AI-JE UN TEMOIGNAGE? VINGT QUESTIONS
Truman G. Madsen
Seconde édition
Bookcraft
Salt Lake City, Utah
* * * * *
« Repense souvent à ton passé », c’est l’un des conseils profonds donnés
par les patriarches. Le simple fait de nous rappeler les choses
spirituelles, c’est, dans une certaine mesure, les revivre, un antidote
contre les jours sombres et le doute à l’égard de soi-même et une forme
discrète de culte. « Vingt questions » est un discours prononcé lors d’une
réunion spirituelle pour des cours d’été à l’université Brigham Young.
Tout le monde répondra « oui » à certaines de ces questions. Ce que
j’espérais (et espère encore), c’est susciter chez le lecteur, non pas
simplement des réponses, mais des questions plus profondes et plus
personnelles comme celles-ci sur l’influence du Christ dans la vie de
l’Église.
* * * * *
Il y a quelques années, à mon retour de l’Est des États-Unis, juste après
avoir terminé mon doctorat, j’ai reçu un coup de téléphone. Une voix que
je ne connaissais pas m’a dit:
–- Est-ce que vous vous appelez Madsen?
– Oui.
– Vous venez de terminer votre doctorat ?
– Oui.
– Votre domaine était-il la philosophie ?
– Oui.
– La philosophie et la religion ?
– Oui.
– Etes-vous toujours pratiquant dans l’Église mormone?
– Oui.
– Comment cela se fait-il?
J’ai fait l’idiot, ce qui, de temps en temps, ne m’est pas trop difficile,
et j’ai dit :
– Qu’est-ce que vous voulez dire par « comment
cela se fait-il » ?
– Eh bien, quelqu’un qui a étudié comme vous... je ne vois pas comment
vous conciliez les deux.
– Je me ferai un plaisir de vous en parler, ai-je dit.
C’est ainsi qu’il a fini par m’inviter à
dîner. Il s’est avéré – et je ne veux pas vous en dire trop sur lui parce
que vous pourriez le connaître – que c’était un jeune homme assez en vue,
qui était diplômé d’une université dont je ne dirai pas le nom, et que
tandis qu’il était à l’université, il avait tout remis en question. Il
était maintenant marié et, comme nous le disons, « marié au temple ». Il
était toujours curieux et voulait savoir s’il y avait un moyen de
concilier son ancienne foi avec sa nouvelle discipline.
Ce fut une soirée intéressante et ce n’est qu’après avoir passé près d’une
heure à simplement argumenter que j’ai proposé que nous fassions quelque
chose d’autre. J’ai dit : « Écoutez, je crois que nous pouvons aller
jusqu’à la racine du problème si je vous pose quelques questions et si
vous y répondez simplement par oui ou par non. Vous devez savoir, dès le
départ, que le but des questions est de voir si vous avez véritablement
été exposé aux courants dynamiques de l’Église. Je crois qu’il vous sera
facile de dire oui ou non. D’accord ?
– D’accord.
C’est ainsi qu’a commencé une série de questions, une vingtaine. Il a
répondu « non » à dix-sept d’entre elles, « peut être » à deux et « oui »
à une.
EN ETRE SANS Y ETRE
Quand nous avons eu fini, j’ai dit : « En toute franchise, si j’avais été
à la barre des témoins et si l’on m’avait fait prêter serment de dire la
vérité, toute la vérité et rien que la vérité, et si l’on m’avait posé ces
mêmes questions, j’aurais dû dire oui à dix-huit d’entre elles ; donc la
différence entre vous et moi, ce ne sont pas tellement les divers domaines
que nous avons étudiés ou cherché à maîtriser dans le monde, la différence
c’est que j’ai eu des expériences que vous n’avez pas eues. Cela signifie
que vous n’êtes pas sur le point de quitter l’Église, comme vous le dites.
Vous n’avez jamais vraiment été dedans ! »
Cela l’a vexé et il m’a dit qu’il avait reçu plusieurs distinctions de
divers organisations de l'Eglise qui prouvaient qu’il était réellement
dedans. Mais je dis :
- Non, les forces qui coulent dans l’Église n’ont pas véritablement été en
vous, peu importe où vous avez été le dimanche.
QUELQUES QUESTIONS
J’ai fait une liste en style télégraphique des questions que je lui ai
posées. Je veux vous les poser, à vous, car ce sera peut-être une manière
efficace pour vous de jeter un coup d’œil sur vous-mêmes.
LA PRIERE
D’abord à propos de la prière : « Avez-vous jamais prié et avez-vous été
transporté au-delà de vous-même, tant dans la manière de vous exprimer que
dans le contenu de vos paroles, de sorte qu’elle est devenue plus qu’un
dialogue avec vous-même ? »
Il a dit que non. Il a admis qu’il avait déjà prié, quoique pas
récemment, mais autant qu’il pouvait se le rappeler, il ne connaissait
aucun moment où il était certain de parler à quelqu’un d’autre qu’à
lui-même.
Heber C. Kimball a dit à ses enfants que si, avant de terminer sa prière,
on ne ressent pas une certaine vibration de l’Esprit de Dieu, une certaine flamme
au centre de soi-même, on peut être quasiment sûr que sa prière n’est pas
entendue dans des circonstances ordinaires. Si nous appliquons cela à nos
propres prières, je dois, quant à moi, admettre qu’il y a eu beaucoup
d’aridité dans les miennes. Mais si, dans vos prières, il y en a qui
s’accompagnent de cette flamme, remerciez Dieu et continuez à prier.
LA SAINTE-CENE
À propos de la Sainte-Cène. « Avez-vous jamais eu l’expérience que Melvin
J. Ballard décrit comme ‘sentir les blessures de son âme’ être soignées,
se sentir
rempli de l’Esprit qui réchauffe et sentir ainsi s’éveiller en soi la
faim et la soif de retourner à la table de Sainte-Cène pour trouver la
guérison ? Est-ce que cela a été comme si vous vous saisissiez de deux
électrodes et sentiez passer un courant ? »
- Non, dit-il, j’ai toujours trouvé les réunions de Sainte-Cène très
ennuyeuses.
LA BENEDICTION PATRIARCALE
À propos de la bénédiction patriarcale. « Avez-vous jamais eu ce que le
président McKay appellerait l’expérience du ‘voile presque transparent’ ?
Quand le patriarche vous a fait des promesses, déclarant votre héritage et
vous donnant un aperçu du destin qui vous est promis, avez-vous eu
l’impression d’être entouré de personnes glorieuses mais, d’une certaine
façon, moins tangibles ?
À cela il a répondu : « Oui, je dois reconnaître que j’ai senti quelque
chose, mais depuis, j’en suis venu à me dire que c’était moi qui prenais
mes désirs pour des réalités. »
LES ECRITURES
À propos des Écritures. « Avez-vous vu la différence entre ‘l'avant’ et
‘l'après’, comme Joseph Smith, qui dit qu’en lisant les Écritures après
avoir reçu le don du Saint-Esprit, il a été étonné de la différence par
rapport à ses lectures précédentes ? »
«
Notre esprit [le sien et celui d’Oliver Cowdery] étant maintenant éclairé,
nous commençâmes à voir les Écritures se dévoiler à notre entendement, et
la véritable signification et le sens des passages les plus mystérieux se
révéler à nous d'une manière à laquelle nous n'avions jamais pu parvenir
précédemment, à laquelle nous n'avions même jamais pensé auparavant. » (JS-Histoire,
v. 74).
Une autre façon de le dire c’est : Il y a des moments où les Écritures
peuvent sauter de la page et vous bombarder, vous frapper entre les yeux
et, pour ainsi dire, entre les côtes, de telle sorte que vous savez que
ces paroles ont été écrites sous l’inspiration et que vous voyez
clairement comment elles s’appliquent à vous.
C’est Marion G. Romney qui a raconté qu’un jour, se trouvant sur des
couchettes superposées dans un train, il lisait les Ecritures avec son fils tour à tour,
un verset à la fois. Au bout d’un certain temps, il a lu un verset et son
fils est resté silencieux. Il a cru qu’il s’était endormi. L’instant
d’après, celui-ci a dit : « Papa, t’arrive-t-il jamais de pleurer quand tu
lis le Livre de Mormon ? » Frère Romney a dit : « Oui, mon garçon, il y a
des moments où la puissance et la lumière de ce livre m’imprègnent
tellement que je me retrouve en larmes. » Son fils a répondu : « Je crois
que c’est ce qui m’est arrivé ce soir. »
Si nous avons été éveillés de cette façon – il a dit que lui ne l’avait
pas été – nous ne faisons pas partie de ceux qui ont lu le Livre de Mormon
jusqu’aux passages d’Ésaïe et ont abandonné. Il m’est arrivé de souhaiter
que le livre puisse être remis dans un autre ordre et commencer par
Moroni, puis Éther et peut-être 3 Néphi et ensuite continuer. J’ai bien
peur qu’il y ait beaucoup de membres de l’Église qui sont
restés coincés aux passages d’Ésaïe et sont passés à côté de vrais trésors.
L’ORDINATION
À propos de l’ordination. « Vous est-il jamais arrivé, en recevant la
prêtrise, un office dans la prêtrise ou un appel au service, de sentir ce
que Stephen L. Richards appelle ‘l’essence du pouvoir’, ou ce qu’Orson F.
Whitney appelle ‘une flamme liquide’, ce que le Prophète lui-même
qualifiait d’une ‘vertu’ qui, d’une certaine façon, passait de la personne
en vous ?
Il dit, simplement, non.
UN INSTRUMENT
« Vous êtes-vous jamais trouvé de l’autre côté de la barrière, étant la
personne chargée de mettre à part, d’ordonner, de baptiser ou de confirmer
? Dans Moroni, le Sauveur dit qu’après avoir invoqué Dieu en prière
fervente, ‘vous aurez le pouvoir de donner le Saint-Esprit à celui à qui
vous imposerez les mains’ (Moroni 2:2). Avez-vous jamais eu l’expérience
d’être un véhicule de ce genre ? »
« Non, j’ai été dans un cercle ou deux, mais je dirais que c’était une
sorte de charabia d’expressions toutes faites. »
LE TEMOIGNAGE
Pour ce qui est de rendre témoignage. « Vous est-il jamais arrivé de vous
lever, pas simplement pour exprimer votre reconnaissance, ce que nous
faisons souvent, et pas simplement pour répéter comme un perroquet la
trilogie de formules (sur la réalité de l’existence de Dieu, sur la
filiation du Christ et sur le manteau prophétique parmi nous) que nous
utilisons souvent, mais vous êtes-vous levé parce que vous avez été
presque irrésistiblement poussé à vous lever ? Avez-vous eu la sensation
d’être, pour ainsi dire, hors de vous-même, occupé à vous écouter tandis
que vos paroles sortaient avec une clarté transparente, prenant le devant
sur vos pensées ordinaires et de sentir le tréfonds de votre âme
apparaître à la surface avec l’éclat d’une conviction sans restriction ? »
Il a dit : « Non, il m’est arrivé de ‘rendre mon témoignage’, mais je n’en
avais pas vraiment. Je ne faisais qu’utiliser les mots. »
« Et les autres personnes, lui ai-je demandé, que vous avez entendu parler
? N’y a-t-il jamais eu de cas dans une salle de classe, à une réunion,
lors d’une conférence, n’y a-t-il jamais eu d’occasions où vous avez
écouté les ‘oracles vivants’ qui sont à la tête de l’Église, en ayant la
certitude que la personne s’exprimait au-delà de ses capacités naturelles,
où la force de son témoignage semblait percer le brouillard et parvenir
directement jusqu’à vous? »
« Au-delà de ses capacités naturelles »
J’aurais pu rappeler ce qui est arrivé à Heber J. Grant, qui vit son frère
entrer dans le Tabernacle de Salt Lake City il y a bien des années. Le
frère en question était allé partout sauf à l’église. Il avait fait le
tour du cap Horn, était allé dans des camps de mineurs et des terrains
pétrolifères. Il en était arrivé au point d’envisager le suicide. Puis il
avait ressenti, d’une manière que je ne peux pas détailler, le sentiment
puissant qu’il devait prendre contact avec son frère, Heber. Il est donc
entré dans le Tabernacle. Le président Grant ne savait pas qu’il serait
invité à prendre la parole, mais il pria que s’il l’était, il puisse dire
quelque chose qui touche son frère. Puis, il se dit qu’il ferait peut-être
quand même mieux de vérifier une référence ou deux. Il alla prendre ses
références par sujet et se mit à les parcourir frénétiquement des yeux. Il
voulait parler au-delà de ses capacités naturelles et eut donc recours à
la prière.
Il fut appelé à prendre la parole. Il ne tarda pas à oublier sa référence
et rendit simplement son témoignage du pouvoir du Christ, qui avait été à
l’origine du Rétablissement et qui avait amené le peuple de l’Église à
travers les plaines. Il rendit un témoignage vibrant de la gloire
prophétique de Joseph Smith, le prophète.
J’ai lu ce discours. Autant que je sache, il n’a rien de distinctif ni
d’extraordinaire. À première vue, c’est un ensemble de paroles assez
ordinaires. Mais lorsqu’il eut fini et s’assit, il entendit George Q.
Cannon dire à mi-voix : Dieu soit loué pour la puissance de ce témoignage.
Et le président Grant inclina la tête et pleura.
Frère Cannon fut invité à prendre la parole. Il se leva et dit : « Il y a
des moments où le Seigneur Tout-Puissant inspire un orateur par les
révélations de son Esprit et il est si abondamment béni par l’inspiration
du Dieu vivant que c’est péché que quiconque d’autre parle après lui.
C’est le cas aujourd’hui et je désire que cette réunion soit suspendue
sans autre discours. » Et il en fut ainsi.
Je vais paraphraser quelque peu ce qui s’est passé le lendemain quand le
frère du président Grant est allé lui dire : « Heber, je t’ai entendu
hier. Heber, tu n’es pas capable de parler aussi bien que cela ; tu as
parlé au-delà de tes capacités naturelles. » C’est exactement l’expression
qu’il a utilisée.
Le président Grant lui répondit rudement : « Faut-il que le Seigneur soit
obligé d’aller chercher un bâton et de te taper sur la tête ? Qu’est-ce
que cela veut dire quand tu sais que je ne suis pas capable de m’exprimer
aussi bien quand je parle du Maître et de Joseph Smith? »
Son frère dit : « Tu as gagné. » Et il devint saint des derniers jours
pratiquant et fut lui-même un orateur puissant. (Heber J. Grant, Gospel
Standards, comp. G. Homer Durham, Salt Lake City, The Improvement Era,
1941, p. 369-370.)
Ce genre d’expérience devrait, du moins à l’occasion, nous être arrivé. Ce
n’était pas arrivé à mon interlocuteur ou, si c’était arrivé, il l’avait
oublié depuis longtemps
LES DONS SPIRITUELS
À propos des dons spirituels. Le Prophète a dit que personne n’a la foi au
Christ s’il n’a pas en même temps autre chose.
« Un homme, a-t-il dit, qui n’a aucun des dons n’a pas la foi ; il se
séduit lui-même s’il croit l’avoir » (Enseignements du Prophète Joseph
Smith, comp. Joseph Fielding Smith, 1981, p. 218; cité plus loin sous EPJS).
Vous pouvez parcourir la liste des dons spirituels. Il y en a une dans
Moroni 10, une autre dans D&A section 46 et une autre dans les écrits de
Paul, 1 Corinthiens 12. Vous pouvez vérifier, si vous voulez parcourir
plus soigneusement la totalité des Doctrine et Alliances, et vous
trouverez une trentaine de manières dont les dons se manifestent.
Avez-vous jamais eu un tel don, particulièrement en servant les autres ?
Avez-vous jamais senti, disons, le don du discernement, le don de la
parole de vérité ou de connaissance, ou le don de l’enseigner, ou celui de
la sagesse ?
Il a dit simplement : « Non, je ne crois pas en ces dons mystiques. »
L’INTELLIGENCE PURE
Pour être plus précis, le phénomène que le prophète appelle « éclair
d’intelligence ». « Avez-vous jamais senti ce que prophète appelle ‘de
l’intelligence pure couler en vous’ ou un éveil dans votre âme qui vous
lie à une vérité, à une personne ou à un lieu sacré, une force qui vous
attire vers quelque chose ou qui vous éloigne de quelque chose et qui ne
s’explique pas par votre environnement ordinaire ? Ou vous est-il jamais
arrivé de savoir par l’esprit de prophétie qu’une certaine chose allait se
produire ? Je ne parle pas de souhaits, de conjectures, d’espoirs ou
d’intuitions. Je parle de savoir, tout simplement. »
Il m’est arrivé de demander à des groupes combien de personnes présentes
ont su, à certains moments, dans ce sens de savoir, qu’elles étaient sur
le point d’être invitées à prier ou à parler ou à remplir un poste
déterminé. Dans tous ces groupes, les deux tiers des mains ont fini par se
lever, beaucoup d’autres à moitié, pas tout à fait sûrs si ces « éclairs
soudains » venaient d’une source divine ou d’ailleurs.
Une fois de plus sa réponse fut négative.
LA MUSIQUE
À propos de la voix de Dieu dans la musique. « Vous est-il jamais arrivé
de chanter un cantique ou y a-t-il un seul morceau de musique dans
l’Église qui parle à votre âme comme aucun autre, comme par exemple ‘Ô mon
Père’, avec les cors d’harmonie de Crawford Gates et l’orchestre de
Philadelphie, ou ‘Venez venez’ à son point culminant ou ‘L’Esprit du Dieu
saint’ de Phelps?
Il y a quelque temps d’ici, une jeune fille dirigeait la musique à une
réunion de Sainte-Cène à l’université Brigham Young. (C’est une chose qui
m’a toujours étonné : les mormons ne peuvent pas chanter sans quelqu’un
pour diriger la musique. Cela symbolise peut-être le fait que nous croyons
à la partition, mais qu’il faut une personne vivante qui la manipule.)
Elle dirigeait d’une manière assez machinale le cantique d’Eliza R. Snow «
Ô mon Père ». C’est alors que pour la première fois, je pense, elle a
commencé à comprendre les paroles. Cette fois-ci elles étaient données
avec puissance. Tout en dirigeant, elle a bientôt cessé de chanter et
s’est retrouvée en larmes. D’une façon ou d’une autre cela a été
contagieux, cela s’est transmis à l’assemblée. Quand ils sont arrivés au
dernier couplet, plus personne ne chantait, du moins pas avec la voix!
Il dit qu’il n’avait jamais eu cette expérience. Les paroles ne
signifiaient rien pour lui
LA CONSCIENCE
À propos de la conscience. Nous faisons beaucoup pour
étouffer et même fausser notre conscience. Il n’est pas rare, dans un
cours ordinaire, ayant trait à l’environnement, que ce soit la
psychologie, la sociologie ou l’anthropologie, d’entendre dire que tout ce
que l’on a quand on parle de la conscience, c’est ce qui reste des
premières expériences de la vie, quelques interdits et quelques
permissions. Mais, nous dit-on, on ne peut pas se fier à la conscience.
Tout le monde s’est retranché derrière la conscience pour avoir fait
quelque chose que vous considéreriez comme une atrocité et puis de ne pas
avoir fait d’autres choses que vous considéreriez comme justes ; c’est
donc très relatif.
Moi, je n’en suis pas sûr. J’ai tendance à être d’accord avec le point de
vue de Parley P. Pratt, c’est-à-dire que si vous remontez suffisamment
loin dans votre vie (et c’est quelque chose de difficile parce que vous
l’avez bloqué), vous constaterez qu’à l’âge de quatre ou cinq ans vos
premiers contacts avec la tentation et le péché se sont accompagnés d’une
agitation fantastique. « Non », disait la voix intérieure, « non ». Et si
vous insistiez, la voix se faisait pressante. Ensuite, si vous alliez
jusqu’à passer à l’acte, vous ressentiez une agitation rétrospective de
culpabilité. Si vous y aviez prêté attention, selon Parley P. Pratt, et
l’aviez honoré, vous auriez eu une lumière croissante jusqu’aujourd’hui.
Au lieu de cela, vous l’avez étouffé et vous l’avez mis sur le compte
d’une espèce d’illusion psychologique.
C’est une sensibilité intrinsèque : nous l’avons tous. Nous répugnons à
l’admettre à qui que ce soit, et encore moins à nous-mêmes, mais elle est
là, dans le cœur. Et comme le Prophète le disait, elle nous ronge et elle
semble être particulièrement indifférente aux arguments que nous pouvons
invoquer. Nous disons : « Je n’ai pas pu m’en empêcher, c’était plus fort
que moi. » « Tout le monde le fait, personne ne le saura. » Mais la
conscience a des bouchons dans les oreilles, elle ne répond pas.
Il m’a dit qu’il pensait que la « conscience » était une notion tout à
fait ambiguë et que nous ferions bien de l’éliminer de notre vocabulaire.
LE TEMPLE
À propos du temple. Il y était allé. Il n’avait pas été très impressionné,
pire encore, il avait eu une impression négative. Quelqu’un lui avait dit
dans sa jeunesse qu’en condamnant « le rituel païen », les mormons
disaient qu’ils ne croyaient pas aux symboles. La personne lui avait aussi
fait remarquer que ce qui est important, c’est la conduite et pas
simplement les gestes sacramentels. Il ne savait donc que penser.
(Nous rendons un mauvais service si nous condamnons le rituel en soi. Il
n’y a rien d’intrinsèquement mauvais dans le cérémoniel ou le rituel. Il
peut être faussé. Mais tout le reste aussi. Il peut devenir un but en soi
et nous pouvons en perdre et en perdons souvent le pouvoir et la
signification, mais ni l’un ni l’autre ne sont nécessaires.)
Je lui ai demandé s’il éprouvait quelque chose à propos de la promesse
faite à Kirtland qui appelait la maison de Dieu, « un lieu de sainteté ».
Je lui ai demandé s’il était contraint d’admettre, en entrant dans le
temple, indépendamment de ce qui s’y passait, que c’était véritablement «
une maison de gloire, une maison d’ordre, une maison de Dieu » ( D&A
88:119 ). Je lui ai demandé, en d’autres termes, s’il avait le sens du
sacré.
Il dit que non, pas du tout, et il n’avait pas la moindre envie d’y
retourner.
J’aurais pu lui rendre le témoignage du président McKay (mais je ne l’ai
pas fait), qui disait qu’il avait été déçu – l’auditoire a eu le souffle
coupé quand il l’a dit – lui, le président David O. McKay, avait été déçu
lorsqu’il était allé au temple pour la première fois. Il nous en a donné
les raisons et ce sont celles qui nous tracassent : cela le dépassait, il
ne distinguait pas le symbole de ce qui était symbolisé, il voyait les
éléments humains, les gens, des personnalités différentes – toutes ne lui
plaisaient pas. Il avait des attentes étranges, dont peu s’étaient
accomplies, et il n’était pas encore mûr dans les choses spirituelles.
Mais je l’ai entendu dire, à l’âge de quatre-vingts ans, après avoir été
chaque semaine dans la maison du Seigneur pendant plus de cinquante ans,
qu’il y avait peu de gens, même des servants du temple, qui comprenaient
pleinement la signification et la puissance du temple. J’ai senti son
témoignage jusqu’au fond de moi-même et j’ai décidé de suspendre mes
appréciations erronées, de me taire et d’écouter. Depuis lors, j’ai appris
– et assimilé – pas mal de choses.
L’AMOUR
À propos de l’amour. Qu’est-ce que vous en pensez ? Matthew Cowley disait
qu’il n’avait jamais perdu un ami (il avait pris la décision dans sa
jeunesse de ne jamais en perdre un) pour des questions de religion ou de
politique. C’est cela, l’esprit du Christ. Je pense que c’est
particulièrement nécessaire en ce moment dans notre Église.
Il y a un esprit qui peut vous habiter lorsque vous avez goûté au flux de
la puissance du Christ, qui fait qu’il est impossible à une personne de
vous repousser hors de portée. Elle peut provisoirement vous rejeter, elle
peut le faire pendant des années, mais vous êtes toujours là, compatissant
et plein de sollicitude, ne voulant pas dire, juste parce que vous n’êtes
pas d’accord : « Je ne t’adresserai plus jamais la parole » ne désirant
pas entretenir la méfiance et la suspicion, ni ressasser vos mauvais
sentiments à son égard. Si une personne n’a pas goûté cet esprit, alors,
en vertu de la définition du Prophète, elle n’a pas encore commencé à se
rapprocher du Christ. Car, a-t-il dit : « Plus nous nous rapprochons de
notre Père céleste, plus nous sommes disposés à éprouver de la compassion
pour les âmes qui périssent, à les prendre sur nos épaules et à jeter
leurs péchés derrière notre dos » (EPJS, p. 194). « Qui périssent » est
une bonne expression : elle peut vouloir dire beaucoup de choses, et
n’importe quel sens de périr. Quand vous trouvez un esprit qui veut
condamner, attaquer, démolir, vous êtes en présence d’un esprit qui n’est
pas du Christ. Avec un amour comme le sien, nous sommes capables de voir
les autres en profondeur, mais, parce que nous les voyons, nous sommes en
mesure de fermer les yeux sur les choses qui sinon nous contrarieraient.
« Il y a des gens avec qui je ne peux pas travailler », disait un jour
quelqu’un. On l’invitait à accomplir une tâche, un « sale travail » dans
sa paroisse. « Je ne peux pas travailler avec ces gens, ils sont bêtes,
ils sont mufles, ils sont gauches, ce n’est pas agréable de travailler
avec eux. »
Celui qui l’avait appelé a souri et a dit tout simplement : « Le Christ
l’a fait. »
Le jeune homme avec lequel je parlais n’avait du plaisir à fréquenter
qu’une ou deux personnes dans l’Église.
3 NEPHI 17
En résumé, je lui ai demandé s’il ressentait quelque chose d’inhabituel en
lisant 3 Néphi. Il se fait que c’est un livre transparent pour moi. J’ai
un ami qui dit que le chapitre le plus sacré de la Bible est le chapitre
17 de Jean. Pour moi, le chapitre le plus sacré du Livre de Mormon porte
le même numéro, 17, dans 3 Néphi.
LE TEMOIGNAGE DE JESUS
Je lui ai demandé s’il avait reçu le témoignage de Jésus (voir D&A
76:51-53). Je lui ai demandé si la perspective la plus palpitante de sa
vie était, non pas de simplement imiter Jésus dans sa façon de se
comporter, mais de devenir comme lui de nature, dans toutes les
caractéristiques et l’apparence même et, en fin de compte, en étant
engendré de lui avec tout ce que cela signifie : être possédé de son
pouvoir.
Il m’a dit qu’il ne voyait pas à quoi rimaient tous ces bavardages
concernant le Christ et qu’en fait il mettait en doute la plupart des
affirmations théologiques que les membres de l’Église faisaient à son
sujet.
Voilà pour les questions.
L’EAU VIVE
Je n’ai pas parlé de mes propres expériences, dont je suis reconnaissant,
dans chacune de ces dimensions. Au lieu de cela, j’ai parlé de personnes
dignes du passé. Mais je peux vous rendre mon témoignage que ces courants
et beaucoup d’autres font partie de la source jaillissante de l’Église. Si
nous ne buvons pas, si nous mourons de soif alors que nous sommes à deux
doigts de la source, la faute nous en incombe. Car l’eau vive gratuite,
pleine, jaillissante, est là.
« VENEZ AUX EAUX... »
Il y a une question que l’on répète aujourd’hui sans doute plus souvent
que n’importe quelle autre : Pourquoi n’y a-t-il pas autant de
manifestations spirituelles aujourd’hui que dans la première génération ?
» C’est une question très révélatrice, parce qu’il y en a. Mais ceux qui
posent la question ont toujours l’air de croire que leur manque
d’expérience s’applique à tout le monde.
C’est comme la personne qui entre et qui dit : « Comment est-ce que je
sais que j’ai un témoignage ? » Dans les moments d’agacement, il m’est
arrivé de répondre : « Si vous êtes obligé de me le demander, c’est que
vous n'en avez pas ! » C’est sévère. Mais c’est vrai.
L’eau vive est là. Je dirais même qu’il y en a davantage aujourd’hui à
cause des occasions diverses et croissantes qui sont données à l’Église.
Mais elle ne devient réelle que quand le chercheur a la vision claire des
possibilités et puis est disposé à faire ce qu’il faut. Je trouve des tas
de jeunes qui sont, comme je l’étais, très empressés de dire ce qu’ils
feraient pour avoir de telles bénédictions, mais moins désireux de dire ce
qu’ils en feraient s’ils les obtenaient. Après un peu d’introspection,
nous ne devrions pas être étonnés que le Seigneur ait hésité à nous
confier plus de choses que nous ne pouvons en supporter.
Il y a plusieurs années, je suis allé à Jérusalem. Il y a un mur qui est
encore là, dont certaines parties sont les mêmes qu’autrefois. À l’est du
mur, il y a une vallée appelée la vallée du Cédron ; il y avait autrefois
un ruisseau qui y coulait. À l’est se trouve une colline. On l’appelle le
mont des oliviers. Et quelque part sur le flanc de cette colline –
personne ne sait exactement où, bien que certains prétendent le savoir –
il y avait un jardin. Pas le genre de jardin que vous pourriez imaginer,
pas un beau jardin fleuri, mais une oliveraie. C’est dans ce bosquet que
Jésus-Christ, quand il a su qu’il devait accepter la volonté du Père,
sachant ce que cela voulait dire, a emmené trois de ses disciples. Puis il
a prié tout seul.
LA PUISSANCE DU CHRIST
Je m’y suis assis et j’ai contemplé Jérusalem. Je ne crois pas que vous
saisissez le pouvoir fantastique de l’opposition de toute sorte qu’il a
affrontée. Vous avez été impressionnés dans notre génération par les
machines de guerre des grandes nations. Elles ne sont en aucune façon
comparables, en hostilité mortelle, en caractère impitoyable, à ce qui se
trouvait au-delà de ce mur. On se mettait dans les griffes de Rome avec la
confiance que l’on aurait entre les tentacules d’une pieuvre. Vous vous
souvenez ? Jésus n’a pas répondu à toutes les objections des érudits, des
malins ou des curieux. En se retournant et en sachant ce qui l’attendait,
il les a vaincus par sa vie même.
Je vous dis que quand il a dit à la Samaritaine et à d’autres : « Celui
qui croit en moi n'aura jamais soif » (Jean 6:35), et que quand il
était sur la croix, sous le soleil brûlant, il a dit : « J’ai soif », il
voulait parler de la promesse et du besoin que nous avons tous. Nous
aussi, nous avons soif jusqu’à ce que cela soit douloureux. Nous aussi,
nous vivons et nous mourons dans des déserts. Il n’y a pas d’autre
possibilité. Certains de ces déserts, il nous est commandé de les
traverser sans eau, simplement, je le crois parfois, pour voir ce que nous
avons en nous. Mais lorsque que nous poursuivons nos efforts, nous
trouvons une oasis et l’eau vive ou ce que j’ai appelé les courants
dynamiques de la puissance du Christ. Ils entrent en nous.
TEMOIGNAGE
Je témoigne que ces courants sont là. Je témoigne que le problème de
réconcilier telle ou telle philosophie de la religion avec l’engagement
n’est pas aussi technique que nous le croyons souvent. Ces problèmes se
résolvent facilement quand on a l’esprit clair. La solution est simple :
C’est être éveillé, pleinement éveillé au flux et à la puissance du Christ
vivant. Quand nous le sommes, tout va mieux, quand nous le sommes pas,
tout paraît noir.
Puisse Dieu nous aider à marcher dans la lumière et, quand nous n’avons
pas l’impression de l’avoir, à marcher, avec intégrité, dans le souvenir
que nous en avons.
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