Y a-t-il des preuves de l’existence de grandes routes dans l’Amérique antique ?
Par Book of Mormon Central
24 septembre 2018

« Et beaucoup de grandes routes furent posées, et beaucoup de routes furent faites, qui menaient de ville en ville, et de pays en pays, et de lieu en lieu » (3 Néphi 6:8)

Dans son abrégé de 3 Néphi, Mormon signale de nombreux travaux publics effectués au cours d’une période de « grande paix dans le pays » (3 Néphi 6:6). Avec la construction de nouvelles villes et la réparation des « vieilles » (v. 7), « beaucoup de grandes routes furent posées, et beaucoup de routes furent faites, qui menaient de ville en ville, et de pays en pays, et de lieu en lieu » (v. 8). Même après leur abandon et dans leur délabrement, les grandes routes importantes laissent souvent derrière elles une grande quantité de matériaux non périssables. Pour cette raison, le lecteur peut se demander si l’on a trouvé des restes de grandes routes antiques en Amérique.

Plusieurs civilisations américaines anciennes ont effectivement construit des réseaux routiers remarquables [1] et les archéologues ont longtemps étudié ce qu’il en reste [2]. Les anciens Mayas, en particulier, ont construit et utilisé des grandes routes (également appelées chaussées ou sacbeob) d’une manière qui correspond à plusieurs détails du Livre de Mormon. Le mésoaméricaniste Mark Wright explique à propos des caractéristiques de ces routes :

« Bien qu’ayant des hauteurs et des largeurs différentes, elles étaient généralement faites de gravats bordées de grosses pierres avec de gros pavés à l’intérieur, devenant progressivement plus étroites du bas vers le haut, pour finir par du gravier fin près de la surface et couvertes d’une poudre fine de calcaire (appelée sascab), lissée avec des rouleaux de pierre [3]. »

Route1

La route de « vingt mètres de large et jusqu’à deux mètres de haut » à Dzibilchaltún, dans la zone des basses terres mayas, était construite de cette manière et remonte à peu près à l’époque où les principaux réseaux routiers ont été construits dans le Livre de Mormon [4]. L’anthropologue John L. Sorenson fait remarquer, à propos de ces structures et d’autres du même genre, que ces « constructions massives méritent amplement le qualificatif de ‘cast up’ [jetées vers le haut] qu’utilise 3 Néphi 6:8 dans la version anglaise [5].

Les anciennes routes mayas étaient souvent utilisées pour relier les grands districts ou les groupes d’édifices dans des villes tentaculaires. Les métropoles comme El Mirador, qui ont prospéré du temps du Livre de Mormon, avaient de nombreuses chaussées qui se ramifiaient à partir du centre-ville comme les rayons d’une roue [6]. Il est possible que « la grande route qui menait au marché principal » près de la tour du jardin de Néphi ait été ce genre de grande artère (Hélaman 7:10) [7]. Les sites principaux avaient des dizaines de ces routes. On a, par exemple, trouvé plus de quatre-vingt chaussées rien qu’à Chichen Itza [8].

En plus des chaussées à l’intérieur des villes, des grandes routes plus longues reliaient les principaux centres-ville aux localités satellites situées hors ville. Certaines, comme la sacbe Coba Yaxuna, longue de cent kilomètres [9], s’étendaient même sur des dizaines de kilomètres pour rejoindre d’autres villes ou colonies autonomes. Ces découvertes concordent avec ce que dit le Livre de Mormon sur la construction de « beaucoup de grandes routes… qui menaient de ville en ville, et de pays en pays, et de lieu en lieu » (3 Néphi 6:8 ; italiques ajoutés) [10].

Ce qui est intéressant aussi, selon l’anthropologue Justine M. Shaw, c’est que « presque toutes les chaussées mayas sont droites » et « même lorsque des obstacles de taille moyenne se trouvent sur la trajectoire projetée d’une sacbe, tout est fait pour maintenir la même ligne, au point même de couvrir des constructions antérieures [11] ». Si les grandes routes néphites suivaient ce type d’alignement rectiligne rigide, les images que cela inspire auraient bien renforcé le message d’Alma au peuple de Gédéon :

« Je vois que vous êtes sur les sentiers de la justice; je vois que vous êtes sur le sentier qui mène au royaume de Dieu; oui, je vois que vous rendez droits ses sentiers. Je vois qu'il vous a été révélé, par le témoignage de sa parole, qu'il ne peut marcher dans des sentiers tortueux; et il ne dévie pas non plus de ce qu'il a dit; et il n'a pas non plus la moindre tendance à tourner de la droite vers la gauche, ou de ce qui est bien vers ce qui est mal » (Alma 7:19–20) [12].

Bien que des centaines de kilomètres de ces anciennes routes posées [« jetées vers le haut »] aient été identifiés et étudiés partout en Méso-Amérique [13], une technologie laser appelée LiDAR a récemment révélé des réseaux jusqu’alors inconnus de grandes routes [14]. Ce progrès dans la recherche montre combien il est simple pour des structures même de premier plan de ne pas être détectées sous le feuillage dense de la jungle en Méso-Amérique [15]. Cela implique aussi que bien d’autres kilomètres de routes anciennes ne demandent qu’à être découverts sous le couvert forestier.

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Figure 3 Photo LiDAR montrant des routes au Guatemala. Image via National Geographic.

Commentaire

La plupart des sociétés d’aujourd'hui apprécient les grandes routes pour leur utilité dans le transport des personnes et des marchandises. Bien que les anciens Mayas aient certainement utilisé des grandes routes à de telles fins, les raisons principales de leur construction étaient probablement de nature politique et religieuse [16]. Pour Shaw, les grandes routes offraient « des liens physiques, symboliques, cosmologiques, sociaux et politiques sans pareils » pour les souverains fondés sur la parenté qui étaient très probablement responsables de leur construction [17]. Elle fait en outre remarquer qu’elles « étaient presque certainement affectées à des fins religieuses et plus particulièrement à des processions [18] ».

Cette idée est fascinante quand on se rappelle que le roi Lamoni semble avoir prévu un imposant cortège avant sa conversion. Dans Alma 18:9, le lecteur apprend que Lamoni « avait commandé à ses serviteurs… de préparer ses chevaux et ses chars, et de le conduire au pays de Néphi; car une grande fête avait été déclarée au pays de Néphi par le père de Lamoni, qui était roi de tout le pays [19] ». Si les Lamanites avaient construit des grandes routes importantes, Lamoni et sa suite ont pu avoir l’intention de les utiliser à des fins cérémonielles en se rendant à une fête importante du point de vue politique et éventuellement religieux [20].

Compte tenu de ces détails, il est possible que les Néphites et les Lamanites aient considéré les grandes routes essentiellement de la même manière que les anciens Mayas — comme des moyens symboliques qui permettaient à des forces puissantes de circuler pour connecter des espaces matériels et les peuples qui les habitaient [21]. » Si tel est le cas, cela peut effectivement aider à expliquer déjà pourquoi le Livre de Mormon se fait un devoir de parler de la construction de grandes routes d’importance majeure.

Dans Hélaman 14:24, Samuel le Lamanite prophétise que « beaucoup de grandes routes seront fragmentées » comme signe de la mort du Christ. Mormon, toujours attentif à l’accomplissement de la prophétie, mentionne ensuite, dans 3 Néphi 6:8, les grands travaux de construction de grandes routes, ainsi que, deux chapitres à peine plus tard, l’accomplissement de la prophétie de Samuel : « les grandes routes furent fragmentées, et les routes plates furent abîmées, et beaucoup de lieux nivelés devinrent raboteux » (3 Néphi 8:13).

Si les grandes routes étaient considérées comme des symboles de pouvoir politique et spirituel reliant entre eux souverains et peuples, leur destruction peut avoir représenté la rupture de ce pouvoir, ainsi que l’effondrement de leur société (voir 3 Néphi 7:2). De leur côté, ces images obsédantes, nées dans le sillage de catastrophes naturelles majeures [22], vont ouvrir la voie au ministère unificateur du Christ (voir 4 Néphi 1:17) [23]. Compte tenu de ces possibilités, l’accent mis par Mormon sur la construction de routes dans 3 Néphi 6:8 semble plus qu’un simple hasard. Cela plante subtilement le décor pour l’accomplissement de la prophétie de Samuel, tout en portant un message symbolique qui a un sens particulier dans un contexte méso-américain.

Il est sans doute impossible de savoir si oui ou non les Néphites ou les Lamanites ont construit ou utilisé l’une des routes anciennes connues en Méso-Amérique. N’empêche, les formes physiques et les fonctions symboliques de ces routes sont remarquablement conformes à ce qui est décrit dans le Livre de Mormon. D’un autre côté, elles ne sont pas une caractéristique des anciennes sociétés américaines qui auraient pu être connues ou auxquelles on pouvait s’attendre au moment où le Livre de Mormon a été traduit [24]. Pour ces raisons, les vestiges des anciennes grandes routes américaines constituent une indication intéressante de plus de l’authenticité du Livre de Mormon.

Notes:

[1] Voir Justine M. Shaw, « Maya Sacbeob: Form and Function », dans Ancient Mesoamerica 12, 2001, p. 268.
[2] Voir, par exemple, Alfonso Villa Rojas, « The Yaxuna-Cobá Causeway », Contributions to American Archaeology 2, n° 9, 1934.
[3] Mark Alan Wright, « The Cultural Tapestry of Mesoamerica », Journal of the Book of Mormon and Other Restoration Scripture 22, n° 2, 2013, p. 14.
[4] John L. Sorenson, Mormon’s Codex: An Ancient American Book, Salt Lake City et Provo, UT, Deseret Book et Neal A. Maxwell Institute for Religious Scholarship, 2013, p. 357.
[5] Sorenson, Mormon’s Codex, p. 357.
[6] Voir Wright, « The Cultural Tapestry of Mesoamerica », p. 14.
[7] Voir Book of Mormon Central, « Why Did Nephi Prophesy Near ‘the Highway Which Led to the Chief Market?’(Helaman 7:10) », KnoWhy178, 1er septembre 2016 ; Wallace E. Hunt Jr., « The Marketplace », dans Pressing Forward with the Book of Mormon: The FARMS Updates of the 1990s, dir. de publ. John W. Welch et Melvin J. Thorne, Provo UT, FARMS, 1999, p. 196–200; John L. Sorenson, « Nephi’s Garden and Chief Market », dans Reexploring the Book of Mormon: A Decade of New Research, dir. de publ. John W. Welch, Salt Lake City et Provo, UT, Deseret Book et FARMS, 1992, p. 236–238.
[8] Voir Francisco Pérez Ruiz, « Recintos amurallados: Una interpretación sobre el sistema defensivo de Chichen Itza, Yucatán », dans XVIII simposio de investigaciones arqueológicas en Guatemala, 2004,dir. de publ. Juan Pedro Laporte, Bárbara Arroyo et Héctor E. Mejía, Guatemala City, Museo Nacional de Arqueología y Etnología, p. 882–883.
[9] Voir Shaw, « Maya Sacbeob”, p. 266.
[10] La triple description poétique que Mormon fait de grandes routes et de routes menant (1) « de ville en ville », (2) « de pays en pays » et (3) « de lieu en lieu » est intéressante parce que Shaw attire l’attention sur le fait que les Mayas antiques semblent avoir groupé leurs routes en trois grandes catégories : (1) intrasite local, (2) intrasite centre-banlieue et (3) intersite. Voir Shaw, « Maya Sacbeob », p. 262. Bien qu’on n’en soit pas sûr, il est possible que la description que fait Mormon de « lieu en lieu » concerne les routes « intrasites locales » que celle de « pays en pays » désigne les routes « intersites » et que « de ville en ville » décrive les « intrasites centre-banlieue ». Shaw explique que « les groupes proposés semblent avoir été une réalité pour les Mayas des basses terres. Je n’irai pas jusqu’à affirmer que les Mayas eux-mêmes auraient classifié les Sacbeob de cette façon, et je suis consciente du fait que les mesures et l’échantillon sont un produit de la perception des archéologues, mais il semble bien que les divisions soient liées à quelque chose du monde réel. Il est possible que les groupes soient rattachés à la distance normalement parcourue à pied en un jour par les habitants du site, à la distance facilement parcourue par les personnes participant à un rituel ou au territoire sur lequel un contrôle politique a pu s’exercer et se maintenir sous certaines conditions », p. 266. Hélaman 4:7 vient à l’appui de l’idée que les Néphites avaient au moins une de ces catégories à l’esprit (une journée de marche) : « et là ils se fortifièrent contre les Lamanites, depuis la mer de l'ouest jusqu'à l'est; et cette ligne qu'ils avaient fortifiée et où ils avaient posté leurs armées pour défendre leur pays du nord correspondait à une journée de marche pour un Néphite. »
[11] Justine M. Shaw, « Roads to Ruins: The Role of Sacbeob in Ancient Maya Society », dans Highways, Byways, and Road Systems in the Pre-Modern World, dir. de publ. Susan E. Alcock, John Bodel et Richard J. A. Talbert, Chichester, UK, John Wiley & Sons, 2012, p. 137.
[12] Pas d’application en français
[13] Voir Sorenson, Mormon’s Codex, p. 356–357: « Des routes furent faites et utilisées pendant au moins deux mille cinq cents ans avant la conquête espagnole, en commençant par les Olmèques à Sab Lorenzo. On en a découvert maintenant des centaines de kilomètres dans des endroits allant de l’état de Zacatecas au nord jusqu’au Yucatan et au Guatemala atlantique au sud. »
[14] Voir « 4 Ways the New Maya Discoveries May Relate to the Book of Mormon », Book of Mormon Central Blog, 5 février 2018, en ligne sur bookofmormoncentral.org. Voir aussi Brigit Katz, « LiDAR Scans Reveal Maya Civilization’s Sophisticated Network of Roads », 3 février 2017, en ligne sur smithsonianmag.com; Tom Clynes, « Exclusive: Laser Scans Reveal Maya ‘Megalopolis’ Below Guatemalan Jungle », 1 février 2018, en ligne sur news.nationalgeographic.com.
[15] Voir Wright, « The Cultural Tapestry of Mesoamerica », p. 14; Michael R. Ash, « Archaeology and the Book of Mormon », en ligne sur fairmormon.org; William J. Hamblin, « Basic Methodological Problems with the Anti-Mormon Approach to the Geography and Archaeology of the Book of Mormon », Journal of Book of Mormon Studies 2, n°. 1, 1993, p. 193–196.
[16] Shaw, « Roads to Ruins », p. 139.
[17] Shaw, « Roads to Ruins », p. 135.
[18] Shaw, « Roads to Ruins », p. 139.
[19] Voir Book of Mormon Central, « What Is the Nature and Use of Chariots in the Book of Mormon? (Alma 18:9) », KnoWhy126, 21 juin 2016. Le système de royauté chez les Lamanites ressemble fort à ceux que l’on trouve chez les anciens Mayas. Et il est vraisemblable qu’entre autres choses Lamoni se serait rendu à la fête pour payer le tribut à son père. Voir Book of Mormon Central, « What Did it Mean to be ‘King Over All the Land’?(Alma 20:8), KnoWhy 128, 23 juin 2016.
[20] On trouvera des indications de ce que les fêtes dans l’Amérique ancienne avaient une signification à la fois religieuse et politique, dans Lisa J. LeCount, « Like Water for Chocolate: Feasting and Political Ritual among the Late Classic Maya at Xunantunich, Belize », American Anthropologist, New Series 103, n° 4, 2001, p. 935–953; Keith Eppich, « Feast and Sacrifice at El Perú-Waka’: The N14-2 Deposit as Dedication », The PARI Journal10, n° 2, Fall 2009, p. 1–19. Bien qu’il soit impossible de savoir si les Lamanites avaient des fêtes religieuses, il y a de bonnes indications de ce que les Néphites observaient les fêtes de leur tradition israélite. Voir Book of Mormon Central, « Did the Nephites Have a ‘Holiday Season’ Like We Do Today? (Mosiah 2:4) », KnoWhy 394, 28 décembre 2017; Book of Mormon Central, « Did Jacob Refer to Ancient Israelite Autumn Festivals? (2 Nephi 6:4) », KnoWhy32, 12 février 2016.
[21] Shaw, « Roads to Ruins », p. 134.
[22] Voir Book of Mormon Central, « What Caused the Darkness and Destruction in the 34th Year? (3 Nephi 8:20) », KnoWhy197, 28 septembre 2016.
[23] Voir Book of Mormon Central, « Why Did the Peace Last So Long in 4 Nephi? (4 Nephi 1:16) », KnoWhy225, 17 novembre 2016.
[24] Il est vraisemblable que l’attention du public américain ait été attirée pour la première fois sur les anciennes grandes routes américaines par John Lloyd Stephens et Frederick Catherwood, plus de dix ans après la publication du Livre de Mormon. Parmi les nombreuses routes mentionnées dans ses voyages, Stephens parle d’un « grand chemin pavé, fait d’une pierre blanche pure, appelé en langue maya sacbé, allant de Kabah à Uxmal, sur lequel les seigneurs de ces localités envoyaient çà et là des messagers portant des lettres écrites sur des feuilles et des écorces d’arbres ». John L. Stephens, Incidents of Travel in Yucatan, 2 vols., New York, NY, Harper and Brothers, 1843, 1:415. Voir aussi John E. Clark, Wade Ardern et Matthew Roper, « Debating the Foundations of Mormonism: The Book of Mormon and Archaeology », exposé fait lors de la conférence de FAIR de 2005, en ligne sur fairmormon.org.