Le Livre de Mormon dit très peu de choses sur Mulek et
sur son peuple. Sur la base de ce que nous savons sur lépoque, John Sorenson tente,
dans cet article, une reconstitution historique de lexode de ce groupe.
LES « MULEKITES »
par John L. Sorenson [1]
BYU Studies, vol. 30, 1990, n° 3, été 1990, pp. 5-19
© BYU Studies
Le « peuple de Zarahemla », mentionné dans les annales néphites, reste énigmatique
pour les lecteurs de lÉglise. Bien quils aient été plus nombreux que les
Néphites de sang, il ny a quune poignée de passages dans les Écritures qui
donnent des informations explicites à leur sujet. Personne na essayé de regrouper
ces passages pour en dégager une image systématique de ce quétaient ces gens et
de ce qua été leur rôle dans lhistoire néphite. Cet article comble ce
vide.
Leur origine : Sédécias
Omni vv. 15 et 18 fournit les tout premiers renseignements que nous ayons sur
lorigine de ce peuple : « Le peuple de Zarahemla était sorti de Jérusalem à
lépoque où Sédécias, roi de Juda, fut emmené captif à Babylone » et
Zarahemla, le chef du groupe à lépoque où les Néphites entrèrent en contact
avec lui, « donna la généalogie de ses pères, selon sa mémoire » (la généalogie
mémorisée fut mise par écrit, mais ne se trouve pas dans les annales que nous avons).
Daprès Mosiah 25:2, Zarahemla affirma descendre de Sédécias par Mulek et ce lien
est confirmé par Hélaman 8:21 : « Direz-vous que les fils de Sédécias nont pas
été tués, tous exceptés Mulek ? Oui, et ne voyez-vous pas que la postérité de
Sédécias est avec nous ? » Nous devons comprendre lhistoire de Sédécias, si
nous voulons nous faire une idée de lorigine du groupe de Mulek [2].
Dans la décennie qui précéda le début du récit de Néphi, le petit royaume de Juda et
ses rois furent battus par les vents et marées politiques et les guerres entre ses trois
grands voisins, lÉgypte, lAssyrie et la Babylonie. Les deux premières
étaient alliées contre les Babyloniens nouvellement réapparus. Jojakim devint roi de
Juda à lâge de 25 ans à lautomne de 609 av. J.-C. (2 Rois 23:36), à peu
près à lépoque où la puissance assyrienne fut détruite. En 606 et 605 av.
J.-C., larmée égyptienne fut seule à affronter les Babyloniens et subit, au cours
de la dernière année, une défaite écrasante à Carkemisch, dans le nord de la Syrie,
sur lEuphrate. Par la suite (jusque et y compris 600 av. J.-C.), les Babyloniens
sous Nebucadnetsar II (le Nebucadnetsar de lAncien Testament) combattirent les
Égyptiens en Palestine et en Égypte sans résultats décisifs, tout en maintenant leur
domination sur Juda. Jojakim se rebella contre Babylone en 598 av. J.-C. (2 Rois 24:1).
Une armée babylonienne ne tarda pas à assiéger Jérusalem, depuis décembre
jusquau 16 mars 597 av. J.-C., date de la prise de la ville. Jojakim fut tué au
cours du siège et fut remplacé par son fils Jojakin, qui ne régna que trois mois
environ avant dêtre exilé par Nebucadnetsar. Le 22 avril 597 av. J.-C., les
Babyloniens le remplacèrent par le frère de son père, Sédécias (précédemment
appelé Matthania 2 Rois 24:17), qui avait alors 21 ans [3]. Sédécias finit par
choisir le camp des Égyptiens sous Apriès (Hophra), en dépit des avertissements de
Jérémie (voir, par exemple, Jérémie 21; 28). La conséquence fut que larmée de
Nebucadnetsar assiégea Jérusalem du 15 janvier 588 au 7 janvier 587 av. J.-C., date à
laquelle lapproche dune armée égyptienne amena les Babyloniens à se retirer
temporairement. Mais ils revinrent le 29 avril. Finalement, une brèche fut pratiquée, le
19 juillet 586, dans les murailles de Jérusalem (2 Rois 25:3; Jérémie 52:6-7). Il
sensuivit un pillage généralisé et la plus grande partie de la population fut
déportée à Babylonie. Le temple fut détruit à la mi-août (2 Rois 25:8-9).
Au cours de la chute de la ville ou peu de temps après, certains Juifs
séchappèrent (2 Rois 25:4), particulièrement vers lÉgypte (Jérémie
était parmi les réfugiés Jérémie 40:2-5; 43:7-8; 44:1), tandis que
dautres atteignaient les pays de Moab, Ammon et Édom voisins (Jérémie 40:11).
Sédécias tenta de séchapper, mais il fut pris et, en présence de Nebucadnetsar,
il vit tuer ses fils, après quoi on lui creva les yeux avant de lemmener en
captivité à Babylone pour le reste de sa vie (2 Rois 25:7).
Les livres de 2 Rois et de Jérémie nous montrent Sédécias comme un roi de seconde
zone. Premièrement, cétait un fantoche imposé par les Babyloniens détestés. Ses
onze années de règne se révélèrent être une période de désastre général pour le
pays en dépit du fait que certains, dans les couches supérieures de la société, aient
prospéré temporairement. Il était indécis et hypocrite dans ses relations avec
Jérémie et dautres prophètes (par exemple, Jérémie 37:17-21). Jérémie laisse
entendre que cétait un adultère (Jérémie 29:22-23). Dune manière
générale, il était considéré comme méchant aux yeux du Seigneur (Jérémie 52:2).
Ses propres descendants ont pu avoir une vision positive de ses actes, mais les Néphites
avaient accès à une quantité suffisante des opinions de Jérémie (Léhi le connaissait
sans doute personnellement comparez avec lallusion quil fait tout
naturellement à lui dans 1 Néphi 7:14) ou par ses écrits (1 Néphi 5:13) pour savoir
que Sédécias nétait pas en état de grâce. Descendre de lui, comme Mulek,
nétait peut-être pas considéré comme un sujet de fierté, que ce soit parmi sa
postérité ou chez les Néphites. Cette croyance a pu contribuer à inciter le chef
Zarahemla à marquer son accord à la désignation de Mosiah comme souverain lorsque ce
dernier sest présenté parmi le peuple de Zarahemla.
Leur origine : Mulek
Mulek, qui apparaît sous la forme Muloch dans le manuscrit de limprimeur du Livre
de Mormon et sous la forme Mulok dans les éditions imprimées de 1830 à 1852, est
ensuite devenu Mulek [4]. Quelle que soit la façon dont il était prononcé, le nom nous
est bien entendu parvenu tel que les oreilles néphites lont entendu chez le peuple
de Zarahemla et leur prononciation a pu changer quelque peu par rapport à lhébreu
du Vieux Monde qui nous est familier. Ce qui est clair dans toutes ces variantes de
lorthographe du nom, cest que nous avons ici une dérivation de la racines
hébraïque mlk, comme dans lhébreu Melek, « roi ».
Le nombre des enfants de Sédécias nest donné nulle part dans la Bible, leurs noms
encore moins ; ce que lon nous dit, cest quil avait des filles aussi
bien que des fils (Jérémie 43:6; 52:10). Il avait 21 ans au moment de son accession au
trône. Étant noble, il avait déjà les ressources économiques lui permettant
davoir femme et enfant(s) à ce moment-là. Après être monté sur le tronc, il
prit plusieurs femmes à la manière des rois de Juda qui lavaient précédé
(Jérémie, dans 38:22-23, parle des « femmes » de Sédécias) de sorte que
lorsquil fut fait prisonnier à lâge de 32 ans, il avait pu avoir une
postérité considérable. Robert F. Smith a avancé des indices [5] de ce quun fils
de Sédécias portant un nom rappelant celui de Mulek est probablement mentionné dans la
Bible. Jérémie 38:6 dit que Jérémie fut jeté dans « la citerne de Malkija, fils du
roi ». Ce nom de personne a pu être abrégé en quelque chose comme Mulek. Si Mulek
était le fils aîné de Sédécias, il pouvait avoir jusquà 15 ans à
lépoque de la chute de Jérusalem et, en tant que prince, a pu avoir sa propre
maison, où la citerne a pu se trouver (Jérémie 37:15-16 parle dune maison privée
transformée en prison).
Dautre part, Mulek pouvait très bien nêtre quun bébé. Plus il était
jeune, plus il avait de chances déchapper à lattention des Babyloniens et
moins il risquait dêtre liquidé par eux. Quel quait été son âge, il se
peut quil ait été emmené en cachette en Égypte par les serviteurs de la famille
et les proches du roi en même temps que « les filles du roi » (Jérémie 43:6-7) [6].
Il est en tout cas évident que pour partir par la mer pour lAmérique, il lui
fallait atteindre un port. Attendu que les Babyloniens contrôlaient à lépoque les
ports dIsraël et de Phénicie, aller vers le sud et vers lÉgypte (qui
comptait parmi les alliés de son père) était quasiment la seule possibilité [7].
Leur histoire : le voyage vers le Nouveau Monde
Il ny a aucune information sur le temps qui sest écoulé entre la fuite de
Jérusalem du groupe dans lequel se trouvait Mulek, fuite qui a dû se produire au moment
de la chute de la ville, et son arrivée en Amérique. On dit que « ils voyagèrent dans
le désert » avant de traverser locéan (Omni 16), mais ce voyage na
probablement pas duré plus de quelques semaines, soit entre Juda et lÉgypte. Ils
avaient probablement débarqué dans le Nouveau Monde dès 575 av. J.-C.
Les marins par excellence de lépoque étaient les Phéniciens, qui fréquentaient
les ports égyptiens et connaissaient bien les eaux de toute la Méditerranée. Étant
donné quils possédaient les meilleurs navires de mer et la connaissance la plus
approfondie de la navigation, il est raisonnable de supposer quun ou plusieurs de
leurs navires devint le moyen (appelé « la main du Seigneur » dans Omni 16) par lequel
Mulek et ceux qui étaient avec lui furent « amenés... de lautre côté des
grandes eaux ». (Israël navait quune tradition maritime fort réduite et
rien nindique que le groupe de Mulek ait reçu laide de divine pour construire
son propre bateau comme ce fut le cas de Néphi). Ou alors « la main du Seigneur » a pu
désigner le fait quil les a guidés au moyen de lurim et du thummim,
quils avaient emporté du temple de Jérusalem [8].
Si nous supposons la participation de Phéniciens ou dautres voyageurs
expérimentés, nous pouvons nous demander pourquoi de tels marins seraient disposés à
mettre à la voile pour « linconnu ». En premier lieu, comme marins
professionnels, ils seraient normalement disposés à entreprendre tout voyage qui leur
promettait une rémunération suffisante (le groupe de réfugiés de Mulek, qui provenait
de la cour royale, a pu emporter des richesses conséquentes). En outre, les Phéniciens
avaient confiance en leurs capacités de navigateurs; la direction quon leur dit de
prendre ne leur paraissait peut-être pas si terriblement « inconnue » que cela pourrait
nous sembler. Hérodote raconte que, quelques années auparavant, Néco II, pharaon
dÉgypte à lépoque de Mulek, avait envoyé une expédition de Phéniciens,
au départ dEtsjon-Guéber sur la mer Rouge, faire le tour complet du continent
africain [9]. Il y a peut-être un indice de linfluence phénicienne sur les
populations du Livre de Mormon dans les noms de lieux, celui du Sidon, fleuve principal de
la terre promise et celui du pays de Sidom ; ce dernier était probablement arrosé par le
fleuve (outre le rapprochement des noms, comparez avec Alma 15:14, qui laisse entendre que
lendroit était au bord dun cours deau : « Ils accouraient de toute la
région autour de Sidom et étaient baptisés ») [10].
Il semble assez évident que le navire de Mulek a pris la direction de louest à
travers la Méditerranée et par les « colonnes dHercule » (le détroit de
Gibraltar), une région bien connue des marins phéniciens. À partir de là, les vents et
les courants dominants transportent presque inexorablement les bateaux simples (par
exemple les caravelles de Colomb, le radeau Ra II de Thor Heyerdahl et beaucoup
dautres) au-delà des Canaries et vers les Caraïbes. Il existe des indices
culturels, historiques et physiques importants montrant quil y a eu des traversées
à sens unique dans lAntiquité, mais les spécialistes traditionnels les ignorent
systématiquement [11].
Il reste une légère possibilité quils aient pu venir par le Pacifique, étant
donné quaucun itinéraire ou lieu de débarquement nest spécifié dans le
Livre de Mormon. Mais les indications du texte militent fortement en faveur de
lAtlantique. Premièrement, la découverte, par le groupe dimmigrants, du
dernier survivant jarédite, naurait pu se produire que près de la mer de
lest (Éther 9:3 situe le champ de bataille final près de cette mer).
Deuxièmement, la « ville de Mulek » ne se trouvait quà quelques kilomètres de
la mer de lest (Alma 51:26) et nous pouvons supposer que cest là que les
nouveaux venus se sont installés en premier lieu (comparez avec Alma 8:7).
Troisièmement, le fleuve Sidon se jette probablement dans la mer de lest non loin
de cette ville de Mulek [12], ce qui suggère un itinéraire plausible le long duquel les
ancêtres de Zarahemla et de son peuple « [montèrent] dans le désert du sud » (Alma
22:31) jusquà leur ville sur la partie supérieure du fleuve, où les Néphites les
trouvèrent plus tard. À cette indication peuvent sajouter deux faits
historico-géographiques extérieurs à lÉcriture : La distance depuis la Palestine
jusquà la terre promise, la bande étroite américaine, était plus courte par
lAtlantique que par le Pacifique et les compétences des marins méditerranéens
étaient orientées vers louest et pas vers lest dans les océans Indien et
Pacifique. Selon moi, il est certain quils ont traversé lAtlantique.
Il ny a pas la moindre indication concernant limportance du groupe qui a
accompagné Mulek. Nous pouvons toutefois nous sentir justifiés davancer un certain
nombre de déductions allant de soi. Même sil ny a eu quun seul navire
à faire le voyage et il a pu y en avoir plus dun un équipage
important a dû être utilisé (les bateaux phéniciens pouvaient être aussi grands que
ceux utilisés par Colomb). Il y en aurait vraisemblablement eu plus de 20. Il aurait
été impossible de trouver un bateau dont léquipage aurait été essentiellement
israélite ; les habitants de Juda étaient surtout des marins deau douce, à de
rares exceptions près. En matière de culture, dethnicité et de langue,
léquipage devait être un groupe hétérogène de Méditerranéens de toute sorte,
car le terme Phénicien désignait souvent quelque chose dautre quun groupe
ethniquement uniforme. Et comme nous navons aucune idée de lidentité des
passagers (Mulek en était un et il est clair quil a dû être accompagné de
serviteurs, étant donné sa jeunesse relative), nous ne pouvons pas dire si des femmes
ont été amenées. Il a pu y en avoir, mais les membres ordinaires de léquipage
devaient être célibataires. Leurs gènes ne se seraient propagés que par la découverte
de femmes originaires du nouveau pays. Nibley a décelé des noms grecs dans les annales
néphites [13] ; il ne serait pas surprenant que des influences grecques (et pourquoi pas
égyptiennes) aient pu atteindre lAmérique avec les hommes déquipage du
bateau de Mulek.
Si lon a utilisé un navire phénicien, ceux qui étaient à bord étaient à coup
sûr de cultures diverses. Premièrement, lentourage de Mulek devait appartenir à
la Cour de Sédécias, le groupe même que le Seigneur, parlant par Jérémie, Ézéchiel
et Léhi, condamnait souvent comme perverti, désobéissant et à moitié païen. Une
grande partie de lélite de Jérusalem adorait des dieux étrangers, comme le montre
par exemple la condamnation assénée à leurs rites hérétiques dans Jérémie 7
(comparez avec 2 Rois 23). Il est probable quil ny avait pas de prêtres
lévitiques parmi eux « et ils navaient pas apporté dannales avec eux ; et
ils niaient lexistence de leur Créateur » (Omni 17). Nous pouvons supposer que les
croyances et les modes de culte contraires aux paroles des prophètes et à la loi de
Moïse, amenés par un échantillonnage quelconque de Judéens appartenant au cercle de
Sédécias, qui réussirent à senfuir, contribueraient à leur état hérétique.
Il pouvait y avoir des pratiques encore plus divergentes parmi léquipage du navire.
Après leur arrivée, les descendants du groupe « avaient eu beaucoup de guerres et de
graves querelles, et étaient tombés de temps en temps par lépée » (Omni 17).
Les membres du groupe originel ont dû faire le voyage pour des raisons très différentes
: les uns faisaient simplement leur métier de marins, après quoi ils espéraient
(vainement semble-t-il) rentrer chez eux. Dautres allaient peut-être simplement à
laventure. Certains ont pu être des réfugiés politiques et économiques des
Babyloniens. Un petit nombre avait peut-être le sentiment dêtre investi dune
mission divine, bien que le Livre de Mormon ne nous en donne aucune indication. Après
leur arrivée, ces motivations diverses ont pu être la cause de conflits, ne serait-ce
que sur le nombre limité de femmes, sil y en avait.
« Leur langue sétait corrompue » (Omni 17), selon la façon de voir de Mosiah. Il
me paraît plausible que cela venait du fait que le groupe des voyageurs parlait plus
dune langue dès le départ, plutôt que davoir une langue originelle unique,
lhébreu de Mulek, comme les Néphites semblent lavoir pensé. Sur la base de
ce que les spécialistes en linguistique historique connaissent des changements de langue,
il est hautement improbable que si lhébreu avait été la langue exclusive du
groupe de Mulek, leur idiome aurait changé en 300 ans au point dêtre
inintelligible pour Mosiah. (Au moment de leur rencontre avec le peuple de Zarahemla,
Mosiah et son peuple peuvent avoir connu une deuxième langue suite à leurs siècles de
séjour au pays de Néphi.)
Un autre point qui porte sur la question de la langue est la probabilité scientifiquement
démontrée que dautres peuples habitaient déjà virtuellement toutes les régions
du Nouveau Monde près dune bande étroite où Mulek aurait pu arriver. Je suppose,
comme quasiment tous les spécialistes de la chose dans lÉglise, que le pays en
question était en Mésoamérique (le sud du Mexique et le nord de lAmérique
centrale). Nous ne savons cependant pas à quel point les habitants étaient nombreux au
début du 6e siècle av. J.-C. quand Mulek est arrivé avec son groupe. La « culture
olmèque », que nous connaissons grâce à larchéologie, qui était
vraisemblablement constituée par les Jarédites ou les englobait, se désintégra pour la
plupart de manière spectaculaire vers 600-550 av. J.-C., bien que des fragments de
population aient de toute évidence continué à transmettre des éléments de base de la
vieille culture aux générations suivantes [14]. Selon les termes du Livre de Mormon, il
est extrêmement improbable que la population jarédite tout entière, sans aucune
exception, se soit présentée pour se faire exterminer à la colline Ramah, comme les
saints des derniers jours lont parfois déduit des paroles dÉther. Cela a pu
être le cas de tous ceux qui faisaient partie des armées organisées, mais il devait
inévitablement y avoir des survivants au moins dans les coins éloignés. Je présume que
le groupe de Mulek a débarqué dans une région où la société était désintégrée
par la guerre, dans laquelle ils ont rencontré, au bout dun certain temps, à la
périphérie de larène des batailles « finales », des fragments locaux de la
société précédente, auxquels ils se sont amalgamés (allant peut-être même
jusquà les dominer). En cours damalgame, les nouveaux venus adoptèrent
probablement la langue locale (vraisemblablement une version dune langue
mixé-zoquéenne ancienne). Les guerres qui sensuivirent parmi les immigrants, et
que signale Omni 17, ont très bien pu être rendues plus compliquées par des querelles
historiques entre les survivants locaux auxquels ils sétaient mêlés.
La corrélation géographique entre le Livre de Mormon et les éléments du paysage
américain sur laquelle je me base situe théoriquement la ville de Mulek sur le site de
La Venta, dans lÉtat de Tabasco, dans le sud du Mexique [15]. La plus grande partie
de ces ruines spectaculaires remonte à lépoque olmèque, mais il existe aussi des
indices de repeuplement ultérieur [16]. Un des monuments les plus intéressants que
lon y a trouvés est la stèle 3, une grande plaque de basalte gravée. On ne sait
pas quand louvrage a été exécuté, mais cétait vraisemblablement tout à
la fin de lère olmèque ou très rapidement après labandon du site peu
après 600 av. J.-C. [17]. Certains y voient un nouveau style plutôt que la continuation
de lancien style « olmèque » [18]. Sur cette stèle est gravée une scène dans
laquelle un personnage de rang manifestement élevé, dont les traits du visage ont des
parallèles dans les populations survivantes de la région aussi bien que dans lart
olmèque, apparaît faisant face à un autre homme de haut rang qui, aux yeux dun
certain nombre dhistoriens de lart, ressemble à « un Juif ». Sa barbe et
son nez recourbé sont tellement frappants que certains observateurs lont surnommé
« oncle Sam ». Cette scène a été interprétée comme étant une rencontre officielle
entre les dirigeants de deux groupes ethniques très différents dont lun semble
être « sémitique » [19]. Bien que ce soit ont une conclusion risquée, il est possible
que nous voyions là un dirigeant mulékite (même Mulek) avec le chef local dun
groupe de survivants de la débâcle jarédite [20].
Histoire des « Mulékites » entre leur arrivée et leur découverte par Mosiah
Nous apprenons dans Alma 22:30-31 (confirmé dans Hélaman 6:10) que le groupe de Mulek a
dabord débarqué quelque part au nord avant de se diriger vers le sud jusquà
lendroit où les Néphites allaient le trouver. LÉcriture ne nous dit pas
pourquoi ils ne se sont pas installés dans le nord. Une tradition mexicaine signale
larrivée dun groupe de ce genre par la mer (on ne sait pas quand) guidé par
une pierre par laquelle leur divinité leur parlait [21]. Ils recherchaient, disait-on,
une destination qui leur avait été révélée. Ils abordèrent dabord sur la côte
dans le nord du golfe du Mexique, mais ne sinstallèrent que lorsquils eurent
atteint un endroit situé au sud de listhme de Tehuantepec. Que cette tradition ait
trait ou non au groupe de Mulek, le groupe mexicain effectua un ensemble de mouvements
remarquablement similaires, depuis le débarquement au nord dun isthme, en passant
la traversée de cette bande étroite, pour aller jusquà une zone côtière dans le
pays situé au sud, et finir par une montée dans lintérieur des terres.
Lexpérience du groupe de Mulek dans le pays situé du côté du nord fut
probablement brève, cependant elle soulève la question des relations avec les
Jarédites. Les terres basses, situées dans lest du pays du nord, avaient longtemps
été un bastion de ce peuple et ses toutes dernières batailles avaient eu lieu là
(Éther 9:3, 9; 10:20; 14:12; 15:8, 15). Il y a de bonnes chances (bien que cela ne soit
pas certain) pour que les nouveaux venus arrivés de la mer qui débarquèrent dans le
pays du nord aient rencontré certains Jarédites, si ces derniers menaient toujours leur
mode de vie normal au moment où le groupe judéo-phénicien est arrivé. Il est bien
entendu possible que les nouveaux venus aient détecté des signes de peuplement dans le
pays du nord et que cest la raison pour laquelle ils ont décidé de poursuivre leur
chemin, mais lÉcriture ne nous dit rien à ce sujet. Il se peut aussi que les
Jarédites naient pas été orientés vers la vie sur cette partie de la côte et
que le nouveau groupe nait pas lancé dexploration à lintérieur des
terres. Il est donc possible que les deux peuples ne se soient tout dabord pas
rencontrés par pur accident.
Je considère quil est vraisemblable que les Jarédites, au moment de
larrivée « mulékite », étaient dans les affres de la guerre civile, incapables
de faire attention à une petite troupe détrangers apparaissant sur leur côte (il
aurait encore fallu quils les voient). Il me paraît très peu vraisemblable
quil y ait eu une période de chevauchement prolongée entre les deux groupes; le
groupe mulékite aurait certainement repéré la civilisation Jarédites, qui comportait
des millions dhabitants (Éther 15:2) si les Mulékites navaient vécu
quà une centaine de kilomètres de là pendant des décennies, voire même des
siècles comme certains lont supposé. Cependant, si les « Mulékites » étaient
arrivés bien avant le conflit à Ramah, ils auraient été au courant de
lextermination ou y auraient été mortellement mêlés au lieu daccomplir la
prophétie dÉther concernant Coriantumr (Éther 13:20-21). Après tout, le pays de
Désolation, où les Néphites découvrirent des traces nombreuses des guerres finales des
Jarédites, jouxtait le petit pays dAbondance, qui, de son côté, nétait
quà quelques kilomètres de la ville de Mulek (Alma 22:29-31; 51:26, 32; 52:15-17,
22-23).
Il est dit que ce sont les nouveaux venus qui ont découvert Coriantumr, et non le
contraire. Où ce contact a-t-il pu avoir lieu ? Coriantumr naurait pas pu être
quelquun de jeune (notez Éther 13:16-17), il avait été très grièvement blessé
lors de la dernière bataille (Éther 15:1, 28-32) et il avait précédemment reçu au
moins une blessure grave pendant la guerre (Éther 15:1) ainsi que probablement
dautres. Étant donné les handicaps physiques que ces Écritures impliquent, il
serait très remarquable quil ait fait plus que récupérer partiellement de sa
blessure presque mortelle de Ramah. Dans sa prophétie au roi, Éther avait simplement dit
quil serait enterré par le nouveau peuple. Cette affirmation, et le fait quil
ne demeura que neuf mois lunaires avec le nouveau groupe avant de décéder (Omni 21),
peuvent être considérés comme confirmant lidée quil était infirme quand
il a été découvert [22]. Il y a donc peu de chances quil ait parcouru un bien
long chemin tout seul depuis la colline de Ramah. Dautre part, il se serait
certainement éloigné quelque peu, car les effets du carnage dans la région des derniers
combats devaient lui paraître insupportables.
Il me paraît tout à fait vraisemblable que, quel que soit lendroit où Coriantumr
a été découvert entre la colline de Ramah et, probablement, la ville de Mulek, ceux qui
lont découvert lont transporté jusquà leur camp de base et que
cest là quil a exécuté linscription sur la « grande pierre » qui
finit par tomber entre les mains de Mosiah. (On se demande ce qui a bien pu lui arriver à
Zarahemla ; elle nest mentionnée quune seule fois.) Plusieurs scénarios
peuvent expliquer où et quand il a pu être découvert par le nouveau groupe, mais nous
navons pas suffisamment de renseignements pour évaluer leur probabilité respective
[23].
Rien nest dit à propos du temps qui sest écoulé avant que les immigrants
quittent leur point de débarquement pour « monter dans le désert du sud » (Alma
22:31), peut-être le long du fleuve Sidon, car ils sinstallèrent sur ses rives.
Ils ne sont peut-être pas restés longtemps près de la mer, où il pouvait faire
atrocement chaud et humide (comme dans Alma 51:33) par comparaison avec la région du
Vieux Monde doù ils venaient. Ou alors, les guerres dont on dit quelles se
sont produites entre eux (Omni 17) ont pu pousser une partie dentre eux à
lintérieur des terres. Cependant, il aurait sans doute fallu des décennies, si pas
des siècles pour quune population suffisante grandisse et sorganise pour
permettre un niveau de conflit méritant le nom de guerre. Il me paraît vraisemblable
que, pendant une période considérable, il ny a pas eu de mouvement substantiel des
descendants de Mulek vers les terres hautes.
Le Livre de Mormon ne nous dit rien qui aille à lencontre de lidée que le
groupe de Zarahemla navait fusionné en une seule unité politique que de son
vivant, et peu de temps avant larrivée de Mosiah. Si Zarahemla avait eu une
tradition longue et forte de gouvernement derrière lui, il est peu probable que Mosiah
aurait obtenu aussi facilement le rôle de roi sur les groupes combinés que cela semble
avoir été le cas. On ne nous dit pas que Zarahemla portait le titre de roi en dépit du
fait quil gouvernait son groupe ; étant donné quil ny avait pas de
titre pour son rôle, il semble quun terme comme « chef » pourrait être une
description correcte, compte tenu du nombre restreint de son électorat qui a pu ne
compter que quelques milliers de personnes. (Ils ont pu paraître « extrêmement nombreux
» au groupe de Mosiah, mais cette expression est relative, car les Néphites
nétaient probablement eux-mêmes quun groupe extrêmement restreint.)
Nous ne trouvons nulle part dindication que les descendants de ceux qui se
trouvaient sur le bateau ou les bateaux qui ont amené Mulek aient constitué une entité
politique et ethnique unique avant lépoque de Zarahemla. Aucun terme général tel
que Mulékite nétait utilisé pour les désigner tous, ce qui donne à penser que
tous ceux qui descendaient de ces immigrants ne reconnaissaient pas le fils de Sédécias
comme leur chef, ni peut-être qui que ce soit dautre. Il peut y avoir eu, dès le
départ, des différends dans le groupe sur la question de lautorité, ce qui a pu
finalement produire une fragmentation politique, le groupe de Zarahemla nétait
quune mini-tribu parmi dautres unies uniquement par des liens économiques
Lhistoire dAmmon nous apporte un indice intéressant montrant quil a pu
y avoir des traditions différentes sur ce qui était arrivé parmi le groupe de Mulek et
quil y avait donc plus dune entité sociale impliquée. Dans Mosiah 7, nous
apprenons quil dirigea le groupe pour trouver « leurs frères », les Zénifites
(bien quAmmon fût « descendant de Zarahemla » [Mosiah 7:3, 13]) [24], qui
étaient précédemment montés au pays de Néphi pour réoccuper les villes de
Léhi-Néphi et Shilom. Quand le roi Limhi raconta à Ammon quil avait envoyé un
groupe dexploration qui avait découvert des ruines et des plaques dor sur un
champ de bataille dans le nord lointain, on pourrait croire quAmmon aurait dit
quelque chose de ce genre : « Ah ouï, cest certainement le peuple qui a été
détruit à lexception de ce vieil homme qui a vécu parmi mes ancêtres, les
descendants de Mulek. » Mais Ammon ne donne aucune indication permettant de penser
quil a fait mentalement ce lien, que ce soit avec la tradition de Coriantumr ou avec
Mulek. Peut-être appartenait-il à un élément du peuple de Zarahemla qui navait
tout simplement jamais entendu parler de la survie de Coriantumr. Il apparaît aussi que
Limhi navait aucune connaissance préalable des Jarédites en dépit du fait que son
grand-père avait résidé à Zarahemla lorsque la stèle de Coriantumr y avait été
apportée et lue par Mosiah I.
Quand ils atteignirent la région qui allait devenir le pays de Zarahemla, les ancêtres
du peuple de Zarahemla avaient vraisemblablement laissé derrière eux dautres
traditions dans les terres basses doù ils étaient venus. Mais en tous cas à
lépoque où lon alla chercher la pierre de Coriantumr (Omni 20), les gens qui
habitaient dans la partie haute du fleuve devaient avoir eu des rapports pacifiques avec
ces autres gens, car un groupe aurait dû faire un long voyage de retour le long de la mer
de lest pour se procurer lobjet et lamener à Mosiah pour quil le
lise (Zarahemla était à plusieurs jours de la ville de Mulek où la pierre avait
probablement été travaillée comparez, par exemple, avec Alma 52:15-18).
Même si lon ajoute le contingent de Néphites de Mosiah I au peuple de Zarahemla,
le groupe combiné nétait toujours ni très nombreux ni répandu. Quand le roi
Benjamin les réunit tous une génération plus tard, il était possible à tous de se
rassembler au temple de la ville après avoir été avertis la veille (Mosiah 1:10) et les
organisateurs purent prévoir que lensemble du peuple pourrait entendre la voix du
vieux roi (Mosiah 2:1-8) [25].
Relations avec les Néphites
Il est difficile dinterpréter le récit extrêmement bref et unilatéral que nous
avons dans Omni 13-19 concernant la jonction du groupe de Mosiah avec le peuple de
Zarahemla. Lhistoire, racontée du point de vue néphite, nous présente les
événements comme sétant déroulés non seulement de manière paisible, mais comme
ayant été accueillis avec enthousiasme par les gens de lendroit. Toutefois, du
point de vue de certains des résidents, la transition peut ne pas avoir semblé aussi
agréable. On dit que la raison principale pour laquelle ils « se réjouirent » est que
Mosiah apportait des annales sacrées alors quils nen avaient pas. Le fait,
impressionnant en soi, de savoir lire a pu effectivement sêtre ajouté à la
possession des reliques sacrées mystérieuses en la possession de Mosiah les
plaques de Néphi, les plaques dairain, lépée de Laban, le Liahona
pour conférer à Mosiah une aura presque magique qui validait sa candidature à la
royauté. En outre, il peut très bien avoir eu droit à la royauté par le fait
quil descendait de la lignée royale des « Néphis » parmi les Néphites originels
(Jacob 1:1) ; je doute quil aurait pris sur lui daccepter la royauté à
Zarahemla cétait un homme de raison, pas un opportuniste sil
nétait pas qualifié pour le rôle de roi en sa qualité de descendant direct (et
aîné ?) de Néphi. Sil navait pas disposé dune source
dautorité aussi forte, les membres de son groupe ne lauraient
vraisemblablement pas accompagné à sa sortie de Néphi, et il naurait pas eu la
possession des grandes plaques, histoire officielle des rois. Selon la tradition,
provenant du Vieux Monde, des pères juifs des « Mulékites », si Mosiah nétait
pas de la lignée royale préférée provenant de Juda, il avait au moins les accessoires
principaux de la royauté que navait pas Zarahemla. Celui-ci navait que deux
qualifications, son rôle actuel de chef et de descendant de Mulek, qui, bien que de Juda
et descendant de David, ne fut jamais réellement roi de Juda. Ces qualifications
nétaient apparemment pas suffisantes pour lemporter sur les points forts de
Mosiah. (Puisquon ne dit plus rien sur Zarahemla après Omni 18, il se peut
quil ait été entre-temps moins que vigoureux et soit peut-être mort peu de temps
après.)
La fusion politique neffaça pas la distinction ethnique entre les deux groupes.
Mosiah 25:4 rapporte quà lépoque de Mosiah II, le peuple de Zarahemla était
compté séparément des « enfants de Néphi » cest-à-dire, « ceux qui étaient
descendants de Néphi ». Dans leurs assemblées politiques, les deux peuples étaient
séparés « en deux groupes ». De toute évidence, ils parlaient des langues
différentes dans lusage quotidien, même sils devaient certainement en avoir
aussi une qui était devenue commune. Étant donné ces indications dune existence
séparée, il est également probable quils vivaient dans des secteurs différents
de la ville et du pays de Zarahemla (larrivée en bloc des Néphites na
certainement pas voulu dire quils se sont installés au petit bonheur parmi ceux qui
étaient déjà là) [26]. Nous navons aucune indication sur la façon dont les
relations se sont établies plus tard parmi eux par le mariage.
Il est plausible que les « querelles » et les « dissensions » de la société néphite
aient été partiellement dirigées par des descendants mécontents de Zarahemla qui
considéraient quils ne recevaient pas leur dû lorsque Mosiah devint roi. Un homme
au moins, qui « était descendant de Zarahemla », le Coriantumr dHélaman 1:15, «
était un dissident des Néphites » et faillit conquérir ceux-ci [27]. (Bien que,
sil y avait des dissidents mécontents des Mulékites qui prétendaient à un statut
spécial à cause du « sang de la noblesse » [Alma 51:21], il était moins probable que
ce soient eux les instigateurs du mouvement des « hommes-du-roi » dune époque
ultérieure plutôt que des descendants de Mosiah I, de Benjamin ou de Mosiah II, dont les
prétentions auraient été beaucoup plus immédiates et faciles à étayer que dans le
cas dune descendance par Zarahemla comparez avec Mosiah 29:7-9).
De temps en temps se manifestait parmi les Néphites une sorte de fascination pour les
Jarédites disparus, comme dans Mosiah 28:12. Mosiah traduisit les vingt-quatre plaques
dor des Jarédites « à cause de la grande anxiété de son peuple; car il
désirait, au-delà de toute mesure, être informé sur ces gens qui avaient été
détruits ». Nibley signale un certain nombre de noms utilisés parmi les Néphites, qui
provenaient clairement des Jarédites et note : « Cinq des hommes sur les six dont les
noms sont nettement jarédites trahissent des tendances anti-néphites prononcées [28]
». Il pense que cest par lintermédiaire du groupe de Mulek quil y a eu
cette impression culturelle permanente sur les Néphites. Cette influence non avouée des
Jarédites a pu découler dun syncrétisme culturel entre les membres du groupe de
Mulek et les survivants locaux de la tradition jarédite. Ce processus a pu être si
subtil (en labsence de documents écrits) que, des générations plus tard, les
descendants ou bien ne se rendaient pas compte quils étaient apparentés à la
civilisation éteinte et étaient curieux den savoir plus sur les ruines et les
objets mystérieux qui avaient été laissés ou alors avaient des raisons de croire
quils étaient apparentés et voulaient en savoir davantage.
Lamalgame politique initial rapporté par Omni ne déboucha apparemment pas sur une
intégration culturelle réelle, mais masqua une diversité de modes de vie qui se
manifesta parfois sous forme de conflits de croyances et de conduite. Des façons de faire
non néphites semblent navoir cessé de bouillonner den dessous de la surface
sociale et culturelle idéale dépeinte par les historiens appartenant à lélite
néphite. Après tout, les descendants du peuple de Zarahemla constituèrent sans doute
toujours la majorité de la population (« le peuple des Néphites » dans les annales ?)
[29].
Il y a dautres signes de cette influence sous-jacente. Par exemple, Alma le Jeune,
apparemment comme ses copains, les fils de Mosiah [30], « devint un homme très méchant
et idolâtre. Et c'était un homme aux nombreuses paroles, et il disait beaucoup de
flatteries au peuple » (Mosiah 27:8). Cette formulation décrit non pas une personnalité
unique, mais une tradition distincte de croyances et de rites. Létude de
lhistoire de la culture nous apprend quil y a très peu de chances pour
quun seul homme ou même une seule génération soit indépendamment à
lorigine dun ensemble systématique de croyances et de comportements
impliquant lidolâtrie, mais plutôt que pareille tendance puise dans les traditions
du passé et les incorpore.
On peut distinguer la poursuite de ce culte quelques années plus tard dans Alma 1:32, car
beaucoup de Néphites « se livraient à la sorcellerie, et à l'idolâtrie ou à
l'indolence, et aux babillages
portant des habits somptueux, étant enflés dans
l'orgueil de leurs propres yeux
et toute sorte de méchanceté ». À lépoque
de Mosiah 26:4-6, nous apprenons quun groupe important constituait « un peuple
séparé quant à leur foi ». Une fois de plus, il est plausible quils aient suivi
une tradition préexistante vraisemblablement liée aux croyances idolâtres
précédemment mentionnées, qui venaient en fin de compte du peuple de Zarahemla. Trois
générations plus tard, « la plus grande partie [des Néphites] s'étaient détournés
du chemin de la justice, et
s'engageaient dans leurs propres voies, et se
construisaient des idoles avec leur or et leur argent » (Hélaman 6:31, italiques
ajoutés). Il me paraît probable que « leurs propres voies », qui impliquaient des
rites idolâtres, avaient un fond historique très logiquement lié au vieux culte du
peuple de Zarahemla. Étant anthropologue, jai le sentiment que cet état de choses
sest perpétué en dessous de la piété de surface accordée à
Jéhovah/Jésus-Christ. Le retour périodique à la surface, aux yeux du public, de la «
religion du passé » avec de forts éléments « mulékites » peut avoir constitué un
élément majeur de lapostasie sur laquelle se lamentaient si souvent les dirigeants
du Livre de Mormon [31].
Les « Mulékites » des époques ultérieures du Livre de Mormon et de
laprès-Cumorah
La dernière mention de ce peuple (en tant que « postérité de Sédécias ») se trouve
dans Hélaman 8:21. Mais il ne se distingue en aucune façon dans 3 Néphi ni 4 Néphi et
les livres de Mormon et de Moroni nen parlent pas non plus. La division qui se
produit de nouveau dans la société du Livre de Mormon en sept tribus signalées dans 4
Néphi 37-38 omet toute mention de ce peuple. Je suppose quil sétait
tellement amalgamé aux Néphites (au sens strict du terme) plus prestigieux, quil
navait plus de statut distinct valant dêtre mentionné.
D&A 19:27 dit que la parole de Dieu ira, à lépoque moderne, « aux Juifs, dont
les Lamanites sont un reste ». La note dOrson Pratt à cet endroit de
lédition précédente de lÉcriture cite Omni 14-19. Pratt et dautres
commentateurs ultérieurs supposent que lon peut trouver aujourdhui les
descendants de Mulek mêlés de telle façon quon ne puisse les distinguer des «
Lamanites ». D&A 3:17-18 prophétise que le Livre de Mormon ira aux Néphites, aux
Jacobites, aux Joséphites, aux Zoramites, aux Lamanites, aux Lémuélites et aux
Ismaélites et ne fait aucune distinction particulière pour les descendants de Mulek.
Bien que peu de choses soient dites de manière explicite dans le Livre de Mormon
concernant Mulek et ceux qui laccompagnèrent en Amérique, ce que nous avons nous
donne des indications qui nous permettent de construire un modèle plus général du
groupe. Il est clair que si nous acceptons simplement la version de lhistoire
ethnique écrite pour nous par les prophètes de la lignée de Néphi, nous occultons des
aspects importants du rôle de ces gens dont les ancêtres faisaient partie du groupe de
Mulek.
Étant donné que la recherche minutieuse des détails de ce que le Livre de Mormon nous
dit de cette « minorité » particulière savère révélatrice, nous devrions
aussi examiner tous les détails donnés ou sous-entendus concernant toutes les autres
minorités. Ce faisant, nous pourrons apprécier plus complètement leur rôle dans cette
grande histoire. Ce nest que par létude minutieuse et étayée du texte
scripturaire sur tous les sujets que nous pourrons nous préparer à saisir et à
apprécier les nouvelles informations que la révélation pourra nous apporter à
lavenir.
NOTES
[1] John L. Sorenson est professeur émérite danthropologie et ancien directeur du
département danthropologie de luniversité Brigham Young.
[2] Robert F. Smith résume le cadre chronologique et historique dans « Book of Mormon
Event Structure: Ancient Near East », Foundation for Ancient Research and Mormon Studies
(FARMS) Study Aid SMI-84, Provo, Utah, FARMS, 1985. On y trouvera des renvois détaillés
aux sources scientifiques et de vulgarisation. Voir aussi John W. Welch, « They Came from
Jerusalem: Some Old World Perspectives on the Book of Mormon », Ensign 6, septembre 1976,
pp. 27-30.
[3] Sédécias ne fut officiellement couronné que le 6 octobre au plus tôt ou peut être
le 1er avril 596 av. J.-C. Ainsi, comme pour dautres rois de lépoque en Juda,
il y avait deux « première année » qui chevauchaient et nous ne pouvons pas être
sûrs de laquelle Néphi parle dans 1 Néphi. Tout ce que nous savons avec certitude,
cest que son récit commence à un moment donné entre mai 597 environ et avril 596
av. J.-C.. Voir Smith, « Event Structure », 14-15; Jay H. Huber, « Lehis 600 Year
Prophecy and the Birth of Christ », FARMS, Preliminary Report HUB-82, Provo, Utah, FARMS,
1983, pp. 2-4; en particulier Richard A. Parker et Waldo H. Dubberstein, Babylonian
Chronology 626 B.C.-A.D. 45, 2e éd., Chicago, University of Chicago Press, 1946.
Il a été prouvé, grâce aux recherches faites dans lhistoire du Proche-Orient,
que la formule « vers 600 av. J.-C. » qui, pendant des années, a été indiquée comme
note de bas de page chronologique dans 1 Néphi dans le Livre de Mormon, est une erreur.
Cette erreur a été maintenue dans lédition de 1981 en dépit du fait que le LDS
Bible Dictionary de 1979, qui a suivi, de toute évidence, des sources érudites plus
récentes, mais malgré tout périmées (comme le montre la note du BD sur la Chronologie
par les commentaires figurant sous la colonne « External History » entre 772 et 609 av.
J.-C.), date, de manière illogique, le début du règne de Sédécias en 598.
[4] Book of Mormon Critical Text: A Tool for Scholarly Reference, Vol. 2, Mosiah-Alma. 1e
éd., Provo, Utah, F ARMS, 1986, p. 483.
[5] Smith, « Event Structure », pp. 16-17, qui cite les sources dans la littérature
spécialisée. Aussi, FARMS Update, février 1984, « New Information about Mulek, Son of
the King ». Nibley avance des suppositions concernant Mulek dans son interprétation
originale des ostraca des lettres de Lakisch : The Prophetic Book of Mormon, vol. 8 de The
Collected Works of Hugh Nibley (Salt Lake City et Provo, Utah, Deseret Book Co. et FARMS,
1989, pp. 397-400.
[6] On trouvera des citations de sources dans Smith, « Event Structure ». Il note, p.
18, que Benjamin Urrutia croit quil y a, dans les textes, des indications selon
lesquelles tous les fils du roi nont pas forcément été tués. Par exemple, dans 2
Rois 25: 1-10, lhébreu utilise cinq fois une forme du mot tout (toute son armée,
toutes les maisons, etc.), mais quand il est question des princes, le verset 7 dit
seulement « les fils » de Sédécias furent tués, pas tous les fils. Ariel Crowley, «
The Escape of Mulek », dans son livre About the Book of Mormon, Salt Lake City, Deseret
Book Co., 1961, pp. 86-90, contient des données et des suggestions supplémentaires.
Selon une tradition juive (citée comme Ginzberg, Legends IV:293; VI:382-83),
Nebucadnetsar fit mettre à mort dix fils de Sédécias. En outre, des exemples cités
dans lAncien Testament démontrent que les petits, y compris la descendance
masculine, étaient régulièrement distingués des fils, par conséquent la survie
dun Mulek, qui aurait été bébé, ne serait pas en conflit avec ce que dit 2 Rois
25:7 concernant la mort des « fils » du roi. On trouve aussi des exemples de
lAncien Testament où les passages relatifs à lextermination dune
lignée de descendants constituent une hyperbole, pas un fait (voir, par exemple, 2 Rois
11:1-3, de sorte que même sil avait été dit que tous avaient été tués, cela ne
pourrait être considéré que comme une approximation.
[7] Le voyage dans le désert, dont il est question dans Omni v. 16, (de toute évidence
antérieur à la traversée de locéan) était peut-être celui quil fallait
faire pour atteindre lÉgypte. Peut-être fallait-il un voyage plus long et plus
ardu pour atteindre Carthage ou dautres villes phéniciennes de louest de la
Méditerranée où la traversée proprement dite pour lAmérique a pu prendre son
départ.
[8] Lhistoire de ce que lon a appelé lurim et le thummim nest pas
claire. Le frère de Jared reçut un instrument de ce genre et lemporta en
Amérique. Il finit entre les mains de Moroni, ensuite il fut passé à Joseph Smith en
même temps que les plaques de Néphi (D&A 17:1). Abraham en avait un autre (Abr. 3:1,
4), qui a pu être transmis à ses descendants, bien que lon ne nous dise nulle part
ce qui lui est arrivé. Exode 28:15-21 et dautres Écritures jusquà 1 Samuel
28:6 témoignent que Moïse construisit une version différente de lurim et du
thummim, dont lui, Aaron et les prêtres qui leur succédèrent se servirent. Les Juifs
sous Esdras, après lexil babylonien, sen souvenaient, mais ils ne le
possédaient pas (Esdras 2:63; Néhémie 7:65).
Mosiah Il disposait dinterprètes (Mosiah 8:13), qui ont pu se trouver
précédemment entre les mains de son grand-père, le premier roi Mosiah, lequel les
utilisa peut-être pour traduire les textes gravés par Coriantumr (Omni v. 20). Nous ne
pouvons pas être certains que cétait linstrument jarédite, bien que cela
paraisse vraisemblable sur la base de Mosiah 8:12-15 et 28:11-17, en particulier : «
préparés dès le commencement » et « qui posséderait le pays »). On peut imaginer
que les explorateurs de Limhi ont trouvé les interprètes quÉther avait laissés
avec ses plaques (Éther 15:33). Mais cela ne pourrait pas être le cas si Mosiah I et Il
avaient déjà les interprètes; Ammon, dans Mosiah 8:13, laisse entendre que Mosiah II
avait effectivement linstrument et que son grand-père lavait apparemment
utilisé pour lire les inscriptions de Coriantumr (voir Omni v. 20). Mosiah 8:12-14
indique clairement que, dans tous les cas, Limhi navait reçu aucun instrument de ce
genre de son groupe dexplorateurs quand ils ont pris les plaques dÉther. Il
se peut que les explorateurs « mulékites » avaient découvert les interprètes
jarédites sur le champ de bataille de la colline Ramah (sans mettre la main sur les
vingt-quatre plaques dor ?). Il dut y avoir des explorations vers le début de
lhistoire, puisquils découvrirent Coriantumr.
Une autre possibilité est que Mosiah ait reçu lurim et thummim fabriqué par
Moïse du peuple de Zarahemla, qui laurait conservé comme une relique sacrée
depuis le temps de Mulek sans être capable de le faire fonctionner. Peut-être que
quelquun du groupe de Mulek avait été inspiré de lemporter du temple de
Jérusalem immédiatement avant que lédifice ne soit détruit par les Babyloniens.
(« T. W. B. » dans le Millennial Star, 76:552-57], émet lhypothèse que le groupe
de Léhi prit lurim et le thummim dans le temple et lapporta en Amérique.) Si
la tradition mexicaine citée ci-dessous parle du groupe de Mulek, il se pourrait bien que
loracle qui y est mentionné vienne de Jérusalem.
Il y a dautres explications possibles. Par exemple, le Liahona a-t-il pu servir
dinterprète provisoire pour Mosiah I et II, alors que les interprètes
dÉther étaient réellement avec les vingt-quatre plaques dor sans
quAmmon et Limhi nen reconnaissent la nature ?
[9] Hérodote, Histoire, trad. angl. David Grene, Chicago, University of Chicago Press,
1987, IV:42. S963. Cet historien et géographe grec décrit les observations de
léquipage sur le soleil pendant quil faisait le tour du continent,
observations dont on peut maintenant déduire quelles démontrent que le voyage fut
noté avec précision, alors que Hérodote considérait que cétaient des erreurs
pures et simples. Voir Smith, « Event Structure », p. 13, ou le traitement de Cyrus H.
Gordon dans Before Columbus: Links Between the Old World and Ancient America, New York,
Crown Publishers, 1971).
[10] Janet Jensen dans « Variations between Copies of the First Edition of the Book of
Mormon », BYU Studies 13, hiver 1973, pp. 214-22, fait remarquer que le fleuve Sidon
apparaît une fois sous la forme Sidom dans la première édition de 1830 (p. 226, ligne
5, maintenant Alma 2:17). Book of Mormon Critical Text 2:526, fait observer que cet
exemple dorthographe apparaît à la fois dans le manuscrit de limprimeur et
lédition de 1830 et fut changée en 1837 en Sidon.
Dans Sorenson, An Ancient American Setting for the Book of Mormon, Salt Lake City et
Provo, Utah, Deseret Book Co. et FARMS, 1985), p. 205, je traite de la question de Sidom
et je fais observer quà lépoque de la conquête espagnole, un nom donné par
les Indiens du voisinage au site clé de la région que je considère comme étant
probablement Sidom était zactan, « calcaire blanc », tandis que le nom sémitique Sidon
en Phénicie pourrait dériver de « calcaire ».
[11] Constance Irwin, Fair Gods and Stone Faces: Ancient Seafarers and the Worlds
Most Intriguing Riddle, New York, St. Martins, 1963, contient des indices
étonnamment substantiels, compte tenu du fait que cest un ouvrage de vulgarisation,
en faveur de sa proposition que les Phéniciens influencèrent la Mésoamérique ancienne.
Mais les travaux spécialisés de larchéologue espagnol Jose Alcina Franch sont
louvrage qui contient léventail de données le plus impressionnant. Voir en
particulier ses trois ouvrages : Las « Pintaderas » Mejicanas y sus Relaciones, Madrid,
Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, Instituto « Gonzalo Femandez de Oviedo
», 1958: « Origen Trasatlantico de la Cultura Indigena de America », Revista Espanola
de Antropologia Americana 4, 1969, pp. 9-64 [Madrid]; et Pre-Columbian Art, New York,
Abrams, 1983.
Pour ce qui est des techniques phéniciennes de navigation, ainsi quun résumé
précieux dautres données très intéressantes en faveur de liens avec la
Mésoamérique, voir une monographie par un des participants de lexpédition Ra II
de Heyerdahl, lanthropologue Santiago Genoves T. : Ra, una Balsa de Papyrus a traves
del Atlantico, Cuademos: Serie Antropologica 25, Universidad Nacional Autonoma de Mexico,
Instituto de Investigaciones Historicas, 1972.
[12] Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 25, 27.
[13] Hugh Nibley, An Approach to the Book of Mormon, vol. 6 de The Collected Works of Hugh
Nibley, Salt Lake City et Provo, Utah, Deseret Book Co. et FARMS, 1987, p. 290.
[14] Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 108-21, 249-51. Comparez avec Philip
Drucker et Robert F. Heizer, « Commentary on W. R. Coe and Robert Stuckenraths
Review of Excavations at La Venta, Tabasco, 1955 », Kroeber Anthropological Society,
Papers, n° 33, automne 1965, pp. 52-53, et le commentaire de Paddock, Dumbarton Oaks
Conference on the O/mec, October 28th and 29th, 1967, dir. de publ. Elizabeth P. Benson,
Washington, D.C., Dumbarton Oaks Research Library Collection, 1968, p. 39.
[15] Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 120, 249-50. Voir aussi la carte 5, en
face de la page 36, et la carte 12, en face de la page 240.
[16] Philip Drucker, Robert F. Heizer et Robert J. Squier, Excavations at La Venta,
Tabasco, 1955, Smithsonian Institution, Bureau of American Ethnology, Bulletin 170,
Washington D.C., 1959, p. 215 et suiv. Robert F. Heizer, « New Observations on La Venta,
« Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, October 28th and 29th, 1967, dir. de publ.
Elizabeth P. Benson, Washington, D.C., Dumbarton Oaks Research Library Collection, 1968,
pp. 32-36.
[17] Elizabeth P. Benson, « Some Olmec Objects in the Robert Woods Bliss Collection at
Dumbarton Oaks », dans The Olmec and Their Neighbors: Essays in Memory of Matthew W.
Stirling, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, D.C., Dumbarton Oaks, 1981, pp.
97-98; John F. Scott, « El Meson, Veracruz, and its Monolithic Reliefs »,
Baessler-Archiv 25, 1977, p. 103, citant à lappui des textes de Pelliza, Bemal,
Coe, Clewlow, Proskouriakoff et Smith.
[18] Tatiana Proskouriakoff, « Olmec and Maya Art: Problems of Their Stylistic Relation
», dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, October 28th and 29th, 1967, dir. de
publ. Elizabeth P. Benson, Washington, D.C., Dumbarton Oaks Research Library Collection,
1968, p. 121, dit: Les trois stèles tardives de La Venta constituent une innovation
radicale dans le mode de sculpture et dans la nature de ses thèmes. » Un des autels,
montrant la présentation dun bébé par un personnage masculin adulte, pourrait
représenter un sacrifice denfant (un trait caractéristique de la religion
phénicienne) ; mais peut être cela représentait-il un ancêtre dans sa prime enfance
(Mulek ?)
[19] Philip Drucker, « On the Nature of Olmec Polity », dans The Olmec and Their
Neighbors: Essays in Memory of Matthew W. Stirling, dir. de publ. Elizabeth P. Benson,
Washington, D.C., Dumbarton Oaks, 1981, p. 44, mentionne « Les favoris de loncle
Sam ». Comparez avec John F. Scott, « Post-Olmec Mesoamerica as Revealed in Its Art »,
Actas, XLI Congreso Intemacional de Americanistas, Mexico, 2-7 Sept., 1973, vol. 2,
Mexico, 1975, p. 385: Une inscription gravée provenant dEl Meson (Veracruz) et une
autre venant des environs, maintenant déplacée à Alvarado, « montrent des hommes avec
des couvre-chefs hauts rappelant le type dit sémitique sur les reliefs tardifs de La
Venta.
[20] Proskouriakoff, « Olmec and Maya Art », pp. 122-123, estime aussi que « deux
groupes distincts par la race » apparaissent sur Stein 3, et que « cest le groupe
de létranger barbu qui a fini par prendre lascendant », par conséquent, «
la culture de La Venta contenait un élément étranger puissant.
[21] John L. Sorenson, « The Twig of the Cedar », Improvement Era 60, mai 1957, pp.
330-31, 338, 341-42. Réimprimé sous le titre « Bible Prophecies of the Mulekites »,
dans A Book of Mormon Treasury, Salt Lake City, Bookcraft, 1959, pp. 229-237. On trouvera
de plus amples informations sur les traditions dans John L. Sorenson, « Some Mesoamerican
Traditions of Immigration by Sea », El Mexico Antiguo 8, 1955, pp. 425-37 [Mexico],
accessible sous le titre FARMS Reprint SOR-55.
[22] Coriantumr était probablement infirme en dépit de largument original, avancé
par Anthony W. lvins, dans « Are the Jaredites an Extinct People? » Improvement Era 6,
novembre 1902, pp. 43-44, que Coriantumr a pu engendrer des enfants pendant quil
était parmi les « Mulékites ».
[23] Coriantumr a pu être découvert par le groupe de Mulek sur le champ de bataille ou
dans les environs au cours dune reconnaissance à lintérieur des terres, à
loccasion dune brève halte tandis quils faisaient du cabotage vers le
sud en direction de leur destination finale ; dans ce cas, Coriantumr fit son déplacement
final sur leurs navires jusquà un point de débarquement situé probablement près
de la ville de Mulek. Il y a cependant dautres possibilités qui viennent à
lesprit. Lune delles est que Coriantumr a voyagé tout seul en direction
dun endroit où il pensait pouvoir retrouver un reste de population susceptible de
le secourir. Lemplacement de la ville de Mulek dans ma corrélation géographique,
La Venta, était en ce temps-là, ou avait été lun des grands centres de
colonisation de lépoque jarédite, et pourtant elle était dans une situation
périphérique par rapport à la majeure partie des territoires olmèques (jarédites ?),
qui se trouvait au nord par rapport à elle. À La Venta, une personne telle que
Coriantumr pouvait espérer trouver des gens qui nétaient pas complètement
impliqués dans la lutte finale. Si Coriantumr réussit à atteindre cet endroit tout seul
(jestime quà vol doiseau la distance depuis Ramah était de 140 km,
mais quelle devait au moins être le double au sol), le groupe de Mulek a pu le
trouver presque à lendroit où ils ont abandonné leur bateau. Il nest pas du
tout impossible que la stèle 3 de La Venta ait été dressée pour décrire la rencontre
de Mulek et de Coriantumr.
Une autre possibilité est que le groupe de Mulek, dans les quelques années qui suivirent
son installation dans le pays, se mit en devoir de fouiller le territoire le séparant du
champ de bataille final, fasciné par les ruines toutes neuves de la civilisation qui
venait de périr, pour ne trouver que ce seul survivant. Finalement, il est également
possible que les Mulékites, nayant vu aucun signe des Jarédites dans la bande
côtière inhospitalière de dunes et destuaires dans le nord ce qui est tout
ce quils ont vu du pays du nord sinstallèrent dans le pays du sud
pendant une décennie environ, quils consacrèrent intensément aux tâches
pionnières locales, ignorant essentiellement lexistence de lancienne culture
avant denvoyer un groupe dexploration qui rencontra alors par hasard le roi.
(Je suppose quil existait dautres survivants, comme mentionné plus haut, mais
pas dans la région dévastée et déprimante des dernières guerres parsemée de milliers
de corps et de squelettes. Je pense que cette zone a dû rester inoccupée pendant un
certain nombre dannées.)
En outre, la « grande pierre » doit être envisagée dans le cadre de ce puzzle
géographique. Plus lendroit où Coriantumr a gravé cette pierre au cours de ses
derniers mois était située vers le sud, plus il est raisonnable quon ait pu la
transporter de cet endroit jusquà Mosiah, dans les hauteurs, à Zarahemla.
[24] Nous ne savons pas ce quimplique en termes de descendance et de royauté le
fait quAmmon se considérait comme descendant de Zarahemla tout en comptant
également Zénif parmi ses « frères » qui étaient allés hériter le « pays du
premier héritage [des pères de Zénif] » à Léhi-Néphi (Mosiah 9:1). Cette
combinaison semble vouloir dire quAmmon devait descendre dune façon ou
dune autre à la fois dancêtres néphites et de Zarahemla. Mais sil y a
eu des mariages mixtes entre lignées descendant des Néphites et de Zarahemla, il
naurait pas pu considérer quil descendait des deux par une lignée
patriarcale.
[25] On trouvera lune des études de population et de grandeur du territoire à
cette époque dans Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 155-157.
[26] Sorenson, An Ancient American Setting, 155-157, décrit une pratique de colonisations
séparées qui pourrait être un exemple de cette distinction et qui a été découverte
au site de Santa Rosa (Chiapas, Mexique), que je considère comme étant le meilleur
candidat pour Zarahemla ; voir aussi les autres colonisations et les distinctions sociales
au sein de la ville aux pages 190-191 et 315-316.
Meyer Fortes, sociologue anthropologue, décrit un parallèle intéressant avec ce modèle
social, dans un exemple moderne, chez les Tallensi dAfrique. « Dès le départ,
nous avons dû affronter la division fondamentale entre, dune part, les Namoos, qui
affirment être originaires dimmigrants Mamprussi et avoir des droits héréditaires
exclusifs à un poste généralement qualifié dautorité du chef [comparez avec les
Néphites de Mosiah] et, dautre part, les vrais Tallensi, Talis comme
ils sappellent eux-mêmes, qui prétendent être les autochtones du pays avec des
droits exclusifs à la fonction de Tendaana ou Gardien de la terre [comparez
avec le peuple de Zarahemla]. Il ne nous fallut pas longtemps pour découvrir que, aussi
totalement identique fût le mode de vie des deux éléments de la tribu et aussi
intimement liés quils fussent par la parenté, le mariage et lhabitat, la
division était profonde et fondamentale » (« An Anthropologists Apprenticeship
», Annual Review of Anthropology 7, 1978, pp. 8, 14-15.
[27] Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 161-165, traite des « dissensions ».
Voir aussi les pages 195-197 à propos des Amlicites, en qui je vois des gens du peuple de
Zarahemla.
[28] Hugh Nibley, Lehi in the Desert, The World of the Jaredites, There Were Jaredites,
vol. 5 de Collected Works of Hugh Nibley, dir. de publ. John W. Welch, Salt Lake City et
Provo, Utah, Deseret Book Co. et FARMS, 1988, p. 245. (Dans Idumea: Le Monde des
Jarédites, chapitre 6, § 6). Voir aussi John A. Tvedtnes, « A Phonemic Analysis of
Nephite and Jaredite Proper Names », Society for Early Historic Archaeology, Newsletter
and Proceedings 141, décembre 1977, p. 18, reproduit sous le titre FARMS Reprint TVE- 77.
[29] Il convient de faire une étude soigneuse pour détecter les différences
dutilisation des expressions « Néphites », « peuple de Néphi », « peuple des
Néphites » et « enfants de Néphi » dans le texte du Livre de Mormon. Notez
lutilisation curieuse des termes dans Hélaman 1:1.
[30] Le nom dun des compagnons des fils de Mosiah dans cette entreprise, Muloki
(Alma 20:2), pourrait signifier, en hébreu, « de Mulok (Mulek?) » ou Mulékite.
Entre-temps, Alma avait eu deux fils portant des noms jarédites (« mulékites? »),
Shiblon et Corianton.
[31] Le culte apparemment insolite des Zoramites était en fait « la contrepartie
virtuelle » dun rite de prière juif (Book of Mormon Critical Text, 2:639-640),
suggérant que dautres activités religieuses, qui semblaient scandaleuses pour les
prophètes néphites orthodoxes, ont pu avoir une source semblable. Comparez avec
Sorenson, An Ancient American Setting, pp. 216-219.
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