acquisition de
connaissance et d’expérience continue et sans fin. C'était, pour lui,
aussi bien la raison que le moyen de la poursuite de l'existence, de la
vie éternelle. Elle l’amenait à se réjouir de l’universalité de l'Évangile
:
« Toute réalisation, toute grâce, tout accomplissement utile dans les
mathématiques… dans tout ce qui est science et art appartient aux saints
et ils doivent profiter aussi rapidement que possible de l’abondance de
connaissances que les sciences offrent au savant diligent et persévérant
[17]. »
« Nous, les saints dans les derniers jours, nous avons beaucoup à
apprendre ; il y a une éternité de connaissance devant nous ; nous ne
recevons tout au plus que très peu dans cette étape de notre progression
[18]. »
Cet enthousiasme a amené Brigham Young à inverser complètement la légende
médiévale de Faust, qui implique que trop de science mène le chrétien au
blasphème ; il affirme que ce n’est que quand nous blasphémons, quand nous
péchons contre le Saint-Esprit, que nous cessons finalement d’apprendre :
« Si nous continuons à apprendre tout ce que nous pouvons au sujet du
salut qui nous est acheté et présenté par l'intermédiaire du Fils de Dieu,
y a-t-il un moment où une personne cessera d'apprendre? Oui, quand elle
aura péché contre Dieu le Père, Jésus-Christ, le Fils, et le Saint-Esprit
- le ministre de Dieu; lorsqu'elle aura renié le Seigneur, l'aura défié et
commis le péché que la Bible dit être le péché impardonnable - le péché
contre le Saint-Esprit. C'est alors qu'elle cessera d'apprendre et
dorénavant sombrera dans l'ignorance, oubliant ce qu'elle connaissait
déjà… Elle cessera de s'accroître, mais doit diminuer…. Ce sont là les
seules personnes qui cesseront jamais d'apprendre, tant dans le temps que
dans l'éternité [19]. »
Sa croyance en la progression sans fin dans la connaissance n'était pas de
la théorie, contrairement, de toute évidence, à d’autres sujets. Pour
certaines choses, telles que la situation exacte d'Adam, il disait
franchement : « Je suppose » telle et telle chose ou : ce sujet « ne
concerne pas immédiatement votre bien-être ou le mien. » Mais il est clair
qu’il estimait que l'idée de la progression éternelle était véritablement
l'élément fondamental de toute action, y compris l'action divine et que
les concepts centraux qu'il avait appris de Joseph concernant la
progression, aussi bien chez Dieu que chez les humains, devaient être
maintenus vivaces dans l'héritage mormon. Il réimprima le « discours sur
King Follett » un certain nombre de fois et il répétait souvent qu’il ne
faisait et n’enseignait que ce qu'il avait appris de Joseph. Quelques mois
seulement avant sa mort, il témoigna :
« Depuis la première fois que j'ai vu le prophète Joseph, je n'ai jamais
perdu le moindre mot dit par lui au sujet du royaume. Et cela, c'est la
clef de la connaissance que j'ai aujourd'hui, que j'ai écouté les paroles
de Joseph et les ai gardées dans mon cœur, les ai mises en réserve,
demandant à mon Père au nom de son Fils Jésus de me les ramener à l'esprit
lorsque j’en aurais besoin [20] ».
Plusieurs des apôtres qui les ont bien connus tous les deux et qui, comme
Brigham, ont été instruits et formés par Joseph d'une manière concentrée
au cours des deux dernières années de sa vie, ont témoigné que Brigham
Young a effectivement réussi à se rappeler et à enseigner ce que Joseph
enseignait.
Un des grands motifs des désaccords doctrinaux constants et
remarquablement publics de Brigham Young avec Orson Pratt était son souci
non seulement que frère Pratt était dans l’erreur en insistant sans
nuances sur la perfection absolue de Dieu et l'impossibilité pour lui de
continuer à progresser, mais aussi qu'un orateur et auteur aussi influent
en convainque beaucoup de le suivre et laisse à la postérité l'impression
que seul son point de vue avait sa place dans la pensée mormone. Le
président Young estimait qu’il était à ce point crucial de garder devant
les saints son propre point de vue aussi bien que celui de Joseph Smith,
qu'il poussa frère Pratt à faire une rétractation publique en 1865 [21].
Il publia ensuite celle-ci dans le Deseret News en même temps qu’une
dénonciation de points de doctrine spécifiques à frère Pratt, signée par
la Première Présidence. Quand ces documents furent réimprimés, signés par
les autres apôtres, Brigham Young condamna spécifiquement un certain
nombre d'affirmations que frère Pratt avait enseignées dans son livre
The Seer. Les croyances suivantes de frère Pratt furent déclarées
fausses :
« Il n'y aura aucun être ou êtres qui existent qui connaîtra une particule
de plus que nous ; alors notre connaissance, notre sagesse et notre
pouvoir seront infinis et ne pourront dorénavant pas être augmentés ou
étendus si peu que ce soit. »
« Il n'y aura plus rien à apprendre. »
« Le Père et le Fils ne progressent pas en connaissance et en sagesse
parce qu'ils connaissent déjà toutes les choses passées, présentes et à
venir. »
« Aucun des Dieux n’en sait plus que les autres et aucun ne progresse en
connaissance ni dans l'acquisition d’une vérité quelconque [22]. »
Une des choses qui préoccupaient Brigham Young, c’était la présomption de
limiter en fait Dieu tout en semblant le décrire comme ayant une puissance
et une connaissance sans limites. En octobre 1856, il commanda aux saints
: « Maintenant, ne ligotez pas le Dieu que je sers et ne dites pas qu'il
ne peut plus rien apprendre ; je ne crois pas en un tel personnage [23]. »
Le conseiller du président Young, Jedediah M. Grant, développa la même
image plus tard au cours de ce mois-là : « [si Dieu] est ligoté, comme
Orson Pratt a ligoté les Dieux dans sa théorie, son cercle ne va pas plus
loin que la longueur de la corde. Mon Dieu n'est pas ligoté [24]. » C’est
ce souci qui motivait la déclaration de Brigham Young par laquelle j'ai
commencé, celle qui semble contredire Hyrum Smith :
« Certains donnent l’impression qu’ils peuvent apprendre une quantité
donnée de choses et pas plus. On dirait qu’ils sont limités dans leur
capacité d’acquérir la connaissance, tout comme frère Orson, en théorie, a
limité la capacité de Dieu. Selon sa théorie, Dieu ne peut plus progresser
en connaissance ni en puissance, mais le Dieu que je sers progresse
éternellement et ses enfants aussi ; ils progresseront à toute éternité,
s'ils sont fidèles [25].
Brigham Young se faisait également du souci pour la psychologie
spirituelle, l'importance, pour motiver l'humanité vers le salut, de
conserver une certaine vision : ce qui était le plus fécond dans la
progression terrestre continuerait pour toujours et rendrait la vie
céleste, ou l'état divin, véritablement attrayant. L'état divin ne doit
pas être une immobilité mystérieuse ou une simple répétition à l’infini du
même processus de création d'esprits que l’on va sauver. Wilford Woodruff,
en 1857, a exprimé cette préoccupation d’une manière percutante :
« S'il y avait un stade où l'homme, dans sa progression, ne pourrait plus
aller de l’avant, l'idée même jetterait une ombre sur tout esprit
intelligent et réfléchi. Dieu lui-même continue à croître et à progresser
dans la connaissance, la puissance et la domination et continuera ainsi à
tout jamais. Il en va de même pour nous [26]. »
Lorenzo Snow, qui, comme Brigham Young et Wilford Woodruff, avait été
témoin direct des enseignements de Joseph Smith, est celui qui a créé le
couplet mormon célèbre qui résume de manière mémorable le concept d’un
Dieu qui a une relation véritable avec nous, les humains, et notre
processus de progression : « Ce que l'homme est maintenant, Dieu le fut
autrefois ; ce que Dieu est maintenant, l'homme peut le devenir [27]. »
Devenu président de l’Église, le président Snow, en 1901, a également
parlé clairement, en se mettant sur le plan des sphères multiples, de la
progression éternelle qui suit l’accession à l'état divin :
« Nous sommes des êtres immortels… Notre individualité existera toujours…
notre identité est assurée. Nous serons nous-mêmes et personne d’autre.
Quels que soient les changements qui se produisent, quels que soient les
mondes qui se créent ou qui passent, notre identité restera toujours la
même et nous continuerons à nous améliorer, à avancer et à progresser en
sagesse, en intelligence, en puissance et en domination à tout jamais
[28]. »
Au vingtième siècle, certains dirigeants de l’Église ont commencé à
utiliser principalement le plan de la sphère mortelle pour parler de Dieu,
qui met l’accent sur sa perfection et sur sa capacité de nous sauver.
L'absolutisme d'Orson Pratt au sujet de Dieu, qui remontait aux
Lectures on Faith, avait été rejeté et les « Lectures » eux-mêmes
avaient perdu de leur importance, mais le président Joseph F. Smith, comme
son père, Hyrum Smith, craignait que certains dans l’Église ne soient
enclins à diminuer Dieu, à réduire trop la distance entre Dieu et l'homme
et à saper ainsi la confiance en la puissance salvatrice de Dieu. (Je me
rappelle des mormons dans ma propre jeunesse qui étaient tellement
absorbés par la vision de la progression éternelle qu'ils étaient
impatients de mourir pour être comme Dieu !) Parlant en 1914 de ceux qui
voulaient ainsi réduire la puissance et la majesté de Dieu, le président
Smith dit :
« Prenez garde aux hommes qui viennent à vous avec des hérésies de cette
sorte, qui voudraient vous faire penser ou croire que le Seigneur
Tout-Puissant, qui a fait le ciel et la terre et a tout créé, est limité
dans sa domination des choses terrestres aux capacités des hommes…. s'ils
le pouvaient, ils vous feraient croire que le Fils de Dieu, qui possédait
tout pouvoir… le pouvoir de ressusciter les morts, le pouvoir d’ouvrir les
oreilles aux sourds… n'a pas fait de telles choses…. Il y a quelques
ignares, des ‘insensés savants’, si vous voulez, qui voudraient vous faire
croire, s'ils le pouvaient, que le Dieu Tout-Puissant est limité dans son
pouvoir aux capacités de l'homme… N’en croyez rien, absolument rien [29].
Le fils de Joseph F. Smith, Joseph Fielding Smith, Jr., a pris la même
position. Dans son livre extrêmement influent, Doctrines du salut,
il cite le passage où son grand-père Hyrum se refuse à servir un Dieu qui
ne serait pas absolu, ainsi que les passages des Lectures on Faith
sur les perfections de Dieu. Il est clair que son souci, comme celui de
son père et de son grand-père, était de préciser la puissance de Dieu par
rapport aux humains. Après avoir cité Hyrum, il demande : « Croyons-nous
que Dieu a toute la sagesse ? … Qu’il a tout le pouvoir ? Si oui, il n'est
déficient en rien. S'il lui manque quelque chose en ‘sagesse’ et en ‘pouvoir’,
il n'est pas suprême et il doit y avoir quelque chose de plus grand que
lui, ce qui est absurde [30]. »
Il est clair que frère Smith parle ici sur le plan de la sphère mortelle
unique, celle qui est limitée par l'idée que pour nous il n’y a qu’un seul
Dieu, le Père. Il savait naturellement que son grand-père et Joseph Smith
avaient enseigné que dans un sens particulier il y a « quelque chose de
plus grand » que Dieu, que Dieu n’est en fait (si nous parlons sur le plan
des sphères multiples et éternelles) pas suprême, qu'il y a les Dieux au-dessus
de Dieu, un Père de Dieu qui lui a donné le salut et un Père de ce Dieu et
ainsi de suite, apparemment à l'infini. En réponse à une question au sujet
de la « pluralité des dieux », dans le deuxième tome de Answers to
Gospel Questions, il cite un long passage du discours de Joseph Smith
du 16 juin 1844, le plus complet et le plus explicite au sujet de la
doctrine provocatrice que Joseph appelait « la pluralité des Dieux ». On y
voit le prophète Joseph à l'aise dans les deux modes de pensée, les
sphères multiples et la sphère unique, parce qu'il utilise à l’appui et
comme explication ce même passage des Corinthiens que son frère Hyrum
avait employé l'année précédente. Dans le passage cité par Joseph Fielding
Smith, il dit :
« Paul dit qu’il y a plusieurs Dieux et plusieurs Seigneurs. Je veux
l’exposer d’une manière claire et simple; mais pour nous il n’y a qu’un
seul Dieu, c’est-à-dire en ce qui nous concerne; et il est en tout et à
travers tout. Mais si Joseph Smith dit qu’il y a plusieurs Dieux et
plusieurs Seigneurs, ils s’écrient: ‘À mort! Crucifiez-le! Crucifiez-le!’
»
Joseph Smith se met ensuite à analyser l'original hébreu de Genèse 1:1,
après quoi il continue :
« Tout au commencement la Bible montre, au-delà de toute possibilité de
réfutation, qu’il y a une pluralité de Dieux. C’est un grand sujet sur
lequel je m’étends là. Le mot Élohim devrait être au pluriel d’un bout à
l’autre: Dieux. Les chefs des Dieux désignèrent un Dieu pour nous; et
quand vous voyez le sujet sous cet angle, cela vous donne la liberté de
voir toute la beauté, toute la sainteté et toute la perfection des Dieux
[31]. »
Après avoir repris cette longue citation de Joseph Smith, Joseph Fielding
Smith montre sa propre compréhension des deux différents plans :
« Il est parfaitement vrai, comme on le trouve dans la Perle de Grand Prix
et dans la Bible, que pour nous il n’y a qu’un seul Dieu…. Cette Divinité
préside sur nous, et pour nous, habitants de ce monde, elle constitue le
seul Dieu, la seule Divinité. Il n'y en a aucun autre. [Ici il cite le
même passage des Corinthiens au sujet de plusieurs dieux et plusieurs
seigneurs, mais pour nous un seul Dieu, le Père.] C’est devant lui que
nous sommes responsables et nous sommes soumis à son autorité et il n'y a
aucune autre Divinité à qui nous soyons soumis. Cependant, comme le
prophète l’a montré, il peut y avoir, et il y a, d'autres Dieux [32]. »
Joseph Fielding Smith reconnaissait clairement les deux plans, celui des
sphères multiples et celui de la sphère unique et l’enracinement des deux
dans les enseignements du prophète Joseph Smith, mais il partageait aussi
les craintes de son père de voir déprécier Dieu et celles de son grand-père
que les saints ne perdent la foi dans la puissance salvatrice absolue de
Dieu. Il semble avoir décidé de focaliser ses écrits et ses discours
personnels sur Dieu sur le plan de la sphère unique.
Cependant, pendant la même période où Joseph Fielding Smith publiait ses
premiers écrits, d'autres choisissaient de mettre l’accent sur le plan des
sphères multiples en parlant de Dieu, en particulier B. H. Roberts et John
A. Widtsoe, les deux Autorités générales du vingtième siècle probablement
les plus influencées par Brigham Young et à leur tour les plus influentes
pour conserver et développer la pensée philosophique de base, l’ «
éternalisme » de Joseph Smith.
Dans son discours le plus long sur la nature de Dieu, frère Roberts, après
avoir cité abondamment Joseph Smith, dit :
« Naturellement, des idées telles que celles exprimées ci-dessus
conduisent à la réalité d'un univers pluraliste et d’une pluralité de
Dieux… il y a des intelligences exaltées, glorifiées et rendues parfaites,
qui sont parvenues à la participation à « la nature divine » (2 Pierre
1:4), qui ont été désignées comme présidences de mondes et de systèmes de
mondes, qui fonctionnent dans la dignité d’intelligences divines, ou
Divinités, tout comme une Divinité a été désignée pour notre monde et ses
cieux, comme l’enseigne saint Paul [33]. »
Puis il cite le même passage des Corinthiens employé par Joseph et Hyrum
Smith pour démontrer les deux perspectives, les deux plans sur lesquels on
se base : « Comme il existe réellement plusieurs dieux et plusieurs
seigneurs, néanmoins pour nous (c’est-à-dire pour ce qui a trait à nous)
il n'y a qu'un seul Dieu. »
Dans l'esprit de frère Roberts, le passage des Corinthiens soutient
fermement sa croyance en un royaume où il y a beaucoup de dieux,
progressant tous éternellement ; c'est un complément plutôt qu'une
contradiction par rapport à sa croyance en un royaume où, pour nous,
mortels, il n’y a qu’un seul Dieu parfait à tous égards. Précédemment,
frère Roberts avait enseigné :
« Même avec la possession [du Saint-Esprit] pour nous guider dans toute la
vérité, je vous prie, néanmoins, de ne pas rechercher la finalité dans les
choses, parce que c’est en vain que vous chercheriez. L'intelligence, la
pureté, la vérité, demeureront toujours pour nous des termes relatifs et
également des qualités relatives. Élevez-vous à toutes les hauteurs que
vous voulez, vous verrez toujours au-delà d'autres hauteurs en ce qui
concerne ces choses et plus vous monterez, plus de hauteurs apparaîtront
et il est improbable que nous atteindrons jamais l'absolu en ce qui
concerne ces qualités. Notre joie sera la joie de nous en approcher, de
parvenir à une excellence sans cesse croissante sans atteindre l'absolu.
Ce sera la joie de la progression éternelle [34]. »
Et dans son célèbre et influent Seventy’s Course in Theology,
publié par l’Église et utilisé comme manuel officiel de la prêtrise,
Roberts affirme, et cela rappelle le souci de Brigham Young que l’on
pourrait limiter Dieu :
« Il ne faut pas voir dans l'immuabilité de Dieu quelque chose qui exclut
l'idée de l'avancement ou de la progression de Dieu… une immuabilité
absolue exigerait une immobilité éternelle, ce qui ramènerait Dieu à une
condition éternellement statique… ce qui, de par la nature des choses, lui
interdirait toute participation à cet accroissement de royaume et à cette
gloire croissante qui vient de la rédemption et de la progression des
hommes. Et est-il trop hardi de penser, qu’avec cette progression, même
pour le Plus Puissant, de nouvelles pensées et de nouvelles perspectives
peuvent apparaître, invitant à de nouvelles aventures et à de nouvelles
entreprises qui produiront de nouvelles expériences, un nouvel avancement
et un nouvel épanouissement, même pour le Très-Haut [35] ? »
John A. Widtsoe, le brillant converti immigré, qui avait étudié la pensée
de Joseph Smith en détail pour son ouvrage publié en 1903, Joseph Smith
as Scientist, y souligne le naturalisme du prophète, son insistance
sur un Dieu qui organise en fonction de la loi naturelle et qui n’est donc
pas vraiment omnipotent dans le sens chrétien absolutiste traditionnel.
Dans A Rational Theology, frère Widtsoe est encore plus explicite
sur l’aptitude semblable qu’ont les humains aussi bien que Dieu de
progresser éternellement :
« La chose essentielle est que l'homme doit subir expérience sur
expérience pour atteindre la maîtrise désirée de l'univers extérieur ; et
que nous, qui sommes de cette terre, nous passons par un état entièrement
conçu en vue de la poursuite de notre éducation. Pendant toute la vie
éternelle, on parvient à une connaissance croissante et l'augmentation de
la connaissance s’accompagne d’une adaptation plus grande à la loi et, en
fin de compte, d’une joie de plus en plus grande. C’est pour cela que la
vie éternelle est le plus grand don de Dieu si l’on accepte la grande loi
de la progression. Dieu doit être occupé depuis le commencement et doit
maintenant être occupé à un développement progressif. À mesure que la
connaissance devenait une connaissance plus grande, par les efforts
persistants de la volonté, sa prise de conscience des lois universelles
devenait plus grande jusqu'à ce qu'il soit enfin parvenu à la maîtrise de
l'univers qui, pour notre compréhension limitée, semble absolument
complète [36]. »
Cette dernière phrase prouve que frère Widtsoe tenait aussi à donner son
dû au plan de pensée de la sphère unique. Il continue à mettre l’accent
sur cette sphère unique même quand il parle des sphères multiples :
« À mesure que l’on obtient plus de connaissance et de puissance, la
croissance devient de plus en plus rapide. Dieu, exalté par son
intelligence glorieuse, continue à avancer dans de nouveaux champs de
pouvoir avec une rapidité dont nous ne pouvons avoir aucune conception,
tandis que l'homme, à une étape inférieure du développement, se déplace
plus ou moins à une allure d’escargot mais qui s’accélère. L'homme va
néanmoins de l’avant, en une progression éternelle. En bref, l'homme est
un dieu en embryon. Il est issu d’une race de dieux et au cours de cette
progression éternelle, nous approcherons de plus en plus du stade qui est,
pour nous, l’état divin, et qui est éternel dans son pouvoir sur les
éléments de l'univers [37].
La focalisation sur le plan des sphères multiples, se concentrant
directement sur notre aventure dans la progression éternelle vers des
niveaux plus élevés, se retrouve encore dans les écrits du président David
O. McKay : « L'idée que l’homme se fait de l'importance des mots
‘progression éternelle’ détermine en grande partie sa philosophie de la
vie…. Le grand secret du bonheur humain se situe dans la progression. La
stagnation signifie la mort… La doctrine de la progression éternelle est
fondamentale dans l’Église du Christ [38]. » Le président McKay cite le
passage de Brigham Young que j'ai donné plus haut sur le fait que
l'amélioration est l’élément fondamental de toute action, puis fait ce
commentaire :
« Quelqu'un a dit : ‘Montrez-moi un homme parfaitement satisfait et je
vous montrerai un homme inutile.’ Un autre élément, une autre vertu, doit
donc accompagner le contentement. Qu'est-ce que c'est ? La progression. Le
contentement et la progression contribuent à la paix. Si nous ne sommes
pas meilleurs demain que nous le sommes aujourd'hui, nous ne sommes pas
très utiles… nous voulons donc connaître deux choses : le contentement et
la progression – la progression intellectuelle, la progression physique,
mais, surtout, la progression spirituelle ; et le fait de savoir que nous
progressons contribue à la paix. Vous ne pouvez pas rester stationnaire
[39]. »
Hugh B. Brown, conseiller du Président McKay dans la Première Présidence
(1962-1969), a également souligné ce plan des sphères multiples :
« Le moment viendra où tous les hommes connaîtront quelque chose de la
gloire de Dieu. Mais il n’y aura pas de moment où un homme, quel qu’il
soit, arrivera à un stade de connaissance, d'expérience ou de
compréhension au-delà duquel il ne pourra aller. En d'autres termes, nous
croyons en la progression éternelle [40]. »
« Quand nous parlons d’accroissement éternel, nous parlons non seulement
de l'accroissement de la postérité, mais aussi de l'accroissement de la
connaissance et du pouvoir qui accompagne la connaissance, de
l’accroissement de la sagesse dans l’utilisation sage de la connaissance
et du pouvoir, de l’accroissement de conscience et de la joie qui
accompagne la compréhension, de l’accroissement de l'intelligence, qui est
la gloire de Dieu, de l’accroissement de tout ce qu’il faut pour
constituer l'état divin [41]. »
Le président Brown a continué jusqu'à sa mort en 1975 à parler de Dieu sur
le plan aventureux des sphères multiples. Et certains penseurs mormons
plus jeunes ont continué à explorer les implications, pour nos notions du
mal, du temps, de la prophétie, etc., de la croyance singulière mormone en
un Dieu qui a des limites et qui apprend [42]. D’autre part, d’autres voix
influentes, dans les écrits doctrinaux mormons récents, ont mis l’accent
sur le plan de la sphère unique, particulièrement Bruce R. McConkie et son
fils Joseph F. McConkie, professeur de religion à l'université Brigham
Young [43]. Ces deux-là, et certains autres, considèrent les deux plans
comme opposés, comme s’excluant mutuellement ; mais il nous semble plus
utile de reconnaître le bien-fondé des deux plans dans la pensée mormone
et l'évidence que les prophètes ont prêché les deux plans montre que l’on
ne doit pas limiter Dieu à des catégories humaines qui s’excluent
mutuellement.
Quelques penseurs mormons faisant autorité se sont donné beaucoup de peine
pour expliquer en quoi ces deux manières de parler de Dieu sont
complémentaires, comment chaque plan peut être utile et vrai, selon la
sphère de l'existence et de l'activité de Dieu que l’on considère. Les
Doctrine et Alliances contiennent l'idée clef (y compris le mot « sphère »
lui-même) que Brigham Young a utilisée pour décrire cette harmonie. D&A
93, reçue par le prophète Joseph en 1833, nous dit que « toute vérité est
indépendante dans la sphère dans laquelle Dieu l'a placée, libre d’agir
par elle-même ; et il en va de même pour toute intelligence ; sinon il n'y
a pas d’existence » (v. 30). Ce passage semble évoquer un univers de
sphères coexistantes (peut-être concentriques ou plus vraisemblablement
hyperspatiales, multidimensionnelles) de vérité et d'activité
intelligente. Dans un tel univers, la déclaration que Dieu a toute
connaissance et tout pouvoir peut être considérée comme vraie quand elle
est appliquée à notre sphère, dans laquelle Dieu ne progresse pas, mais
n'est pas tout à fait vraie quand elle est appliquée à des sphères plus
vastes ou plus avancées, où Dieu progresse. C’est exactement cette
perception que Brigham Young a exprimée :
« Nous pouvons encore nous améliorer, nous sommes faits pour cela, nos
aptitudes sont prévues pour s’accroître jusqu'à ce que notre intelligence
puisse assimiler la connaissance et la sagesse célestes et continuer à
l'infini…. les hommes peuvent le comprendre et le recevoir, l'humanité est
organisée pour recevoir l'intelligence jusqu'à ce qu'elle devienne
parfaite dans la sphère qu'elle est chargée de remplir, ce qui est
actuellement loin devant nous. Quand nous utilisons le terme perfection,
il s'applique à l'homme dans son état actuel aussi bien qu'aux êtres
célestes. Nous sommes ou pouvons être dès maintenant aussi parfaits dans
notre sphère que Dieu et les anges le sont dans la leur, mais la plus
grande intelligence qui existe peut continuellement s'élever à davantage
en perfection.
« Nous sommes créés dans le but exprès de nous accroître. Il n'est
personne, correctement organisé, qui ne puisse s’accroître de la naissance
à la vieillesse. Qu'y a-t-il qui ne soit pas ordonné selon cette Loi
éternelle de l'existence ? C'est le Divin en nous qui cause
l’accroissement [44]. »
B.H. Roberts, pleinement conscient de l’accent mis partout dans les
Écritures sur le discours d’adoration, la focalisation presque exclusive
sur la perfection de Dieu dans notre sphère unique, a élaboré une
explication, que je trouve convaincante, de la raison pour laquelle
l'autre plan, la vision étendue de la progression au-delà de cette sphère,
est si rarement utilisé, même dans l'Écriture moderne. Il cite la mention,
dans les Doctrine et Alliances, de nombreux royaumes, plus grands et plus
petits, remplissant tout l'espace (88:37), puis il fait observer que quand
Dieu parle à Moïse, bien qu'il fasse également allusion à ces autres
royaumes, aux nombreux cieux que « l’homme ne peut… compter », il informe
Moïse qu'il ne lui révélera que « ce qui concerne ce ciel et cette terre »
(Moïse 1:37, 2:1). Roberts en conclut que pratiquement toutes les
révélations dans les Écritures ont trait seulement à notre terre et à ses
cieux :
« En d'autres termes, nos révélations sont locales ; elles ont trait à
nous et à notre ordre limité des mondes. Ce n’est que çà et là que nous
obtenons un aperçu des choses en dehors de notre terre et de ses cieux…
Cette connaissance limitée, ces aperçus de l'univers, ont sans aucun doute
été donnés par le Seigneur à ces prophètes qui étaient à la tête de
dispensations de la vérité, à cause du pouvoir d’influence que cette
connaissance de la nature de l'univers aurait sur la conception que
l'homme a de Dieu ; car il est certain que pareille connaissance influence
clairement les conceptions de Dieu [45]. »
Roberts cite aussi la prise de conscience croissante, par la science
moderne, d'un univers sans limites et conclut :
« Cet univers doit être plus qu'une simple création pour des rapports
déterminés avec notre terre… et Dieu doit être conçu comme quelqu’un ayant
des intérêts plus vastes et des objectifs immensément plus grands que les
affaires de l’espèce qui habite notre monde… Les révélations très limitées
données au sujet de notre terre et de ses cieux ne suffisent pas à
expliquer l'univers dans son ensemble [46]. »
Une vision aussi étendue du cosmos, une vision qui est également empreinte
d’adoration et profondément ennoblissante dans son humilité suprême, me
semble essentielle à l'esprit mormon et à la pensée mormone. Il ne faut
pas la perdre de vue dans notre insistance tout à fait appropriée sur la
vision également vraie et importante des perfections de Dieu et la
dépendance humaine vis-à-vis de lui pour parvenir au salut. J'apprécie
l'influence des théologiens mormons qui, parlant au niveau de la sphère
unique, pourraient contribuer à corriger, comme l’ont fait Joseph F. Smith
et Joseph Fielding Smith, toute tendance à déprécier Dieu ou à diminuer la
foi en sa puissance salvatrice. Mais il est également important de ne pas
polariser la doctrine mormone de Dieu et de ne pas obscurcir la vision
grandiose de la progression éternelle qui l'a traditionnellement animée.
Je ne pense pas que cela arrivera. Des auteurs modernes ayant une vision
et une orientation aussi diverses que Gerrit de Jong, Jr., et Hyrum Andrus
acceptent la réconciliation entre les deux niveaux de discours proposés
par Brigham Young, c'est-à-dire que la perfection dans une sphère est
possible, mais que la progression l’est aussi dans une sphère ou un
royaume plus élevé [47]. Avec quelques commentaires, on peut aider, à
l’aide d’analogies, les étudiants perplexes, qui rencontrent ce qui leur
semble être des déclarations contradictoires par les dirigeants de
l’Église et d'autres autorités. Par exemple, un être qui apprend et
progresse dans un royaume quadridimensionnel, ou hyperespace, peut en même
temps avoir toute la connaissance et tout le pouvoir accessibles aux êtres
qui sont dans trois dimensions seulement – et tout ce qui est nécessaire à
leur salut [48]. L'inquiétude souvent exprimée à l’égard de l'idée que
Dieu est toujours en train d’apprendre –-qu’il pourrait donc commettre des
erreurs désastreuses ou ne pas être capable de nous sauver – peut être
apaisée par l'analogie qu'une personne peut connaître parfaitement
l'algèbre et ne commettre absolument aucune erreur en l'utilisant, mais
peut encore apprendre de nouvelles choses en calcul sans mettre en danger
le domaine de l'algèbre. De même, Dieu peut avoir toute la connaissance et
toute la puissance dans notre domaine ou sphère et encore apprendre dans
de plus hautes sphères, sans mettre en danger, de quelque façon que ce
soit, sa capacité absolue de nous sauver dans cette sphère. Ou pour
reformuler la lettre de Paul aux Corinthiens : « Dans le cosmos, il y a
une multitude de Dieux qui progressent, mais, pour ce qui se rapporte à
nous, il y a un seul Dieu qui a toute la connaissance et toute la
puissance. » Nous devons pouvoir entendre et apprécier la focalisation et
le témoignage apostolique de Hyrum Smith et de Brigham Young, de Hugh B.
Brown et de Joseph Fielding Smith. Les penseurs mormons de diverses
orientations peuvent s’unir dans cette tâche, tout en continuant à
utiliser la manière de parler de Dieu qui convient le mieux à ce sur quoi
ils veulent mettre l’accent dans leurs efforts constants pour connaître
Dieu : aventure ou adoration, potentiel ou dépendance, progression ou
perfection, les sphères multiples de notre vision suprême ou la sphère
unique de ce qui nous concerne de manière immédiate.
Je me rends compte que le fait de penser que Dieu continue véritablement à
progresser et qu’il est donc, dans un certain sens, moins qu'absolument
parfait fait peur. Je ressens moi-même cette crainte – cette insécurité
ultime – quand je pense qu’il n’y a pas de source à toutes les réponses,
pas de rempart final contre tout danger, frustration, changement et perte,
rien qui empêche même Dieu de pleurer. Mais Hénoc nous dit que Dieu,
effectivement, pleure (Moïse 7:28), et l'alternative à ces larmes et à ma
peur – le Dieu absolu, immuable, impassible et donc nécessairement
impersonnel du christianisme traditionnel et des philosophes – est bien
plus un sujet de crainte. Je dois accepter le témoignage du prophète
Joseph que l'univers est en fin de compte ouvert, invitation à l’aventure
et au changement, que la divinité même de Dieu exige, comme Brigham Young
l’a enseigné, non seulement la dépendance mais la création et un «
accroissement » qualitatif et que ma propre divinité, qui s’y rattache,
exige la même chose.
NOTES
[1] Eugene England est professeur d'anglais à l'université Brigham Young.
[2] History of the Church 6:300.
[3] Journal of Discourses 11:286.
[4] James R. Harris essaye également de réconcilier des déclarations
apparemment contradictoires des dirigeants de l’Église au sujet de la
progression et de la perfection telles qu’elles s'appliquent à Dieu. Il
présente les déclarations contradictoires dans des colonnes parallèles et
essaye d'expliquer comment il se peut que Dieu soit en mesure de «
‘connaître toutes choses’ et en même temps progresser éternellement dans
‘la lumière et la vérité’. » Mais il le fait dans une direction qui semble
trahir le sens clair des déclarations de divers dirigeants au sujet de la
nature de la progression de Dieu en connaissance et en pouvoir (voir James
R. Harris, "Eternal Progression and the Foreknowledge of God," Brigham
Young University Studies 8, automne 1967, pp. 37-46).
[5] Voir 2 Né 9:20 ; Alma 26:35 ; D&A 38:1-2 ; 88:7, 93:1 21, 26.
[6] Lectures on Faith, 44, dans toutes les éditions des Doctrine et
Alliances avant 1921.
[7] Sur l’auteur du texte et la décanonisation, voir Leland H. Gentry, "What
of the Lectures on Faith?" BYU Studies 19, automne 1978, pp. 5-19, et
Richard S. Van Wagoner, Steven C. Walker et Allen D. Roberts, "The
'Lectures on Faith': A Case Study in Decanonization," Dialogue: A Journal
of Mormon Thought 20, automne 1987, pp. 71-77. Pour un examen des
changements apparents de doctrine qui ont pu causer la décanonisation,
voir Thomas G. Alexander, "The Reconstruction of Mormon Doctrine", dans
Line Upon Line: Essays on Mormon Doctrine, dir. de publ. Gary James
Bergera, Salt Lake City, Signature Books, 1989, pp. 53-66, et pour une
critique d’Alexander, voir Robert L. Millett, "Joseph Smith and Modern
Mormonism: Orthodoxy, Neorthodoxy, Tension and Tradition", BYU Studies,
vol. 29, 1989, N° 3 - Été 1989, pp. 49-68.
[8] En préparant la History of the Church, B.H. Roberts note que les
Lectures on Faith n’avaient « pas une autorité égale en matière de
doctrine » par rapport aux sections officielles des Doctrine et Alliances
parce que quand elles furent présentées à l’origine à l’Église pour être
acceptées, elles avaient été désignées séparément comme révélation non
inspirée, bien que « écrites de manière judicieuse et profitables pour la
doctrine » (History of the Church 2:176).
[9] Stan Larson, "The King Follett Discourse: A Newly Amalgated Text", BYU
Studies 18, hiver 1978, pp. 200, 203, 204.
[10] Harris cite un de ces passages du discours sur King Follett qui
implique la progression, mais continue en définissant « la progression
éternelle » comme signifiant la progression de Dieu, par laquelle Harris
veut dire simplement l'union parfaite de Dieu avec « l'ordre patriarcal
des pères exaltés » et donc son accès parfait à leur pouvoir et à leur
connaissance absolus.
[11] "George Laub's Nauvoo Journal", dir. de publ. Eugene England, BYU
Studies 18, hiver 1978, p. 176.
[12] Journal of Discourses 2:90, 6 février 1853.
[13] Id., 3:203
[14] Id., 8:9
[15] Id., 3:375
[16] Id. 6:344. Ces citations ont été compilées par Hugh Nibley, "Educating
the Saints", dans Nibley on the Timely and Timeless, dir. de publ. Truman
Madsen, Salt Lake City, Bookcraft, 1979, p. 235.
[17] Journal of Discourses 10:224
[18] Id. 3:354.
[19] Id. 3:302
[20] Deseret News, 6 juin 1877.
[21] Cet événement est étudié en profondeur dans Gary J. Bergera, "The
Orson Pratt-Brigham Young Controversies", Dialogue 13, été 1980, 7-49; et
dans Breck England, The Life and Thought of Orson Pratt, Salt Lake City,
University of Utah Press, 1985, pp. 209-217.
[22] Deseret News, 25 juillet 1865, pp. 162-163. Cette déclaration, avec
des commentaires supplémentaires et également signée par les apôtres, a
été réimprimée dans le Deseret News du 23 août 1865, 372-73.
[23] Deseret News Weekly 22:309
[24] Journal of Discourses 4:126-27
[25] Id. 11:286, 13 janvier 1867.
[26] Id. 6:20, 6 décembre 1857.
[27] L'origine de ce couplet est expliquée dans Eliza R. Snow Smith,
Biography and Family Record of Lorenzo Snow, Salt Lake City, Deseret News,
1884, pp. 46, 47.
[28] Conference Report, avril 1901, p. 2.
[29] Conference Report, april 1914, p. 5.
[30] Smith, Doctrines du salut, 1:5.
[31] Joseph Fielding Smith, Answers To Gospel Questions, 5 vols., Salt
Lake City, Bookcraft, 1958, 2:140.
[32] Id., p. 142.
[33] Discourses of B. H. Roberts, Salt Lake City, Deseret Press, 1948, pp.
93-94
[34] B. H. Roberts, "Relation of Inspiration and Revelation to Church
Government”, Improvement Era 8, mars 1905, p. 369.
[35] B. H. Roberts, The Seventy's Course in Theology, Salt Lake City,
Deseret Press, 1911, pp. 69-70.
[36] John A. Widstoe, A Rational Theology, Salt Lake City, General
Priesthood Committee of the LDS Church, 1915, pp. 30-31, italiques
ajoutés.
[37] Id., pp. 23-25.
[38] David O. McKay, Pathways to Happiness, Salt Lake City, Bookcraft,
1957, p. 260.
[39] Id., p. 292.
[40] Hugh B. Brown, The Abundant Life, Salt Lake City, Bookcraft, 1956, p.
116.
[41] Hugh B. Brown, Continuing the Quest, Salt Lake City, Deseret Press,
1961, p. 4.
[42] Voir, par exemple, Gary James Bergera, "Does God Progress In
Knowledge?" Dialogue 15, printemps 1982, pp. 179-181; Blake Ostler, "The
Concept of a Finite God as an Adequate Object of Worship”, dans Line upon
Line, pp. 77-82; et Kent E. Robson, "Omnipotence, Omnipresence, and
Omniscience in Mormon Theology”, dans Line upon Line: Essays on Mormon
Doctrine, dir. de publ. Gary James Bergera, Salt Lake City, Signature
Books, 1989, pp. 67-75.
[43] Voir le discours de Bruce R. McConkie's de janvier 1974 : "The Lord
God of Joseph Smith", Brigham Young University Devotional Addresses 55,
Provo, BYU Press, 1972, 1-8, dans lequel il dit que Dieu "est parvenu à un
état où il connaît toutes choses et où rien n’est caché", p. 7 ; "The
Seven Deadly Heresies", BYU Speeches of the Year, 1980, pp. 74-80, dans
lequel frère McConkie compte la croyance en la progression de Dieu comme
étant l’une de ces hérésies ; Robert L. Millet et Joseph Fielding McConkie,
The Life Beyond, Salt Lake City, Bookcraft, 1986, pp. 148-149, dans lequel
les auteurs déclarent : « Le développement et la progression de notre Père
sur une période infiniment longue l'a amené au stade où il préside
maintenant comme Dieu Tout-Puissant, lui qui est omnipotent, omniscient
et, par le Saint-Esprit, omniprésent : il a tout pouvoir, toute la
connaissance, et est, par la lumière du Christ, en toutes choses. »
[44] Brigham Young, sermon fait dans le vieux tabernacle, Salt Lake City,
13 juin 1852, cité dans Hugh B. Brown, Continuing the Quest, 4, italiques
ajoutés.
[45] Journal of Discourses, 1:92-3.
[46] Id., p. 93.
[47] Gerrit de Jong, Jr., Living the Gospel, 1956 Sunday School Manual,
Salt Lake City, Deseret Press, 1956, p. 138; Hyrum Andrus, Doctrinal
Commentary on the Pearl of Great Price, Salt Lake City, Deseret Press,
1967, p. 507.
[48] See Robert P. Burton and Bruce F. Webster, "Some Thoughts on Higher-dimensional
Realms», BYU Studies 20, Spring 1980, 281-96; see also an unpublished, but
excellently reasoned paper by BYU student Johnathan Visick, "God, Man, and
Hyperspace: Multidimensional views on Philosphy and Religion», on file in
the BYU Honors Program.
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