L'AUTORITÉ DANS LE LIVRE DE
MOSIAH
Daniel C. Peterson
F.A.R.M.S. Paper 1991
On a fait la réflexion, à
juste titre, que le Livre de Mormon est probablement le premier texte
scripturaire mormon publié qui mentionne la structure et la nature de la
prêtrise [1]. Il est donc important de comprendre ce qu’il a à dire à ce
sujet. Le but de cette étude est d'examiner une partie du texte du Livre
de Mormon, le livre de Mosiah, comme première étape pour dégager la
doctrine générale de la prêtrise dans l’ensemble du livre. Pour ce faire,
il sera tenu compte de chaque verset du livre de Mosiah qui traite, que ce
soit directement ou indirectement, des questions de la prêtrise et de
l'autorité.
Le livre de Mosiah est un bon endroit pour commencer, parce qu'il y a de
bonnes raisons de croire que c'est la première partie du Livre de Mormon,
tel que nous l’avons, qui ait été traduite en anglais [2]. Donc, si le
Livre de Mormon est l'un des plus anciens textes scripturaires de l'Église
à traiter de la question de la prêtrise, le livre de Mosiah pourrait être
la plus ancienne partie du texte anglais du Livre de Mormon à le faire.
C'est donc un indice important de ce que les tout premiers saints ont pu
savoir sur la prêtrise. D’autre part, et je reviendrai plus loin sur ce
sujet, on s’est servi du livre de Mosiah pour appuyer des prises de
position concernant la prêtrise qui, je pense, sont profondément erronées.
Le sujet mérite donc d’être examiné de près.
CONTEXTE: LA PRÊTRISE DANS LES PETITES PLAQUES
Une des choses les plus frappantes en ce qui concerne la prêtrise dans le
Livre de Mormon, c’est non seulement le peu de choses que les petites
plaques de Néphi (de 1 Néphi à Omni) ont à dire sur le sujet, mais aussi
le fait que ce manque d’intérêt apparent disparaît tout à coup quand, avec
le livre de Mosiah, nous entrons dans l'abrégé des grandes plaques de
Néphi fait par Mormon. Le terme « prêtre », par exemple, apparaît, selon
la Concordance de Reynolds, 125 fois dans le Livre de Mormon, soit
tel quel, soit dans des dérivés comme « prêtrise » ou des expressions
comme « intrigues de prêtres ». Or, on ne le trouve que huit fois dans la
partie du Livre de Mormon qui précède le livre de Mosiah. Cela veut dire
que 6,4% seulement des mentions des mots «prêtre» ou «prêtrise» se
trouvent dans une partie du Livre de Mormon qui constitue quelque 27% de
l’ensemble du livre – moins que le quart des mentions auxquelles on
pourrait raisonnablement s’attendre. Cette situation est encore plus
frappante quand on sait que l'une de ces huit mentions se trouve dans la
citation d'Ésaïe dans 2 Néphi 18:2. (Si nous ignorons ce passage, notre
pourcentage tombe à 5,6%) [3].
Comment les petites plaques de
Néphi conçoivent-elles les « prêtres » et la « prêtrise » ? Notre
échantillon est peut-être trop petit pour permettre un jugement définitif,
mais il apparaît que l'attitude des auteurs des petites plaques vis-à-vis
des prêtres et de la prêtrise n’est pas totalement positive. (Il semble
qu’à cet égard, les prophètes néphites aient partagé les sentiments du
contemporain de Léhi, Jérémie. Voir Jérémie 1:18; 2:8, 26; 4:9; 5:30-31;
6:13; 13:13; 23:11, 33-34; 32:32; Lamentations 2:6; 4:13. D'autres
prophètes, comme dans Ésaïe 24:1-6, 26:7 et Néhémie 9:33-34, pour ne
prendre que quelques exemples parmi beaucoup d'autres, ont fait des
commentaires péjoratifs du même genre. Il suffit de penser à Hophni et à
Phinées, dans 1 Samuel 2-4, ou à la parabole du bon Samaritain racontée
dans Luc 10, pour se rendre compte à quel point la notion du méchant
prêtre est répandue dans les Écritures.) Dans 2 Néphi 10:5, par exemple,
Jacob prédit que « [l]es intrigues de prêtres et [l]es iniquités… à
Jérusalem » mèneront à la crucifixion du Sauveur. Dans 2 Néphi 26:29,
Néphi définit « les intrigues de prêtres » et montre que le Seigneur les
condamne. Dans 2 Néphi 28:4, Néphi dit que les derniers jours seront
caractérisés par les querelles entre « prêtres » qui « enseigneront avec
leur instruction et nieront le Saint-Esprit qui donne de s'exprimer ».
Cette attitude manifestement négative est peut-être le résultat de
l'expérience désagréable que Léhi et sa famille semblent avoir eue avec
les autorités politiques et ecclésiastiques de Jérusalem. Ces expériences
ont certainement été un sujet fréquent de conversation et d'enseignement
parmi les enfants croyants de Léhi. Plus vraisemblablement, puisque Jacob
n'a vu Jérusalem qu'en vision (1 Néphi 18:7; 2 Néphi 6:8-10) et que Néphi
est ici en train de prophétiser (2 Néphi 25:7 ; 26:14 ; 28:1,3),
l'attitude négative était en fait celle du Seigneur et représente ce qu’il
pensait de la corruption provoquée dans son peuple du Vieux Monde. Mais
quelle qu’ait été l'attitude des premiers Néphites vis-à-vis du mauvais
usage possible de l'autorité de la prêtrise, il est clair que leurs
premiers écrits contiennent très peu de commentaires positifs – en fait
très peu de commentaires de quelque sorte que ce soit – sur les prêtres et
la prêtrise.
Il est cependant également clair qu'ils ne rejetaient pas l'idée de la
prêtrise en tant que telle. Néphi lui-même, par exemple, ordonnera ses
frères Jacob et Joseph selon le saint ordre de Dieu (2 Néphi 6:2; cf. 2
Néphi 5:25; Jacob 1:18; et aussi Alma 13:1, 2, 6, 8 et D&A 107:2-4). Deux
siècles plus tard – si pas bien avant – un système complet de prophètes,
de prêtres et d'instructeurs existait chez les Néphites (Jarom 1:11) [4].
En ordonnant des prêtres, Néphi agissait comme une sorte de roi parmi son
peuple – ce qui était, bien sûr, ainsi que le voyait le peuple (voir 2
Néphi 5:18-19 ; 6:2) [5]. L'ordination est aussi essentiellement une
prérogative royale dans le livre de Mosiah, même si, comme nous le
verrons, un changement spectaculaire dans ce domaine apparaît vers la fin
du livre. Que l’on me comprenne bien. Je ne veux pas dire que les rois
néphites avaient, d’une façon ou d’une autre, le droit d'ordonner
simplement parce qu'ils détenaient le pouvoir politique. Ce que je veux
dire, au contraire, c’est que la royauté, chez les Néphites, était un
appel dans la prêtrise [6]. Un coup d’œil sur les indications fournies par
le livre de Mosiah et aussi par d'autres passages du Livre de Mormon
devrait montrer que ce que je dis est plausible, sinon prouvé. En fait, au
moins plusieurs des rois néphites – Néphi (qui était pratiquement roi,
voir 2 Néphi 6:2), Mosiah Ier (voir Omni 1:12-22), Benjamin, et Mosiah II
– étaient en fait des prophètes importants. Le roi Benjamin nomme des
prêtres à Zarahemla (Mosiah 6:3). Dans le royaume néphite secondaire qui
ne durera que peu de temps dans le pays de Néphi, Zénif exerce son droit
de souverain et ordonne des prêtres. On se rappellera, bien sûr, qu'ils
seront ensuite révoqués par son fils et successeur, Noé. Celui-ci va les
remplacer par ses propres prêtres, qui soutiendront plus son mode de vie
et qui seront plus malléables entre ses mains (Mosiah 11:5). Il est
important de noter que plus tard, quand les prêtres de Noé prennent la
fuite, le roi des Lamanites va, lui aussi, les nommer « instructeurs » de
son peuple (Mosiah 24:4-5). Nous devons, bien entendu, garder à l'esprit
qu'Amulon et ses collègues ne semblent pas exercer de fonctions
sacerdotales chez les Lamanites. Apparemment, ils n'avaient jamais
vraiment eu beaucoup d'intérêt pour ce genre de choses et par conséquent,
leur enseignement parmi les Lamanites (la langue néphite, la tenue
d’annales et l’alphabétisation) était tout à fait profane. Mais le fait
que les Amulonites avaient une conception typiquement laïque de leurs
fonctions ne doit pas nous faire perdre de vue leurs origines
sacerdotales, pas plus que le mauvais usage que fait Noé de son rang ne
doit nous faire perdre de vue sa qualité de prêtre.
Cette notion de royauté sacerdotale est peut-être un peu déconcertante
pour le lecteur moderne qui vit dans une société où la séparation de
l'Église et de l'État est une question de principe [7]. Mais les Néphites
n'étaient pas des hommes modernes et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils
n’aient pas entretenu nos conceptions modernes. La royauté dans le Livre
de Mormon est une affaire très religieuse, tout comme elle l’était (ou
était censée l’être) chez les Israélites du Vieux Monde [8]. C’est ainsi,
par exemple, qu’après son célèbre discours, Benjamin « consacre » son fils
Mosiah comme son successeur (Mosiah 6:3), de la même manière que lui-même
avait été « consacré » par son père (Mosiah 2:11) [9]. Bien entendu, le
même verbe est utilisé pour l'ordination des prêtres dans le Livre de
Mormon (dans 2 Néphi 5:26, 6:2; Jacob 1:18; Mosiah 11:5, 23:17; Alma 4:4,
4:7, 5:3, 15:13, 23:4). Dans l’American Dictionary of the English
Language de Noah Webster (1828), une excellente source pour comprendre
le langage que Joseph Smith a utilisé pour traduire les annales néphites,
le mot « consécration » est « l'acte ou cérémonie par lequel on sépare
d’un usage commun en vue d’un usage sacré ou la mise à part d'une personne
ou d’une chose pour le service et le culte de Dieu selon certains rites ou
solennités » [10]. Comme exemples, Webster cite « la consécration des
prêtres parmi les Israélites » et « la consécration d’un évêque » [11]. De
fait, Mosiah, fils de Benjamin, n'était pas simplement un souverain
séculier, mais aussi un « voyant », ce qui, d’après ce que nous apprend le
Livre de Mormon, est un titre encore plus élevé que celui de « prophète »
(Mosiah 8:13-18; 21:28; 28:16). La voyance se rattachait à la possession
de certains objets, appelés « interprètes » (Mosiah 8:13). De même, il
apparaît que la royauté néphite se rattachait également à la possession de
certains objets matériels et était même symbolisée ou légitimée par eux
[12]. Ce qui explique pourquoi Néphi emporte les plaques d'airain quand il
quitte le pays de Néphi, entre autres, peut-être parce qu’elles sont le
symbole de sa légitimité. Les Lamanites, quant à eux, avaient la même
perception de l'importance des plaques que Néphi, comme le montre leur
affirmation tant de fois répétée qu'en les prenant, Néphi « avait commis
un acte de brigandage contre eux » au même titre « qu’ils disaient qu’il
leur avait pris des mains le gouvernement du peuple » (voir Mosiah
10:15-16; cf. 2 Néphi 5:3, Alma 20:10,13). Quand Benjamin transmet le
royaume à son fils Mosiah, il lui donne aussi les plaques d'airain, les
plaques de Néphi, l'épée de Laban et le Liahona (Mosiah 1:15-16) [13].
Bien entendu, la possession par le souverain des plaques d'airain
représente sans aucun doute plus que la nécessité pour le roi de prouver
sa légitimité. Deutéronome 17:18-20 stipule que le roi israélite doit
conserver à tout moment auprès de lui une copie de la loi pour toujours
garder à l'esprit les commandements de Dieu. Mais il doit être clair que
le monarque néphite est plus qu’un simple souverain laïque dans un
gouvernement laïque.
La nature sacerdotale du titre de roi chez les Néphites ressort, je pense,
également dans d'autres domaines. Dieu, dit Benjamin, est celui qui nomme
les rois (Mosiah 2:4) [14]. L'idéologie zénifite affirme que Néphi a été
choisi par Dieu pour diriger son peuple (Mosiah 10:13) [15]. Le roi
représente donc Dieu sur la terre et, quand il est juste et inspiré, ses
actes sont les actes de Dieu. On se rappellera la définition que Joseph F.
Smith donne de la « prêtrise » : « D’une manière générale, la prêtrise est
l'autorité donnée à l'homme d'agir pour Dieu [16]. » Il n’y a donc rien
d’anormal à ce que le livre de Mosiah, qui parle de façon répétée de rois
ordonnant des prêtres et des instructeurs, dise que c’est Dieu qui désigne
les instructeurs (voir Mosiah 2:4). De même, un roi inspiré peut être
considéré comme parlant au nom de Dieu et faire une distinction entre eux
à cet égard ne signifie pas grand chose (voir Mosiah 2:31) [17]. Dieu et
le roi sont liés et se représentent mutuellement dans leur sphère
respective (Mosiah 2:19) : Dieu gouverne tout l'univers, d'une manière
macrocosmique, alors que le roi gouverne d'une manière subordonnée et
microcosmique une partie limitée de l'univers de Dieu [18].
LE RÔLE DES PRÊTRES
La société dans laquelle les rois néphites règnent est centrée sur le
temple. Peu après leur arrivée dans le Nouveau Monde, les membres de la
colonie de Léhi vont construire « un temple... à la manière du temple de
Salomon » (2 Néphi 5:16). Les annonces importantes se font au temple
(Mosiah 1:18; 2:5, 6) [19]. Ceci ne vaut pas seulement pour Zarahemla,
mais aussi pour la colonie parente de Zénif dans le pays de Néphi (Mosiah
7:17). Même le roi Noé, qui n'est pas un modèle de spiritualité, prodigue
de l'argent pour son temple qui est desservi par les prêtres qu'il a
choisis (Mosiah 11:4-5, 7, 10-11) [20]. Le rôle des prêtres néphites,
comme on nous le répète souvent, est d'« enseigner ». Ils enseignent tout
particulièrement, ou du moins ils prétendent enseigner, la loi de Moïse
(voir Mosiah 12:25, 28; 18:18; 23:17; 25:21). Bien entendu, Abinadi s’en
prend aux prêtres hypocrites de Noé parce qu’ils n’enseignent pas
correctement la loi de Moïse (Mosiah 13:25-26), mais rien ne permet de
croire qu’ils ne l’ont pas enseignée du tout. Ils prétendent que le salut
vient de la loi de Moïse – une proposition qu'Abinadi condamne comme étant
une mauvaise interprétation (voir Mosiah 12:32 et, par contraste, 13:28,
32). Pour leur part, le roi Benjamin et le prophète Abinadi insistent sur
le fait que la loi de Moïse a été donnée parce que les Israélites avaient
« le cou roide » et résistaient à une loi supérieure et que son but
principal est d'annoncer la venue du Christ (Mosiah 3:14-15; 13:29-31; cf.
2 Néphi 11:4; 25:24-30; Jacob 4:5; Alma 25:15; 34:14).
À première vue, on est frappé par le fait que les « prêtres» dans Mosiah
(et ailleurs dans le Livre de Mormon) ne font apparemment qu'enseigner
[21]. Les « prêtres et instructeurs» sont mentionnés de façon répétée.
Cela tient peut-être au fait que Joseph Smith utilisait le mot prêtre
pour désigner les prédicateurs de son temps. Dans son dictionnaire de
1828, Noah Webster écrit qu'aux États-Unis, le mot prêtre désigne un
« ministre autorisé de l'Évangile ». Et c'est, en fait, essentiellement
la façon dont Joseph Smith utilise le terme. L'ébauche de son « Histoire »
de 1839, par exemple, parle de visites de « plusieurs prêtres savants »
qui contestaient ses affirmations théologiques, alors que le contexte fait
plutôt penser à des prédicateurs protestants plutôt qu’à des prêtres
réellement catholiques ou orthodoxes [22]. La même utilisation apparaît
dans son récit des disputes religieuses qui ont précédé sa Première Vision
(voir JS–H 1:6).
En d'autres termes, est-ce que les « prêtres » de Mosiah sont de vrais
prêtres dans le même sens que ceux de la lignée lévitique dans la Bible
hébraïque? Il est évident que s'ils sont réellement des docteurs de la loi
de Moïse, on doit trouver des indications non seulement de ce qu’ils
commentent ses préceptes moraux, mais aussi de ce qu’ils transmettent et
appliquent son système de sacrifices. Après tout, nous avons le temple
comme centre spirituel (et peut-être littéral) de la société néphite et
nous avons des indications (faibles, il faut bien l’avouer) de sacrifices
mosaïques dans le livre de Mosiah (Mosiah 2:3-4; cf. 1 Néphi 5:9; Alma
34:13-14). De plus, quand on lit soigneusement Mosiah 1-6, on y découvre
des indices plausibles de ce que les Néphites ont célébré intégralement,
au moins en cette occasion, une fête mosaïque des Tabernacles [23]. Soit
dit en passant, celle-ci propose aussi une possibilité d’interprétation
intéressante : Si le discours du roi Benjamin coïncide effectivement avec
une fête néphite des Tabernacles, la célébration solennelle et émouvante
du jour des Expiations a dû avoir lieu dans les quelques jours qui ont
précédé. Aussi, quand, dans Mosiah 4:2, le peuple crie pour que le « sang
expiatoire du Christ » lui soit appliqué, il n'est pas difficile
d'imaginer ce cri comme un écho de la période de fêtes profondément
religieuses qu’il vient de traverser, aussi bien que des sacrifices
caractéristiques de la fête qu’il est occupé à célébrer. Les Néphites
étaient après tout un peuple qui comprenait l'Evangile de Jésus-Christ
mais qui continuait à vivre selon les prescriptions et les ordonnances de
la loi de Moïse, une possibilité que permettent Galates 3:8 et Moïse 6:54,
59-62. Il venait d’entendre de son roi un message que celui-ci avait reçu
d’un ange à propos du « sang expiatoire du Christ » (Mosiah 3:11). Il
comprenait la signification réelle des ordonnances et des rituels stipulés
par la loi mosaïque, qui avaient pour but de préfigurer le Christ (2 Néphi
11:4; 25:23-26; Jacob 4:5; 7:7; Jarom 1:11; Mosiah 3;14-15; Alma
25:15-16). Il devait donc avoir l’esprit orienté d'une façon
particulièrement puissante sur la venue du Sauveur par les rites du jour
des Expiations et de la fête des Tabernacles. John Tvedtnes observe : « Il
est significatif que la loi prescrit davantage de sacrifices pour
soukkot [les Tabernacles] que pour n’importe laquelle des autres fêtes
[24]. » Il est clair et abondamment attesté dans le Livre de Mormon avant
l’avènement du Christ que la loi mosaïque était pratiquée parmi les
Néphites (2 Néphi 5:10; 25:24) et il est donc tout aussi clair que les
« prêtres » du Livre de Mormon étaient réellement des prêtres et pas
simplement la projection, par un garçon de ferme du dix-neuvième siècle,
des prédicateurs itinérants du Réveil religieux de son temps dans son
conte historique pseudo-biblique [25].
« Les prêtres et les instructeurs » dont il est question tout au long du
Livre de Mormon sont souvent – bien que pas toujours – deux groupes
distincts, même s’il est indéniable que le livre attribue souvent des
fonctions d'enseignement à ses prêtres. Les « prêtres » et les
« instructeurs » sont mentionnés l’un après l’autre vingt-deux fois dans
le Livre de Mormon, et dans tous les cas sauf un, les « instructeurs »
sont mentionnés après les « prêtres », ce qui donne à penser qu'ils
pourraient représenter un office subordonné dans la prêtrise chez les
Néphites comme c’est le cas dans l’Église d’aujourd'hui [26]. (Il est
clair, d’après Moroni 3, que les offices étaient distincts, du moins dans
les pratiques néphites ultérieures). Cela semble confirmé par un incident
décrit dans Mosiah 26:7, où les « instructeurs » sont subordonnés aux
« prêtres » dans une hiérarchie composée d'instructeurs, de prêtres, et
d'Alma l'Ancien comme « grand prêtre » [27]. (Comme nous allons le voir
ci-dessous, Alma prenait ici la place du roi, qui semble avoir présidé les
prêtres dans les pratiques néphites antérieures [28].)
Les prêtres néphites semblent avoir joué le rôle d’une sorte de conseil
auquel le roi pouvait avoir recours pour avoir son avis. Mosiah II
consulte ses prêtres (Mosiah 27:1), tout comme le roi Noé consulte son
tribunal (qui imite manifestement ce qui se fait ailleurs) au pays de
Néphi (Mosiah 12:17) [29]. Dans Mosiah 17:11-12, ce sont en fait les
prêtres de Noé qui conseillent au roi de mettre leur ancien collègue Alma
à mort pour avoir abandonné leur mode de vie impie.
LES PREMIERS PRÊTRES NÉPHITES ÉTAIENT-ILS ORDONNÉS?
Le cas d'Alma l'Ancien soulève une question intéressante. Est-ce que les
prêtres de Noé étaient les détenteurs légitimes d’une prêtrise légitime?
Il n’est question nulle part d’une ordination d’Alma autre que le fait
qu’il faisait partie des prêtres ordonnés par Noé lors de son accession au
trône (Mosiah 11:5). D’où Alma tient-il donc son autorité dans la
prêtrise? Est-il possible qu'il ait agi comme prophète sans avoir été
ordonné? Cette possibilité a récemment été soulevée. « Il arrive, dit un
auteur, que certains, appelés de manière directe, sans intermédiaire,
n’attendent pas d’être ordonnés pour se lancer dans leur ministère.
L'ordination n'est donc pas présentée comme étant essentielle, que ce soit
pour créer une église ou une structure sacerdotale là où il n'en existait
pas précédemment, ou pour prêcher le repentir ou enseigner l'Évangile, ou
pour critiquer une structure ecclésiastique ou même politique existante
qui est devenue rigide ou corrompue [30]. »
Parmi les personnalités du Livre de Mormon dont il est dit qu’elles ont
reçu de Dieu un « appel sans intermédiaire » pour exercer l'autorité de la
prêtrise, il y a Léhi, Néphi, Samuel le Lamanite, Abinadi, Alma le Jeune
et Alma l'Ancien. Je vais examiner brièvement chacun de ces cas. Mais il
faut tout d'abord étudier la base théorique justifiant la thèse des appels
dans la prêtrise « sans intermédiaire ». On invoque Alma 13:1 comme preuve
de ce que « le Seigneur Dieu a ordonné des prêtres, selon son saint
ordre » sans aucun intermédiaire humain. Mais cela ne prouve rien de la
sorte puisque le Seigneur agit par l'intermédiaire des agents qu’il a
désignés et puisque cela ne fait pas de différence que ce soit par sa voix
ou celle de ses serviteurs (D&A 1:38). Nous avons déjà vu que les Néphites
fidèles pouvaient affirmer que c’était Dieu qui désignait un roi ou un
prêtre tout en connaissant parfaitement l’agent humain qui effectuait
cette désignation. On cite Alma 13:4 comme preuve que « c'est ‘l'Esprit de
Dieu’ et non un être humain » qui appelle à un office dans la prêtrise
[31]. Mais c'est là tout au plus une déduction peu convaincante d'un
verset assez ambigu. De plus, Alma 13:8, 10 et 16 montrent bien qu’il
était question d’ « ordonnances » et que les prêtres étaient « ordonnés »
d'une manière qui préfigurait le Fils de Dieu. Et Mosiah 21:33-35 laisse
clairement entendre que Limhi, en tous cas, n'acceptait pas l'idée
d'appels « sans intermédiaire » à une autorité dans la prêtrise.
LÉHI
En ce qui concerne
l'ordination de Léhi, la seule chose que l’on peut dire c’est que, d’un
point de vue logique, c’est un argument notoirement faible que de se
servir du silence des sources comme preuve. Les versets cités pour prouver
que personne n’a ordonné Léhi (1 Néphi 1:18-20) ne disent pas qu’il n'a
pas été ordonné; ils ne rapportent tout simplement pas qu'il l'a été. Et
le fait que le Livre de Mormon ne mentionne pas l'ordination de Léhi peut
être aussi accessoire que le fait que Luc ne mentionne pas le mariage
d'Élisabeth avec Zacharie.
NÉPHI
Néphi, fils de Léhi, détenait incontestablement une forme de prêtrise,
puisque, comme nous l’avons vu plus haut, il est écrit qu'il a ordonné ses
frères Joseph et Jacob. Il n’y a cependant rien d’écrit concernant sa
propre ordination. 1 Néphi 17:48-54 ne dit rien à ce sujet. Que
devons-nous conclure de ces lacunes dans la chronique néphite? Pour moi,
rien. Une fois de plus, de telles choses ne font que mettre le doigt sur
les caprices de la tenue des registres historiques; elles ne démontrent en
aucun cas que Néphi n'a pas été ordonné à la prêtrise.
SAMUEL LE LAMANITE
Dans le cas de Samuel le Lamanite, encore une fois, nous n'avons que le
silence des sources comme argument. Nous ne savons de lui que ce qui est
rapporté dans Hélaman 13-16. De toute façon, il n'y a aucun passage dans
le Livre de Mormon qui dit que Samuel ne détenait pas la prêtrise. Il n’y
a absolument rien dans les sentiments décrits dans Hélaman 13:5, 7 qui
porte à croire qu'il n'a pas été ordonné. Et, étant donné le silence
général du Livre de Mormon sur ce qui se passe chez les Lamanites quand
cela n’a pas d’effet direct sur les Néphites, nous ne devons pas nous
attendre à lire quoi que ce soit sur l'ordination de Samuel [32]. (Il est
significatif, pour ce que nous voulons montrer, que le Sauveur ressuscité
reconnaîtra plus tard Samuel comme étant son serviteur (voir 3 Néphi
23:9), ce qui confirme que Samuel était bien l'agent autorisé de Dieu au
moment où il a prophétisé au nom du Seigneur sur les murs de Zarahemla.)
ABINADI
Au risque de lasser le lecteur en me répétant, la même observation
s’impose dans le cas d'Abinadi : Il est vrai que Mosiah 11:20 et 12:1-2 ne
mentionnent pas son ordination. Mais que savons-nous de lui à part le bref
épisode avec le roi Noé et les prêtres de la cour? Rien. Est-ce que notre
ignorance nous autorise à dire qu'il n'a jamais été ordonné?
Le cas d'Abinadi montre aussi comment, quand le roi ne s’acquitte pas de
ses responsabilités, quelqu'un d'autre peut être appelé pour remplir son
rôle. Abinadi parle pour le Seigneur, sur son ordre, comme le roi était
censé le faire (Mosiah 11:20; 12:1-2; 13:6). C'est parce que le roi et les
prêtres ne se sont pas acquittés de leurs responsabilités qu'Abinadi
devait être envoyé par le Seigneur: « Avez-vous enseigné à ce peuple qu'il
doit s’appliquer à faire toutes ces choses pour garder ces commandements?
Je vous dis que non; car si vous l'aviez fait, le Seigneur ne m'aurait pas
fait sortir et prophétiser du mal concernant ce peuple » (Mosiah 13:25-26;
cf. 12:29).
Il ne faut donc pas s’étonner que le roi Noé, qui ne reconnaît pas sa
négligence à l’égard de l'intendance à laquelle il a été divinement
ordonné, exige de savoir « qui est Abinadi? » Qui est cet individu non
autorisé qui empiète sur mes prérogatives royales et qui a le toupet de
déclarer « que moi et mon peuple dev[ons] être jugés par lui »?
Mais quand il fait suivre cette question de l’arrogant « Qui est le
Seigneur? », la raison pour laquelle il fallait qu’Abinadi soit envoyé
devient tout à fait claire (voir Mosiah 11:27 ; italiques ajoutés) [33].
Noé a rompu son alliance avec Dieu, ce qui était la source suprême de son
autorité. Plutôt que de se reconnaître comme l’équivalent terrestre du Roi
céleste, il cherche à nier l'autorité de ce Roi céleste [34]. C'est
pourquoi quand il envoie Abinadi à Noé, le Seigneur dit à ce prophète au
sujet de la mort imminente du roi par le feu : « Il saura que je
suis le Seigneur » (Mosiah 12:3, italiques ajoutés) [35].
ALMA LE JEUNE
On peut avancer une argumentation quelque peu différente dans le cas
d'Alma le Jeune. On prétend qu’après sa conversion spectaculaire par
l’ange, « Alma n'attend pas d’être ordonné par une quelconque autorité
humaine. » Même dans ce cas-ci, il est possible qu'Alma le Jeune, fils
d'un prêtre, ait été déjà ordonné à un office dans la prêtrise avant sa
conversion. Mais il n’y a pas besoin d’ordination pour rendre compte d'une
expérience spirituelle et, d’après ce que Mosiah 27:32 nous dit, il ne
faisait rien de plus que cela. Il est cependant tout à fait erroné de
citer Alma 5:44, 49, 51 comme preuve de l’idée qu’Alma le Jeune ne se
réclamait d’aucune autorité autre qu’une conversion spectaculaire, même
plus tard dans sa carrière, puisque ce même discours commence par une
déclaration ferme de son autorité sacerdotale reçue par ordination: « Moi,
Alma, ayant été consacré pour être grand prêtre de l'Église de Dieu par
mon père, Alma, lui-même ayant pouvoir et autorité de Dieu de faire ces
choses » (Alma 5:3; cf. Mosiah 29:42) [36].
ALMA L'ANCIEN
Si les cas de Léhi, Néphi, Abinadi et Samuel sont relativement ambigus,
celui d'Alma l'Ancien ne l'est pas du tout. Il a été valablement ordonné
par Noé, qui avait été valablement ordonné par son père, comme nous
l’avons vu plus haut. À ce sujet, un auteur soutient que Mosiah 11:5
exclut toute ordination valable par Noé, mais on ne voit pas comment ce
passage pourrait dire quoi que ce soit de ce genre [37]. Le fait que Noé
n'était pas un juste et qu'Alma lui-même semble avoir violé les lois de
Dieu au début de son ministère n'a rien à voir avec son autorité
sacerdotale. Sauf si et jusqu'à ce qu’une autorité supérieure de la
prêtrise retire la permission d'exercer les fonctions sacerdotales, un
détenteur de la prêtrise légitime et ordonné peut continuer à accomplir
des ordonnances de la prêtrise qui sont valides – quelle que soit son
impiété personnelle, quelque sourd qu’il soit aux chuchotements de
l’Esprit et même s'il est très possible qu'il n'exerce jamais sa prêtrise
[38]. (Comme notre partisan des « appels sans intermédiaire » l’écrit
ailleurs à juste titre [quoique de manière un peu illogique] à un autre
endroit de son traitement du sujet : « la dignité n'est pas essentielle
pour le fonctionnement de la prêtrise. Si, par exemple, une personne était
baptisée par un détenteur de la prêtrise indigne, le baptême serait quand
même valable. » [39])
Alma, en fait, affirme détenir son autorité de Dieu (Mosiah 18:13),
affirmation que celui qui rédigera l’histoire plus tard reconnaîtra
implicitement comme valable (Mosiah 18:18) [40]. De plus, étant donné le
vide du pouvoir laissé par l’absence du roi Noé, le peuple implore Alma
d'assumer le titre et les prérogatives royaux (Mosiah 23:6). Il refuse le
titre mais, par nécessité, il exécutera certains devoirs de la royauté.
C'est Alma qui ordonne des prêtres et des instructeurs pour son peuple de
bannis au milieu duquel il est en fait la seule source humaine d'autorité
(Mosiah 18:18; 23:17). En effet, selon Mosiah 18:18, Alma va ordonner « un
prêtre par cinquante » de ses fidèles [41]. Les baptêmes accomplis par
Alma nécessitaient le pouvoir et l'autorité de Dieu (Mosiah 18:17). Un
auteur écrivant sur des sujets mormons, supposant erronément qu'Alma
n'était pas ordonné de manière valide, utilise le livre de Mosiah pour
montrer que le mormonisme, à ses débuts, « mettait davantage l’accent sur
la nature charismatique ou spirituelle de l'autorité rétablie que sur ses
aspects légaux. L'exercice de l'autorité dans les débuts de l'église
[mormone] découlait de l’action du Saint-Esprit plutôt qu'exclusivement de
l'ordination ou d'une fonction d'un poste dans l'Église. Ce n'est que
petit à petit que la description mormone de… l'autorité devient clairement
une affaire de légalité et de transmission [42]. » Il en voit un exemple
dans le fait supposé que l'autorité de baptiser d'Alma et même « la
prétention légale à l'autorité des prêtres et des instructeurs [ordonnés
par lui] reposai[ent] en fin de compte sur la réception charismatique de
l'autorité par Alma [43]. » Cependant, en interprétant de cette manière
l’histoire d'Alma et de son peuple, cet auteur non seulement ignore la
prêtrise très réelle clairement détenue par Alma avant la venue d'Abinadi,
mais il se trompe gravement à propos du récit du service de baptême d'Alma
aux eaux de Mormon [44]. Il lit Mosiah 18:12 et y découvre la prière
passionnée d'Alma : « Ô Seigneur, déverse ton Esprit sur ton serviteur,
afin qu'il fasse cette œuvre avec sainteté de cœur. » Puis il remarque que
le verset qui suit immédiatement dit que « l'Esprit du Seigneur fut sur »
Alma, qui affirme avoir « autorité du Dieu Tout-Puissant. » Ayant vu ceci,
et ayant confondu succession de faits et lien de cause à effet, notre
auteur en conclut que l'autorité d'Alma découle en fait d’une réponse
directe à sa prière par laquelle il demandait la « sainteté de cœur », au
lieu de découler d'une ordination officielle [45]. Toutefois, le passage
en question ne réclame pas une telle déduction et on ne peut même pas dire
qu’il la suggère si peu que ce soit. Assurément, les détenteurs de la
prêtrise à qui il n’est jamais venu à l’esprit de mettre en doute leur
autorité et qui se souviennent bien de l'imposition des mains qui,
estiment-ils, leur a donné cette autorité, peuvent comprendre que l’on
prie pour avoir l'Esprit avant d'accomplir une ordonnance [46]. Plus tard
dans l'histoire néphite, il est montré d'une manière absolument claire que
l’autorité de baptiser se reçoit par ordination (3 Néphi 7:25) [47].
L'ÉGLISE DU TEMPS DE MOSIAH II
La rupture, par Noé, de
l'ordre normal des choses dans la royauté néphite allait avoir des
conséquences durables dans l'histoire néphite. Tout d’abord, elle
contribua à transformer son ex-prêtre, Alma, en un antimonarchiste
fervent. « Voici », dit Alma, qui s’appuie sur la révélation divine [48]
aussi bien que sur ses expériences personnelles avec Noé, « il n'est pas
opportun que nous ayons un roi; car ainsi dit le Seigneur: Vous
n'estimerez pas une chair au-dessus d'une autre, ou un homme ne se
considérera pas comme étant au-dessus d'un autre; c'est pourquoi, je vous
dis qu'il n'est pas opportun que vous ayez un roi. Néanmoins, s'il était
possible que vous eussiez toujours des hommes justes comme rois, il serait
bien que vous ayez un roi. Mais souvenez-vous de l'iniquité du roi Noé et
de ses prêtres; et moi-même j'ai été pris au piège, et j'ai fait beaucoup
de choses qui étaient abominables aux yeux du Seigneur, qui m'ont causé un
profond repentir… ne vous [fiez] à aucun homme pour qu'il soit votre roi »
(Mosiah 23:7-9, 13). Alma commence sa dénonciation de la royauté en disant
que toute chair est égale, mais il ne tarde pas à mentionner la vraie
raison pour laquelle il s'oppose à la monarchie, à savoir que le roi
pourrait très bien se révéler impie – comme son ancien patron, Noé [49].
(Bien entendu, un roi vraiment juste ne s'estimerait pas meilleur que les
autres et ne permettrait pas aux autres de penser cela de lui; voir Mosiah
2:10-19, 26). Plus tard, à Zarahemla, Alma mettra l'accent sur l'égalité
dans l'Église, insistant pour que les prêtres et les instructeurs
travaillent pour subvenir à leurs besoins plutôt que de se reposer sur les
surplus des autres (Mosiah 27:4-5).
Une autre conséquence de l'iniquité de Noé fut, en fait, la création d'une
Église néphite. Il est frappant que, dans les petites plaques de Néphi –
c.-à-d., dans la partie du Livre de Mormon précédant Mosiah – l’on ne
trouve pas la moindre mention de l’existence d’une « église » dans le
Nouveau Monde, alors que ces mentions sont tout à fait courantes à partir
du livre de Mosiah [50]. Il n’est question, dans les petites plaques de
Néphi, que d'une seule église ayant une existence réelle, c’est
« l’église » à Jérusalem dont Laban était censé être membre (1 Néphi
4:26). Le lien de Laban avec cette « église » est peut-être presque
suffisant en soi pour expliquer la non-utilisation de ce terme dans les
petites plaques – une non-utilisation que n’interrompent que de rares
allusions dont la plupart sont péjoratives. (Ce sont des considérations du
même genre qui ont pu être à l’origine du peu d’empressement, dont nous
avons déjà parlé, des petites plaques à parler des prêtres et de la
prêtrise. Quand les prêtres et la prêtrise sont mentionnés, c'est dans le
contexte d'une mise en garde contre le mal que représentent les intrigues
de prêtres – un péché qui peut certainement affliger les églises,
précisément.) À l'exception de l’unique allusion à une église de Jérusalem
au temps de Léhi et d'une autre à l’église de Jérusalem au temps de Jésus
et des apôtres (2 Néphi 25:14), les seules apparitions du terme église
dans les petites plaques concernent « la grande et abominable Église »
eschatologique-apocalyptique (1 Néphi 13:4-6, 8, 26, 28, 32, 34; 14:3,
9-10, 15, 17; 22:13-14, 23; 2 Néphi 6:12; 26:20-21; 28:3, 12, 18) ou,
moins communément, l'Église de Dieu eschatologique-apocalyptique (1 Néphi
14:10, 12, 14; 2 Néphi 9:2). Ce qui frappe, encore une fois, c’est que
l’on ne trouve ici absolument aucune mention de l’existence d'une église
dans le Nouveau Monde, malgré le fait que les petites plaques couvrent
pratiquement les cinq premiers siècles de l'histoire néphite.
Rodney Turner fait la réflexion que « le Livre de Mormon n'indique pas la
nature exacte et l'importance de l'Eglise, en tant que telle, chez les
premiers Néphites [51]. » Si je ne me trompe, cela vient tout simplement
du fait que, chez les Néphites, il n'y avait pas d'Église [52].
Turner a raison de dire que, dans un certain sens, « l'Église s’est
trouvée sur la terre dans toutes les dispensations de l'Évangile depuis le
temps d'Adam. Bien qu’elle soit toujours fondée sur les clefs et les
pouvoirs associés à la Prêtrise de Melchisédek et comporte toujours
certains points de doctrine et des ordonnances de base, sa structure, en
matière d’organisation, dépend des temps et des circonstances dans
lesquelles elle est créée. L'Église de chaque dispensation a donc eu une
personnalité qui lui était propre [53]. » Mais il ne peut avancer aucune
preuve de ce qu'il existait, chez les Néphites d’avant Alma l’Ancien,
quelque chose qui ait ne serait-ce qu’une lointaine ressemblance avec ce
que nous reconnaissons aujourd'hui comme une organisation de l'Église. Ce
n’est qu’avec Alma que nous rencontrons une « Église » distincte dans le
vrai sens du mot grec ekklesia. (On se rappellera que ce terme
désignait, à l’origine, en grec classique, une assemblée des citoyens
convoquée par une sorte de crieur. Ce mot est apparenté au verbe
ekkaleo, « convoquer ». La notion de « séparation » lui est inhérente
et inévitable.)
Je me rends compte que je tire ici argument du silence des sources, une
façon de faire plus ou moins analogue au genre d’argument que j'ai
critiqué chez ceux qui militent pour la présence d’appels dans la prêtrise
« sans intermédiaire » dans le Livre de Mormon. Libre donc au lecteur d’en
faire ce qu’il veut. Une façon de l’évaluer est de le faire en fonction du
caractère, plausible ou non, de l’ensemble de ma thèse, dans laquelle cet
argument particulier a une place spécifique. Mais je dois dire que
l’absence de mention d’une Église dans les premiers temps néphites –
systématique sur de nombreuses pages et de nombreuses années, mais
seulement dans une partie précise des annales – me semble indiquer plus
vraisemblablement quelque chose de significatif que le fait, dans un livre
qui n’a nulle part tendance à donner des détails biographiques, de ne pas
mentionner, à l’occasion, l’ordination de personnes à la prêtrise.
C'est Alma qui va fonder l'Église chez les Néphites (Mosiah 23:16), dans
le sens d'une organisation existant séparément au sein de la société. Il
est facile de voir pourquoi il en est ainsi. Le roi, Noé, a renoncé à ses
responsabilités traditionnelles dans le système social hiérarchique des
Néphites, et Alma a pris sa place comme dirigeant spirituel et source de
l'autorité de la prêtrise pour ceux qui avaient rejeté le gouvernement de
Noé. La colonie d'Alma est donc devenue un groupe séparatiste comme la
communauté presque exactement contemporaine de Qumrān au bord de la mer
Morte [54]. Il ne suffisait plus de naître Néphite pour qu'un homme ou une
femme fasse partie du peuple de Dieu, tout comme cela ne suffisait
certainement plus pour les membres de la secte de Qumrān. On va, au
contraire, exiger de quiconque souhaite être compté parmi le peuple de
Dieu qu’il prenne une décision personnelle, en son âme et conscience,
qu’il fasse une alliance.
Pour Alma et ses disciples, cette décision va s’exprimer par le baptême
[55]. « Or, crie Alma à son peuple, je vous le dis, si c'est là le désir
de votre cœur, qu'avez-vous qui vous empêche d'être baptisés au nom du
Seigneur, en témoignage devant lui que vous avez conclu avec lui
l’alliance de le servir et de garder ses commandements, afin qu'il déverse
plus abondamment son Esprit sur vous?... Ils furent appelés, à partir de
ce moment-là, l'Église de Dieu, ou l'Église du Christ. Et il arrive que
quiconque était baptisé par le pouvoir et l'autorité de Dieu était ajouté
à son Église » (Mosiah 18:10, 17; cf. 18:13-16; 25:17-18). Même Alma va
recevoir l'immersion comme signe de son engagement vis-à-vis du Seigneur
(Mosiah 18:4-5) [56].
Un tout petit peu plus tard, le roi Limhi et son peuple vont aussi désirer
être baptisés pour exprimer leur engagement à faire la volonté de Dieu.
Mais « ils ne se constituèrent pas en Église à ce moment-là » parce
qu'« il n'y avait personne dans le pays qui eût l'autorité de Dieu » [57].
Après tout, Alma s'était déjà enfui, de même que les prêtres de Noé, des
prêtres corrompus mais valablement ordonnés. Noé était mort et dans des
circonstances telles qu’il n’avait pas pu « consacrer » Limhi comme son
successeur selon la pratique néphite. (Ammon, le guerrier venu de
Zarahemla, qui avait dirigé l'expédition pour les retrouver, avait
manifestement l'autorité de la prêtrise, mais se sentait indigne de
l'exercer et refusa d'accomplir l'ordonnance du baptême pour eux. (Voir
Mosiah 21:33-35 à propos de tout ceci.) Plus tard, quand les groupes
dirigés par Alma et Limhi seront réunis à Zarahemla, le peuple de Limhi
sera baptisé par Alma. « Oui, et tous ceux qu'il baptisa appartinrent à
l'Église de Dieu » (Mosiah 25:17-18).
Il serait naturellement ridicule de prétendre que le baptême était inconnu
chez les Néphites avant le temps d'Alma. Les allusions au baptême ne sont
pas rares sur les petites plaques. En effet, Moïse 6:52-53, 64 nous
apprend qu’Adam connaissait l'ordonnance. Mais il est important de
remarquer qu'alors qu’il est dit que le baptême « accomplit tout ce qui
est juste », ouvre la porte du salut et nous permet d'obtenir la rémission
des péchés, aucun texte des petites plaques ne décrit le baptême comme un
rite initiatique pour entrer dans une église, pas plus que dans le cas
d’Adam. Il est également important de garder à l’esprit que l'Église et la
prêtrise ne sont pas inséparablement liées. Il est possible à la prêtrise
d'exister sans Église (bien qu’il soit impossible à la véritable Église
d'exister sans la prêtrise) [58]. Comme on l’a souvent remarqué, l'Eglise
d'aujourd'hui est simplement l’échafaudage essentiel mais temporaire qui
entoure une structure famille éternelle-prêtrise en cours de construction;
en attendant que cette construction soit finie à un moment donné du futur
postmortel, la prêtrise est transmise par et associée à l'Église. Dans 2
Néphi 31:9, 18, il est clair que le baptême était connu et pratiqué par
les premiers Néphites, en accord avec la loi éternelle, comme première
étape sur le chemin de la vie éternelle. Nous ignorons dans quelle sorte
de société religieuse ou de communauté confessionnelle, s'il y en avait,
les personnes entraient par ces premiers baptêmes. En fait, il n'est pas
évident du tout que le baptême ait toujours signifié l'entrée dans une
église ou que l'entrée dans une église ait toujours fait partie de ce
chemin [59].
Je propose, à titre d’hypothèse de travail que les lecteurs et les
étudiants du Livre de Mormon devront tester, que la prêtrise des premiers
Néphites était transmise et recevait sa structure par l’intermédiaire de
la famille et du clan plutôt que par l’intermédiaire d’une structure en
forme d'église. De plus, j’avance la proposition que les premiers Néphites
trouvaient leur principale identification sociale et religieuse dans le
fait même qu'ils étaient Néphites. Dans les tout premiers temps des
Néphites dans le Nouveau Monde, il avait fallu, pour pouvoir suivre Néphi,
s'engager délibérément, ce qui pouvait exiger des sacrifices pour ceux qui
le faisaient. Les prophètes prêchaient le baptême et le recommandaient
vivement à ces premiers Néphites comme quelque chose d’agréable à Dieu et
de nécessaire pour le salut dans son royaume – mais il était aussi facile
pour un Néphite non baptisé de se considérer malgré tout comme membre du
peuple de Dieu (tout en étant quelqu’un qui n’en était pas encore arrivé à
accomplir une ordonnance importante) que pour certains saints des derniers
jours d’aujourd’hui de se sentir membres de l'Eglise, et même membres
croyants, même s’ils négligent le service de Sainte-Cène, boivent du café,
fument et se marient en dehors du temple. Cependant, à un moment donné, il
est apparu qu'être Néphite pouvait devenir, et était peut-être déjà devenu
pour beaucoup, une simple affaire de lignage et que par conséquent cela ne
nécessitait aucun engagement personnel, en âme et conscience, de servir le
Seigneur. Il était évident que les Néphites en tant que tels n'étaient pas
le « peuple du Seigneur ». il devenait souhaitable d’avoir une définition
plus précise de ce terme et un signe pour savoir qui devait être compté
parmi le peuple du Seigneur et qui ne devait pas l’être.
Quoi qu’il en soit, « l'Église », cette innovation créée indirectement par
le roi Noé dans le pays de Néphi, maintint son existence au pays de
Zarahemla. Le roi Mosiah accorda à Alma le droit « d'établir des Églises
dans tout le pays de Zarahemla », et l'autorisa à « ordonner des prêtres
et des instructeurs sur toutes les Églises » (Mosiah 25:19) [60] – une
prérogative qui appartenait jusque là à la royauté [61]. En effet, Mosiah
donna à Alma autorité sur l'Église (Mosiah 26:8), déléguant ainsi de fait
à un autre homme une partie majeure de l'autorité sacrée qui avait
traditionnellement été attachée au trône néphite. (Dans ce qui suit, nous
verrons que Mosiah se sentait dépassé par les responsabilités qu'il avait
en tant que roi. Il était sans doute ravi de se débarrasser de certaines
d'entre elles.) Les prêtres dans l'Église de Zarahemla enseignaient à la
population ce qu'Alma leur disait d'enseigner (Mosiah 25:21), celui-ci
l’ayant de son côté reçu de Dieu, qu'il représentait. C’est ainsi que la
hiérarchie pyramidale : roi céleste, roi terrestre, prêtres, instructeurs
et peuple, si caractéristique de la pensée et de la pratique des premiers
Néphites, survécut sous le nouvel ordre, bien que sous une forme quelque
peu différente.
Il est vrai que le roi Mosiah
semble s’être conservé un conseil de prêtres-conseillers même après
l'établissement de l'Église à Zarahemla (Mosiah 27:1). Il est possible que
ces hommes soient restés comme corps de prêtres indépendants de la
nouvelle Église – la transition d'une structure de prêtrise non
ecclésiastique à une structure ecclésiastique ne s'est pas forcément
produite en une seule fois ni d’une manière absolument sans heurts – il
n'y a aucune raison contraignante de penser que ce fut le cas [62]. Si ce
qui s’est passé d’une manière quasiment universelle dans les civilisations
évoluées du Vieux Monde vaut également pour les Néphites, leur prêtrise
devait être constituée d’un grand nombre des hommes les plus instruits et
les plus subtils de la société et elle devait être un réservoir naturel de
conseillers talentueux pour le monarque. Il n'y aurait aucune raison, même
après l'établissement de l'Église, pour que le roi Mosiah renvoie ses
conseillers, quel que fût leur niveau au sein de la prêtrise. Et il vaut
effectivement de remarquer que le problème sur lequel ils lui donnent des
conseils, selon Mosiah 26:38-27:2, est une question politique dépassant
l'Église et s'étendant, en fait, à tous les sujets du roi, membres ou pas.
Le roi conservait l'autorité et la responsabilité de traiter ce genre de
situations.
Toutefois, les questions de discipline ecclésiastique devaient dorénavant
être traitées au sein de l'organisation elle-même, sans que la monarchie
doive s’en mêler directement. Mais la création, au sein de la société
néphite, d’une Église dont le fait d’en être membre était distinct aussi
bien théoriquement que pratiquement de la simple nationalité néphite, fut
à l’origine de problèmes sans précédent [63]. Tout d'abord, certains dans
la génération montante – ceux qui n'avaient pas fait l'expérience du grand
déversement spirituel qui s'était produit lors du sermon d'abdication du
roi Benjamin deux décennies auparavant – refusèrent de se faire baptiser
ou de se joindre à l'Église (Mosiah 26:1-5) [64]. De son côté, leur
influence profane commença à causer des dégâts parmi ceux qui s'étaient
déjà inscrits comme membres de l'Église, laquelle se trouvait elle-même
déjà bien engagée dans sa deuxième génération. Ces membres de l'Église
commencèrent à commettre « beaucoup de péchés », ce qui souleva de toute
évidence la question de savoir s’il fallait les discipliner et comment
(voir Mosiah 26:6-8) [65].
« Or, rien de tel ne s'était jamais produit dans l'Église; c'est pourquoi,
Alma était troublé dans son esprit, et il les fit amener devant le roi. Et
il dit au roi: Voici, en voilà beaucoup que nous avons amenés devant toi,
qui sont accusés par leurs frères; oui, et ils ont été surpris dans
diverses iniquités. Et ils ne se repentent pas de leurs iniquités; c'est
pourquoi, nous les avons amenés devant toi, afin que tu les juges selon
leurs crimes » (Mosiah 26:10-11).
Les vieilles habitudes ont la vie dure. Ici, Alma – celui qui a des
opinions antimonarchiques prononcées – se tourne vers le monarque pour
qu’il l’aide à résoudre un grave problème ecclésiastique. Mais il s’est
trompé sur son homme, car le roi Mosiah II, lui-même, était probablement
le meilleur converti d’Alma aux thèses antimonarchiques. Et, du moins dans
ce cas-ci, Mosiah va se montrer plus fermement attaché à ces thèses que le
grand prêtre. Il refuse de se mêler du genre de problèmes religieux et
ecclésiastiques qu'il a mis sur les épaules d'Alma. Il dit : « Voici, je
ne les juge pas ; c'est pourquoi, je les livre entre tes mains pour
que tu les juges » (Mosiah 26:12, italiques ajoutés).
Ceci perturbe extrêmement Alma qui n'a maintenant plus aucun autre recours
que de prier le Seigneur pour trouver une solution au problème urgent
auquel il doit faire face. (Voir Mosiah 26:13. Le roi terrestre, qui, dans
la tradition néphite antérieure, avait été la source de l'autorité
religieuse et le dernier recours pour les questions religieuses, avait
définitivement abandonné ce rôle. Il ne restait que le roi céleste.) En
réponse aux supplications ferventes d'Alma, le Seigneur révèle l'idée de
l'excommunication, par laquelle « quiconque ne veut pas se repentir de ses
péchés, celui-là ne sera pas compté parmi mon peuple » (Mosiah 26:32)
[66]. Mise en pratique, cette idée va aboutir à « l'effacement » des noms
d'un certain nombre d'anciens adhérents à l'Évangile. « Et il arriva
qu'Alma gouverna toutes les affaires de l'Église » (voir Mosiah 26:32,
36-37). Cette idée de l'excommunication était de toute évidence
complètement nouvelle pour Alma qui avait grandi sous la vieille idéologie
où la naissance permettait aux gens d’être « comptés » parmi le peuple du
Seigneur – les Néphites – d'une manière qui ne pouvait pas être
« effacée » et où l'identité sociale principale était nationale ou
généalogique plutôt que, comme nous le dirions, « intentionnelle » ou
« volontaire » [67].
À PROPOS DE ROIS ET DE
PRÊTRES
Quand il apparut qu'aucun de
ses fils n'accepterait la royauté, Mosiah proposa l'abolition de la
monarchie néphite [68] en des termes qui rappellent fortement la position
d'Alma:
« C'est pourquoi, s'il était possible que vous ayez pour rois des hommes
justes, qui établiraient les lois de Dieu et jugeraient ce peuple selon
ses commandements, oui, si vous pouviez avoir pour rois des hommes qui
feraient ce que mon père Benjamin a fait pour ce peuple — je vous dis que
si cela pouvait toujours être le cas, alors il serait opportun que vous
ayez toujours des rois pour vous gouverner… Maintenant, je vous le dis:
parce que tous les hommes ne sont pas justes, il n'est pas opportun que
vous ayez un roi ou des rois pour vous gouverner. Car voici, quelle
iniquité un seul roi méchant ne fait-il pas commettre, oui, et quelle
grande destruction! Oui, souvenez-vous du roi Noé, de sa méchanceté et de
ses abominations, et aussi de la méchanceté et des abominations de son
peuple. Voyez quelle grande destruction s'est abattue sur eux, et aussi, à
cause de leurs iniquités, ils ont été réduits en servitude. » (Mosiah
29:13, 16-18; cf 29: 30-31).
L'exemple du roi Noé est sûrement un indice de ce que les expériences
d’Alma et son analyse des événements au pays de Néphi avaient profondément
influencé, peut-être d'une façon décisive, la nouvelle position de Mosiah.
Comme Alma, Mosiah parle de la monarchie du point de vue de l'égalité des
hommes. Mais bien qu’en surface les deux hommes semblent dire
essentiellement la même chose, il y a une différence fondamentale entre
leurs deux positions. « Et je vous commande, dit Mosiah, de ne pas avoir
de roi, afin que, si ce peuple commet des péchés et des iniquités, ils
retombent sur sa tête. Car voici, je vous le dis, les péchés de beaucoup
de gens ont été causés par les iniquités de leurs rois; c'est pourquoi,
leurs iniquités retombent sur la tête de leurs rois. Et maintenant, je
désire que cette inégalité ne soit plus dans ce pays, en particulier parmi
ce peuple, qui est le mien… Et le roi Mosiah leur écrivit encore beaucoup
d'autres choses, leur dévoilant toutes les épreuves et toutes les
préoccupations d'un roi juste, oui, toutes les peines que se donne son âme
pour son peuple, et aussi tous les murmures du peuple à son roi; et il
leur expliqua tout cela. Et il leur dit que ces choses ne devaient pas
être; mais que le fardeau devait tomber sur tout le peuple, afin que
chaque homme supportât sa part. » (Mosiah 29:30-34).
Alors qu'Alma, qui n’est pas royal, exprime ses sentiments
antimonarchiques à peu près dans les mêmes termes que nous emploierions
aujourd'hui, avec notre insistance sur les droits de l’homme et sur
l'égalité de toute l'humanité devant Dieu et la loi, Mosiah aborde le
sujet du point de vue du roi. (Son approche est très différente de
la façon de penser d'un Américain du dix-neuvième siècle que certains
critiques du Livre de Mormon prétendent y voir.) Mosiah se fait du souci à
propos du fardeau excessif que la royauté impose même à ceux qui
s’efforcent consciencieusement de s’acquitter de leurs responsabilités.
Après avoir essayé pendant plus de trois décennies de bien exécuter ses
devoirs royaux, Mosiah a le sentiment que c'est le roi qui est
victime de l'inégalité inhérente au système monarchique néphite. Le
souverain supporte non seulement ses propres erreurs, mais risque d’être
responsable de celles de ses sujets s'il les a égarés de quelque façon que
ce soit, même par inadvertance [69].
Les préoccupations de Mosiah sont réalistes. On retrouve les mêmes idées
exprimées par le roi et les gens du commun dans la pièce historique de
Shakespeare sur la Vie du roi Henry V. La veille de la bataille
décisive d'Agincourt (1415), nous voyons Henry, incapable de dormir, errer
parmi ses maigres troupes, déguisé en simple soldat. Il entame une
conversation avec certains de ses hommes, mais il n'est pas tout à fait
prêt pour ce qu'il va entendre:
« Bates: Sa cause serait-elle mauvaise, notre obéissance nous laverait de
tout crime.
« Williams: Oui, mais, si sa
cause n'est pas bonne, le roi aura un terrible compte à rendre, quand
toutes les jambes, tous les bras, toutes les têtes, enlevés dans la
bataille, se rejoindront au jour du jugement et crieront: Nous sommes
morts à telle place, les uns jurant, d'autres demandant un chirurgien,
d'autres pleurant sur leurs femmes laissées dans la misère, sur des dettes
impayées, des enfants subitement orphelins... Eh bien, si ces hommes ne
doivent pas bien mourir, c'est une lourde responsabilité pour un roi qui
les a obligés à se battre [70]. »
Henry, cela se comprend, est
profondément troublé par cette façon de voir les choses et il tente, sans
grand succès (tout en dissimulant son identité), de la contester. Il ne
réussit même pas, semble-t-il, à se convaincre lui-même, et après que ses
hommes se sont couchés, nous le voyons au milieu des soldats endormis se
disant avec amertume qu’il envie leur existence toute simple tellement
libre de responsabilités:
« Tout repose sur le roi! Les vies, les âmes, les dettes, les épouses, les
enfants et les péchés! Il nous faut tout porter! O cruelle responsabilité,
jumelle de la grandeur! Dépendre du souffle du moindre fou incapable de
rien sentir, sauf sa propre souffrance! Que d'infinies satisfactions sont
défendues aux rois, qui réjouissent les autres hommes! Et quels avantages
ont les rois, dont soient privés les autres hommes excepté l'apparat? Et
qu'es-tu, toi l'idole de cet apparat? Quel sorte de dieu es-tu, toi qui
souffres plus de maux humains que tes adorateurs? [...] Et craint, tu es
moins heureux que ceux qui la craignent! [...] Non, tu n'es qu'un rêve
orgueilleux qui s'amuse subtilement du repos d'un roi. Je suis un roi, moi
qui te démasque. Je sais que ni le baume, ni le sceptre, ni le globe, ni
l'épée, ni la masse, ni la couronne impériale, ni la robe brodée d'or et
de perles, ni le titre pompeux qui précède le roi, ni le trône où il s'asseoit,
ni la marée d'honneurs qui bat les hauts rivages de ce monde, ni les
cérémonies trois fois splendides, ni rien de ce qui repose sur un lit
majestueux, ne sauraient nous donner le profond sommeil du misérable
esclave! Le corps rempli du pain de la détresse, et l'esprit vide, il peut
du moins goûter au repos [...] L'esclave appartenant à une contrée
paisible jouit de sa paix; mais sa grossière cervelle ne se rend pas
compte combien le roi a dû dépenser de veilles pour maintenir cette paix,
dont les heures sont surtout profitables au paysan! [71] »
Qu’on y voie les sentiments de Henry ou ceux de Shakespeare, ce sont là
des sentiments tout à fait pré-démocratiques [72]. C’est aussi le cas de
ceux du roi Mosiah, bien que nous puissions comprendre qu’un monarque qui
règne puisse être enclin à avoir des pensées de monarque !
Mosiah se rappelait peut-être le sort de Noé, qui avait payé pour ses
crimes par une mort très douloureuse alors que son peuple semble avoir été
épargné. (Bien qu'étant un homme méchant, Noé était néanmoins un roi, un
membre d'une petite fraternité très fermée. Dans ce sens limité mais non
sans importance, Mosiah pouvait probablement se sentir une certaine
proximité avec lui. Peut-être Mosiah se rappelait-il les paroles
prononcées par son père Benjamin à la fin d'un règne long, consciencieux
et laborieux consacré au service de ses sujets et donc au service de Dieu:
« Je vous dis que si vous le serviez, lui qui vous a créés... je dis, si
vous le serviez de votre âme tout entière, vous ne seriez encore que des
serviteurs inutiles » (voir Mosiah 2:21; cf. 2:17).
Ému par les sentiments manifestement profonds de Mosiah, le peuple accepta
son plan d'abolir la monarchie. « C'est pourquoi, il abandonna son désir
d'avoir un roi et devint extrêmement anxieux de donner à tout homme une
chance égale dans tout le pays; oui, et chaque homme se dit disposé à
répondre de ses propres péchés » (Mosiah 29:38).
C’est ainsi que l'institution relativement séculière des juges fut
introduite parmi les Néphites et acceptée par eux (Mosiah 29:11, 41-42)
pour compléter l'office religieux de « grand prêtre », qui avait déjà été
introduit. (Dans un certain sens, ceci ne faisait que rendre officielle la
séparation des fonctions que Mosiah et Alma avaient déjà élaborée quelque
temps auparavant.) Cependant, le peuple choisit comme premier grand juge
Alma le Jeune, qui avait reçu précédemment l'office de grand prêtre de son
père, le premier Alma (Mosiah 29:42). Mosiah II n'ayant aucun héritier qui
en voulait, Alma le Jeune avait déjà reçu les plaques d'airain, les
annales et les interprètes, les reliques sacrées qui, comme nous l'avons
vu, constituaient jadis une partie tellement importante du symbolisme de
la royauté néphite (Mosiah 28:10, 20). On peut donc légitimement voir dans
le fait que le poste de grand juge fut conféré à Alma une tentative de la
part du peuple de réunir de nouveau les fonctions laïques et sacrées de la
royauté en un seul homme qui, il est vrai, ne porterait pas le titre de
« roi », mais n’en remplirait pas moins essentiellement le même rôle. La
royauté avait été après tout une institution plutôt populaire. Les frères
de Néphi pensaient qu'il convoitait le titre (1 Néphi 16:38) et il avait
été obligé plus tard de le refuser de la part de son peuple (2 Néphi 5:18;
6:2). Zénif fut fait roi par la voix du peuple au pays de Néphi (Mosiah
7:9). Le peuple d'Alma chercha à le persuader d’accepter les honneurs
royaux, mais il refusa (Mosiah 23:6-7). Et ce ne fut qu'après la supplique
passionnée de Mosiah à son peuple qu'« il abandonna son désir d'avoir un
roi » (Mosiah 29:38). En outre, la monarchie continua à fasciner et à
attirer une partie, au moins, de la population néphite longtemps après son
abolition, comme le montrent les efforts répétés accomplis au fil des
années pour la restaurer. Alma 51-62, par exemple, rapporte les démêlés de
Moroni avec les « hommes-du-roi », qui cherchaient à changer les lois pour
rétablir la royauté. 3 Néphi 6:30 fait allusion à une autre tentative
encore de mettre un roi sur un trône néphite, et 3 Néphi 7:9-10 décrit un
effort dans ce sens qui réussit partiellement et temporairement. De toute
évidence, la royauté avait son attrait – et pas seulement pour le chanceux
qui, s’il réussissait, obtiendrait le trône.
La tentative manifeste du peuple néphite de contourner le rejet de la
royauté par son roi ne réussit cependant pas. Après environ cinq ans
seulement, Alma le Jeune renonça à son poste de grand juge (probablement
la moins efficace de ses deux fonctions) pour concentrer son attention sur
sa fonction de grand prêtre dans laquelle il voyait la solution aux
problèmes urgents que rencontrait son peuple (Alma 4:15-20). Plus jamais
un roi néphite ne serait à la fois dirigeant religieux et temporel de son
peuple. La fonction relativement laïque de grand juge allait perdurer
presque jusqu'à la fin de la civilisation néphite, mais nous n'avons
aucune trace qu’un grand juge ait jamais ordonné des prêtres; ces
ordinations étaient la prérogative des grands prêtres avant la venue du
Christ (comme dans Alma 6:1; 3 Néphi 7:25) [73] et puis, après la venue du
Christ et la disparition évidente de cette fonction, ce fut celle des
« disciples ou anciens de l’Église » (Moroni 3:1) [74]. Les fonctions de
la prêtrise furent essentiellement scindées des fonctions
gouvernementales, et les deux ne seraient jamais complètement réunies dans
la royauté sacrale par laquelle l'histoire des Néphites avait commencé
dans le Nouveau Monde. Les objets matériels qui avaient un jour appartenus
à la monarchie néphite continuèrent à être passés de génération en
génération, mais maintenant par une lignée non royale de grands prêtres et
de prophètes (Alma 37:1-47; 63:1-2, 10-13; 3 Néphi 1:2-3; 4 Néphi 1:47-49;
Mormon 1:2-5; 4:23; 8:3-5; Moroni 10:2; Joseph Smith–Histoire).
Ce bref coup d’œil sur la question de la prêtrise et de l'autorité dans le
livre de Mosiah a révélé un système sous-jacent d’une grande complexité et
d’une cohérence remarquable derrière les nombreux petits détails de son
récit déjà hautement compliqué. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas
être impressionné par ce que le livre de Mosiah révèle au sujet de la
richesse nuancée du Livre de Mormon. Moi, en tous cas, je l’ai été.
NOTES
[1] Paul James Toscano, «
Priesthood Concepts in the Book of Mormon », Sunstone 13, décembre
1989, p. 8. Je ferai la critique des arguments de
Toscano ci-dessous. Je tiens à remercier les professeurs Kent P. Jackson,
Monte S. Nyman, Stephen D. Ricks, Charles D. Tate, Jr., et John W. Welch
pour leurs précieux commentaires sur les brouillons précédents de cet
article. J’assume naturellement seul la responsabilité de mes conclusions
que je ne fais qu’avancer qu’à titre d’hypothèses qu’il faut tester
d’après les indications que fournit le Livre de Mormon.
[2] Voir John W. Welch et Tim Rathbone, « The
Translation of the Book of Mormon: Basic Historical Information », publié
par F.A.R.M.S. en même temps que Stephen D. Ricks, « Joseph Smith’s Means
and Methods of Translating the Book of Mormon » (WRR-86).
[3] Trois de ces toutes
premières utilisations sont des dénonciations des « intrigues de prêtres »
par des prophètes. Si on les supprime, le pourcentage tombe à 3,2%.
[4] Alma 6:1 et Moroni 3
montrent, du moins dans l'histoire néphite qui suit la fin du livre de
Mosiah, que les « prêtres » et les « instructeurs » étaient clairement
ordonnés d'une manière qui n'est pas différente de celle que pratiquent
les saints des derniers jours aujourd'hui. Il n'y a aucune raison de
croire que les choses étaient différentes aux époques précédentes. On peut
argumenter, sur la base de Moroni 2:1 que Moroni 3 représente les
instructions données par le Seigneur ressuscité lors de sa visite aux
Néphites dans 3 Néphi. Si c’est le cas, il est très clair que la pratique
d’ordonner par l’imposition des mains a traversé les dispensations tant
avant qu’après l'avènement du Christ. Compte tenu de tous les changements
provoqués par l’avènement du Seigneur, la continuité de cette ordonnance
est assez impressionnante.
[5] En effet, tant qu’elle a
duré, la royauté néphite légitime est restée dans la lignée de Néphi.
Mosiah 22:13, par exemple, montre que la royauté principale appartenait à
Mosiah et que celle de la lignée zénifite en dérivait et lui était
subordonnée. Il est intéressant de remarquer que Mosiah gouvernait un
peuple qui était essentiellement celui de Zarahemla, descendant de Mulek
-- les prérogatives royales de Mulek (voir Hélaman 6:10; 8:21) avaient été
absorbées par celles de la lignée de Néphi (Mosiah 25:2, 13). Nous ne
savons pas pourquoi ni comment cela s’est produit, mais de toute façon
nous en savons très peu sur les Mulékites. À mon avis, on peut en trouver
l'explication dans les idées formulées par John Sorenson, qui voit dans le
Livre de Mormon « l'histoire d'une lignée ». Voir John L.. Sorenson, Un
environnement pour le Livre de Mormon dans l'Amérique ancienne, pp.
50-56, sur Idumea.
[6] Rodney Turner affirme, à
juste titre à mon avis, que Léhi et Néphi et « les rois-prophètes justes
qui succédèrent à Néphi » détenaient la Prêtrise de Melchisédek.
Voir Turner, « The Three Nephite Churches of Christ »,
dans The Book of Mormon: The Keystone Scripture, édité par Paul R.
Cheesman, Provo, Religious Studies Center, université Brigham Young, 1988,
pp. 100-126. Le passage dont il est question ici se
trouve à la page 101.
[7] Cela ne devrait pas trop
déranger les saints des derniers jours dont les aspirations pour la vie à
venir comprennent l'idée de devenir « prêtres et rois » (D&A 76:56). Cet
idéal eschatologique peut partiellement expliquer pourquoi le « roi-prêtre
» a si souvent été un idéal terrestre également. Il semblerait, en outre,
que le Christ, le véritable roi d'Israël, détienne sa royauté comme office
sacerdotal.
[8] On trouvera dans John A.
Tvedtnes, « Une fête des tabernacles néphite », note 23, affichée sur
Idumea, certains des liens bibliques et hébraïques possibles entre la
prêtrise et la royauté
[9] Les partisans d’Amlici le
consacrent roi dans Alma 2:9.
[10] Bien entendu, le roi
Benjamin considérait que servir son peuple en tant que roi revenait
exactement à servir Dieu. Voir Mosiah 2:16-17.
[11] N’importe quelle
concordance de la King James Version de la Bible illustrera le premier
exemple.
[12] Dans le Proche-Orient
médiéval, les imams chiites conservaient de même certains objets comme
emblèmes de leur légitimité. Ja'far al-Sadiq (mort vers 767 apr. J.-C.),
par exemple, qui était le sixième imam, reçut non seulement la désignation
explicite, ou naşş, de son père, Muhammad al-Baqir, mais, nous dit-on, les
armes, les livres et les manuscrits du prophète Mahomet. Ceux-ci n'avaient
pas seulement leur valeur propre, mais étaient censés contenir la
connaissance ésotérique que Gabriel avait donnée au prophète et qui avait
été transmise le long de la lignée des imams comme étant leur droit de
naissance spécial. Al-Muqtadir, un des derniers califes abbassides à
détenir un véritable pouvoir politique, utilisait le bâton et le manteau
du prophète comme symboles et preuves de son autorité.
On trouvera les deux cas respectivement dans S. H. M.
Jafri, Origins and Early Development of Shi'a Islam, Londres et New
York, Longman Group, 1979, p. 293; et Roy P. Mottahedeh, Loyalty and
Leadership in an Early Islamic Society, Princeton, Princeton
University Press, 1980, p. 186.
[13] À propos de l'épée de
Laban comme une sorte de trésor de famille royal, voir 2 Néphi 5:14; Jacob
1:10; Paroles de Mormon 1:13; Mosiah 1:16. Dans la Bible hébraïque, l'épée
de Goliath est conservée comme trophée. Voir 1 Samuel 21:9; 22:10.
L'article de Gordon Thomasson, « Mosiah: The Complex Symbolism and the
Symbolic Complex of Kingship in the Book of Mormon », publié par
F.A.R.M.S., Preliminary Report TSN-82, propose un certain nombre
d'informations intéressantes sur les trophées royaux associés à Mosiah II.
[14] Il est vrai que c’est le
peuple qui « confère » le royaume à Limhi, fils de Noé (Mosiah 1926),
comme cela semble aussi avoir été le cas pour Benjamin (Mosiah 2:11). Et
c’est Zénif qui « confère » le trône à l'un de ses fils, Noé (Mosiah 10:22
; 11:1), un choix qui se révélera très malheureux (bien que nous ne
sachions rien des autres possibilités). Dans l'idéologie de la royauté
néphite au cours de cette période, le lignage semble être important, mais
il n'y a pas de preuve certaine que les Néphites aient appliqué la règle
de la primogéniture. Voir ensemble Mosiah 27:34; 28:10 ; 29:2-3, 6.
[15] D'autre part, l’idéologie
lamanite voyait en Néphi un usurpateur (Mosiah 10:14). Pris ensemble, 2
Néphi 5:18-19 et 6:2 peuvent peut-être nous aider à comprendre comment
cela pouvait être simultanément le choix de Dieu et celui du peuple qui
faisait quelqu’un roi. On peut également tirer argument du Livre de Mormon
pour illustrer la loi du consentement commun : le Seigneur révèle son
choix de roi et demande ensuite au peuple, par son serviteur désigné, de
soutenir cette révélation. Voir D&A 20:63-67; 26:2.
[16] Voir Joseph F. Smith,
Doctrine de l'Evangile, éd. française de 1982, p. 111 ; cf. 114.
[17] Cf. D&A 1:38; 68:4.
[18] Cette idée est très
courante dans les systèmes hiérarchiques. On peut, par exemple, la
remarquer, dans les écrits du Pseudo-Denys (vers 500 apr. J.-C.) parmi les
penseurs chrétiens et dans ceux du chiisme ismaïlien parmi les musulmans.
De même, ce n'est pas par coïncidence que les diverses présidences et les
épiscopats de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours
semblent être le reflet de la Divinité elle-même.
[19] Quand il apparaît aux
Néphites, Jésus le fait là où ils se sont rassemblés : au temple au pays
d'Abondance (3 Néphi 11:1).
[20] La suggestion de Rodney
Turner dans « The Three Nephite Churches of Christ », p. 122, note 19, est
séduisante : « Il est très vraisemblable que Zénif a restauré le temple
construit à l'origine par Néphi au VIe siècle av. J.-C. (2 Néphi 5:16). Le
roi Noé semble avoir transformé ce même temple à une échelle grandiose, le
rendant beaucoup plus ouvragé et coûteux que par le passé (Mosiah 11:10).
Comme dans le cas de Hérode le Grand, qui transformera le second temple
(celui de Zorobabel, Esdras 3), l'entreprise de Noé était à coup sûr plus
une affaire de vanité personnelle que de piété véritable. »
[21] En fait, du moins lorsque
le groupe d'Alma arrive à Zarahemla et que l'Église y est installée, les
instructeurs semblent aussi avoir rempli un rôle de présidence (voir
Mosiah 25:20).
[22] Dean C. Jessee, dir. de
publ., The Papers of Joseph Smith, vol. 1, Salt Lake City, Deseret
Book, 1989, p. 238; cf. 298 pour la version finale de cette « History ».
[23] Je suis convaincu par les
articles passionnants de John Tvedtnes, « Une fête des tabernacles néphite
» et « Le roi Benjamin et la fête des tabernacles ». Voir aussi sur Idumea,
l'article de John W. Welch, Le discours du roi Benjamin dans le contexte
des anciennes fêtes israélites ».
[24] Tvedtnes, « Une fête des
tabernacles néphite », p. 5.
[25] Alors pourquoi la loi de
Moïse joue-t-elle un rôle tellement moindre dans le Livre de Mormon que
dans la Bible hébraïque ? En premier lieu, comme me l'a rappelé mon
collègue Kent P. Jackson, la loi est en réalité moins mise en évidence
dans l'Ancien Testament (en dehors de quelques écrits « sacerdotaux ») que
l'on aurait tendance à le croire. Il est clair que l'apôtre Paul en parle
plus clairement que les contemporains de Léhi à Jérusalem, du moins
d’après ce qu’en disent les livres prophétiques de la Bible. On trouve
probablement une autre explication dans le fait qu’une grande partie du
livre a été préparée par Mormon, qui écrivait plusieurs siècles après que
la venue du Messie eut mis fin à la loi des sacrifices et qui avait autre
chose à l'esprit, tandis qu'il le préparait pour les futurs lecteurs,
qu’une simple curiosité pour les choses du passé. Dans les petites
plaques, qui n'ont pas été retravaillées par Mormon, il y a la curieuse
répugnance à parler de prêtres et de prêtrise à laquelle j'ai déjà fait
allusion et à laquelle je reviens plus loin. Il y a peut être aussi, et
c’est sans doute ce qui est le plus important, le fait que le Livre de
Mormon est le livre d'un peuple qui comprenait le rôle subordonné et
provisoire de la loi de Moïse et qui avait en son sein la prêtrise
supérieure de Melchisédek. Pour ceci, voir Joseph Fielding Smith,
Answers to Gospel Questions, vol. 1, Salt Lake City, Deseret Book,
1957, pp. 124-126; John A. Widtsoe, Evidences and Reconciliations: Aids
to Faith in a Modern Day, Salt Lake City, Bookcraft, 1943, pp.
188-190.
[26] Voir 2 Néphi 5:26; Jacob
1:18; Jarom 1:11; Mosiah 23:17; 25:19, 21; 26:7; 27:5; Alma 1:3; 14:27;
15:13; 23:4; 30:31; 35:; 45:22-23; Hélaman 3:25 (« grands prêtres » et «
instructeurs »); Moroni 3:1, 3-4; 6:1. Ce n'est que dans Alma 4:7 que nous
trouvons « et des instructeurs, et des prêtres, et des anciens » (cf. Alma
6:1 pour les prêtres et les anciens), où il est clair que les offices sont
simplement mentionnés dans l'ordre inverse. On trouvera une liste dans
l'ordre conventionnel dans Moroni 6:1.
[27] Jarom 1:11 connaît une
hiérarchie de prophètes, de prêtres et d’instructeurs.
[28] Selon Mosiah 11:11, le
roi Noé avait des « grands prêtres ». Il se peut que nous ayons affaire
ici à un office analogue à celui de grand prêtre (c'est-à-dire de prêtre
de la haute prêtrise par opposition au prêtre de l'ordre d’Aaron) dans
l'Église contemporaine, que beaucoup sont en mesure de détenir
simultanément. D'autre part, il semble vraisemblable, dans beaucoup
d'autres apparitions du terme « grand prêtre » dans le Livre de Mormon,
que ce que le terme désignait ressemble davantage -- sans lui être
identique -- au grand prêtre de l'Israël ancien dont il n’y avait
normalement qu’un à la fois. (Alma l'Ancien, par exemple, était le seul
grand prêtre à gouverner l’Église, tant lorsque son peuple et lui étaient
en exil [Mosiah 23:16] qu’après leur arrivée à Zarahemla et l'expansion
ultérieure de l'Église [Mosiah 26:7]. Par après, peut-être à cause de la
taille de l'Église et des difficultés de communication et de
centralisation, il y a eu, semble-t-il, des grands prêtres régionaux à
Jershon et à Gédéon (Alma 30:20-21) et très vraisemblablement ailleurs -
peut-être subordonnés au grand prêtre suprême, dans ce cas Alma le Jeune,
résidant dans la capitale de Zarahemla (Alma 30:29 ; cf. 46:6, 38; Hélaman
3:25; 3 Néphi 6:21-22, 27). Les grands prêtres multiples au même
endroit ont pu simplement être une autre des inventions apostates et
grandiloquentes du roi Noé, qui avait tendance à échanger partout la
simplicité néphite contre le faste et l'outrance.
[29] Dans Alma 23:16, le roi
des Anti-Néphi-Léhis consulte, lui aussi, ses prêtres. Nous ne savons pas
s'il se conformait là aux coutumes lamanites ou s'il adoptait simplement
les habitudes néphites comme il avait adopté la religion néphite. Le Livre
de Mormon ne dit pas grand-chose sur les Lamanites. Voir Sorenson, Un
environnement pour le Livre de Mormon dans l'Amérique ancienne, pages
50-56.
[30] Toscano, « Priesthood Concepts in the
Book of Mormon », p. 13. La question doit être examinée
parce que le point de vue représenté dans la citation qui précède
directement n'est pas seulement erroné mais, j'en suis fermement
convaincu, constitue un danger immense pour l'ordre de l'Église. Dans
l'histoire du Rétablissement se sont présentés pas mal de gens qui
voulaient redresser l'arche, qui ont estimé que c'était leur droit et leur
devoir de guider l’Église, d'en arracher la direction à ceux que Dieu
avait appelés pour en assumer la présidence. Il y en a même actuellement
qui prétendent que l'Église est sous la direction de « sous-fifres » et
laissent entendre d'une manière pas trop subtile que le « premier violon
», eh bien, euh, est tout simplement trop modeste pour dire son nom.
[31] Voir id., pp. 12-13 pour
la présentation de la théorie des « appels sans intermédiaire » et les cas
qui sont censés illustrer les appels dont je parle. Il vaut la peine de
mentionner ici que quel qu'ait pu être le cas au commencement des temps
néphites, la façon d’ordonner à la prêtrise a été prescrite et
standardisée par Jésus quand il est apparu à Abondance. Voir 3 Néphi 11;
18; Moroni 2-3.
[32] Voir de nouveau Sorenson,
Un environnement pour le Livre de Mormon dans l'Amérique ancienne,
pp. 50-56.
[33] Le Pharaon avait posé
exactement la même question à Moïse et à Aaron (Exode 5:2; cf. Coran
26:23-29). Caïn l’avait également posée sous forme de question rhétorique
(Moïse 5:16). Comparez aussi avec le discours de Rabschaké dans 2 Rois
18:35.
[34] Comparez avec le Pharaon
du Coran 26:29 : Après avoir demandé avec arrogance à Moïse et à Aaron qui
est au juste le Seigneur, il dit (je traduis de l'arabe) : « Si vous
prenez un Dieu autre que moi, je vous fais emprisonner ! »
[35] Soit dit en passant , la
mort de Noé dans les flammes est un symbole tout à fait indiqué quand on
la voit à la lumière des paroles de Benjamin dans Mosiah 2:36-38.
[36] Il est déconcertant de
voir que Toscano, dans « Priesthood Concepts in the Book of Mormon », p.
12, cite Alma 5:3 et 5:44 presque complètement sur la même page pour
illustrer « l'appel sans intermédiaire » d'Alma. Ces passages démontrent
exactement l'inverse. Jacob 1:17 et 2:11 sont utilisés de la même façon
pour illustrer le fait que l'appel de Jacob venait directement de Dieu,
mais 2 Néphi 5:26, 6:2 et Jacob 1:18 rapportent l'ordination de Jacob par
son frère Néphi. Toscano semble parfois simplement prétendre que la
direction divine est nécessaire pour faire des détenteurs de la prêtrise
des instruments pleinement efficaces entre les mains de Dieu. C'est là une
affirmation incontestable, mais malheureusement, il veut souvent aller
au-delà.
[37] Voir id., p. 13.
[38] L’Église chrétienne
ancienne dut affronter ce problème sous la forme du schisme donatiste, qui
fut finalement déclaré hérétique en 405 apr. J.-C. Les donatistes
affirmaient que l'impiété chez un évêque ou un prêtre rendait invalide
toutes les ordonnances qu'il avait pu accomplir. Toutefois, le synode
d'Arles décida en 314 que la validité des baptêmes, des ordinations et
autres ne dépendait pas de la dignité ou du mérite de l'officiant. (Pour
ce qui est des donatistes et des mouvements apparentés, les novatianistes
et les mélétiens, voir David Christie-Murray, A History of Heresy,
Oxford et New York, Oxford University Press, 1989, pp. 96-97. C'est vrai
qu'à cette période l’Église chrétienne était essentiellement apostate,
mais les saints des derniers jours adoptent fondamentalement la même
position et cela à bon droit. Si des péchés graves, en tant que tels,
rendaient invalides les ordonnances de la prêtrise, nous ne pourrions
jamais savoir qui aurait contracté un mariage légal ni qui serait
véritablement membre de l'Église. L'homme qui vous a ordonné à la prêtrise
avait-il commis en secret un péché dont il ne s'était pas repenti ? Alors
votre ordination n'est pas valable. Votre mission a été illégitime, les
convertis que vous avez baptisés sont en réalité des non-membres, vous
vivez en adultère puisque que vous n'auriez jamais dû être admis au temple
[N.d.T. : dans le système américain où le mariage civil ne doit pas
obligatoirement précéder le mariage religieux et où le mariage au temple
vaut mariage civil]. Ceux de vos convertis qui auraient fait une mission
et auraient baptisé seraient aussi des fraudeurs et les conséquences font
boule de neige d'une manière tout à fait et imprévisible. Comment
pourrions-nous jamais être sûrs de quelque chose ?
[39] Toscano, « Priesthood Concepts in the
Book of Mormon », p. 16.
[40] Alma était descendant de
Néphi (Mosiah 17:2), un fait qui peut éventuellement avoir son importance
dans la discussion concernant son autorité sacerdotale, puisque nous ne
savons pas exactement comment la prêtrise fonctionnait ou était attribuée
chez les Néphites. Il est certain que la plupart si pas tous les prêtres
et les rois qui sont mentionnés jusqu'ici dans le Livre de Mormon étaient
de la lignée de Néphi.
[41] Soit dit en passant, ceci
paraît très mécanique quand on l'oppose à l'affirmation de Toscano, « Priesthood
Concepts in the Book of Mormon », p. 10, que dans le Livre de Mormon, «
l'appel que l'on avait dans la structure sacerdotale n'était pas tellement
déterminé par les besoins de l'Église que par les dons personnels de ceux
qui étaient ordonnés ». Toscano parle en particulier de la période qui
suit la visite du Christ en Amérique, mais il apparaît qu'il tiendrait le
même raisonnement pour la totalité des annales néphites. Son point de vue,
que je crois tout simplement inexact, semble sous-entendre une critique
indirecte à l'égard de l'Église d'aujourd'hui.
[42] Dan Vogel, Religious Seekers and the
Advent de of Mormonism, Salt Lake City, Signature Books, 1988, p. 101.
Vogel essaie d'assimiler le mormonisme en cours de
formation à un soi-disant mouvement religieux américain du passé qu'ils
appelle « Seekerism » [N.d.T. : Littéralement : Chercheurisme]. Mais voyez
la critique de son livre par Grant Underwood dans BYU Studies 3,
hiver 1990, pp. 120-126 et Daniel C. Peterson, Journal for the
Scientific Study of Religion 30, mars 1991 , pp. 127-128, 130.
[43] Dan Vogel, Religious Seekers and the
Advent of Mormonism, pp. 102-103. Comparer avec la
page 104: « Au début de l'Église mormone, l'autorité imitait à l'origine
un modèle du même genre de pouvoir charismatique ou spirituel et non
l'ordination à la prêtrise. » En utilisant de cette manière l’épisode
d’Alma et des eaux de Mormon, M. Vogel veut étayer son point de vue que
l'ordination d'Oliver Cowdery et de Joseph Smith à la Prêtrise d’Aaron par
l’ange s'est produite après coup. Toutefois, si ma lecture du livre de
Mosiah est correcte, Alma et ses partisans et toute la complexité des
lignées de la prêtrise qui entoure l’histoire, est en réalité la preuve
indirecte de ce que les affirmations ultérieures d'Oliver et de Joseph
(auxquelles fait écho Orson Pratt) que c'était parce qu'ils
s'interrogeaient sur l'autorité qu'ils en vinrent à se rendre au bord de
la Susquehanna en mai 1829 ne sont pas des projections suspectes dans le
passé. (Welch et Rathbone, « The Translation of the Book of Mormon: Basic
Historical Information », p 34, situe la traduction de Mosiah en avril
1829, environ un mois seulement avant la réception de la Prêtrise
d'Aaron.) On trouvera ces affirmations dans Richard L. Bushman,
Joseph Smith and the Beginnings of Mormonism, Urbana et Chcago,
University of Illinois Press, 1984, pp. 100-101 et Milton V . Backman,
Jr., Eyewitness Accounts of the Restoration, Salt Lake City,
Deseret Book, 1986, pp. 107-112.
[44] On trouvera son
interprétation à ce sujet dans Vogel, Religious Seekers and the Advent
of Mormonism, pp. 102-103.
[45] Cette erreur élémentaire
de logique porte communément le nom de post hoc, ergo propter hoc,
c.-à-d. en gros: « Si ceci vient après cela, alors c'est à cause de cela
»). On l’illustre souvent en utilisant l'image du coq qui pense que c’est
son cocorico qui fait que le soleil se lève chaque matin. M. Vogel aurait
mieux fait de citer Mosiah 18:26, ou l'expression « forts dans l’Esprit »
semble véritablement rendre les hommes capables « d'enseigner avec
puissance et autorité de Dieu » (cf. Mt 7:28-29). Le problème que pose ce
verset pour ce qu'il essaie de démontrer est que les hommes en question
sont déjà ordonnés prêtres. Et de plus, enseigner « avec autorité »
sur un sujet est quelque chose de potentiellement tout à fait différent de
simplement avoir l'autorité de la prêtrise pour accomplir une ordonnance.
Ce peut être une affaire de connaissance, de compréhension, d’expérience
ou de sensibilité spirituelle. Au-delà d'un minimum absolu, aucune de ces
qualités (quelque désirables qu'elles soient) n'est vraiment nécessaire
pour que l'ordonnance de la prêtrise soit valable.
[46] Alma était prophète et
prêtre et par conséquent se souciait particulièrement, quoique étant
incontestablement ordonné à la prêtrise, de l’esprit (ou Esprit) dans
lequel il agissait. L'opposition entre légalisme et charisme, entre prêtre
et prophète, est un vieux cliché et, comme beaucoup de clichés, contient
une part de vérité. (Quelqu’un qui aimait particulièrement cela dans les
cercles plus ou moins mormons, c'était E. E. Ericksen. Voir Scott
G. Kenney, dir. de publ, Memories and Reflections: The Autobiography of
E. E Ericksen , Salt Lake City, Signature Books, 1987, xii, pp.
208-209.) Mais ce n'est vrai qu'accidentellement et pas
essentiellement. (L’Hébreu Samuel était-il prophète ou prêtre ? Et
Jean-Baptiste ?) Même les prêtres du roi Noé prétendaient comprendre
la prophétie (Mosiah 12:25).
[47] C’est également la cas
pour la question de la bénédiction de la Sainte-Cène. Voir 3 Néphi 18:5.
Le passage qui traite de l'ordination pour avoir l'autorité de baptiser
fut probablement traduit tout au plus dans les cinq semaines qui suivirent
le compte-rendu de l'histoire d'Alma et des eaux de Mormon. (Voir
Welch et Rathbone, « The Translation of the Book of Mormon: Basic
Historical Information », pp. 34-35.) Si l’on croit, comme
je pense que c'est le cas de M. Vogel, que c’est Joseph Smith qui est en
train de créer le Livre de Mormon pendant cette période, on ne
voit pas comment il aurait trouvé le temps d’effectuer une évolution
théologique (ou ecclésiologique) majeure d'une partie du livre à l'autre.
[48] Peut-être se
rappelle-t-il ici la révélation qu'il avait lui-même reçue et à laquelle
il est fait allusion dans Mosiah 18:21-29. Toutefois, la doctrine que « le
Seigneur estime toute chair de la même manière » est attestée dès la
période la plus reculée de la colonie léhite (1 Néphi 17:35).
[49] Ce qui prouve qu'Alma
prenait très au sérieux la question de l’égalité, c'est le fait qu'il
insiste pour que ses prêtres, tant dans le désert (Mosiah 18:24-26) qu’à
Zarahemla (Mosiah 27:4-5), travaillent pour assurer leur entretien.
C’était clairement contraire à la façon de faire des prêtres du roi Noé
dont Alma avait précédemment fait partie (Mosiah 11:6-14).
[50] On pourrait tirer
argument de 3 Néphi 5:13, avec sa mention de « la première Église qui fut
établie parmi [le peuple d’Alma l’Ancien] après leur transgression » pour
dire qu'il a dû y avoir des églises avant le temps d'Alma. Mais le passage
me semble trop ambigu pour justifier des conclusions précises. Il pourrait
tout aussi bien vouloir dire que l'Église d’Alma était tout simplement «
la première Église » et qu'elle avait été établie après la transgression
du peuple (sous Noé?).
[51] Turner, « The Three Nephite Churches of
Christ », p. 102.
[52] Turner affirme que « s'il
est clair que Néphi et ses successeurs ont parlé du Christ au peuple, il
n'y a aucune indication dans les textes que les premiers Néphites avaient
une organisation ecclésiastique indépendante de celle qui était associée à
la loi de Moïse. » Id., p. 120, n. 5. Cependant, beaucoup d'éléments
importants de « l'organisation ecclésiastique... associée à la loi de
Moïse » semblent eux-mêmes être absents du Livre de Mormon. Il semble, par
exemple, qu'il n'y ait pas eu de Lévites dans le Nouveau Monde. (Ce fait
est relevé par Smith, Answers to Gospel Questions, 1:124.)
[53] Turner, « The Three Nephite Churches of
Christ », p. 100.
[54] Voir le traitement par Hugh Nibley de «
Qumran and the Waters of Mormon » dans An Approach to the Book of
Mormon, vol. 6 de Collected Works of Hugh Nibley, Salt Lake
City, Deseret Book et F.A.R.M.S., 1988, pp. 13-193. Pour la datation des
Esséniens de Qumran, voir Helmut Koester, History, Culture, and
Religion of the Hellenistic Age, Philadelphie, Fortress Press, 1982,
pp. 234-239.
[55] Les sectateurs de Qumran
mettent aussi l'accent sur les ablutions rituelles, qui peuvent être en
rapport avec le baptême chrétien. Voir à ce sujet William S. LaSor,
The Dead Sea Scrolls and the New Testament, Grand Rapids, Eerdmans,
1972, pp. 40, 70-71, 134, 149-151; William S. LaSor, The Dead Sea
Scrolls and the Christian Faith, Chicago, Moody, 1962, pp. 78-80,
203-206, 208, 221, 236-239; F. F.Bruce, Second Thoughts on the Dead Sea
crolls, Grand Rapids, Eerdmans, 1975, pp. 50-51, 118, 128, 133-134,
136, 140, 142, 149, 151.
[56] Il faut remarquer ici
qu'il n'y a pas d'explication claire de ce qu’est le baptême. Il se peut
que le peuple d’Alma ait déjà été baptisé. Il s'agissait peut-être ici
d'un rebaptême exprimant un nouvel engagement, un peu dans le genre des
rebaptêmes accomplis pendant ce qui a été appelé « la réforme mormone » au
début de l'Utah. Le fait qu’Alma s'immerge lui-même peut nous paraître un
peu étrange, mais n'est pas incompréhensible. Jean-Baptiste a ordonné
Oliver Cowdery et Joseph Smith, qui se sont ensuite baptisés mutuellement
avec l'autorité que chacun d'eux avait reçue. Parmi le peuple d'Alma, il
était le seul à avoir une telle autorité.
[57] Encore une fois, ce
passage est très révélateur. De toute évidence, Limhi n’acceptait
pas l'idée d'appels « sans intermédiaire ».
[58] Widtsoe, Evidences and
Reconciliations, p. 177 montre qu'il est possible que la prêtrise
existe indépendamment d'une église ; après tout, l'autorité de la prêtrise
est nécessaire avant une organisation ecclésiastique approuvée par Dieu
[59] De qu'elle église Adam
est-il devenu membre en recevant le baptême rapporté dans Moïse 7 ?
Maintenant que j'ai énoncé mon point de vue, il est essentiel que je me
fasse bien comprendre. Je ne veux pas dire par là que l'on peut obtenir la
vie éternelle sans les ordonnances de la prêtrise et je n'affirme en aucun
cas que ces ordonnances sont disponibles ou valables dans notre
dispensation indépendamment de l'Église de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours. John A. Widtsoe, après avoir fait la réflexion que la
prêtrise peut exister indépendamment d'une organisation ecclésiastique et
que c'est ce qui s'est passé à l’occasion, n'en déclare pas moins : «
Quand l’Église existe, toute personne qui détient la prêtrise doit exercer
son pouvoir en vertu des lois et de l'autorité de l'Église. Par conséquent
aucun pouvoir de la prêtrise n'est reconnu sur la terre en dehors de
l'Église » (Widtsoe, Evidences and Reconciliations, p. 177-178). Je
suis tout à fait d'accord. Je n’ai aucunement l'intention de proposer de
l'aide ou du réconfort aux schismatiques et aux francs-tireurs religieux.
[60] L'organisation générale
était appelée « l’Église », mais elle était constituée d'unités locales
subordonnées également appelées « Églises ». (Il y avait, dans Zarahemla
même, sept de ces unités locales. Voir Mosiah 25:20-23.)
[61] Ou, dans les tout
premiers temps, aux chefs de lignée, de famille ou de clan qui
remplissaient effectivement les fonctions de roi comme c'est clairement le
cas de Néphi. Voir 2 Néphi 5:18, 26; 6:2. Néanmoins l'argument de Rodney
Turner est valable : « Si Mosiah a accordé à Alma le droit légal »
d’organiser des Églises à Zarahemla, « il est évident... qu’Alma n'avait
pas reçu son autorité originelle de ce roi-prophète. » Turner, «
The Three Nephite Churches of Christ », p 106.
[62] Toscano, « Priesthood
Concepts in the Book of Mormon », p. 9, les considère comme un corps
sacerdotal permanent et indépendant.
[63] En plus du problème
traité dans le texte, on pourrait remarquer que la seule allusion à des «
intrigues de prêtres » existant historiquement dans tout le Livre de
Mormon se trouve dans Alma 1 (dans 1:12, 16), immédiatement après
l'organisation d'une « Église » existant séparément. Comme Alma le Jeune
le dit à Néhor : « Voici, c'est la première fois que les intrigues de
prêtres sont introduites parmi ce peuple. » Néphi, dans 2 Néphi 26:29,
avait défini l'infraction en disant : « Les intrigues de prêtres, c'est
que les hommes prêchent et se posent en lumière pour le monde, afin
d'obtenir du gain et les louanges du monde. » Peut-être que la raison pour
laquelle elles se produisaient maintenant était que, par contraste avec le
système néphite précédent, où c'étaient les rois (qui, en vertu de leur
rang même, ne manquaient pas de gloire ni, probablement, de tout ce qui
était accessible aux Néphites en fait de richesses) qui présidaient la
prêtrise, le fait que la prêtrise était séparée d'une direction basée sur
le lignage ouvrait maintenant la voie « ecclésiastique » à la puissance, à
la gloire et au succès à des gens qui sinon n'y auraient pas eu accès. Les
événements récents dans le télévangélisme ont montré à quel point la
religion peut servir de moyen pour se hisser, même pour ceux qui
commencent sans avoir beaucoup de richesses ou d'instruction.
[64] Ce fait montre, de
manière implicite, que « l’Église » à Zarahemla était destinée à tous les
habitants de l'endroit et pas simplement aux réfugiés du pays de Néphi.
L'organisation de l'Église par Mosiah et Alma représentait une
restructuration majeure de la société à Zarahemla.
[65] Dans une communauté
d'intention, comme c'était le cas de l'Église, on devait se demander à
quel point on pouvait pécher avant qu'il ne devienne manifeste que
l'intention de la personne de servir Dieu avait cessé d'exister. Et si
cette intention avait disparu, pouvait-elle encore être considérée
valablement comme membre de cette communauté ? (C'était une question
importante au début de l'Islam. Par eux-mêmes, les péchés graves
faisaient-ils que quelqu’un cesse d'être musulman ? La foi seule
suffisait-elle ? Et les œuvres ?) De telles questions ne se posaient pas
lorsque la simple citoyenneté néphite faisait d'une personne un membre du
peuple de Dieu, sans décision personnelle.
[66] Quelqu'un m’a suggéré que
Mosiah 5:8-12 contient la notion de l'excommunication. Mais ce passage
paraît plutôt faire allusion à des événements du jugement postmortel,
c'est-à-dire pas l'excommunication par rapport à une Église terrestre mais
« l'excommunication » bien plus grave, en fait spirituellement fatale, «
par rapport à la présence du Seigneur.
[67] Apparemment beaucoup de
Néphites continuèrent à se considérer comme le peuple élu du Seigneur tout
simplement sur la base de leur généalogie et le Seigneur continuait
clairement à rejeter une attitude aussi suffisante. Notez, par exemple, le
martèlement de cet avertissement lancé contre « ce peuple », les Néphites
(maintes fois répété, dans une intention tout à fait délibérée) par Samuel
le Lamanite dans Hélaman 13:5-6. Il n’y a d'espérance que pour « son
peuple » (c'est-à-dire celui du Christ ; italiques ajoutés), qui n'est pas
nécessairement le même groupe.
[68] On pourrait croire que la
décision de Mosiah d'abolir la monarchie venait tout simplement du fait
qu'il n'y avait personne dans sa famille qui voulait l'accepter et qu'il
n'avait pas le choix. Mais en réalité la décision de ses fils de renoncer
à leurs droits héréditaires lui donnait un choix que de lui-même il
n'avait pas tout à fait le droit de faire. Lorsque la décision fut
exclusivement la sienne, il put agir en fonction de ce principe sans
craindre de léser les princes qu’étaient ses fils.
[69] Voilà qui en dit long sur
la personnalité de Mosiah II! (Surtout par contraste avec le roi Noé). Il
est clair que le roi se faisait également du souci à propos de la menace
potentielle que la poursuite de l'existence de la monarchie pouvait
présenter pour son héritier (voir Mosiah 25:6-9).
[70] The Life of Henry V, acte 4, scène
1, lignes 138-152.
[71] Id., acte 4, scène 1,
lignes 247-301. Le Henry de Shakespeare est vivement conscient du fait que
le roi, bien qu’accablé par des responsabilités plus qu’ordinaires, n'est
qu'un homme. C'est ainsi qu'aux lignes 105-114 du même acte et de la même
scène ces paroles ironiques (il est toujours déguisé en homme du commun)
lancent un message grave : « Je pense que le roi n'est qu'un homme, comme
moi : la violette a pour lui la même odeur que pour moi ; les éléments se
montrent à lui comme ils se montrent à moi ; tous ses sens n’ont que la
condition humaine : une fois ses cérémonies mises de côté, dans sa nudité
il n'apparaît que comme un homme ; et même si ses sentiments sont plus
élevés que les nôtres, néanmoins, quand ils s'abaissent, ils s’abaissent
de la même aile. C'est pourquoi quand il voit des raisons de craindre,
comme nous craignons, ses craintes, à cause du doute, sont du même goût
que les nôtres. » Comparez avec les sentiments exprimés par le roi
Benjamin, père de Mosiah II dans Mosiah 2:10-11: « Je ne vous ai pas
commandé de monter ici pour que vous me craigniez, ou pour que vous
pensiez que, de moi-même, je suis plus qu'un homme mortel. Mais je suis
semblable à vous, sujet à toutes sortes d'infirmités de corps et d'esprit;
cependant j'ai été choisi par ce peuple, et consacré par mon père, et la
main du Seigneur a permis que je sois gouverneur et roi de ce peuple. » Ni
le point de vue de Henry, ni celui de Benjamin ne doivent être considérés
comme démocratiques, mais simplement réalistes.
[72] L'historien britannique
distingué A. L. Rowse, dans son commentaire sur ce passage, fait la
réflexion: « Je crains que cela ne trahisse, comme d'habitude, l'opinion
qu'entretient Shakespeare sur l'homme moyen : pas très démocratique, pas
de sornettes. » Voir A. L. Rowse, The Annotated Shakespeare,
3 vol., New York, Potter, 1978, 2:537.
[73] Ammon, Aaron, Omner et
Himni, les quatre fils de Mosiah II, ont consacré des prêtres chez les
Lamanites (Alma 23:4), mais il n'y a aucune raison, en dépit de leur
quatorze années d'absence (Alma 23:4) de supposer qu'ils l’ont fait
indépendamment de l'autorité de la prêtrise inhérente à l'Église néphite.
Plus tard, Ammon au moins apparaît comme ecclésiastiquement subordonné à
Alma le Jeune (Alma 30:20, 30).
[74] La fonction de grand
prêtre n'est pas mentionnée au-delà de 3 Néphi 6:21-22, 27, époque à
laquelle elle s'était clairement corrompue.
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