LE CODE DE LA BIBLE ET L'INERRANCE BIBLIQUE

 

- John A. Tvedtnes -

 

Les inerrantistes - personnes qui croient au principe d'infaillibilité - reviennent à la charge, se référant aux études dites sur le « Code de la Bible » faites en Israël pour prouver que le texte de la Bible reste tel qu'il a été révélé directement par Dieu il y a des milliers d'années. Plusieurs articles et un livre ont résulté de l’étude sur le « Code de la Bible », qui prétendent démontrer que, cachés dans le texte hébreu du Pentateuque - les cinq premiers livres de l'Ancien Testament – il y a des prophéties sur des événements futurs. Les chercheurs avancent que, étant donné que Dieu seul peut connaître l'avenir, c'est la preuve que la formulation du Pentateuque a été inspirée par Dieu.

 

Les Juifs orthodoxes aussi bien que les chrétiens fondamentalistes ont vu dans ces études la preuve de l'authenticité divine de la Bible. Ils relèvent le fait que la plupart des chercheurs du « Code de la Bible » sont des statisticiens, pas des théologiens, ce qui leur confère une certaine neutralité quand il s'agit de questions religieuses.

 

Pour évaluer l’étude, il faut tout d'abord comprendre comment elle a été faite. Les chercheurs ont mis au point un logiciel qui prend le texte hébreu de la Bible, saute un nombre déterminé de lettres, imprimant, par exemple, une lettre sur quinze. Ces lettres sont alors arrangées dans une « matrice », habituellement un cadre rectangulaire, dans lequel on pourrait chercher des mots, comme dans les livres de jeux que l'on trouve dans tous les pays. Les éléments peuvent être lus horizontalement, verticalement et en diagonale. Les mots formés par cette méthode sont, en soi, sans importance. C'est quand les chercheurs trouvent plusieurs mots reliés entre eux dans la même matrice qu'ils ont le sentiment d'avoir prouvé leur thèse. Une de leurs découvertes les plus importantes est le nom de Yitzhak Rabin (en lecture verticale) et les mots « assassin assassinera » (en lecture horizontale) à l'intérieur de la même matrice.

 

Les « prophéties » que l'on peut trouver en utilisant cette méthode varient selon le nombre de lettres que l'on saute. C'est ainsi qu'un long passage biblique pourrait théoriquement produire plus d’un message de ce genre, selon que l'on choisit une lettre sur 10, sur 11 ou sur 12.

 

Cette méthodologie comporte plusieurs problèmes. L'un d’eux est que la définition de la proximité des divers mots est assez arbitraire à cause de la conception de la matrice. Un autre a trait à la nature du texte hébreu. Il n’existe tout simplement pas de version unique des livres allant de la Genèse au Deutéronome. Bien qu'un texte standard soit utilisé à la synagogue, les différents manuscrits antiques présentent des variantes. Par exemple, parmi les manuscrits de la mer Morte, il y a plusieurs versions de l'Exode qui sont très différentes. Le fait d'omettre ou de changer ne serait-ce qu'un seul mot risque d'influencer les résultats de la recherche électronique.

 

Mais le coup de grâce a été donné quand la question du « Code de la Bible » a été examinée par des spécialistes de la Bible dans les pages du numéro d'août 1997 de la Bible Review. Ronald S. Hendel, de la Southern Methodist University, a intitulé cette critique « Le canular du code secret ». Le rabbin Schlomo Sternberg, qui enseigne les mathématiques à Harvard a intitulé son article : « Huile de serpent à vendre ».

 

En examinant la question de l'assassinat de Yitzhak Rabin, Sternberg a observé que « l'ordinateur a découvert que si vous sautez une lettre sur 4772, le nom Yitzhak Rabin apparaît dans le texte biblique. En d'autres termes, il y a un yod, première lettre de Yitzhak, suivi de 4772 lettres plus tard de la seconde lettre de son nom, et ainsi de suite. Cela signifie que si vous imprimez les lettres du Pentateuque hébraïque (en utilisant l’édition Koren) en rangées de 4772 lettres de large, le nom Yitzhak Rabin apparaîtra dans une colonne verticale. » Pour Sternberg, c'est pousser la crédulité trop loin.

 

Sternberg a également relevé le défi lancé par Michael Drosnin, le principal chercheur du « Code de la Bible », dans un article publié dans le numéro du 9 juin 1997 de Newsweek, dans lequel il dit : « Quand mes critiques trouveront un message sur l’assassinat d'un premier ministre caché dans Moby Dick, je les croirai. » Sternberg a demandé à Brendan McKay, professeur de mathématiques australien, « de rechercher des messages cachés de ce genre dans Moby Dick. Il a découvert treize assassinats 'prédits' de personnages publics, dont plusieurs sont des ministres, des présidents ou leurs équivalents. » Deux exemples apparaissent dans l'article de Sternberg. L’un d’eux comporte un message qui dit : « Pres - Somoza - meurt - tué – pistolet ». L'autre message « Gandhi » dans une ligne verticale coupée par une ligne horizontale où l'on trouve « lactesanglant ». En utilisant le même raisonnement pour l'étude de Sternberg que celui employé par les chercheurs du « Code de la Bible », nous devrions en conclure que Dieu a également dicté Moby Dick et que Herman Melville était un prophète ! La vérité, c'est que lorsqu'il y a suffisamment de permutations, on peut trouver des messages « prophétiques » de ce genre dans n'importe quel texte un peu long.

 

Malheureusement, certains saints des derniers jours se sont laissés prendre à cette sottise du « code de la Bible » et on me pose souvent des questions à ce sujet. Il y en a même qui veulent appliquer le logiciel au texte du Livre de Mormon pour en prouver l'authenticité. Certains contradicteurs nous ont lancé le défi de faire exactement cela, croyant que le test échouera et prouvera ainsi qu’alors que la Bible est d'inspiration divine, le Livre de Mormon est de main d'homme. Aucun d'entre eux n'a pris la peine de réfléchir au fait que les études sur le « Code de la Bible » ont été faites sur le texte hébreu, pas sur une traduction secondaire en anglais, et que si on appliquait ce test au Livre de Mormon en anglais, cela ne prouverait rien. Quoique, étant donné qu'il a été prouvé que Moby Dick était « prophétique », j'ai l'impression que même la version anglaise du Livre de Mormon donnerait des résultats intéressants. Mais j'ai mieux à faire que de gaspiller mon temps à ce genre de bêtises.