Les plaques d’or étaient-elles en tumbaga ?[1]

 

Par Read H. Putnam

FARMS Reprint, PUT-64

 

L’archéologie du Livre de Mormon commence par un coffre de pierre et un jeu de plaques de métal. Bien qu’il y eût d’autres objets dans le coffre, ce sont ceux-ci qui nous ont fourni notre première connaissance des Néphites à l’époque moderne. Les autres objets n’étaient toutefois pas fabriqués par les Néphites et ne font donc pas l’objet de cet article. Les plaques, une partie tout au moins, ont été fabriquées par l’un des premiers hommes de la nation néphite, tandis que le coffre de pierre a probablement été fait par quelqu’un qui a été témoin de l’effondrement de cette nation.

 

La première chose à voir dans l’étude de l’archéologie du Livre de Mormon, ce n’est ni la traduction, ni le texte, ni l’histoire familiale, ce sont les plaques elles-mêmes. Longtemps avant le début de la traduction, avant l’étude des caractères gravés et avant  le début de la narration de l’histoire néphite, l’esprit de Joseph Smith était préoccupé par des questions qui ont tourmenté l’esprit de générations depuis son temps. Mais dès qu’il eut soupesé, manipulé, senti et tourné les pages, ses questions commencèrent à être remplacées par de la connaissance.

 

De son expérience nous ont été transmises les informations suivantes : 

 

1. Les plaques avaient « l’apparence de l’or »

2. Leurs dimensions étaient de  15 x  20 x 15 cm, soit 4500 cm³ [2]

3. Les surfaces des plaques étaient gravée de caractères d’une « exécution habile », et

4. Un seul homme pouvait facilement les soulever et les porter.

 

Le terme « apparence de l’or » signifie probablement que les plaques étaient de couleur jaune, mais pas d’or pur. La manière la plus facile d’identifier l’or autrement que par sa couleur est son poids et sa malléabilité. Pendant les quatre années au cours desquelles il attendit de recevoir les plaques, l’esprit du prophète dut s’imaginer la valeur immense qu’elles devaient représenter. Le messager lui imposa une formation poussée pour s’assurer qu’il ne tenterait pas de les convertir en richesse. En réfléchissant à la question, il fut amené plus tard à parler d’ « apparence de l’or » plutôt que d’or ou d’or pur. Il a dû se rendre compte que ce n’était pas du 24 carats. Il a peut-être remarqué l’une ou l’autre fente autour des trous qui servaient à la reliure ou a dû se rendre compte qu’elles pesaient moins que ce à quoi il s’attendait. Il a dû de toute évidence avoir des raisons pour décider de les définir comme il l’a fait.

 

Les caractères gravés sur les plaques, a-t-il expliqué, étaient « petits » et « d’une exécution habile ». Les plaques étaient « remplies de caractères gravés » et n’étaient « pas aussi épaisses que le fer blanc ordinaire ». La taille exacte des caractères ou glyphes et la distance entre eux et entre les lignes sont inconnues. L’auteur de cette étude a pourtant un spécimen de travail gravé à la main en anglais qui est très lisible et dans lequel les lettres minuscules ont moins de 1,6 millimètre de haut.

 

L’ « exécution habile » des plaques semble indiquer que le prophète ne connaissait pas ces caractères. Il est probable que la surface des plaques était polie et que celles-ci ne dépassaient pas 5/10e de millimètre d’épaisseur et étaient peut-être même beaucoup plus minces que cela. De toutes façons, la fabrication des plaques devait être le facteur essentiel du succès ou de l’échec du graveur. Il fallait que le métal soit suffisamment tendre en surface pour accepter l’outil du graveur et cependant suffisamment ferme à l’intérieur pour empêcher la plaque de se déformer sous la pression ; il fallait aussi qu’elle soit suffisamment lisse pour que les lignes et les caractères conservent leurs proportions. Joseph Smith décrit les plaques comme « joliment gravées » ; nous devons donc supposer que le métal répondait à toutes ces conditions.

 

Les plaques n’étaient pas lourdes au point de ne pas pouvoir être portées par un homme. Joseph Smith était jeune et vigoureux ; par contre Mormon avait 74 ans quand il les a remises à son fils (voir Mormon 6:6). Rien ne porte à croire que le poids des plaques ait été fort gênant. Les témoins attestent qu’ils les ont « soupesées », ce qui montre que le poids était supportable.

 

L’or est le plus ductile de tous les métaux. On peut le marteler pour en faire une feuille de 0.008 mm. d’épaisseur.  Et  un seul gramme peut être étiré en un fil de 2 km de long. L’argent et le cuivre, les deux métaux les plus ductiles après l’or, se rapprochent très fort de lui, les deux ayant des propriétés presque inimaginables.

 

Le tumbaga est un alliage d’or et de cuivre, les deux seuls métaux colorés connus de l’homme. L’or fond à 1060°, le cuivre à 1083°. Et cependant, un alliage des deux métaux contenant 15 à 40% de cuivre fond à 200° plus bas que l’or.

 

Les métallurgistes de l'Amérique ancienne utilisaient abondamment l’alliage de tumbaga. Sa composition va de 97% d’or à une proportion égale de cuivre, avec plusieurs traces de métaux comme impuretés et l’argent comme impureté ou comme alliage délibéré allant jusqu’à 18%.

 

Des études ont été menées sur les métaux du Panama préhispanique et sur les peuples qui les possédaient. Sur les 15 cultures étudiées, toutes travaillaient l’or, 9 employaient l’argent, 11 ou peut-être 13 connaissaient le cuivre et 8 travaillaient le tumbaga. Les 15 connaissaient le martelage, tandis que six employaient l’art de la gravure. Ces cultures employaient une grande variété d’alliages d’or et d’argent, tant dans le martelage que dans le moulage, mais elles semblent avoir employé davantage les alliages plus riches en or dans les objets manufacturés par martelage.

 

On ne sait pas si les objets fabriqués maintenant attribués à ces quinze cultures ont été fabriqués à l’aide d’alliages que l’on utilisait pour la première fois. L’ampleur de l’analyse, les méthodes manifestement diversifiées et les objets fabriqués avec les mêmes alliages indiquent que le métal avait été utilisé de nombreuses fois avant d’apparaître dans les objets découverts comme reliques de ces cultures. C’était l’exécution des objets fabriqués plutôt que l’alliage qui était le principal moyen d’identification et de classification. Il est donc très peu probable que les métaux employés par les Néphites ou les objets manufacturés par eux qui tombèrent plus tard entre les mains de tribus successives aient été conservés pour nous permettre d’en identifier l’exécution, l’analyse ou l’emplacement et de décréter qu’ils leur étaient propres. Dans le cas des plaques à partir desquelles le Livre de Mormon a été traduit, nous avons donc l’objet fabriqué et l’identification positive.

 

La polyvalence du tumbaga montre que les métallurgistes américains n’étaient pas obligés d’être méticuleux en ce qui concerne un alliage gravimétrique particulier. Et il apparaît que, quel que soit l’alliage ou l’objet, une fois que la dorure était appliquée, le résultat, à l’œil nu, serait de l’or.

 

Le tumbaga a une propriété qu’il faut se rappeler. Quand la teneur en cuivre est particulièrement élevée et que la dorure n’est pas parfaite, tout l’intérieur de l’alliage sous la pellicule de dorure se détruit au moment de l’électrolyse.

 

Le tumbaga, métal magique, peut être moulé, étiré, martelé, doré, soudé, plaqué, durci, recuit, poli, gravé, estampé et damasquiné. Pourtant, malgré cette polyvalence, le tumbaga se détruit si l’alliage est mal fait, s’il est mal conservé ou mal terminé.

 

Un mot maintenant sur certains de ces processus:  Il n’est pas question ici de laisser entendre que tous les métallurgistes de l'Amérique ancienne  utilisaient tous les procédés cités plus haut; en fait chacun d’eux n’utilisait probablement que les quelques-uns qui convenaient à son talent et qui étaient demandés par ceux pour qui il travaillait. Le martelage, le dorage, le recuit et, dans une certaine mesure, la fusion devaient être utiles pour la manufacture et le reliage des plaques du Livre de Mormon. La gravure devait exiger une technique distincte de celle du métallurgiste et n’était pas nécessairement le travail de celui qui avait fabriqué les plaques. C’est ce qui se passe dans un cas au moins dans le Livre de Mormon (voir Omni).

 

Le dorage a pu être fait par un autre artisan encore, utilisant deux méthodes possibles. La première est ce que les Français appellent mise en couleur et consiste à faire ronger le cuivre de surface par des acides citriques et à étendre et brunir l’or restant en une fine dorure de surface. La deuxième consiste à mélanger de l’or en poudre (poussière) à du mercure, à répandre le mélange sur la surface à dorer et ensuite à chauffer légèrement pour étaler le mélange d’or et disperser le mercure. C’est là essentiellement le processus de l’amalgame et il diffère de la première méthode en ce que l’or est ajouté d’une autre source, tandis que dans le premier procédé l’or utilisé est contenu dans l’objet lui-même.

 

Le recuit, dit-on, est un procédé dans lequel on chauffe le métal et le laisse refroidir lentement, ce qui le rend plus tendre et moins cassant. Toutefois, cette définition, en ce qui concerne le cuivre et les alliages d’or, est incorrecte, étant donné que le cuivre devient très tendre et très malléable quand on le chauffe fortement et qu’on le plonge immédiatement dans de l’eau froide, son comportement étant, dans ces circonstances, radicalement opposé à celui de l’acier. En outre, beaucoup de ces alliages (en parlant des alliages d’or, parmi lesquels ceux de cuivre et d’argent) durcissent avec le temps; par conséquent, on peut les ramollir en les chauffant à des températures de l’ordre de 700°, puis en les trempant et ensuite en les durcissant en les chauffant à nouveau à la température requise pour produire les propriétés physiques désirées. On peut ainsi durcir des alliages de cuivre en leur appliquant de la chaleur et en laissant tomber le trempage. La température produite par le martelage à froid ou par le dorage serait tout aussi efficace.  Étant donné que l’or n’est pas affecté par cette série de chauffages et de trempages nécessaires au martelage à froid de l’alliage, la surface dorée, une fois appliquée, reste tendre; l’application de chaleur pour étaler efficacement l’or de la dorure durcit l’alliage qui se trouve au-dessous.

 

Examinons maintenant le coffre dans lequel les plaques égaient déposées. Joseph Smith dit : « Au fond de la boîte, deux pierres étaient posées perpendiculairement aux côtés de la boîte, et sur ces pierres étaient les plaques et les autres objets. » L’artisan qui a fait le coffre voulait-il simplement cacher les plaques ou voulait-il également les préserver ? Il devait vouloir les préserver puisqu’il (Moroni) les avait scellées.

 

Cela ne pouvait pas concerner la partie qui était scellée de sorte que chaque plaque était inaccessible, mais plutôt la disposition de toute la pile puisque ce qui était scellé comprenait la partie qui devait être traduite. Le scellement devait donc concerner le coffre dans lequel les plaques étaient déposées. Moroni a pris soin que ni la terre ni l’eau ne puissent parvenir jusqu’aux plaques, sachant que dans certaines conditions les plaques pouvaient être endommagées ou détruites. La page de titre du Livre de Mormon dit que les plaques ont été scellées et cachées pour le Seigneur, afin qu’elles ne soient pas détruites.

 

Le Dr Sidney B. Sperry a dit que le mot «zif» dans le Livre de Mormon désigne probablement le zinc, car il signifie « brillant » (voir Mosiah 11:8). Il y a peut-être une autre explication, c’est qu’en arrivant à ce terme, Joseph n’a pas pu trouver d’équivalent anglais et a par conséquent rendu les sons néphites en lettres anglaises. Le terme néphite signifiait peut-être « tumbaga », nom emprunté à l’espagnol. (Les Arawak appellent le même alliage quanin.) Bien terminé par la dorure, le tumbaga est également « brillant ».

 

Les artisans natifs ont dit que le tumbaga a une odeur particulière. Avez-vous une pièce en cuivre dans votre proche ? Frottez-la énergiquement, puis reniflez-la. L’or et l’argent n’ont pas d’odeur, mais le cuivre, même chauffé à de très basses températures, en a une.

 

Il est impossible de calculer le poids exact des plaques. Les petites plaques de Néphi étaient peut-être un alliage différent de celles faites par Mormon, qui ne nous dit pas avec certitude s’il a fabriqué lui-même les plaques qu’il a utilisées ou s’il a écrit sur des plaques précédemment faites par quelqu’un d’autre.

 

Joseph Smith a dit que les plaques avaient  15 x 20 x 15 cm, soit un volume de 4500 cm³. D’autres ont avancé des dimensions différentes qui donneraient des volumes allant de 3812 à 5250 cm². Il faut donner la préférence aux chiffres du prophète puisqu’ils représentent une moyenne et que c’est lui, plus que n’importe qui d’autre qui connaissait le mieux les plaques. Un bloc d’or massif  de 4500 cm³ pèserait un peu plus de 85 kilos ! (L’or pèse 19 gr au cm³, l’argent  10 gr. et le cuivre un peu moins de 8 gr.).

 

Mais les plaques devaient peser beaucoup moins qu’un bloc massif du même métal. Les inégalités laissées par le martelage et l’espace d’air entre les plaques devait réduire le poids à sans doute moins de la moitié de celui du bloc massif.

 

Cependant, comme nous l’avons déjà relevé, les plaques n’étaient pas en or pur de 24 carats. Il semble probable, d’une part, qu’elles n’étaient pas faites d’un alliage avec une très faible teneur en or à cause du danger d’électrolyse et de fragilité. D’autre part, l’alliage ne devait pas avoir une teneur en or extrêmement élevée, puisque cela augmenterait le poids. Il y aurait aussi le risque de déformation pendant la gravure des plaques à cause du caractère ductile de ces alliages à teneur plus élevée.

 

Certains auteurs ont suggéré un alliage de 8 carats d’or pour les plaques de Mormon. Si l’on part de là et que l’on utilise le système gravimétrique de William C. Rott, un bloc ayant les dimensions des plaques se composerait de 11,698 kilos d’or, occupant  606 cm³, 35,307 kilos de cuivre occupant 3974 cm³ et 1, 474 kilos d’argent (3% ajoutés comme impureté), occupant 139 cm³. Ainsi, un bloc de tumbaga ayant les dimensions indiquées pour les plaques du Livre de Mormon, avec un alliage de 8 carats et 3% d’impuretés naturelles pèserait  48,478 kilos. En prenant un tel bloc comme point de départ, on doit soustraire 50% pour l’espace occupé par l’air entre chaque feuille de métal; le poids de la pile de plaques serait donc d’environ 24 kilos. Souvenez-vous que l’or a deux fois la densité du cuivre et occupe donc le sixième, environ, du volume total.

 

Si chaque plaque a une épaisseur d’un demi millimètre, elle occuperait jusqu’à 1,3 mm dans la pile et il y aurait 8 à 9 plaques au centimètre. La partie non scellée se composerait alors de 40 plaques ou 80 faces. On fabrique aujourd’hui des boîtes à conserves alimentaires dans un métal ayant une épaisseur de 0,25 à 0,38 mm. Il reste à découvrir l’épaisseur du «fer blanc» ordinaire dont parlait Joseph Smith.

 

Si les plaques ont été faites dans un alliage de 12 carats d’or, elles devaient peser 39,385 kilos en suivant le même système que celui utilisé pour la thèse des 8 carats. Avec l’augmentation de la proportion de l’or dans l’alliage, ce sont également le poids de l’alliage, sa ductilité, et la tendance des plaques, si on les amincit fortement par martelage, à se déformer et à se plisser qui augmentent.

 

Nous devons en conclure que les métallurgistes de l'Amérique ancienne avaient des connaissances et une technicité suffisantes pour fabriquer un jeu de plaques en utilisant l’alliage que les Espagnols appelaient tumbaga. Nous pensons que les plaques du Livre de Mormon étaient faites de cet alliage avec une teneur se situant entre 8 et 12 carats d’or. Il semble donc qu’elles aient pesé entre 24 et 39 kilos. Nous pensons, en outre, que les plaques ont été fabriquées en martelant le métal pour l’amener à une épaisseur d’un demi millimètre avec une surface dorée de 15 millièmes de millimètres, donnant une dureté de 30 Brinells à l’outil du graveur, pendant que le centre de la plaque conservait un Brinell de 80 ou davantage.

 

Les plaques elles-mêmes devaient présenter l’apparence d’une surface d’or massif et cependant elles devaient peser la moitié de ce que pèserait l’or pur.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

On trouvera de plus amples informations concernant les plaques en consultant ce qui suit :

 

Sjodahl, J. M. An Introduction to the Study of the Book of Mormon. Salt Lake City, Deseret News Press, 1927.

Smith, Joseph. Documentary History of the Church. Salt Lake City, Deseret News Press, 1902.

Sperry, Sidney B. Problems of the Book of Mormon. Salt Lake City, Bookcraft, 1964.

Widtsoe, John A., and Franklin S. Harris, Jr. Seven Claims of the Book of Mormon. Independence, Missouri, Zion's Printing and Publishing Company, n.d.

 

On trouvera des informations sur les propriétés des métaux anciens, voir tout spécialement :

 

Lothrop, Samuel Kirkland. Cocle: An Archaeological Study of Central Panama, dans Memoirs of the Peabody Museum of Archaeology and Ethnology, vol. 7. Cambridge, Harvard University; 1937.

Lothrop. Metals from Cenote of Sacrifice, Chichen Itza, Yucatan, dans Memoirs of the Peabody Museum of Archaeology and Ethnology, vol. 10, No.2, Cambridge, Harvard University, 1952.

Orchard, William C. "Peruvian Gold and Gold Plating," Indian Notes, vol. 7, No.4 (October 1930). New York, Museum of the American Indian, Heye Foundation.

Rotto, William C. "Metallurgy," dans Julian H. Stewart, dir. de publ., Handbook of South American Indians, Bulletin 143. Washinqton, Bureau of American Ethnology, 1949.

 



[1] Titre original : « Were the Plates of Mormon of Tumbaga ? »

[2] Note du traducteur: Les nombres  qui apparaissent dans cet article sont des équivalences en système décimal des nombres du système anglais. Etant donné que les opérations de conversion aboutissent à des approximations, les totaux ne sont pas tout à fait exacts.