Où était l’Ur d'Abraham ?
Paul Y. Hoskisson Ensign, juillet 1991, pp. 62-63
La
plupart des gens s’intéressent au décor des récits scripturaires qu'ils
tiennent pour sacrés. Au-delà de cet intérêt, le cadre physique devient
particulièrement important lorsque les savants trouvent sur les cartes
actuelles des sites mentionnés dans les Écritures, parce que, sur cette
base, ils augmentent et complètent le corpus de nos connaissances
scripturaires grâce aux faits fournis par les sites indiqués. Par exemple,
de nombreux chercheurs placent le site de l’Ur d’Abraham dans le sud de la
Mésopotamie et, sur cette base, croient pouvoir dire qu'Abraham a été en
contact avec et été influencé par le culte dominant de cette Ur, le culte
du dieu-lune. À l'aide du livre d'Abraham dans la Perle de Grand Prix, je
propose un autre emplacement pour l’Ur en Chaldée dans l'histoire
d'Abraham [1].
Outre le fait qu'une tradition ancienne veut qu’Ur
se trouve dans le sud de la Mésopotamie (ainsi que deux sites dans le nord
de la Mésopotamie), ceux qui optent pour une localisation dans le sud de
la Mésopotamie fondent leur conclusion sur trois arguments. Tout
d'abord, le nom antique du Tell al-Muqayyar sonne comme l'hébreu Ur (dans
les documents cunéiformes originaux, le nom peut se lire Urim ou Uri). Ces
mots ressemblent à l'hébreu Ur, mais les ressemblances ne manquent pas de
poser des problèmes. Par exemple, l'hébreu, s’il était basé sur le nom
cunéiforme originel d’al-Muqayyar, devrait faire abstraction de la voyelle
sumérienne et du m final possible.
Deuxièmement, les Chaldéens
qu’Abraham mentionne à propos d’Ur ont été assimilés aux Kaldou, peuple
araméen vivant dans le sud de la Mésopotamie au premier millénaire av.
J.-C. Cependant, quand on assimile les Kaldou des documents cunéiformes
aux Chaldéens de la Genèse, on rencontre plusieurs problèmes. L’un d’eux
est que les Kaldou ne sont arrivés dans le sud de la Mésopotamie que
longtemps après l'époque d'Abraham. Dans le même ordre d’idées, on trouve
un problème dans la traduction de la Genèse où le mot Chaldée traduit
l’hébreu kasddim. Ce mot a deux significations possibles dont aucune ne
correspond à l'histoire d'Abraham telle que nous l'avons dans la Perle de
Grand Prix. L’une des possibilités est qu’il s’agisse effectivement des
Kaldou du premier millénaire av. J.-C. Malheureusement, comme noté plus
haut, dans ce cas c’est un anachronisme. L'autre possibilité, si l’on se
base sur la sonorité du mot, est qu'il désigne les Kassites, un groupe non
sémitique qui devint la classe dirigeante à Babylone durant la seconde
moitié du deuxième millénaire av. J.-C. Mais si l’on assimile les kasddim
aux Kassites, on se retrouve quand même devant des problèmes
d’anachronisme et de phonologie.
Et troisièmement, parce qu'Abraham
s'installa un certain temps à Charan, un centre important connu du culte
du dieu-lune, les chercheurs ont supposé que la ville d'origine d'Abraham
doit également avoir été un centre majeur du culte du dieu-lune. Le fait
que l’Ur du sud de la Mésopotamie était également un site de ce genre
tendait à confirmer qu’Abraham provenait effectivement de là-bas. Cette
hypothèse n'est cependant pas justifiée parce que le livre d'Abraham dit
indirectement qu’Abraham a quitté Ur en partie pour s'éloigner du culte
local. Il ne se serait certainement pas rendu dans une autre localité du
même culte. Cela exclurait probablement aussi l’Ur du sud de la
Mésopotamie comme ville natale d'Abraham.
En haut à
gauche : Emplacement possible de l’Ur d’Abraham
En bas à droite : Pays des Chaldéens pendant le
premier millénaire
En pointillés : le Croissant fertile
Alors, où pouvait bien se trouver l’Ur d’Abraham ? Le livre
d'Abraham dans la Perle de Grand Prix fournit des renseignements généraux
qui aident dans la recherche. Ce livre nous apprend que non seulement
Abraham, mais aussi ses ancêtres avaient vécu dans le pays des Chaldéens
(Abr. 1:1). Nous apprenons aussi que des prêtres de Pharaon tentèrent de
sacrifier Abraham sur un autel à la colline de Potiphar dans la plaine
d’Olishem (Abr. 1:10) dans l’Ur en Chaldée (Abr. 1:20).
Dieu dit à
Abraham de quitter le pays des Chaldéens, en partie parce que le prêtre de
Pharaon avait mis la vie d'Abraham en danger, en partie parce qu'il y
avait une famine dans le pays et en partie parce que le but territorial
ultime que Dieu avait à l'esprit pour Abraham était Canaan. Abraham se
rendit donc dans un endroit appelé Charan et y resta jusqu'à ce qu'il
aille finalement s'installer à Canaan (Abr. 2:3–4.)
Sachant cela,
il est possible de tirer des conclusions quant à l'emplacement d’Ur :
Tout d'abord, le livre d'Abraham, contrairement à la Bible, n'est pas
le résultat de nombreuses transmissions. Par conséquent, le terme
Chaldéens dans le livre d’Abraham ne risque pas d’être anachronique. Étant
donné que nous pouvons sans risquer de nous tromper dater Abraham à au
moins l'âge du Bronze moyen et puisque ni les Kassites, ni les Kaldou
n’étaient dans le sud de la Mésopotamie à la fin de l'âge du Bronze moyen,
ni l’un ni l’autre de ces groupes ne pourrait être celui que désigne
l’hébreu kasddim. Il donc est tout à fait possible que l’Ur en Chaldée
d'Abraham se soit trouvée dans un autre endroit que la Mésopotamie
méridionale.
Deuxièmement, l’Ur d'Abraham était sous forte
influence égyptienne [2]. La seule région d’Asie que nous savons avoir été
à une époque quelconque sous influence égyptienne est une région
comprenant approximativement la totalité de l’Israël actuel, le Liban et
l’ouest de la Syrie, d'Ebla à la côte. En fait, le sud de la Mésopotamie
n'a jamais été sous influence culturelle ou religieuse égyptienne, et rien
que pour cela, on pourrait l’exclure comme emplacement de l’Ur d'Abraham.
Troisièmement, lorsque Abraham a quitté Ur en Chaldée, il s’est très
probablement rendu dans un endroit hors de l'influence directe de
l'Égypte. Il ne se serait cependant pas éloigné du pays de Canaan. Son
premier arrêt a été à Charan, un site qui se trouve (avec une certitude
relative) à l'est de l'Euphrate sur la rivière Balih juste au nord de
l'actuelle frontière entre la Syrie et la Turquie. Si l’Ur d’Abraham était
dans le nord-ouest de la Syrie ou dans le sud de la Turquie, Charan ne
devait pas être un bien grand détour lors de son voyage au pays de Canaan.
Quatrièmement, lorsque Abraham a quitté Ur en Chaldée, il y avait une
famine à Charan, ainsi qu’à Ur. Par conséquent, Ur en Chaldée et Charan se
trouvaient probablement dans le même système écologique. Puisque Charan se
situait dans le Croissant Fertile, normalement une région qui jouissait
d’une pluviométrie annuelle suffisante, l’Ur d’Abraham était probablement
aussi dans le Croissant Fertile. Le nord-ouest de la Syrie et le sud de la
Turquie sont tous deux dans le Croissant Fertile. Par contre, l’Ur du sud
de la Mésopotamie se trouve au-dessous du Croissant Fertile, dans une
plaine aride où l'irrigation est nécessaire.
À la suite de ces
indications fournies par le livre d'Abraham, certains érudits mormons sont
de plus en plus convaincus qu’Ur en Chaldée était située quelque part dans
ou à proximité du nord-ouest de la Syrie.
NOTES
1. Pour plus
de détails, voir Paul Y. Hoskisson, « Where Was Ur of the Chaldees?” dans
The Pearl of Great Price: Revelations from God, Religious Studies Center
Monograph Series 14, dir. de publ. H. Donl Peterson et Charles D. Tate,
Provo, Religious Studies Center, 1989, pp. 119–136. 2. Les mots Égypte
ou Pharaon apparaissent dans Abraham 1:7–11, 13, 17, 20-23, 25-27.
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