Le Livre de Mormon gagne à être étudié en profondeur.
Cela permet de sortir des classifications naïves et de découvrir la dynamique véritable
des relations entre les diverses populations du livre. Une fois de plus on en sort avec le
sentiment que le Livre de Mormon est bien plus complexe que le lecteur superficiel le
croit et que dans sa complexité il reste parfaitement cohérent. Un témoignage de plus
de son authenticité.
LES ENNEMIS DALMA LAFFAIRE DES LAMANITES, DES AMLICITES ET DES
MYSTERIEUX AMALEKITESpar J. Christopher
Conkling
© Journal of Book of Mormon Studies, vol. 14, n° 1, 2005, p. 109
Les lecteurs du Livre de Mormon savent que les Lamanites étaient les éternels ennemis
des Néphites [1]. Peu après larrivée de la colonie de Léhi dans le Nouveau
Monde, le Seigneur a bien dit que les Lamanites seraient un « fléau » pour la
postérité de Néphi « pour linciter à se souvenir de [lui] » (2 Néphi 5:25 ;
comparer avec 1 Néphi 2:24). La suite du livre décrit des tensions apparemment
incessantes entre Lamanites et Néphites qui prendront fin avec la destruction totale de
la civilisation néphite. Les Lamanites seront une menace incessante.
Les études récemment faites sur le texte montrent cependant que la question des ennemis
des Néphites nest pas forcément aussi tranchée que cela. Cest, en tous cas,
particulièrement vrai pendant la carrière publique dAlma le Jeune (vers 91-73 av.
J.-C.), quand les missionnaires néphites envoyés aux Lamanites entrent en contact avec
les mystérieux Amalékites (voir Alma 21-43). Comme nous le verrons, ces Amalékites ne
sont en fait rien dautre que les Amlicites, quAlma a rencontrés
précédemment dans sa carrière (voir Alma 2-3). Cette observation est basée sur deux
sortes de données fournies par le texte : les variations dorthographe dans les
manuscrits originaux dOliver Cowdery et des indices fournis par le texte
traditionnel que beaucoup de lecteurs nont pas remarqués. Ces découvertes jettent
une lumière nouvelle sur la structure des écrits dAlma et nous amènent à la
question la plus cruciale: Le fait de considérer que les Néphites sont en général les
bons et les Lamanites les mauvais nest-il pas une conclusion simpliste au vu de ce
que le texte dit en réalité ?
La présente étude vise à apporter un correctif à linterprétation traditionnelle
du Livre de Mormon. Par exemple, George Reynolds et Janne M. Sjodahl, dans leur Commentary
on the Book of Mormon présentent les Amalékites comme étant « une secte
dapostats néphites dont lorigine nest pas précisée [2] ». Le Book of
Mormon Reference Companion, plus récent, partage ce point de vue dans larticle sur
les Amalékites : « Le Livre de Mormon ne fournit pas de renseignements sur
lorigine de ce groupe [3]. » Nous pouvons heureusement éclaircir maintenant le
mystère de lorigine des Amalékites.
Les indices internes
Il y a des années, certains étudiants du Livre de Mormon ont remarqué de curieux
événements dans le livre dAlma. Le livre commence par Néhor et passe rapidement
à une menace néphite majeure liée à Néhor, lapostat Amlici. Les partisans de
celui-ci, les Amlicites, font une tentative de semparer du gouvernement et de
sadjuger une élection, mais ils se font battre lors de grands combats et sont,
semble-t-il, balayés (voir Alma 1-2). On voit pourtant Alma passer tout le chapitre
suivant (Alma 3) à parler de la menace et de la marque des Amlicites alors quils
ont disparu. Cela fait beaucoup de détails pour une menace qui nexiste plus.
Dun point de vue structurel, Alma 3 ressemble plus à un avertissement et à
lintroduction à un problème quà un commentaire sur un problème qui
nest plus présent.
Quelques 18 chapitres plus tard, le missionnaire Aaron tombe sur un autre groupe de
fauteurs de troubles, appelés Amalékites, qui sont alliés aux Amulonites et qui
contribuent à endurcir les Lamanites (voir Alma 21:2-4). On nous présente ce nouveau
groupe parmi deux autres que nous connaissons déjà bien et le nom est donné comme
sil allait de soi, comme si le lecteur savait parfaitement de qui il sagit :
« Or, les Lamanites, et les Amalékites, et le peuple d'Amulon avaient construit une
grande ville, qui était appelée Jérusalem. Or, les Lamanites, par eux-mêmes, étaient
suffisamment endurcis, mais les Amalékites et les Amulonites étaient encore plus durs;
c'est pourquoi ils firent en sorte que les Lamanites s'endurcissent le cur, qu'ils
devinssent forts dans la méchanceté et dans leurs abominations » (Alma 21:2-3). Quand
ils lisent ce passage pour la première fois, la plupart des gens ne se rendent
probablement pas compte quils viennent encore de rencontrer un nouveau groupe, un
groupe dont lorigine nest pas donnée.
Quand nous comparons les Amlicites avec les Amalékites, nous constatons quAmlici et
les Amlicites sont mentionnés 43 fois entre Alma 2:1 et 3:20, après quoi ils ne le sont
plus jamais. Les Amalékites sont mentionnés 19 fois entre Alma 21:2 et 43:44, souvent
quand il est question des descendants dAmulon, prêtre du roi Noé, en dissidence
avec les Néphites ou avec les dissidents néphites appelés Zoramites. Les Amlicites ont
une théologie, une organisation politique, une aristocratie, des armées, des alliances
avec les Lamanites, une organisation militaire, des liens avec Néhor et un marquage
distinctif de la peau quils se sont imposé (voir Alma 1:4-6 ; 2:1-2, 5-6, 9, 12,
14, 24 ; 3:4-6) tout comme les Amalékites ont une théologie, des villes, des
sanctuaires, des synagogues et des liens avec les Lamanites, les Amulonites, les Zoramites
et « les Néhors » (voir Alma 21:2, 4, 6 ; 43:6). Aaron, fils de Mosiah, affronte un
Amalékite dans une des synagogues des Amalékites (voir Alma 21:5-11) et a plus tard une
discussion avec le père de Lamoni concernant leurs croyances (voir Alma 22:7-18) [4].
Quand il lui demande sil croit en Dieu, le roi lamanite répond dabord en
parlant des croyances et des sanctuaires du culte des Amalékites (voir Alma 22:7). Les
deux groupes exercent apparemment une influence suffisante pour que cela justifie tant de
détails.
À première lecture, cette introduction, faite au passage, dun nouveau groupe
appelé Amalékites (voir Alma 21:2) naurait pas dû nous déranger puisque le Livre
de Mormon brosse souvent son histoire à grands coups de pinceau, notant des noms sans
explication, notamment le nom crucial Mormon lui-même (voir Mosiah 18:4). Cependant,
contrairement à ce qui se passe pour les noms de personnes, nous ne pouvons pas trouver,
dans cet abrégé, dautre cas où un groupe apparaisse sans explication ou
introduction la seule exception, ce sont les Amalékites [5]. Il y a bien deux
Amaléki dans le livre (voir Omni 1:12-30 ; Mosiah 7:6), mais aucun des deux na de
liens connus avec ce groupe. Sil y a eu un Amaléki qui a fondé ce groupe, le livre
nen dit rien [6].
Dun point de vue chronologique, les Amlicites et les Amalékites correspondent
parfaitement. Ils ne se chevauchent jamais. Alma parle des problèmes quil a avec un
vaste groupe de dissidents néphites obstinés appelés Amlicites, qui sont de
lordre de Néhor et sont alliés aux Lamanites. Aaron et Ammon, qui se trouvent en
territoire lamanite à la même époque, parlent de leurs problèmes avec un autre allié
lamanite redoutable selon lordre de Néhor, un peuple dont le nom, Amalékites,
ressemble fort au nom Amlicites. Les uns et les autres poursuivent en même temps les
mêmes types dobjectifs et causent les mêmes problèmes. Les deux groupes, on nous
le dit bien, ne sont pas de purs Lamanites (voir Alma 2:1-11 ; 24:28-29). Lun des
groupes nous est présenté comme sil allait avoir une importance permanente.
Lautre nous est présenté pour la première fois comme si son identité est déjà
bien connue. Il est certain que le texte est plus clair si ces deux groupes nen font
quun. John L. Sorenson a souligné, il y a quelques années, cette forte
ressemblance et pense que « il est possible quils [les Amalékites] constituaient
le reste des Amlicites... leur nouveau nom découlant peut-être dune
lamanitisation de loriginal [7]. »
Les indices fournis par le texte
Cette nouvelle description des Amlicites et des Amalékites comme étant des groupes
identiques a acquis une crédibilité nouvelle quand Royal Skousen, rédacteur du projet
de longue haleine délaboration dun texte critique du Livre de Mormon, a
montré que les textes originaux donnent leur appui à cette conclusion. En 2002, il a
expliqué que les groupes apostats du livre dAlma actuellement écrits Amlicites et
Amalékites sont très vraisemblablement le même groupe de dissidents, fondé par Amlici,
et que les noms doivent être écrits de la même façon [8]. Skousen a remarqué que ces
types derreur dans les manuscrits originel et de limprimeur étaient dus à
des incohérences dans lorthographe dOliver Cowdery.
Lanalyse soigneuse faite par Skousen du manuscrit originel, dicté, montre comment
de telles erreurs ont pu sy glisser. Souvent, quand un nom apparaissait pour la
première fois, Joseph Smith devait marquer un temps darrêt pour lépeler.
Cest ainsi que nous trouvons des mots barrés dans le manuscrit originel avec,
au-dessus, lorthographe corrigée. Joseph ne redonnait apparemment pas
lorthographe du nom quand il apparaissait plus loin, car on voit que Cowdery
orthographie certains noms de plusieurs manières différentes en dépit de la correction
originelle. Une fois que Cowdery a eu préparé le manuscrit, limprimeur a dû
recevoir pour consigne de se référer à lorthographe originelle des noms chaque
fois quils se représentaient. Dans les cas Amlicites/Amalékites, aucun des deux
groupes nest mentionné par son nom entre Alma 3:20 et 21:2. Par conséquent, quand
limprimeur a de nouveau rencontré le nom dans ce qui est maintenant Alma 21:2, il a
vraisemblablement pensé que cétait un nouveau groupe et, plutôt que de se
reporter à lorthographe de ce qui est maintenant Alma 3:20, il a simplement suivi
le manuscrit de limprimeur. Lorthographe Amalékite a pu sembler logique parce
quil y a réellement des Amalécites [Amalekites en anglais] (voir Nombres 13:29) et
quil y avait précédemment dans le Livre de Mormon des hommes appelés Amaléki
(voir Omni 1:12 ; Mosiah 7:6) [9]).
Skousen fait remarquer que lorthographe manuscrite dAlma 24:1 du manuscrit
originel confirme la thèse dune confusion dans lorthographe des noms. On
ny trouve pas Amalékites comme dans lédition actuelle, mais Amelicites, ce
qui nest pas tout à fait Amlicites mais est plus proche quAmalékites.
Lorthographe du manuscrit originel dans Alma 24:28 [10] est Amelicites et il
ny a quune partie du mot: Amelic[
] qui est visible dans Alma 27:2. Les
deux fois que le nom apparaît dans Alma 43:6, il est orthographié Amalekites et
Amelekites, des orthographes différentes dans le même verset. Aux versets 43:13 et
43:20, nous lisons en lettres partiellement effacées Amalickites et Amelickites. Dans
Alma 43:44, lorthographe est Amalekites [11]. Il est clair que lorthographe
était plutôt confuse et que beaucoup de lettres courantes, particulièrement le c et le
k, étaient tout à fait interchangeables. Le fait que les mots écrits actuellement
Amalékites étaient souvent écrits avec un c seulement ou avec un ck confirme encore
davantage les indices internes précédemment relevés. Quand nous nous servons des
documents les plus anciens que nous ayons (les manuscrits de Cowdery), il ny a
guère de raison de penser que les Amlicites et les Amalékites étaient deux groupes
distincts.
Quest-ce que cela change ?
Si cette théorie, à savoir que les Amlicites et les Amalékites sont le même groupe,
est exacte, cela veut dire quAlma a structuré son récit dune manière encore
plus rigoureuse et plus soigneuse que nous le pensions. Ce qui était précédemment
considéré comme deux chapitres introductifs (Alma 2-3) consacrés à un problème sur le
point de disparaître peut maintenant être compris comme présentant la menace et le
problème majeurs quAlma dut affronter le reste de sa vie. En théorie il aurait pu
commencer son récit par les voyages des fils de Mosiah, mais, de toute évidence, il
éprouvait le désir dintroduire le conflit majeur que devaient affronter tant les
missionnaires envoyés aux Néphites (Alma et ses compagnons) que ceux envoyés aux
Lamanites (Ammon, Aaron et leurs compagnons), sans quoi il ne pourrait pas expliquer
convenablement les épreuves de nimporte lequel de ces groupes. Il y a peut-être
ici une ressemblance avec le temps darrêt marqué par Mormon (ou Hélaman) pour
nous dire de faire très attention à Gadianton la première fois quil est question
de son groupe (voir Hélaman 2:13-14). Dans le même ordre didées, Alma (ou Mormon)
donne beaucoup de détails sur les Amlicites au chapitre 3 parce que ceux-ci vont revenir
affliger Alma et les Néphites pendant tout le reste de la vie dAlma.
Le compte rendu du ministère dAlma (Alma 1:1-45:19) commence et finit au même
endroit, empêtré dans les problèmes résultant de lapostasie de Néhor et des
Amlicites. Sa toute première bataille et sa bataille finale, 18 ans plus tard, se
terminent par la même histoire : les cadavres des soldats ennemis sont jetés dans le
fleuve Sidon, qui les emporte dans « les profondeurs de la mer » (Alma 3:3 ; 44:22).
Ainsi donc, le récit dAlma montre bien comment la dissension, combattue par la
prédication de la parole, peut conduire à lapostasie puis à la trahison,
combattue par des mesures juridiques et par la guerre [12].
Les grandes batailles du règne dAlma furent menées contre des armées lamanites
alliées ou conduites par des apostats néphites tels que les Amlicites (Amalékites), les
Amulonites à moitié Néphites (voir Alma 21:2-25:9) ou les Zoramites (voir Alma
30:59-43:44). Alma 43:6 dit : « Comme les Amalékites [Amlicites] avaient en eux-mêmes
des dispositions plus méchantes et plus meurtrières que les Lamanites, [le dissident]
Zérahemnah désigna des capitaines en chef sur les Lamanites, et ils étaient tous
Amalékites [Amlicites] et Zoramites. » Alma 43:44 ajoute : « Ils étaient inspirés par
les Zoramites et les Amalékites, qui étaient leurs capitaines en chef et leurs
dirigeants. » Et Alma 43:13 relie tous ces groupes entre eux dans les batailles finales
qui précèdent le départ dAlma: « Ainsi, les Néphites furent forcés de
résister seuls aux Lamanites, qui étaient un composé de Laman et de Lémuel, et des
fils d'Ismaël, et de tous ceux qui étaient entrés en dissidence avec les Néphites, qui
étaient Amalékites [Amlicites] et Zoramites, et les descendants des prêtres de Noé
[Amulonites]. »
En outre, quand nous lisons les atrocités dont furent témoins les fils missionnaires de
Mosiah chez les Lamanites, notamment le massacre des 1005 Anti-Néphi-Léhis (voir Alma
41:21-22), il nous est plus facile de remarquer que le fait quAlma mentionne les
vrais méchants est dans la ligne de la structure du livre : « La majeure partie des
Lamanites qui tuèrent tant de leurs frères étaient Amalékites [Amlicites] et
Amulonites, dont la majeure partie était selon l'ordre des Néhors. » Et parmi les
convertis à la vérité, « il n'y en eut aucun qui fût Amalékite [Amlicite] ou
Amulonite, ou qui fût de l'ordre de Néhor, mais ils étaient de véritables descendants
de Laman et de Lémuel » (Alma 24:28-29).
Cette nouvelle lecture permet de jeter la lumière sur une autre question qui
jusquici laissait perplexe. Traditionnellement, il na pas été possible de
rattacher convenablement les quatorze années de mission des fils du roi Mosiah (voir Alma
17-26) au quatorze années de ministère dAlma (voir Alma 1-16) [13]. Le seul lien
concret entre les deux était la mention par Alma de la marche des Lamanites pour
détruire Ammonihah, la onzième année des juges (voir Alma 16:2-9), et son pendant dans
Alma 25:2-3. Pourtant il ny a rien dans les vastes mouvements darmées
lamanites au cours de la cinquième année, racontés dans Alma 2:24 et 27 où il soit
question dun roi lamanite (voir Alma 2:32-33). Les Amlicites étaient manifestement
alliés aux Lamanites (voir Alma 2:24) et Ammon et Aaron avaient eu affaire à des rois
lamanites, mais le récit des fils de Mosiah ne dit rien de cette alliance menaçante avec
les Amlicites. Mais maintenant, nous voyons que ces événements dimportance majeure
dAlma 2 sont également mentionnés par Ammon et Aaron, en tous cas en termes
dinfluence politique amlicite (voir Alma 21:2-5, 16 ; 22:7). Ammon et Aaron
mentionnent les mêmes problèmes dinfluence politique amlicite auprès des
Lamanites à lépoque même où Alma les rencontrait (voir Alma 24:28-29).
Il reste une question. Alma 21:1-4 mentionne que le premier endroit où Aaron se rend en
tant que missionnaire est la ville partiellement amalékite [amlicite] de Jérusalem.
Comment les Amlicites auraient-ils pu aider à la construction dune grande ville
lamanite la première année du règne des juges si Néhor nétait pas devenu actif
avant cette première année et si les Amlicites nétaient pas apparus avant la
cinquième année ? (voir Alma 2:1). Il y a deux réponses : (1) le texte dit que les
missionnaires ont eu beaucoup dactivités avant quAaron natteigne
Jérusalem et ne dit jamais quil y est arrivé au cours de la toute première année
(voir Alma 17:6-18). Peut-être était-ce la deuxième, la troisième ou la quatrième
année ou plus tard (on ne nous rapporte que très peu dévénements dune
mission qui a duré quatorze ans) et (2) les problèmes engendrés par Néhor et Amlici
ont dû atteindre leur paroxysme au cours des années mentionnées dans Alma 1-2, mais ils
duraient apparemment déjà depuis plusieurs années (voir Alma 1:16-23). Il est très
improbable quAmlici ait pu arriver sur le devant de la scène avec le soutien de
près de la moitié de la population, se lancer dans une élection nationale animée, se
faire couronner illégalement, lever une grande armée, déplacer de grandes parties de la
population néphite, faire alliance avec les Lamanites et organiser trois grandes
batailles, tout cela en un an (voir Alma 2:2-3:25). Même les dictateurs modernes avec les
transports daujourdhui et les communications de masse nont pas réussi
tout cela en une seule année. Alma nous dit expressément quune grande partie de
tout cela sest effectivement produit en une seule année, du moins « toutes ces
guerres et ces querelles » (Alma 3:25). Mais la lente édification dun support
politique et la formation dalliances étrangères duraient sans doute depuis des
années [14]. Cest comme cela que fonctionnent les gens et les mouvements dans la
réalité historique.
Un autre exemple tiré de lhistoire profane le montre: les groupes perturbateurs
tels que les communistes et les nazis ont tendance à persister, à se regrouper, à se
transformer ou à reparaître sous des formes diverses. Cest la même chose dans le
Livre de Mormon. Juste au moment où nous pensons en avoir fini avec les Amlicites dans
Alma 2:36-38 ou avec les Amulonites dans Alma 25:4-9, nous nous apercevons quils
sont toujours là dans Alma 21:2 et 43:13. Encore une fois, pour ce qui est du caractère
historique du Livre de Mormon, cest comme cela que les choses se passent dans
lhistoire réelle.
En outre, si nous lisons ces écritures de la manière conseillée par Brigham Young, «
comme si vous les écriviez il y a mille, deux mille ou cinq mille ans
comme si vous
étiez à la place de ceux qui les ont écrites [15] », nous nous souviendrons
quAlma avait, lui aussi, connu lapostasie et la rédemption personnelles dans
sa jeunesse. Nous pourrions nous demander : Quelle a été la première réaction
dAlma face à Néhor et à Amlici, cette nouvelle génération dapostats ?
Étaient-ils tels quil avait été lui-même ? Se pourrait-il quils aient
été de vieux amis ou des alliés ou même des disciples ? Le passage de Mosiah
27:32-28:1 parle dune mission, dont on ne sait pas grand chose, auprès des
Néphites par Alma et les fils de Mosiah, qui a apparemment duré entre une et huit
années, ce qui montre que la conversion dAlma avait moins de dix ans. Quand nous
lisons plus tard quAlma et Amlici se battent en corps à corps (voir Alma 2:3), nous
pourrions nous demander ce quil a bien pu penser. Alma avait jadis été comme
Amlici (comparer Mosiah 27:8, 19 avec Alma 2:1-2) et si Alma navait pas changé,
Amlici aurait même pu mieux réussir dans sa rébellion puisquil ny aurait
sans doute pas eu un juste comme Alma pour larrêter. Les deux hommes avaient
commencé la vie sur la même voie et ils lavaient suivie jusquau moment où
ils avaient fait le choix crucial de continuer ou de changer. En tuant Amlici, Alma ne
tuait-il pas de nouveau une vieille version de lui-même ? Même après avoir tué Amlici,
il dut affronter les dissidents de ce dernier jusquà sa dernière bataille (voir
Alma 43:44).
Questions ethniques et tribales
Une fois que nous comprenons mieux en qui Alma voyait les vrais ennemis, nous pouvons
décider de repenser la lecture simpliste et tribale du Livre de Mormon où les Lamanites
apparaissent comme « les méchants » et les Néphites comme « les bons ». Bien que
John Sorenson et quelques autres spécialistes du Livre de Mormon nutilisent jamais
le terme race pour décrire les différences entre Néphites et Lamanites [16], la plupart
des lecteurs du Livre de Mormon voient une dimension ethnique dans le livre, aussi
librement que lon définisse les termes plutôt imprécis que sont race et
ethnicité [17]. Par exemple, les uvres artistiques et les films tant officiels que
non officiels font ressortir ce qui semble être des caractéristiques raciales ou
ethniques différentes dans les peuples du Livre de Mormon [18] parfois avec des
connotations morales (voir Énos 1:20).
Il y a toujours eu des manières daborder les problèmes nationaux ou personnels
basées sur la notion de groupe où la faute était rejetée sur ceux du dehors, sur «
eux ». Par comparaison avec les sociétés occidentales modernes, toutes les sociétés
anciennes, dans toutes les cultures, étaient basées sur la race ou la tribu, étant
donné le peu de moyens de transport, de communication et déchange
dinformations dont on disposait. Il était essentiel de rester loyal à sa race, à
sa tribu ou à son groupe local si lon voulait survivre. Le livre de Ruth et la
parabole du Bon Samaritain, parmi de nombreux autres passages bibliques, sopposent
à la façon de penser raciale si généralisée dans la culture biblique, mais la
reconnaissent tacitement. Même les Grecs anciens « civilisés » se considéraient comme
physiquement différents « de nature » des autres races humaines aussi
différents quils létaient des animaux [19]. En fait, tout document ancien
où lon ne retrouverait pas quelque chose de ces préjugés raciaux ou tribaux ne se
qualifierait probablement pas comme étant un document ancien authentique. La dimension
raciale ou ethnique est, à cet égard, typique des documents anciens. Ce qui distingue le
Livre de Mormon, ce nest pas à quel point on rejette la faute sur « eux », les
Lamanites, mais plutôt le fait quon leur en veuille si peu. Cest étonnamment
vrai même dans le livre dAlma, celui qui traite le plus longuement les guerres et
les querelles avec les Lamanites.
Pour comprendre cela, il faut lire attentivement le livre et parfois faire la distinction
entre ce qui est dit et ce qui est montré. Par exemple, lors de lintroduction de
lhistoire dAmmon et de ses compagnons, les Lamanites sont qualifiés de «
peuple sauvage, et endurci, et féroce; un peuple qui mettait son plaisir à assassiner
les Néphites, et à se livrer à des actes de brigandage sur eux, et à les piller
ils étaient un peuple très indolent
et la malédiction de Dieu était tombée sur
eux à cause des traditions de leurs pères » (Alma 17:14-15). On dit plus tard des
Lamanites quils sont « dans labîme le plus sombre » (Alma 26:3). Mais si
nous lisons lhistoire des quatorze années de mission dAmmon et dAaron
chez les Lamanites parallèlement à celles dAlma chez les Néphites, ce que les
textes montrent, cest que les Lamanites étaient presque aussi civilisés, corrects,
réceptifs et, bien sûr, hostiles, malhonnêtes, meurtriers et persécuteurs que les
Néphites dAlma. Ils avaient des grandes routes, du transport, un gouvernement, des
édifices religieux, des villes urbanisées, diverses coutumes religieuses, des
fonctionnaires du gouvernement, des soldats, des hors-la-loi et des renégats et des rois
et des rois vassaux (ou « chefs ») [20], exactement comme les Néphites et ils étaient
loin dêtre aussi peu civilisés que les Néphites le craignaient au départ. En
fait, leur histoire montre que ce sont les groupes néphites apostats les
Amlicites, Amulonites et Zoramites qui sont responsables de la plupart des
problèmes quAlma rencontre avec les Lamanites. Comme on le voit déjà dans Alma
21:3, ces groupes apostats sont « encore plus durs » que les Lamanites. En fait, il est
rare que les prophètes du Livre de Mormon imputent les problèmes de leur peuple à des
agresseurs du dehors, mais plutôt aux dissensions internes et au péché. En effet,
après Laman et Lémuel, qui comprenaient suffisamment bien lÉvangile pour être
responsables de leurs choix à ce sujet, le livre ne mentionne quun ou deux
Lamanites purs qui soient des « mauvais » [21].
Quand nous regardons les vrais scélérats du Livre de Mormon, nous voyons quaprès
Laman et Lémuel, ils proviennent presque exclusivement des groupes néphites: Shérem,
Noé et son prêtre Amulon, Néhor, Amlici, le peuple dAmmonihah, Korihor, les
Zoramites du livre dAlma, Amalickiah, Ammoron, Jacob, Pachus et les hommes-du-roi,
Morianton, Kishkumen, Paanchi, Gadianton et probablement Zérahemnah. Même quand le texte
qualifie de « Lamanites » ou même de « fiers Lamanites » certains de ces scélérats
moins connus, nous savons déjà que leur vrai lignage est néphite ou mulékite [22].
Assurément, les Néphites ne considéraient pas les Lamanites comme des voisins
pacifiques et ces mauvais Lamanites envoyaient effectivement de temps en temps des armées
attaquer les Néphites, mais il ne fait pas de doute que le livre souligne le fait que la
plupart du temps ce sont les dissidents néphites qui sont les vrais « curs durs »
qui excitent, recrutent et inspirent continuellement les Lamanites réticents à aller au
combat (voir Alma 21:3 ; 23:13-15 ; 24 ; 27:2-3 ; 43:44 ; 47:1-6 ; 48:1-3 ; 52:1-4 ;
62:35-38 ; 63:14-15 ; Hélaman 1:14-33 ; 4:4). Effectivement, deux versets après la mort
du Néphite dissident Ammoron, les grandes guerres entre Néphites et Lamanites sont
terminées (voir Alma 62:36-38) et la paix règne sans problème pendant huit ans, après
quoi dautres dissidents néphites excitent les Lamanites (voir Alma 63: 14-16). Les
grandes guerres entre Néphites et Lamanites du livre dAlma étaient, selon le
texte, des guerres où il y avait de nombreux alliés lamanites et néphites dans les deux
camps. Les versets dAlma 23:8-13 montrent limportance de la faction
pro-néphite qui existait chez les Lamanites.
Pour lire le texte vraiment en profondeur, il serait bon de réfléchir à la destruction
de la ville dAmmonihah. Comme le relève S. Kent Brown, lévénement contient
des renseignements différents provenant de deux récits différents, du point de vue du
« nord » néphite et du « sud » lamanite [23]. Le point de vue néphite traditionnel
ne nous montre que les Lamanites comme agresseurs (voir Alma 12:2-11). Mais le deuxième
récit met en évidence le fait que les Lamanites qui attaquent et détruisent Ammonihah
sont ceux qui étaient « dans une plus grande colère parce qu'ils avaient tué leurs
frères » (Alma 25:1) et qui, comme on le voit tout juste trois versets plus haut sont
essentiellement des Amalékites (Amlicites) et des Amulonites (voir Alma 24:28-29). La
ville dAmmonihah est elle-même une ville tellement consacrée à « la confession
de Néhor » (Alma 14:18 ; 15:15) quaprès sa destruction elle sera appelée la
Désolation des Néhors (Alma 16:11). En bref, pour des raisons qui ne sont pas tout à
fait claires, laffaire dAmmonihah est en réalité et cest une
ironie des choses la destruction de Néhorites néphites par un grand nombre de
Néhorites néphites. Les batailles qui suivent cette attaque sont décrites, du point de
vue « néphite », comme étant des batailles contre les Lamanites (voir Alma 16:2-12) ;
néanmoins le point de vue lamanite explique que ces batailles marquent quasiment la fin
des Amulonites semi-néphites (voir Alma 25:4-13). Parmi les purs Lamanites qui reviennent
de ces batailles après la destruction dAmmonihah, beaucoup se convertissent et se
joignent aux Anti-Néphi-Léhis et se font une fois de plus attaquer par les Lamanites
inspirés par les Amalékites (Amlicites) (voir Alma 27:2, 12). Cela conduit à
lémigration définitive dAmmon avec les purs Lamanites vers les terres
néphites (voir Alma 21:11-26) [24].
Alma ne cesse de souligner que les personnes et les groupes qui ont été élevés dans
une plus grande lumière sont plus responsables que ceux qui sont élevés dans une
culture qui ignore les principes de lÉvangile ou leur est hostile. Il évalue donc
souvent les Lamanites pur sang dune manière qui leur est favorable par rapport aux
Amlicites, Zoramites et Amulonites dissidents: « Nous pouvons discerner clairement que
lorsqu'un peuple a été une fois éclairé par l'Esprit de Dieu, et a eu une grande
connaissance des choses qui ont trait à la justice, et est ensuite tombé dans le péché
et la transgression, il devient plus endurci, et ainsi son état devient pire que s'il
n'avait jamais connu ces choses » (Alma 24:30 ; voir Alma 9:15-23 ; 46:8 ; 47:36 ; 50:21
; 53:9).
Même la structure générale du Livre de Mormon vise à montrer que cest le choix
personnel plutôt que la vision de groupe des « bons » et des « mauvais » qui est la
vraie source du péché et du mal. En gros, le livre commence par décrire le premier
conflit entre Néphites et Lamanites. À partir dAlma, le livre décrit une série
de paroxysmes en dents de scie et graduellement croissants, des conflits avec des
Néphites et leurs alliés lamanites contre des apostats néphites hostiles et leurs
alliés lamanites. Ces conflits deviennent plus prononcés jusquà ce que le livre
atteigne son point culminant et sa chute la plus vertigineuse. Lapogée est atteint
par une communauté centrée sur le Christ dans 4 Néphi 1:2-23, une époque où la race
ou les groupes cessent purement et simplement dexister: « Il n'y avait pas non plus
de Lamanites, ni aucune sorte d'-ites; mais ils étaient un, enfants du Christ » (4
Néphi 1:17). Le texte ne nous dit pas sils ont tous la même apparence, mais il dit
quils se conduisent tous de la même façon et sont traités de la même façon. Il
est indéniable que cest là lidéal le plus élevé atteint dans le Livre de
Mormon. Son point le plus bas suit quelques pages à peine plus loin, à partir de Mormon
3:9-16, quand les Néphites deviennent tellement pleins de haine et de vengeance
quils veulent lancer la première attaque contre les terres lamanites dans un but
dannihilation totale, ce qui amène le général Mormon à refuser catégoriquement
dencore diriger ses Néphites (Mormon 3:11, 16). À partir de ce moment-là, la
situation se dégrade rapidement pour atteindre la barbarie intégrale décrite par la
lettre de Mormon à son fils Moroni dans Moroni 9:3-10, qui nous montre dans
datroces détails que les deux partis se sont abaissés à des horreurs
inimaginables de viol, de torture et de cannibalisme. La fin est proche. Voilà ce que la
structure du livre nous montre être le point le plus haut et le point le plus bas de ces
sociétés.
Nous ne devons pas non plus oublier que dans 4 Néphi 1:36-38, les termes néphite et
lamanite reçoivent dorénavant une signification religieuse et politique mais pas
ethnique, une chose qui semble sêtre produite souvent comme dans Hélaman 3:16 et
ailleurs. On nous dit que le terme Néphite nétait que lidentification
religieuse ou politique des groupes qui au départ croyaient au Christ, tandis que le mot
Lamanite ne désignait que ceux qui se rebellaient contre lÉvangile, quelle que
fût leur appartenance ethnique, bien que même alors il reste quelques questions [25]. En
tous cas, le livre dAlma semble être soigneusement organisé autour de ceux qui
étaient considérés comme le plus grand problème des Néphites, et cétaient
davantage les Néphites dissidents et apostats que les Lamanites.
Le message dAlma: prenez garde à lennemi de lintérieur
Alma savait que son enseignement que les sources du mal sont souvent internes
nétait pas toujours facile à entendre. Il termine effectivement son ministère en
citant en termes négatifs la promesse souvent citée : « Si tu gardes les commandements
de Dieu, tu prospéreras dans le pays » (Alma 36:30) quil remplace par son
contraire: « Ainsi dit le Seigneur Dieu : Maudit sera le pays, oui, ce pays » (Alma
45:16). Si elle ne se repent pas, la nation tout entière dAlma connaîtra
lextinction (voir Alma 45:11, 14). Cest une prophétie si horrible quil
commande à Hélaman de ne pas la répéter à ce moment-là (voir Alma 45:9). Ensuite,
après avoir béni ses fils, la terre et lÉglise, Alma quitte définitivement le
pays (voir Alma 45:8, 15-18). Cest un ton décidément différent de laspect
plus positif dAlma quon met si souvent en évidence, limpact et
lélégance de ses paroles dans Alma 5, 29, 32 et 36, par exemple. Bien que son
témoignage du Sauveur soit crucial, nous ne devons pas perdre de vue cette autre façon
quil a eue dorganiser ses écrits. En voyant mieux quAlma a commencé et
terminé son testament en parlant de linfluence de Néhor et des dissidents dirigés
par les Amlicites dorigine néphite, nous percevons mieux la compréhension
quAlma avait du mal chez lindividu et dans la société. Alma insiste surtout
sur le mal intérieur. Cest le plus souvent avec nous-mêmes quil faut mener
le combat.
NOTES
[1] John L. Sorenson écrit que les Néphites voyaient les choses aussi simplement que
cela : « Dans un sens général, les rivaux des Néphites étaient appelés Lamanites,
mais cette classification brute cachait des différences qui semblent ne pas avoir gêné
les Néphites. Au niveau stratégique, si les Néphites portaient des chapeaux blancs, ils
considéraient que nimporte quelle sorte de Lamanite en portait un noir » («
Religious Groups and Movements among the Nephites, 200-1 BC », dans The Disciple as
Scholar, Essays on Scripture and the Ancient World in Honor of Richard Lloyd Anderson,
dir. de publ. Stephen D. Ricks, Donald W. Parry et Andrew H. Hedges, Provo, UT, FARMS,
2000, p. 171. Bien entendu, beaucoup de lecteurs habituellement subtils du Livre de Mormon
voient la rivalité entre Néphites et Lamanites dans les mêmes termes simplistes que les
Néphites, apparemment, puisque leur conception des Lamanites ressort dans le livre. Par
exemple, Fawn M. Brodie écrivait : « Les Néphites, pacifiques et attachés à leur
famille, les Lamanites sanguinaires et idolâtres. Les deux races se combattirent par
intermittence pendant mille ans » (voir Brodie, No Man Knows My History: The Life of
Joseph Smith the Mormon Prophet, New York, Knopf, 1978, p. 44).
[2] George Reynolds et Janne M. Sjodahl, Commentary on the Book of Mormon, Salt lake City,
Deseret Book, 1958 3:290.
[3] Book of Mormon Reference Companion, dir. de publ. Dennis L. Largey etc., Salt Lake
City, Deseret Book, 2003, p. 44.
[4] Ces Amalékites/Néhorites diffèrent dautres apostats tels que Korihor en ce
quils croyaient réellement en Dieu (voir Alma 1:4 ; 22:7) alors que Korihor
ny croyait pas (voir Alma 30:37-38). Cela permet peut-être dexpliquer
pourquoi il se fait tuer par les Zoramites apostats (voir Alma 30:59), qui avaient la
même façon de voir que les Amalékites (voir Alma 43:4-6). Tous les apostats du livre ne
se ressemblent pas. Voir John L. Clark, « Painting Out the Messiah: The Theologies of
Dissidents », JBMS 11, 2002, pp. 18-27.
[5] On nous dit de manière explicite comment les Amlicites sont apparus et qui était
leur chef (voir Alma 2:11) et il en va généralement de même pour les Amulonites (voir
Mosiah 23:31-24:9), les Zoramites (voir Alma 30:59-31:4), les Ammonihahites (voir Alma
8:6-7 ; 16:9), les Amalickiahites (voir Alma 46:3, 28), le peuple de Morianton (voir Alma
50:28), les hommes-du-roi (voir Alma 51:5 ; le nom du chef napparaît pas), les
brigands de Gadianton (voir Hélaman 2:4 ; 6:18) et, bien entendu, les Néphites, les
Lamanites, le peuple de Zarahemla et les Anti-Néphi-Léhis/Ammonites. En fait, Alma ou
Mormon nous dit exactement comment et pourquoi les groupes dans les villes et les villages
recevaient de tels noms : « du nom de celui qui les avait possédés en premier lieu »
(Alma 8:7). La seule exception, ce sont ces mystérieux Amalékites dAlma 21:2.
[6] Dans lintroduction faite au passage, les Amalékites sont présentés
parallèlement aux Amulonites et aux Lamanites, deux groupes que nous connaissons bien
grâce à leur introduction détaillée. Même les mystérieux Zoramites, les alliés
occasionnels des Amalékites, nous sont présentés dans Alma 30:59: « Et il arriva que
tandis qu'il [Korihor] allait parmi le peuple, oui, parmi un peuple qui s'était séparé
des Néphites et se donnait le nom de Zoramites, conduit par un homme dont le nom était
Zoram
» Jutilise le mot mystérieux parce que ce Zoram est inconnu. Ni le
Zoram de 1 Néphi 4:35 ni le Zoram dAlma 16:5 ne semblent être des candidats
possibles.
[7] John L. Sorenson, « Peoples in the Book of Mormon », dans Encyclopedia of Mormonism,
dir. de publ. Donald H. Ludlow etc. New York, Macmillan, 1992, p. 194.
[8] Voir Royal Skousen, The Systematic Text of the Book of Mormon, dans
Uncovering the Original Text of the Book of Mormon: History and Findings of the Critical
Text Project, dir. de publ. M. Gerald Bradford et Alison V. P. Coutts, Provo, UT, FARMS,
2002, p. 54. Dans un courrier personnel, Skousen a également dit que cétait Lyle
Fletcher qui avait été le premier qui lui avait suggéré cette émendation au début
des années 1990.
[9] Voir Royal Skousen, History of the Critical Text Project of the Book of
Mormon dans Uncovering the Original Text of the Book of Mormon, p. 15. On peut voir
les diverses façons dont Cowdery orthographie Amlicite et Amalékite dans Royal Skousen,
dir. de publ., The Original Manuscript of the Book of Mormon: Typographical Facsimile of
the Extant Text, Provo, UT, FARMS, 2001, p. 245; et Royal Skousen, dir. de publ., The
Printers Manuscript of the Book of Mormon: Typographical Facsimile of the Entire
Text in Two Parts, Provo, UT., FARMS, 2001, pp. 396-397, 514.
[10] Il ny avait bien entendu pas de versets dans le manuscrit dorigine. Les
références aux chapitres et aux versets dans cet article désignent la numérotation
actuelle en chapitres et versets.
[11] Skousen, Original Manuscript of the Book of Mormon, pp. 246, 254, 267, 358, 361, 366.
[12] Ces idées sont dOrson Scott Card, « Dissent and Treason », Ensign, septembre
1977, pp. 53-58.
[13] Sidney B. Sperry, par exemple, dit : « Il ny a quasiment aucune donnée dans
ces chapitres [Alma 17-26] qui nous permette de déterminer des dates précises » (voir
sa Book of Mormon Chronology, Salt Lake City, Deseret Book, 1970, p. 12.)
[14] Sorenson suppose, à propos de la longue histoire dAmlici, que « il y a fort
à parier que ce qui attirait une population importante vers Amlici, cétait le fait
quil était descendant du vieux chef Zarahemla. Il a très bien pu être un
privilégié qui voulait lautorité royale pour augmenter un pouvoir quil
possédait déjà. Il sétait certainement assuré une base politique solide avant
de faire son coup
Il est clair quAmlici avait pris, avec les Lamanites, des
dispositions » (Sorenson, Un environnement pour le Livre de Mormon dans lAmérique
ancienne, sur Idumea).
[15] Journal of Discourses, comp. George D. Watt, etc., Londres, Latter-day Saints
Book Depot, 1855-1856, 7:333.
[16] Par exemple, Sorenson préfère des termes tels que groupes religieux, groupes de
lignage et peuples différents. Voir « Peoples of the Book of Mormon », p. 194 et «
Religious Groups and Movements among the Nephites », p. 171.
[17] Dans certaines études ethniques, certains spécialistes non mormons doutent que la
race ait une signification scientifique quelconque, bien que la plupart admettent que
lhomme de la rue comprend ce que la race implique. Certains spécialistes estiment
que 40 à 44 générations de séparation sont nécessaires pour définir une race (un
minimum de 800 ans au rythme de cinq générations par siècle). Voir Jay A. Sigler, dir.
de publ. International Handbook on Race and Race Relations, New York, Greenwood Press,
1987, xiii-xiv; et Michael Levin, Why Race Matters: Race Differences and What They Mean,
Westport, CT, Praeger Publishers, 1997, pp. 19-20. Pour distinguer divers groupes, le
Livre de Mormon nutilise pas le mot race et ne mentionne pas non plus la séparation
en tribus avant 3 Néphi 7:2-4, 12-14. De plus, le livre ne mentionne même pas
lapparition dune langue différente pendant la période de séparation de
près de 500 ans de peuples entre 3 Néphi 5:7 et le livre dAlma (ce nétait
pas le cas des Mulékites dans Omni 1:17-18). Que les spécialistes décident ou non
quun groupe vivant séparément pendant quelques 500 ans puisse être techniquement
considéré comme une race, tribu ou sous-groupe ethnique différent, il ne fait pas de
doute que les Néphites ont vu, dès le départ, des caractéristiques différentes dans
la peau des Lamanites (voir 2 Néphi 5:20-25 ; Jacob 3:3-9 ; Alma 3:6-7) qui avaient trait
au péché et à la justice (voir Énos 1:20).
[18] Des exemples sont le film actuel The Testaments of One Fold and One Shepherd et de
nombreux films de séminaire de lÉglise.
[19] Voir Walter Kaufmann, Philosophic Classics: Thales to St. Thomas, Englewood Cliffs,
NJ, Prentice-Hall, 1961, 1:582.
[20] Voir Sorenson, « Religious Groups and Movements among the Nephites », p. 174; aussi
S. Kent Brown, Voices from the Dust: Book of Mormon Insights, American Fork, UT, Covenant
Communications, 2004, pp. 99-102, 104-113.
[21] Les personnages qui se rapprochent le plus du Lamanite malfaisant sont le roi Laman
dans le livre de Mosiah (voir Mosiah 7:21-22; 9:10-12) et son fils (voir Mosiah 10:6,
11-20). Même ici la première opinion de Zénif était que « lorsque je vis ce qu'il y
avait de bon parmi eux, je désirai qu'ils ne fussent pas détruits » (Mosiah 9:1).
Zénif va jusquà dire que ce sont ses Néphites « sanguinaires » qui organisent
la première agression contre les Lamanites pour récupérer des terres abandonnées moins
dune douzaine dannées plus tôt (voir Mosiah 9:1-6). En entrant sans encombre
dans leur ville, Zénif constate que le roi est disposé à déplacer sa population pour
donner le pays aux Néphites, quil laisse en paix pendant douze ans avant
quune guerre néclate. Ce nest qualors que Zénif commence à
décrire les Lamanites en termes négatifs (voir Mosiah 9:10-14). Comparé aux despotes et
aux fomenteurs de guerre du monde, Laman, au départ, ne sen sort pas si mal que
cela.
Ce quil y a dintéressant dans Mosiah 9:1-9 est que la description positive
originelle des Lamanites change radicalement au point de les décrire comme « paresseux
et idolâtres » et comme pratiquant la « ruse » et la « fourberie » (Mosiah 9:10,
12). Si le roi Laman avait été aussi rusé dès le départ quand il a cédé des terres
de choix pendant 12 ans, il était vraiment un stratège à long terme, car cétait
là probablement entre le quart et le tiers de lespérance de vie à lépoque.
Même ici, la haine des Lamanites à légard des Néphites est attribuée aux
fausses traditions de leurs pères (voir Mosiah 10:11-18).
[22] Ammoron, un fier Lamanite, est en réalité un Zoramite néphite (Alma
54:23-24) et cest donc aussi le cas de son frère Amalickiah (voir Alma 52:3) et du
fils dAmmoron, qui deviendra plus tard le roi lamanite Tubaloth (voir Hélaman 1:16)
; le dirigeant lamanite Jacob est Zoramite (voir Alma 52:20) ; Pachus et les hommes-du-roi
sont des Néphites de Zarahemla (voir Alma 51:5-8 ; 62:6) ; Morianton et son peuple sont
des Néphites (voir Alma 50:25-36), Paanchi est Néphite (voir Hélaman 1:3-7), Coriantumr
est un « descendant de Zarahemla », un Mulékite (voir Hélaman 1:15) et Kishkumen et
Gadianton sont des Néphites de Zarahemla (voir Hélaman 1:9-12 ; 2:4-14).
Zérahemnah est le seul personnage flou du groupe. Cinq éléments donnent à croire
quil a un héritage néphite (zoramite et/ou mulékite): (1) dans Alma 43:3-5, on
nous dit que les Zoramites sont devenus Lamanites et que Zérahemnah est le chef du groupe
combiné ; (2) il ne choisit pour capitaines que des Zoramites et des Amalékites
(Amlicites) ; (3) il lance sa première attaque au travers des terres zoramites comme si
cest la région quil connaît le mieux (y a-t-il grandi ?) ; (4) Alma 43:44
dit que « leurs capitaines en chef et leurs dirigeants » sont des Zoramites et des
Amalékites et appelle immédiatement Zérahemnah leur « capitaine en chef ou leur
commandant en chef » ; (5) la ressemblance de son nom avec Zarahemla peut indiquer que
lhistoire de sa famille a un côté mulékite. Une lecture possible (bien que pas la
seule) est quAlma ou Mormon vont dans le détail de la transformation des Zoramites
en Lamanites pour expliquer comment il se fait que le dirigeant lamanite ait été
Zoramite.
Il serait malhonnête de prétendre que le lignage ne joue aucun rôle dans la pensée du
Livre de Mormon. Si ces « mauvais » ne sont pas des Lamanites pur sang, ce ne sont pas
non plus des Néphites pur sang (dans le sens dêtre descendants littéraux de
Néphi). Ils ont souvent une ascendance mixte (Amulonites) ou sont de lignée zoramite ou
zarahemlaïte (mulékite). Sorenson attire lattention sur le fait que les grands
dissidents, Néhor, Gadianton et Kishkumen, ont des noms jarédites (lun deux
pourrait même être « pré-jarédite »). Voir Sorenson, « Religious Groups and
Movements among the Nephites », pp. 167-168, 194 et Un environnement pour le Livre de
Mormon, pp. 195-197. Il ne sagit pas de dire quil ny a jamais eu de
bandits lamanites ou néphites au cours de leurs mille années dhistoire, mais que
dans la version fortement abrégée de leurs annales, ces noms nétaient pas ceux
des « mauvais » de première importance.
[23] Voir S. Kent Brown, From Jerusalem to Zarahemla: Literary and Historical Studies of
the Book of Mormon, Provo UT, BYU Religious Studies Center, 1998, pp. 105-106, 112.
[24] À mes yeux, ces subtilités sont des éléments supplémentaires en faveur de
lhistoricité du Livre de Mormon. Comment ou pourquoi viendrait-il à lesprit
du jeune Joseph Smith de décrire la destruction dAmmonihah en se servant de
descriptions aussi subtilement nuancées ? Or, cest justement ce à quoi on pourrait
sattendre de la part de gens qui ont véritablement vécu dans une collectivité
aussi divisée. Pourquoi Joseph irait-il décrire les Lamanites dune manière
relativement positive dans Mosiah 9:1-7 pour passer, quelques phrases à peine plus loin,
à lattitude totalement négative de Mosiah 9:10-10:18 ? Cest justement le
genre de chose auquel nous pourrions nous attendre de la part dun Zénif authentique
écrivant quelques versets avant et ensuite au milieu dun violent affrontement
treize ans plus tard.
[25] Voici un exemple de ce genre de questions: Si les termes Néphites et Lamanites
navaient quune signification religieuse ou politique, pas un sens
héréditaire, que signifient les sous-catégories telles que Jacobites, Joséphites et
Zoramites que lon trouve dans 4 Néphi 1:36 ?
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