Pourquoi Zeezrom a-t-il essayé de
soudoyer Amulek ?
Par
Book of Mormon Central KnoWhy 118
Mormon interrompt
brusquement la prédication d’Alma et d’Amulek à Ammonihah dans Alma 11
pour décrire le système monétaire néphite (en fait un système de poids et
mesures) [1]. Immédiatement après avoir décrit ce système (Alma 11:1–20),
Mormon réintroduit Zeezrom, déjà mentionné dans Alma 10, et dit de lui
qu’il « était expert dans les stratagèmes du diable, afin de détruire ce
qui était bon » (v. 21).
Étant l’un des hommes de loi corrompus et
riches d’Ammonihah (Alma 10:31–32), Zeezrom en profitait en excitant « le
peuple à des émeutes et à toutes sortes de troubles et de méchanceté […],
afin d’obtenir de l’argent selon les actions en justice qui étaient
portées devant [lui] » (Alma 11:20). Après avoir obtenu son consentement,
Zeezrom commence à interroger Amulek sur des points de doctrine dans une
tentative transparente de le piéger dans ses paroles (v. 21–46).
Ce
qui est curieux, c’est ce que Zeezrom fait en premier. Au lieu de poser
une question, il tente de soudoyer Amulek pour qu’il nie l’existence de
Dieu. « Zeezrom lui dit: Voici, j'ai ici six ontis d'argent, et je te les
donnerai tous si tu nies l'existence d'un Être suprême » (v. 22). Amulek
rétorque : « Tu sais qu’il y a un Dieu, mais tu aimes le lucre plus que
lui » (v. 24). N’ayant pas réussi à l’acheter, Zeezrom, à ce moment-là,
pose ses questions pièges auxquelles Amulek va répondre avec précision et
perspicacité.
Il y a manifestement plusieurs choses qui se passent
ici. Tout d’abord, la décision de Mormon de s’interrompre ici pour
introduire le système monétaire néphite est logique à la lumière de la
tentative de soudoiement de Zeezrom. Pour donner au lecteur une bonne
compréhension de la gravité de la situation, et pour l’aider à mieux se
rendre compte à la fois du niveau de corruption qui existait à Ammonihah
et de la nature de la tentation d’Amulek, Mormon insère sa description du
système monétaire à cet endroit du récit. En bref, une fois qu’il connaît
le système monétaire néphite, le lecteur connaît la valeur du pot-de-vin
de Zeezrom : environ quarante-deux jours de travail (v. 3, 5–13) [2].
En outre, le nom de Zeezrom lui-même peut très bien être un
dysphémisme, un mot ou un nom délibérément péjoratif ou peu flatteur
destiné à dénigrer la personne visée. Ce serait bien dans la manière
littéraire hébraïque ancienne bien connue, qui emploie à la fois des
euphémismes et des dysphémismes pour remplacer notamment des noms [3]. En
l’espèce, comme l’explique Stephen Ricks, « le nom propre Zeezrom dans le
Livre de Mormon . . . peut avoir le sens de « celui de l’ezrom. » Ricks
poursuit : « Ezrom / Ezrum est un mot néphite mentionné dans Alma 11:6,
12, comme unité de mesure d’argent. Comme mesure en argent (qui, en
hébreu, se dit kesep, « argent (métal) et argent (numéraire) »), il peut
être l’équivalent d’argent liquide, avec le sens « celui de l’argent, du
numéraire », mettant en évidence l’obsession de Zeezrom pour l’argent [4].
Commentaire
La tentative de Zeezrom de
soudoyer Amulek a pu être une technique de débat : pour narguer,
décontenancer ou distraire son adversaire. Il est inimaginable qu’Amulek
accepte un pot-de-vin aussi flagrant. La loi de Moïse, dans Exode 23:8,
interdit expressément aux Israélites d’accepter des pots-de-vin (« présent
» dans la version Segond), et le Psaume 15:5 insiste sur le fait que ceux
qui souhaitent entrer dans le lieu saint (le temple ou la « montagne
sainte » du Seigneur) doivent rejeter les pots-de-vin et autres pratiques
d’extorsion.
Comme Amulek, en tant que nouveau converti à la
prédication d’Alma, serait désormais tenu d’obéir à cette loi, Zeezrom
s’est peut-être réjoui des limites éthiques nouvellement adoptées par
Amulek. En tant qu’homme riche à Ammonihah, Amulek avait peut-être obtenu
tout ou partie de son statut social et de sa situation économique
enviables grâce aux pratiques commerciales qui avaient cours dans le fief
néhorite qu’était Ammonihah, et Zeezrom a pu se dire qu’il pouvait se
permettre de lui tendre ce genre de piège.
Mais Mormon a peut-être
délibérément affublé Zeezrom de ce nom en réaction à cette tentation
désinvolte. L’emploi de ce nom péjoratif ne manque pas d’une certaine
ironie : c’était Zeezrom, littéralement « celui de l’argent », qui tentait
de soudoyer Amulek avec de l’argent. Cela renforce le portrait intensément
négatif que fait Mormon des habitants d’Ammonihah, qui sont, à l’exception
d’Amulek et de quelques autres croyants, présentés comme corrompus,
avides, meurtriers et blasphémateurs. Zeezrom n’était rien d’autre que de
l’argent, inerte et de la pègre. En présentant cette histoire comme il le
fait, Mormon, en nous montrant un Zeezrom qui a recours à une tentative
faible et vaine de soudoyer Amulek ne fait que renforcer la position de ce
dernier.
Tout cela sert à brosser un tableau vivant dans Alma 11.
Zeezrom, homme de loi riche et corrompu, pensait que son argent pouvait
lui acheter n’importe quoi. Ayant construit une carrière réussie sur
l’exploitation des autres (Alma 10:32), il pensait pouvoir amener Amulek à
renier sa foi (et donc compromettre son message crucial et celui d’Alma)
pour juste le bon prix. Cependant, derrière sa richesse et son arrogance,
Zeezrom manquait manifestement d’assurance et n’était absolument pas
préparé à affronter l’homme intègre qu’était Amulek dans un débat
doctrinal. Son gagne-pain était directement menacé par la prédication
d’Alma et d’Amulek, et il a donc d’abord eu recours à ce qu’il connaissait
le mieux : l’argent. Le cupide Zeezrom pouvait parler haut et fort, mais
Amulek allait rejeter son pot-de-vin et répondre adroitement à ses
questions.
Le récit de Mormon concernant la rencontre de Zeezrom
avec Amulek dans Alma 11, avec la parenthèse révélatrice au bon endroit
sur le système monétaire néphite, a donc été très délibéré et
magistralement exécuté.
NOTES
[1] John W.
Welch, “Weighing and Measuring in the Worlds of the Book of Mormon,”
Journal of Book of Mormon Studies 8, no. 2 (1999): 36–45, 86 [2]
Welch, “Weighing and Measuring in the Worlds of the Book of Mormon,”
38–39; “Zeezrom,” in Book of Mormon Reference Companion, ed. Dennis L.
Largey (Salt Lake City, UT: Deseret Book, 2004), 800. [3] Voir Marvin
H. Pope, “Euphemism and Dysphemism in the Bible,” in The Anchor Bible
Dictionary, ed. David Noel Freedman, 6 vols. (New Haven, CT: Yale
University Press, 1992), 1:720–725; Paul Y. Hoskisson, “Dysphemisms,”
Insights 31, no. 2 (2011): 2; “Euphemism and Dysphemism,” online at
jewishvirtuallibrary.org. [4] Stephen D. Ricks, “A Nickname and a Slam
Dunk: Notes on the Book of Mormon Names Zeezrom and Jershon,” Interpreter:
A Journal of Mormon Scripture 8 (2014): 192; compare Gordon C. Thomasson,
“What’s in a Name? Book of Mormon Language, Names, and [Metonymic]
Naming,” Journal of Book of Mormon Studies 3, no. 1 (1994): 15–16.
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