Les
Mulékites sont un groupe qui a émigré de Jérusalem vers lAmérique au moment de
la conquête babylonienne au 6e siècle av. J.-C. pour former le peuple de Zarahemla, que
les Néphites, sous Mosiah, découvriront quelque cinq cents ans plus tard. Dans cet
article, John Sorenson examine les prophéties bibliques relatives à ce groupe.
PROPHETIES BIBLIQUES SUR LES MULEKITES
par John L. Sorenson
publié à lorigine dans The Improvement Era de mai 1957
tiré de A Book of Mormon Treasury, Bookcraft, Salt Lake City, 1976
traduit de FARMS Reprint, SOR-57
© FARMS
Les saints des derniers jours se sont toujours intéressés aux écritures bibliques qui
prophétisent sur le Livre de Mormon. Nous connaissons presque tous lexpression
dÉsaïe : « ta voix sortira de terre » ou le « bois de Joseph »
dÉzéchiel. Il y a cependant un passage de lAncien Testament qui a été
curieusement négligé en dépit du fait quOrson Pratt en ait relevé la
signification il y a longtemps. La prophétie se trouve dans Ézéchiel, chapitre 17 ;
Mulek en est le sujet :
« Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: J'enlèverai, moi, la cime d'un grand cèdre, et
je la placerai; j'arracherai du sommet de ses branches un tendre rameau, et je le
planterai sur une montagne haute et élevée.
« Je le planterai sur une haute montagne d'Israël; il produira des branches et portera
du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Les oiseaux de toute espèce reposeront sous
lui, tout ce qui a des ailes reposera sous l'ombre de ses rameaux.
« Et tous les arbres des champs sauront que moi, l'Éternel, j'ai abaissé l'arbre qui
s'élevait et élevé l'arbre qui était abaissé, que j'ai desséché l'arbre vert et
fait verdir l'arbre sec. Moi, l'Éternel, j'ai parlé, et j'agirai » (Ézéchiel
17:22-24).
Qui était Mulek, au juste ? Le Livre de Mormon dit très peu de choses sur lui : il
était fils de Sédécias, dernier roi des Juifs, qui, avec des compagnons, se rendit dans
le même pays que le groupe de Léhi. Mulek et la prophétie dÉzéchiel se situent
tous les deux à la même époque tendue du monde juif antique.
En 598 av. J.-C. [datation de lauteur], Jojakin, dix-huit ans, ne régnait comme roi
dans le pays de Juda que depuis trois mois quand Nebucadnetsar, roi de Babylone, envoya
une armée assiéger Jérusalem à titre de représailles pour la rébellion du père,
maintenant décédé, de Jojakin. Le jeune roi, avec la plus grande partie de la maison
royale, plus des citoyens importants de Jérusalem, fut emmené captif à Babylone, dans
le « pays entre les fleuves ». Ézéchiel faisait partie, lui aussi, des exilés.
Entre-temps, un nouveau roi fantoche était installé sur le trône de Juda par les
maîtres venus de lorient. Cétait Matthania, rebaptisé Sédécias, qui
navait lui-même que vingt et un ans.
Ces faits, Néphi ne les a pas enregistrés sur les petites plaques du Livre de Mormon. Il
commence simplement son histoire « au commencement de la première année du règne de
Sédécias, roi de Juda » (1 Néphi 1:4). Cette même année, Léhi et sa famille
senfuirent de Terre sainte pour traverser lArabie jusquà la mer et
atteindre finalement la terre promise lAmérique.
Le prophète Jérémie essaya vainement de mettre lentêté Sédécias en garde
contre le danger de sa politique rebelle à légard de Babylone. LÉgypte,
insistait-il, était un allié épuisé et inutile, qui ne pouvait rien faire pour
défendre les Juifs dans un affrontement militaire. Le prophète avait bien entendu
raison. Au bout de neuf ans dun règne incertain, Sédécias vit sa capitale de
nouveau assiégée par une grande armée de son maître, Nebucadnetsar. Puis, au cours
dune deuxième année de famine et dimpuissance dun peuple piégé dans
les murs de Jérusalem, lespoir sévanouit. Le roi lui-même essaya de se
glisser à travers le cordon des ennemis. Il échoua et « les fils de Sédécias furent
égorgés en sa présence; puis on creva les yeux à Sédécias
et on le mena à
Babylone » (2 Rois 25:7).
Cette scène finale eut lieu vers 587-586 av. J.-C., alors que le groupe de Léhi était
toujours en route pour lAmérique. (Voir 2 Néphi 1:4.) Quatre ans seulement
auparavant, Ézéchiel avait parlé durement de Sédécias. Le prophète était pour que
les Juifs soutiennent fermement le monarque captif Jojakin. Il voyait en Sédécias un
violeur dalliances avide de pouvoir dont le châtiment terrible nallait pas
tarder, comme ce fut effectivement le cas. Ézéchiel (17:1-21) raconte à coups
dimages fortes cet aspect de lhistoire. La prophétie qui nous préoccupe
vient ensuite aux versets 22 à 24.
Il est facile de voir pourquoi Ézéchiel avait à lesprit le Livre de Mormon et son
peuple. Il vivait à une époque de crise terrible pour Israël, où son peuple était
dispersé sur la terre comme il ne lavait encore jamais été. Du vivant même
dÉzéchiel, deux petits groupes furent emmenés hors du pays, pour se retrouver
plus tard en Amérique. Ainsi donc, dans un certain sens, Ézéchiel 17 et 37
sexprimaient sur un problème capital qui le préoccupait à ce moment-là et qui
allait illuminer les générations futures.
Lauteur de 2 Rois rapporte que « les fils de Sédécias furent égorgés en sa
présence ». Mais le Livre de Mormon nous apprend quun de ses fils échappa. Cinq
siècles plus tard, Alma, le prophète, disait : « Direz-vous que les fils de Sédécias
n'ont pas été tués, tous excepté Mulek? Oui, et ne voyez-vous pas que la postérité
de Sédécias est avec nous, et qu'elle a été chassée du pays de Jérusalem? »
(Hélaman 8:21).
Le fait que ce fils ait pu échapper ne doit pas trop nous étonner après tout.
Souvenez-vous que Sédécias navait que trente-deux ans quand il a été pris. Il
ny avait certainement aucun de ses enfants qui était adolescent. Il est très
possible que Mulek ait été un enfant déguisé que des serviteurs dévoués ont
soustrait aux griffes des Babyloniens. Il se peut quil ait été avec le groupe des
« filles du roi » quand elles sont finalement parvenues en Égypte avec Jérémie. (Voir
Jérémie 41:10; 43:6.)
Le Livre de Mormon ne dit pas grand-chose sur la traversée de locéan par le groupe
de Mulek. Omni (v. 16) écrit : « Ils voyagèrent dans le désert, et furent amenés par
la main du Seigneur de l'autre côté des grandes eaux, au pays où Mosiah les découvrit
». Cétait le pays de Zarahemla.
Le professeur Hugh Nibley a fait observer que lon retrouve de nombreux éléments
égyptiens à larrière-plan du Livre de Mormon et que ceux-ci peuvent être dus à
des expériences de la vie de Léhi lui-même. Une autre explication possible est que ces
éléments ont fait le voyage avec Mulek et son groupe. Par exemple, le professeur Nibley
voit dans le nom Giddonah, un nom propre du Livre de Mormon, une version égyptianisée du
nom du célèbre port phénicien Sidon [1]. Si nous remarquons, en outre, que ce sont,
selon toute probabilité, les Mulékites [2] qui ont donné son nom au Sidon, le fleuve
principal du pays du sud dans la terre promise, le nom du port phénicien acquiert une
importance supplémentaire. Il est possible que Mulek ait été transporté de
lautre côté de locéan par un navire sidonien détourné de lactivité
commerciale séculaire des Égyptiens. Mais ce nest quune supposition. Il
nen reste pas moins vrai que Mulek est arrivé à bon port.
Hélaman nous apprend (6:10) que Mulek a tout dabord abordé au pays du nord à son
arrivée du Vieux monde. Mais Amaléki, lun des anciens historiens néphites (Omni
15-16), dit expressément que les Mulékites « furent amenés par la main du Seigneur de
l'autre côté des grandes eaux, au pays où Mosiah les découvrit; et ils y demeuraient
depuis ce temps-là ». Dans sa digression détaillée sur la géographie (Alma 22, en
particulier les versets 30 et 31), Alma dit que le pays situé du côté du nord «
fut découvert par le peuple de Zarahemla, car il était le lieu de leur premier
débarquement.
« Et ils étaient venus de là et étaient montés dans le désert du sud. » Ainsi donc,
le groupe de Mulek, au contraire de celui de Léhi, nétait pas satisfait de son
premier point de débarquement pour sy installer. Pour une raison que nous ne
connaissons pas, ils ont poussé plus avant et sont « montés » vers le pays de
Zarahemla.
Or Ézéchiel avait vu, prophétiquement, une série dévénements qui ressemblent
beaucoup à ceux-ci, en dépit du fait quils sont décrits dans un langage figuré.
Il vit un cèdre imposant, représentant la maison royale de Juda, et ce qui allait lui
arriver.
« Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel: J'enlèverai, moi, la cime d'un grand cèdre, et
je la placerai; j'arracherai du sommet de ses branches un tendre rameau, et je le
planterai sur une montagne haute et élevée
» (Ézéchiel 17:22). Les versets
précédents en montrent clairement la signification : un enfant de Sédécias, le roi,
allait être « arraché » de larbre familial et « planté » dans un autre pays.
La certitude que ce « tendre rameau » était le Mulek du Livre de Mormon est rendue
encore plus convaincante par un jeu de mots révélateur impliquant son nom. Les saints
des derniers jours qui ont accordé un tant soit peu dattention à la question ont
considéré logiquement que la racine hébraïque du nom de Mulek devait être malak,
régner, doù melek, roi, et beaucoup dautres formes de sens apparenté. Cela
nexplique toutefois pas les voyelles u et e. Ces voyelles intérieures sont très
importantes dans les mots hébreux. Si lon considère que lorthographe du nom
donnée par Joseph Smith reproduit raisonnablement les distinctions de la langue antique,
il devient clair que Mulek est probablement ce que lon appelle une forme pual
dun verbe hébreu et serait par conséquent lu comme une voix passive. La voix
passive de malak, « gouverné » ou « assujetti », ne serait certainement pas le nom
que retiendrait un prince déposé. Il a dû avoir une autre signification.
Si nous lisons le nom comme étant muleq (avec un qof final), le sens deviendrait «
détacher, arracher ». (On ne trouve nulle part cette variante de cette racine dans notre
Ancien Testament, pas plus, dailleurs, que des milliers dautres mots de
lhébreu ancien courant.) Pour lesprit sémitique, avec son amour des jeux de
mots, cette situation serait parfaite. Chaque fois que le nom du prince Mulek aurait été
prononcé, cela aurait rappelé à ses partisans fidèles quil était à la fois
leur roi et le rameau arraché de la prophétie dÉzéchiel. De cette façon, Mulek
pouvait rester le symbole dune prophétie accomplie par la chute de Jérusalem ainsi
que dune promesse prophétique réalisée par la transplantation de la maison
régnante de Juda dans un autre pays.
Le récit du Livre de Mormon cadre donc avec le nom ; un prince de Juda arraché de
larbre royal pour pousser dans un pays lointain haut et élevé. Tout cela était
luvre du Seigneur, pas de lhomme. Notez que tandis quÉzéchiel
dit quun « grand aigle [ou pays]
enleva la cime d'un cèdre [Jojakin] » et
« arracha le plus élevé de ses rameaux » (17:3-4, 12), par contraste, il est dit
expressément que le rameau ultérieur, Mulek, est ce que le Seigneur arrache (v. 22).
Omni (v. 16) le confirme formellement en disant que Mulek fut amené à travers
locéan « par la main du Seigneur ». Ceux qui ont fait naviguer le bateau pour le
prince aventureux ne méritent pas nécessairement de se voir attribuer le mérite du
succès du voyage ; il avait laide divine du début à la fin.
Ézéchiel prophétisa aussi que Mulek, le rameau, devait être planté «sur une haute
montagne d'Israël ». Quand on lit cette formule, on se rappelle la bénédiction
donnée, sur son lit de mort, par Jacob à Joseph (Genèse 49:22-26). Jacob promit à son
fils préféré une bénédiction supplémentaire au-delà de celles quil avait
héritées de son père, Isaac, et de son grand-père, Abraham. Cet héritage spécial,
dit Jacob, sétendait « jusqu'à la cime des collines éternelles ». Il lui
donnait en bénédiction un pays riche. Les descendants de Léhi, de la lignée de Joseph,
réalisèrent dans la terre promise dAmérique tant la bénédiction de Jacob et
celle que Moïse y ajouta dans la même veine (Deutéronome 33:13-17).
La destination de Mulek était donc le pays « des montagnes antiques », « les collines
éternelles » ou « une haute montagne dIsraël ». Est-ce pour cela que le groupe
de Mulek a continué à avancer dans le désert ? Recherchait-il « une montagne haute et
élevée » comme Ézéchiel lavait dit ?
Tournons-nous maintenant vers un fragment hautement intéressant de lhistoire
traditionnelle de la Mésoamérique ancienne le sud du Mexique et le nord de
lAmérique centrale. Cétait lendroit « à quelques centaines de
kilomètres, du nord au sud, où les Néphites construisirent leurs villes », comme
lécrivit apparemment le prophète Joseph en 1842 [3]. Cest dans cet endroit
riche et exotique que lantique civilisation américaine atteignit son zénith.
Les traditions des peuples originaires de la région sont remplies et de pièges pour les
historiens, mais elles sont également riches en parallèles frappants avec le Livre de
Mormon. Prenez les récits de Don Fernando de Alva Ixtlilxochitl. Un siècle après
Cortès, ce descendant européanisé de la famille royale originaire du Mexique a rédigé
lhistoire traditionnelle de son peuple en utilisant des documents de lépoque
préhispanique qui ont été perdus depuis, mais qui lui étaient accessibles à
lépoque. Il parle de plusieurs peuples qui arrivèrent autrefois pour coloniser le
Mexique. Il dit à propos de lun de ceux-ci : « Ceux qui possédèrent ce nouveau
monde dans ce troisième âge étaient les Ulmecas et les Xicalancas; et daprès ce
que lon trouve dans leur histoire, ils arrivèrent de lest dans des bateaux ou
des barques... [4] »
Mais ce qui est plus intéressant encore, ce sont les renseignements enregistrés par le
chercheur avide quétait le père Bernardino Sahagun, au XVIe siècle dans le centre
du Mexique. Il écrit : « Concernant lorigine de ce peuple, le récit que les
anciens racontent est quils sont venus par la mer de la direction du nord et il est
certain quils sont venus dans des navires de bois... Le premier peuple [quil
mentionne] à sinstaller dans ce pays venait de la direction de la Floride, et il
longea la côte et débarqua au port de Panuco, quils appellent Panco, qui signifie
: endroit où sont arrivés ceux qui ont traversé leau [5] ».
Dautres récits de cette immigration font également aborder ces bateaux à Panuco,
près de la Tampico moderne, dans le golfe du Mexique, au nord-est de Mexico [6].
Il poursuit : « Et à partir de ce port, ils commencèrent à voyager le long de la côte
de la mer, en vue des pics enneigés et des volcans, jusquà arriver à la province
de Guatemala... [7] » À lépoque de Sahagun, le Guatemala comprenait la plus
grande partie du territoire au sud de listhme ou bande étroite de Tehuantepec, dans
le sud du Mexique. Nous avons ainsi le tableau dimmigrants voyageant par mer,
passant à côté dendroits propices à un débarquement, pour pénétrer à
lintérieur des terres situées du côté du sud par rapport à listhme, à la
recherche dune patrie. Cela les amena dans la région riche en ruines dont Joseph
Smith, le prophète, devait dire : « [les Néphites et les Mulékites] vivaient près de
la bande étroite de terre qui englobe maintenant lAmérique centrale, avec toutes
les villes que lon peut trouver. LAmérique centrale, ou Guatemala...
englobait autrefois plusieurs centaines de kilomètres de territoire du nord au sud
La ville de Zarahemla... se trouvait dans ce pays... [8] » Et la ville et le pays de
Zarahemla furent le lieu où Mulek et son groupe sinstallèrent.
Pourquoi le groupe de Mulek est-il passé à côté du pays situé du côté du nord pour
aller sinstaller dans la région de Zarahemla ? Le Livre de Mormon ne le dit pas.
Mais Ézéchiel et peut-être le père Sahagun nous le disent.
Le padre poursuit : « Ces gens étaient à la recherche dun paradis terrestre... et
ils sinstallèrent près des montagnes les plus hautes quils trouvèrent. »
En outre, « il semble queux ou leurs ancêtres aient eu un oracle concernant
lendroit où ils devaient sinstaller. Ils avaient pour nom Tamoanchan, qui
signifie : Nous cherchons notre patrie. [9] »
Faites bien attention maintenant : Ézéchiel a vu quun prince de Juda traverserait
locéan pour sinstaller sur une riche « montagne dIsraël ».
Cest exactement ce que le groupe de Mulek a fait, passant à côté de territoires
étendus, quil ny avait quà prendre, pour pouvoir « monter »
sinstaller au pays de Zarahemla. On nous dit en outre que les Mulékites « y
demeuraient depuis ce temps-là » (Omni 16), tandis que les colons de Sahagun avaient
voyagé à lintérieur des terres et fondé une ville appelée Tamoanchan, où ils
vécurent longtemps dans la paix.
Notre spécialiste le plus éminent de lécriture et de la langue maya antiques a
récemment montré que le nom Tamoanchan vient en fait de la langue maya de lÉtat
de Chiapas, dans le sud du Mexique. Là, sa meilleure signification est : « pays de la
pluie et du brouillard, pays de labondance » et des fleurs [10]. Le nom Zarahemla
signifie probablement pays des « semences abondantes » ou des récoltes abondantes [11].
Les descendants de Mulek et de son groupe ont été appelés le « peuple de Zarahemla ».
Les immigrants du récit de Sahagun portaient le nom de peuple de Tamoanchan. En bref, les
deux pourraient facilement être englobés dans le nom « peuple du pays de
labondance », car telle est la signification essentielle des noms. Vous
souvenez-vous de ce que Moïse avait dit à propos de la terre promise lointaine de Joseph
? « Son pays recevra de l'Éternel, en signe de bénédiction, le meilleur don du
ciel
les meilleurs fruits du soleil, les meilleurs fruits de chaque mois, les
meilleurs produits des antiques montagnes
» (Deutéronome 33:13-15).
Le symbolisme adopté par Ézéchiel, représenter un peuple par un arbre, ici par un
cèdre, est assez insolite pour notre esprit doccidentaux, ou du moins illogique.
Cest là une pratique normale dans la littérature sémitique. Un excellent exemple
en est lallégorie de lolivier de Jacob (Jacob 5:3-6). Trouvons-nous un
parallèle mésoaméricain à ce symbolisme qui saccorde avec les ressemblances
impressionnantes que nous avons déjà relevées dans les récits des immigrants du
Mexique antique ? Oui, effectivement.
Les mêmes Mayas du Chiapas qui nous ont donné le nom Tamoanchan croyaient « en toute
certitude que leur lignage venait des racines de larbre ceiba, qui était au centre
de chacune de leurs localités », selon Nuñez de la Vega [12]. Les Mixtèques, un peu au
nord de listhme (mais linguistiquement apparentés à ceux dont nous avons déjà
parlé), avaient une « famille gouvernante dont on disait quelle descendait de deux
jeunes gens nés de deux arbres majestueux ». Les Zapotèques, voisins, avaient, eux
aussi, « des seigneurs de lignage ancien qui avaient été produits par les arbres ayant
la plus grande taille et la plus grande ombre ». Et comme la fait remarquer, il y a
bien des années, Paul Henning, lun des premiers archéologues mormons
professionnels, les noms des tribus indiennes de la Mésoamérique, telles que les
Zapotèques, les Chichimèques, les Quichés et les Cakchiquels, mentionnent tous des
arbres dune façon ou dune autre [13].
Les traditions citées montrent de manière frappante la nature persistante du symbolisme
utilisé par Ézéchiel. Mulek fut « planté » dans le pays nouveau et riche de
montagnes et y prospéra. (Comparez avec Omni 17 ; Mosiah 25:2). Le rameau a
véritablement produit des branches et porté du fruit et était « un cèdre magnifique
» (voir Ézéchiel 17:23) [14].
Il vaut sans doute mieux parler une autre fois et ailleurs de la pierre doracle que
les anciens immigrants, dont parle Sahagun, ont apportée. (Elle ressemble de manière
remarquable à lurim et au thummim). Mais même sans plus amples détails, le nombre
de parallèles entre le récit des Écritures et les annales provenant de sources profanes
dAmérique ancienne est impressionnant. Résumons-les.
Ézéchiel prophétise quun jeune fils du roi Sédécias devait être « arraché »
de larbre de la famille royale dIsraël par le Seigneur pour être planté sur
la « montagne dIsraël » pour y prospérer. Le Livre de Mormon nous parle de Mulek
(« détaché »), fils de Sédécias, sauvé de la mort dans son enfance, puis amené de
lautre côté de locéan par le Seigneur, dabord dans le pays du nord,
ensuite dans celui du sud pour monter à Zarahemla (« abondance ») où les colons
vécurent longtemps dans une terre riche.
En Mésoamérique ancienne on nous parle dun groupe dimmigrants venu du Vieux
monde par la mer premièrement pour sinstaller dans un paradis terrestre auprès
dune haute montagne, vers laquelle il est guidé par prophétie. Le nom de
lendroit où il sinstalle signifie « pays de labondance ». Il y
demeure longtemps et son nombre saccroît. Plusieurs groupes indiens longtemps
situés juste à côté de cet isthme étroit au sud du Mexique entretenaient la croyance
que leurs ancêtres avaient reçu des noms darbres ou en provenaient.
Certains esprits ne verront dans cette série complexe de parallèles que le pouvoir
mystérieux des coïncidences. Mais les saints des derniers jours ne sont pas obligés
dadopter une telle explication. Nous avons plus que jamais un témoin plus sûr de
ce que Joseph Smith a traduit le Livre de Mormon par le pouvoir de Dieu ; et pour le
profit de ceux qui nont pas ce témoignage dans leur cur, le témoignage
extérieur en faveur de lécriture néphite augmente continuellement.
NOTES
[1] H. Nibley, Léhi dans le Désert et le Monde des Jarédites, Idumea, note pour Sidon.
[2] Le nom Mulékites napparaît pas dans le document néphite mais, par analogie et
tradition, on lutilise dans la littérature de lÉglise pour désigner le
peuple de Zarahemla et il ny a aucune raison de ne pas lutiliser.
[3] Times and Seasons, vol. 3, pp. 915, 927, 1842, Nauvoo.
[4] Obras Historicas de Don Fernando de Alva Ixtlilxochitl, dir. de publ. Chavera, vol. 1,
p. 19, 1952. M. Hunter et Ferguson, Ancient America and the Book of Mormon, pp. 123 et
suiv., 1950, Kolob, Oakland.
[5] Bernardino Sahagun, Historia General de las Cosas de Nueva Espana, vol. 1, 2, 13 ; II,
pp. 299-300, 19446. Edit. Nueva Espana, Mexique.
[6] Par ex. Torquemada, Monarquia Indiana, vol. 1, pp. 254 et suiv., 1938. Mexique.
[7] Sahagun, op. cit. vol. I, p. 34; Hunter et Ferguson, op. cit., p. 124.
[8] Times and Seasons, op. cit.
[9] Sahagun, op. cit.
[10] E. S. Thompson, Maya Hieroglyphic Writings : Introduction, Carnegie Inst. Wash.,
Publ. 589, p. 115, 1950, Washington.
[11] Cf. Hunter et Ferguson, op. cit., pp. 151-152.
[12] P. Henning, Apuntes sobre la historia del chalchihuid en America, Mem. Soc. Alzate,
vol. 31, pp. 29-46, 1911, Mexique.
[13] Henning, op. cit., pp. 42 et suiv.
[14] Une chose intéressante est le rapport possible du nom avec Moloch, divinité
palestinienne païenne à qui des enfants étaient sacrifiés (cf. Jérémie 7:31) à
Jérusalem du temps de Sédécias, et avec malqosh, les pluies du printemps. Les liens
manifestes du rituel de la pluie, du sacrifice des enfants et de la souveraineté en
Mésoamérique suggèrent que le nom du prince juif a pu signifier davantage de choses
pour ses descendants que pour nous !
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