L'HISTOIRE DES DOCTRINE ET ALLIANCES
 

Ensign, décembre 1984, pp. 32-39
par Robert J. Woodford

Nous considérons « l’explosion des connaissances » comme un phénomène du vingtième siècle : les presses d’imprimerie modernes, les ordinateurs qui bourdonnent et les télétypes qui crépitent. Mais pour les saints des derniers jours, l'explosion a commencé avant même l'organisation de l'Église, lorsque le prophète Joseph recevait révélation sur révélation, parfois plusieurs par jour, pour guider et instruire les saints.

Nous considérons les Doctrine et Alliances comme un livre clairement défini, reposant tranquillement avec les autres Écritures. Mais l'histoire de la façon dont ces révélations ont été écrites, préparées en vue de leur publication et passant par diverses étapes jusqu'à ce qu'elles aient atteint notre édition actuelle est l'histoire des efforts consentis pour essayer de se tenir à jour d’un flot de connaissance révélée, l'histoire de la façon dont les prophètes ont reçu la révélation pour l'Église, de la façon dont elle a été écrite et de la manière dont elle a été arrangée en vue de la publication. Cet article raconte comment nous avons obtenu notre édition actuelle des Doctrine et Alliances.

Avant même que l'Église ne soit organisée, le prophète avait reçu un certain nombre de révélations – par exemple, la Première Vision et les sections 2 à 19. Les premiers membres de l'Église savaient que la révélation continue venant de Dieu était l'un des aspects les plus importants et les plus distinctifs de l'Église et ils étaient toujours désireux d'apprendre ce que le Seigneur leur communiquait par le prophète. Lors de la première conférence, en juin 1830, les membres votèrent pour recevoir du prophète « des révélations et des commandements pour cette Église [1] ». Les membres les copièrent pour pouvoir les étudier. Les missionnaires les écrivirent pour avoir de l'aide pour instruire les convertis. Orson Pratt explique :

« Nous avions souvent accès aux manuscrits [des révélations] lorsque nous prenions pension chez le Prophète ; et nous prenions plaisir à les lire et à les relire avant leur impression. Nous les tenions en si haute estime, que nous en apprîmes certaines par cœur ; et il y en eut quelques-unes que nous copiâmes afin de les consulter pendant que nous étions partis en mission, et aussi pour les lire aux saints pour leur édification. Ces copies sont toujours en notre possession. » (The Seer, mars 1854, p. 228.)

Beaucoup d'autres personnes firent des copies des révélations ; mais parce qu’on ne faisait pas toujours attention en copiant, beaucoup d'erreurs furent commises, répétées et multipliées lors de la copie des copies. Conscients de l'importance d’avoir des copies correctes, les dirigeants de l'Église décidèrent de les éditer. Comme les originaux contenaient des fautes d’orthographe et de grammaire, une conférence de l'Église décida que Joseph Smith devrait apporter les corrections nécessaires. (Far West Record, p. 16.) C'est ce qui est à l’origine des polémiques et des accusations portées par des personnes qui ne savent pas ou ne comprennent pas que le texte des révélations mises par écrit peut être remanié et « changé ».

Nous devons tout d’abord nous rendre compte que les changements nécessaires faits par Joseph Smith sont dans une catégorie différente des fautes de copie. Orson Pratt, qui a travaillé en collaboration étroite avec lui, décrit certains de ces changements :

« Joseph, le prophète, en choisissant les révélations dans les manuscrits et en les arrangeant pour la publication, ne l’a pas fait selon l'ordre des dates auxquelles elles étaient données ; il n’a pas estimé non plus qu’il fallait les publier toutes dans le Livre des Doctrine et Alliances, mais a prévu de les publier de manière plus complète dans son Histoire. Par conséquent, des paragraphes pris dans des révélations d'une date ultérieure sont, dans quelques cas, incorporés à celles d'une date plus ancienne. En effet, au moment de la compilation, le prophète a été inspiré dans plusieurs cas d’ajouter des phrases et des paragraphes aux révélations antérieures. De cette manière, le Seigneur a vraiment donné « ligne sur ligne, un peu ici, un peu là », exactement ce qu'il a fait avec une révélation que Jérémie avait reçue. Et quoique cette révélation ait été brûlée par le roi d'Israël, le Seigneur a de nouveau révélé le message central avec un grand nombre de choses supplémentaires. (Voir Jérémie xxxvi.32.) » (Millennial Star 17, 25 avril 1857, p. 260.)

On en trouve un exemple à la section 20. Quand une partie de cette révélation fut donnée à l'origine en 1830, les offices d'évêque, de membre du grand conseil et de grand prêtre n’existaient pas encore dans l'Église. Joseph Smith les a donc ajoutés à l'édition de 1835, comme l’expliquent les notes de bas de page dans les éditions de 1876 à 1920. La section 107 en est un autre exemple. L'étude textuelle approfondie révèle au moins cinq révélations séparées reçues entre novembre 1831 et le 28 mars 1835, la dernière date étant celle attribuée à la compilation.

LE LIVRE DES COMMANDEMENTS, 1833

Lors d’une conférence importante de l'Église en Ohio, commençant le 1er novembre 1831, un conseil de grands prêtres (sous la présidence de Joseph Smith) prit la décision de publier les révélations sous le titre Livre des Commandements et vota 10.000 exemplaires pour la première édition. (D&A 1 ; Far West Record, p. 15.) La volonté du Seigneur au sujet de la publication des révélations se manifesta quand Joseph Smith reçut la section 1, la « préface » du Seigneur au livre, pendant une suspension de la session. Alors Joseph Smith lança une discussion animée en demandant aux anciens quel témoignage ils étaient disposés à annexer aux commandements. Certains dirent qu'ils étaient disposés à témoigner que les révélations venaient de Dieu, mais d'autres critiquèrent le langage dans lequel les révélations étaient exprimées. (Far West Record, p. 16, History of the Church, 1:224.) De la discussion sortit une révélation, maintenant la section 67, dans laquelle le Seigneur lançait à n'importe laquelle des personnes présentes le défi d’écrire une révélation égale à la « moindre » de celles déjà données. (D&A 67 ; History of the Church, 1:225.) William E. McLellin, « ayant plus d’instruction que de bon sens », s’attaqua à l’entreprise durant la nuit et échoua. (History of the Church, 1:226.)

Cette expérience régla la polémique. Oliver Cowdery lut la section 67 le lendemain matin et « les frères se levèrent alors tour à tour et rendirent témoignage de la véracité du Livre des Commandements. » (Far West Record, p. 16.) Pendant cette même session, Joseph Smith reçut par inspiration une déclaration visant à confirmer la véracité des révélations, que les anciens allaient apparemment signer et inclure dans le Livre des Commandements, un peu comme le témoignage des trois et des huit témoins inclus dans le Livre de Mormon. Cependant, cette déclaration ne fut pas publiée à l’époque, probablement parce que la presse fut détruite au milieu du projet. (History of the Church, 1:226.) Avec quelques changements mineurs dans la formulation, la révélation apparaît maintenant dans les pages d'introduction des Doctrine et Alliances sous le titre « Témoignage des douze apôtres quant à la véracité du livre des Doctrine et Alliances. »

Cela peut étonner que des frères, lors de la conférence, aient pu exprimer une opposition quelconque à la formulation des révélations. Parley P. Pratt, décrivant comment la révélation qui est maintenant la section 50 a été donnée, écrit :

« Après que nous nous fûmes unis en prière… il dicta en notre présence la révélation suivante (chaque phrase était prononcée lentement et très distinctement, et avec une pause entre chacune d’elles, suffisamment longue pour permettre à un secrétaire ordinaire de l’écrire en toutes lettres). »

Frère Pratt poursuit :

« C'est de cette façon que toutes ses révélations écrites furent dictées et écrites. … Elles sont restées telles qu’il les a dictées. » (Autobiography, 5ème éd., Salt Lake City, Deseret Book, 1961, p. 62.)

Étant donné que toutes les sections ont été remaniées à un moment ou à un autre, la description de frère Pratt, si elle est exacte pour ce qui est de la description de la dictée, n'est pas complète en ce qu’elle n’explique pas la forme finale des révélations. Le président Wilford Woodruff a défini la révélation comme étant « l’inspiration du Saint-Esprit accordée à l'homme. Joseph Smith a dit de son temps à John Taylor : « Frère Taylor, vous observez les impressions qui viennent de l'Esprit de Dieu ; vous observez les chuchotements de cet Esprit en vous ; vous les mettez en application dans votre vie et cela deviendra un principe de révélation en vous et vous connaîtrez et comprendrez cet Esprit et ce pouvoir. Joseph Smith était plein de révélations. Il pouvait traduire tout ce que Dieu lui donnait. Il pouvait recevoir la révélation sans l’Urim et le Thummim… [Les révélations] lui étaient donnés par l'inspiration du Dieu Tout-Puissant. » (Millennial Star, 12 octobre 1891, p. 642.)

Orson Pratt confirme la déclaration du président Woodruff et ajoute : « Joseph… recevait les idées de Dieu, mais habillait ces idées avec les mots qui lui venaient à l’esprit » (italiques ajoutés) [2].

Joseph Smith, agissant conformément au vote de la conférence, à savoir qu'il devait corriger, sous l'inspiration du Saint-Esprit, les erreurs de langage et de clarté qu'il pouvait découvrir, se mit aussitôt à l’ouvrage. La conférence ne prit fin que le 12 novembre et Oliver Cowdery et John Whitmer, les messagers qui allaient emporter les révélations pour les faire imprimer à Independence (Missouri), projetaient de partir le 15 novembre. En fait, ils ne se mirent en route que le 20 novembre pour arriver le 5 janvier à Independence.

Quelques mois plus tard, au printemps de 1832, Joseph Smith les rejoignit pour des conférences et aussi pour traiter d'autres affaires concernant le livre. Lors d'une réunion tenue le 30 avril, ils décidèrent de n’en imprimer que 3.000 au lieu de 10.000, pour limiter l’accès aux manuscrits à ceux qui s’occupaient de l'impression, et de nommer Oliver Cowdery, W. W. Phelps et John Whitmer pour revoir une nouvelle fois les révélations et « choisir pour l’impression celles qu’ils jugeront appropriées, comme dicté par l'Esprit et faire toutes les corrections verbales nécessaires. » (Far West Record, p. 25.) Cette dernière décision donnait à ces frères la responsabilité de choisir les révélations qui allaient paraître dans le journal de l’Église, The Evening and Morning Star.

Ils firent leur choix parmi les révélations qu'Oliver Cowdery et John Whitmer avaient apportées à Independence en janvier 1832 et parmi celles que Joseph Smith apporta au mois d’avril suivant. À partir de juin 1832, chaque numéro de The Evening and Morning Star contint, pendant plus d'une année, une ou plusieurs révélations. Malheureusement, ces copies contenaient des fautes d’impression. Quand il commença à réimprimer The Evening and Morning Star à Kirtland en 1834, après que les émeutes eurent arrêté la publication à Independence, Oliver Cowdery expliqua : « Dans les 14 premiers numéros, il y a, dans les Révélations, beaucoup d'erreurs, typographiques et autres, occasionnées par la transcription du manuscrit ; mais, comme nous aurons accès aux originaux, nous nous efforcerons de faire les corrections qui s’indiquent. » (The Evening and Morning Star, 26 septembre 1834, p. 192.)

Tandis que les révélations paraissaient dans The Evening and Morning Star, les mêmes manuscrits étaient employés pour imprimer le Livre des Commandements. Cette impression impliquait un processus long et laborieux. Non seulement ils utilisaient une presse à main, mais les épreuves devaient être transportées sur plus de 1500 kilomètres jusqu’à Kirtland pour être vérifiées par le prophète. Quelques feuilles durent lui parvenir pour le 1er décembre 1832 puisqu'il passa ce jour à corriger des révélations à Kirtland tandis que l'impression continuait au Missouri [3].

La grande décision suivante, écrite le 25 juin 1833 dans une lettre de Sidney Rigdon, au nom de la Première Présidence, fut de ne pas relier les livres : Independence n'avait pas d’atelier de reliure et cela prendrait trop de temps de les envoyer ailleurs. La lettre mentionnait également quelques erreurs typographiques trouvées dans le lot qu'ils avaient reçu. (History of the Church, 1:362-364.) Une semaine plus tard, Sidney Rigdon écrivait d’autres instructions encore sur l’envoi des livres à Kirtland, mais moins de trois semaines plus tard, le 20 juillet 1833, des émeutiers détruisaient la presse et brûlaient la plupart des pages imprimées. (History of the Church, 1:390.) Plusieurs membres courageux sauvèrent quelques exemplaires inachevés [4] jusqu'au milieu du verset 36 dans notre section 64 actuelle.

Ces précieux exemplaires furent reliés et diffusés – cités avec empressement par les missionnaires [5] et mentionnés officiellement.

LES DOCTRINE ET ALLIANCES, 1835

Les persécutions au Missouri n’entamèrent pas la détermination des saints d’imprimer les révélations du prophète. En avril 1834, Sidney Rigdon fut mis à part pour arranger le « Livre des Alliances » en vue de sa publication ; Oliver Cowdery fut chargé de l'aider aussi bien que de réimprimer tous les anciens numéros de The Evening and Morning Star. En septembre, Joseph Smith et Frederick G. Williams se joignirent à eux [6]. D’autres anciens commencèrent à recueillir des fonds et Edmund Bosley fit même alliance de consacrer ses biens à cet effet. (History of the Church, 2:161.)

Tandis que ce comité préparait cette édition, Oliver Cowdery publiait la réimpression faite à Kirtland de The Evening and Morning Star. Les révélations contenues dans la réimpression furent corrigées, et puisqu'elles s’accordent bien avec les mêmes éditées plus tard dans les Doctrine et Alliances, il doit avoir utilisé les mêmes manuscrits que le comité.

Certaines des révélations furent réimprimées sur des prospectus ou des feuilles grand format à Kirtland, mais quelques-unes seulement ont survécu. Les sections 59, 88, 89 et 101 furent imprimées en décembre 1833 ou en janvier 1834 [7] Puisqu'elles paraissent semblables aux textes utilisés dans l'édition 1835 des Doctrine et Alliances, elles doivent avoir été imprimées parce qu'elles étaient jugées trop importantes pour que l’on attende la publication de cette édition. Des feuilles grand format de la section 109 furent également imprimées à Kirtland au moment de la consécration du temple.

Puisque le livre devait être présenté à la conférence du 17 août 1835, plusieurs dirigeants de la prêtrise reçurent apparemment des exemplaires non reliés pour qu’ils puissent les lire à l’avance. Ils pourraient alors témoigner à la conférence de la véracité des révélations. Après avoir entendu les témoignages, la conférence tout entière vota, d'abord en collèges, puis en tant qu'assemblée, pour accepter le livre tel qu’il était arrangé. Notre section 134 actuelle fut également acceptée par un vote unanime pour insertion dans l’édition, de même qu'une section sur le mariage rédigée par Oliver Cowdery, qui fut supprimée du livre en 1876 et remplacée par la section 132 sur l'alliance éternelle du mariage. Les membres qui ne pouvaient pas suivre la conférence furent informés par la publication du procès verbal du grand conseil du 17 août 1834, dans les Doctrine et Alliances elles-mêmes et dans le Latter-day Saints Messenger and Advocate, leur journal de Kirtland [8].

Le livre fut relié à Cleveland et était prêt pour la distribution la deuxième semaine de septembre [9].

Le changement de nom de Livre des Commandements à Doctrine et Alliances correspondait au changement de contenu du livre. Le Livre des Commandements ne contenait que des révélations. Les Doctrine et Alliances contenaient les « Lectures on Faith [discours sur la foi] » – sept traités théologiques – dans la première partie, qui était intitulée « De la doctrine de l'Église des saints des derniers jours » et les révélations, ou « DEUXIÈME PARTIE, Alliances et Commandements » dans la deuxième partie. Le titre, « Doctrine et Alliances » vient probablement des titres des deux parties du livre. En 1921, les « Lectures on Faith » furent retirés des Doctrine et Alliances, « non parce qu'ils étaient contestés, car ce sont d'excellents discours d’une grande valeur sur les principes de la foi, mais parce que ce n'étaient pas des révélations. » (Hyrum M. Smith et Janne M. Sjodahl, Doctrine and Covenants Commentary, Salt Lake City, Bookcraft, 1957, p. xvii.)

Quelques changements supplémentaires furent apportés aux Doctrine et Alliances. Certaines révélations furent combinées ; par exemple, les chapitres 17-19 du Livre des Commandements furent combinés pour former notre section 23 ; les chapitres 30-33 devinrent la section 30 ; les chapitres 44-47 devinrent la section 42. Le chapitre 28 fut combiné avec une autre révélation pour devenir notre section 27.

D’autres révélations, dont certaines avaient été reçues après la destruction de la presse au Missouri, furent également ajoutées, avec le compte rendu de la session du grand conseil du 24 septembre 1834 (qui autorisait la publication) et le compte rendu de la conférence du 17 août 1835 (au cours de laquelle le livre fut approuvé). La page de titre de cette édition précisait que le livre contenait « une sélection soigneuse » des révélations de Joseph Smith. Une brève préface était également incluse.

Aucun des membres du Collège des Douze n’était présent lors de cette réunion d'août : ils étaient tous en mission dans l'Est des États-Unis, mais W. W. Phelps introduisit dans le procès verbal [10] un témoignage du Collège quant à la véracité du livre. Ce témoignage était presque identique à la déclaration que le prophète Joseph Smith avait reçue par révélation quatre ans plus tôt pendant la conférence de 1831, lors de laquelle les Frères avaient approuvé le Livre des Commandements. Aucun des membres du Collège ne s'opposa à ce que son nom soit attaché à ce document vieux de quatre ans. Mais William E. McLellin allait prétendre, trente-cinq ans après, que le témoignage était un faux et qu'il n’aurait pas pu avoir foi aux Doctrine et Alliances, puisque la plupart des révélations avaient été remaniées par rapport à celles du Livre des Commandements [11]. Certains dissidents se sont appuyés sur son témoignage sans se rendre compte qu'il contredit totalement son précédent soutien, enregistré avant son excommunication et son apostasie. Il avait, comme greffier du Collège des Douze, signé un document citant les Doctrine et Alliances comme base d’une décision. (History of the Church, 2:395.) Il était également présent à la conférence de 1831 où les anciens mirent par écrit leur volonté de témoigner du Livre des Commandements. (History of the Church, 2:245 ; Far West Record, pp. 15-16.)

Il y en eut, lorsque le livre fut publié, qui firent des objections au remaniement des révélations [12], ne comprenant apparemment pas le processus de la révélation et le principe du « précepte par précepte » que le Seigneur appliquait pendant qu'il continuait à donner une nouvelle compréhension aux saints. Le point de vue de l'Église, lui, est très bien expliqué par B. H. Roberts :

« Certaines des premières révélations publiées tout d’abord dans le ‘Livre des Commandements’, en 1833, furent mises à jour par le Prophète lui-même, qui corrigea les erreurs commises par les secrétaires et les éditeurs ; quelques phrases supplémentaires furent insérées pour mieux mettre en lumière les sujets traités dans les révélations et des paragraphes furent ajoutés pour que les principes ou les instructions s'appliquent aux dirigeants qui n’étaient pas dans l'Église lorsque certaines des révélations plus anciennes furent données. » (History of the Church, 1:173.)

LES EDITIONS DE 1844, 1845 ET 1846

Le 6 avril 1840, peu après leur arrivée en mission en Angleterre, les Douze se réunirent et décidèrent par vote de publier le Livre de Mormon et les Doctrine et Alliances [13]. Le Livre de Mormon parut, pas les Doctrine et Alliances, probablement parce que la Première Présidence annonça qu'en octobre une nouvelle édition allait être publiée à Nauvoo. (Times and Seasons, octobre 1840, p. 186.) En fait, quand la première édition britannique parut finalement en 1845, elle respecta la présentation d'une édition de Nauvoo de 1844.

Cette deuxième édition fut un peu plus facile que la première. Dès juillet 1840, Samuel Bent et George W. Harris étaient désignés pour lever des fonds ; Ebenezer Robinson commença à clicher (un type d'impression) les Doctrine et Alliances et le livre de cantiques quelque part entre le printemps et août 1841 ; Joseph Smith lut les épreuves de la nouvelle édition en février 1843 ; le Collège des Douze vota en novembre 1843 de lever des fonds pour le papier et le 5 décembre, le prophète fit envoyer l'argent à Orson Hyde dans l'Est des États-Unis avec l’ordre d’acheter le papier [14].

Le 12 juin 1844, le Nauvoo Neighbor publia un avis selon lequel les Doctrine et Alliances seraient prêtes dans un mois environ, mais l'assassinat de Joseph Smith et les blessures de l'éditeur, John Taylor, retardèrent le travail. Il parut probablement en octobre 1844, puisque le Neighbor cessa de publier l’avis après son numéro du 30 octobre.

Quelques changements avaient été apportés : huit sections avaient été ajoutées, dont une écrite après la mort de Joseph Smith : les sections 103, 105, 112, 119, 124, 127, 128 et 135 de nos éditions actuelles. Le compte rendu de l’approbation par la conférence de 1835 avait été abandonné.

Étant donné que le clichage est un processus qui produit des plaques de métal, les éditions de Nauvoo de 1845 et de 1846 reproduisirent l'édition de 1844. Pendant l'exode de Nauvoo, les dirigeants de l'Église prirent soin de dire aux trois administrateurs laissés à Nauvoo qu’ils devaient amener les plaques à Winter Quarters, mais elles ne furent plus jamais utilisées et doivent avoir été perdues [15]. Les saints d'Utah importèrent plutôt des exemplaires d'Angleterre en 1854. En fait, jusqu'à ce qu'une édition considérablement révisée ait été imprimée à Salt Lake City en 1876, toutes les éditions des Doctrine et Alliances utilisées par l’Église furent imprimées en Angleterre.

LES EDITIONS BRITANNIQUES DE 1845 A 1869

Comme en Amérique, l'histoire des Doctrine et Alliances fut mouvementée. Quand Wilford Woodruff fut envoyé en 1844 faire sa deuxième mission en Angleterre, un de ses buts était de publier les Doctrine et Alliances [16]. Sa mission devint tout à coup urgente quand il apprit que John Greenhow, un membre de l'Église du Christ, fondée par Sidney Rigdon, projetait de publier les Doctrine et Alliances en Angleterre et d’en avoir ainsi le copyright [17]. Frère Woodruff, en un peu plus de trois mois, fut le premier à publier et conserva ainsi le copyright pour l'Église.

Cette édition de 1845 fut utile pour deux raisons : elle fournit des livres aux membres de Grande-Bretagne, qui avaient soif des révélations du Prophète, et elle contribua à vider de leur substance les articles diffamatoires qui disaient que l'Église avait imprimé, aux États-Unis, « un livre secret » plein « d’hérésies, de blasphèmes, d'esclavage et de trahison [18] ».

Cette édition copiait les éditions de Nauvoo, comme ce fut également le cas des éditions ultérieures publiées en 1849, 1852, 1854, 1866 et 1869. De 1852 à 1869, on se servit de plaques.

L'édition de 1854 était prévue pour les saints d’Utah et la plupart des exemplaires furent envoyés à Saint-Louis, puis amenés dans l'Ouest en chariot.

L'édition de 1854 révéla aussi le besoin d’effectuer un changement textuel. Orson Pratt, qui était responsable de la publication de cette édition, découvrit qu'un membre mécontent, appelé Charles B. Thomson, publiait un journal contenant des « révélations » qu’il était censé avoir reçues de « Baneemy ». Comme « Baneemy » était le nom de code des « anciens », que Joseph Smith avait donné à la section 105:27, frère Pratt proposa que les vrais noms soient imprimés dans la prochaine édition, ce qui démasquerait Thomson [19]. Étant donné que faire des changements sur les plaques aurait coûté cher, cela fut réellement fait lors de l'édition de 1876.

LES EDITIONS DE 1876 A 1880

Orson Pratt joua un rôle important dans l’étape suivante de l'histoire des Doctrine et Alliances. En janvier 1875, il était plongé dans une révision approfondie pour diviser les sections en versets, ajouter d'autres révélations que le prophète Joseph Smith avait reçues, arranger les sections dans l'ordre chronologique et ajouter « entre parenthèses » les vrais noms après les noms de code – le changement qu’il avait recommandé plus de vingt ans auparavant [20]. Il écrivit également de nouvelles introductions pour beaucoup de sections. En tout ceci il suivait les instructions données par le président Brigham Young. Cette édition fut prête pour la distribution en 1876.

Toutefois, le changement principal fut l’ajout de vingt-six sections. Les sections 2 et 13 contiennent des événements historiques importants ; les sections 77 et 113 comportent des interprétations d'Écritures faites par Joseph Smith ; les sections 85, 121, 122 et 123 sont des extraits de lettres ; la section 109 est la prière de consécration du temple de Kirtland ; la section 110 rapporte la visite des êtres célestes qui apparurent dans le temple, le 3 avril 1836 ; les sections 116, 129, 130 et 131 sont des déclarations inspirées faites par Joseph Smith ; la section 136 est une révélation que Brigham Young reçut après la mort du prophète ; et la majorité, les sections 87, 108, 111, 114, 115, 117, 118, 120, 125, 126 et 132, sont des révélations qui se trouvaient dans l’histoire de Joseph Smith, mais qui n’avaient encore jamais été publiées dans les Doctrine et Alliances.

Orson Pratt participa aussi à un projet de publier les Doctrine et Alliances dans l'alphabet de Deseret et quitta Salt Lake City, le 18 juillet 1877, pour aller en Angleterre dans ce but. Mais il revint le 27 septembre 1877, après avoir appris le décès de Brigham Young et cette édition ne fut jamais terminée.

Cependant, Orson Pratt retourna encore en Angleterre vers la fin de 1878 pour imprimer une nouvelle édition du Livre de Mormon à l'aide de plaques de galvanotypie. L'idée de faire une édition par galvanotypie des Doctrine et Alliances fut, elle aussi, avancée, et frère Pratt, le président John Taylor et William Budge, président de la mission britannique, eurent des échanges intensifs de correspondance à ce sujet [21]. Elle allait fondamentalement respecter le format de 1876, avec, en plus, un index au lieu de la table des matières, et des notes de bas de page. Quand le président Taylor demanda aussi que frère Pratt inclue des références en marge et des notes de bas de page, il appela quatre anciens dignes de confiance, John Nicholsen, Hugh Findley, John Rider et Moroni Snow, pour l’aider.

Bientôt, un jeu complet de plaques galvano typées fut expédié à Salt Lake City, et la première édition publiée grâce à elles en Utah parut en 1880, un an après la première édition britannique par galvanotypie.

À la conférence générale d'octobre 1880, le président George Q. Cannon brandit des exemplaires des Doctrine et Alliances et de la Perle de Grand Prix et dit : « Comme des ajouts ont été faits… par la publication de révélations qui ne se trouvaient pas dans l'édition originale, il a été jugé sage de proposer ces livres avec leur contenu à la conférence, pour voir si celle-ci votera d’accepter les livres et leur contenu comme venant de Dieu et comme s’appliquant à nous, le peuple et l’Église. » Le président Joseph F. Smith proposa le vote et l'assemblée marqua son accord. (Deseret Evening News, 11 octobre 1880, p. 2, colonne 4.)

LES EDITIONS DE 1882 A 1920

Au cours des trente-huit années qui suivirent, il y eut pas moins de vingt-huit impressions des Doctrine et Alliances, la plupart à partir des plaques de galvanotypie faites en 1879, d'autres dans un format semblable. Certaines furent reliées pour faire des diptyques ou des triptyques ; certaines étaient des formats de poche ; plus tard, les éditions de Salt Lake City ajoutèrent une concordance, mais toutes avaient un texte constant avec des notes de bas de page inchangées et on pouvait trouver le même texte sur la même page.

Quand l'édition de 1908 sortit de presse, elle contenait le premier ajout depuis l'édition d'Orson Pratt de 1876 : la Déclaration du président Wilford Woodruff, le Manifeste, au sujet de la pratique du mariage plural. Habituellement, le Manifeste était sur une page séparée que l’on avait collée ; certaines impressions, particulièrement les éditions de poche, n'intégrèrent le Manifeste au texte qu’avec l'édition de 1921.

L'EDITION DE 1921

Les changements majeurs suivants apparurent dans l'édition de 1921. Le 18 mars 1920, George F. Richards fut nommé président d'un comité chargé de préparer une nouvelle édition du Livre de Mormon [22]. Ce projet fut mis sous presse en décembre. En mars 1921, la Première Présidence chargea le même comité de préparer une nouvelle édition des Doctrine et Alliances. Le comité, dont faisaient partie Anthony W. Ivins, James E. Talmage, Melvin J. Ballard et Joseph Fielding Smith, travailla intensivement pendant neuf autres mois et la nouvelle édition fut publiée en décembre.

Leurs révisions retouchaient les notes de bas de page, augmentaient le texte de l’introduction au début des révélations, divisait le texte en parallèles et supprimait les « Lectures on Faith ».

L'EDITION DE 1981

L'édition utilisée aujourd'hui fut publiée en 1981. Elle a été augmentée pour inclure la vision du royaume céleste, donnée à Joseph Smith, et la vision de la Rédemption des morts, donnée à Joseph F. Smith, transférées de la Perle de Grand Prix, devenant les sections 137 et 138 respectivement. La déclaration de la Première Présidence concernant la révélation accordant la prêtrise à « tous les membres masculins de l'Église qui en sont dignes », diffusée le 9 juin 1978, a également été ajoutée sous le titre Déclaration officielle – 2. Le Manifeste du président Woodruff de 1890 est resté la Déclaration officielle – 1, et l’explication qu’il a donnée pour expliquer le Manifeste a également été ajoutée.

La nouvelle édition des Doctrine et Alliances, qui contient ces ajouts, comporte également quelques changements. Les notes de bas de page ont été mises à jour sur le modèle de celles de l'édition anglaise de la Bible faite par l’Église, qui avait précédemment été publiée et distribuée aux membres de l'Église. Ces notes contenaient des renvois au Topical Guide (guide par sujet) de la Bible. En outre, les introductions au début de chaque section ont été mises à jour et un index a été inclus.

Avec la publication de cette nouvelle édition, l'étude des Doctrine et Alliances est entrée dans une ère nouvelle. Les membres de l'Église ont maintenant un accès plus facile au cadre historique et doctrinal dans lequel ce livre d'Écriture a été produit.

N.D.L.R. Histoire des Doctrine et Alliances en français

La première édition des Doctrine et Alliances en français fut publiée en 1908 par le président de la mission française de l’époque, Serge Ballif. Elle se compose de 28 sections, les sections 1, 2, 13, 17, 20, 27, 29, 42, 45, 46, 59, 68, 76, 84, 87, 88, 89, 91, 107, 110, 119, 124, 127, 128, 131, 133, 134, 135.

En 1948, Charles Cestre, professeur de littérature et de civilisation américaines à la Sorbonne, qui avait fait des études en Utah (L’Étoile janvier 1932, p. 1) et qui avait, en son temps, rédigé, pour l’Encyclopédie Larousse, un article favorable sur l’Église en remplacement de l’article diffamatoire de l’édition précédente, fut engagé par l’Église pour traduire les Doctrine et Alliances. Sa traduction n’était néanmoins pas acceptable. En mars 1949, James L. Barker, président de la mission française, rendit visite, à Charleroi, à Roger Dock, qui était sur le point d’aller s’installer aux États-Unis, pour lui demander de traduire les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix. Il lui apporta aussi le manuscrit de Cestre, en lui disant que cette traduction représentait « la version catholique des Doctrine et Alliances », qu’il venait de rejeter entièrement. Il lui dit: « Vous pouvez vous servir de ce manuscrit ou le jeter au panier, comme vous voudrez. » Roger Dock partit aux États-Unis sans examiner le document. Plus tard, quand frère Dock fut appelé comme traducteur par Gordon B. Hinckley, le président Barker réclama la traduction complète des Doctrine et Alliances et de la Perle de Grand Prix. Dock examina alors la traduction de Cestre et décida de l’ignorer complètement. Il fit une traduction fidèle, aidé par le président de la mission française et un comité de réviseurs. Comme Roger Dock avait de nombreuses autres traductions prioritaires à faire, le travail prit plusieurs années, et les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix ne furent publiées qu’en 1958. (Lettre de Roger Dock du 22 août 1983 au traducteur de cet article.)

La traduction de Roger Dock fut révisée en même temps que celle du Livre de Mormon en vue de la publication du triptyque en 1962 et une nouvelle fois dans le cadre de la révision générale des traductions des Écritures modernes à partir de 1986.

NOTES

1. Far West Record (microfilm du manuscrit), Archives du Département d’histoire de l’Église, p. 2.
2. Procès-verbaux de l’École des Prophètes, pieu de Salt Lake City, 9 décembre 1872, Archives du Département d’histoire de l’Église.
3. Evening and Morning Star, décembre 1832, p. 56; Joseph Smith Journal, 1 déc. 1832, Archives du Département d’histoire de l’Église.
4. Voir William E. Berrett, Teachings of the Doctrine and Covenants, Salt Lake City, Deseret Sunday School Union, 1968, p. 7; déclaration de John Taylor, 15 avril 1858, Archives du Département d’histoire de l’Église; The Utah Genealogical and Historical Magazine, vol. 12, juillet 1926, p. 196.
5. Journal History of the Church, 2 janvier 1834, Archives du Département d’histoire de l’Église; History of the Church, 2:27; voir aussi History of the Church, 2:129; The Orson Pratt Journals, Elden J. Watson, comp. et dir. de publ., Salt Lake City, 1975, 2 avril 1834, p. 38.
6. Peter Crawley, “A Bibliography of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints in New York, Ohio, and Missouri”, BYU Studies 12, été 1972, pp. 487-489, 507-508.
7. History of the Church, 2:51; Kirtland Council Minute Book, Archives du Département d’histoire de l’Église, pp. 74, 76.
8. Messenger and Advocate 2, août 1835, pp. 161-164; D&C, éd. 1835, pp. 255-257.
9. W. W. Phelps à Sally Phelps, 16 septembre 1835, Archives du Département d’histoire de l’Église; Orson Pratt Journals, novembre 1835, p. 73.
10. Le procès-verbal manuscrit du Kirtland Council Minute Book, pp. 98-106 ne contient aucune mention du témoignage, mais les récits publiés des procès verbaux le racontent tel que lu par W. W. Phelps.
11. The True Latter-day Saints Herald [Plano, Ill.] 19, 1 août 1872, p. 472; History of the Church, 3:31.
12. David Whitmer, An Address to All Believers in Christ by a Witness to the Divine Authenticity of the Book of Mormon, Richmond, Missouri, David Whitmer, 1887, pp. 48-52; History of the Church, 2:481.
13. Manuscript History of the British Mission, 15, 16 avril 1840, Archives du Département d’histoire de l’Église.
14. History of the Church, 4:164; The Return 2, juillet 1890, p. 302; Journal de Wilford Woodruff, 1-4 février 1843, Archives du Département d’histoire de l’Église; History of the Church, 5:264, 273; History of the Church, 6:66, 100.
15. Journal History of the Church, 28 septembre 1846, pp. 2-3; 11 novembre 1846, p. 2; 1 avril 1847, p. 3, Archives du Département d’histoire de l’Église.
16. Journal de Brigham Young, 19 août 1844, p. 51, Archives du Département d’histoire de l’Église.
17. Journal de Wilford Woodruff, 1-3 mars 1845.
18. Manuscript History of the British Mission, 22 juin 1841, p. 4.
19. Orson Pratt à Brigham Young, 20 novembre 1852, Archives du Département d’histoire de l’Église.
20. Journal du bureau de l’Historien, 7 juillet 1874-14 novembre 1875, p. 70.
21. Voir, par exemple, Orson Pratt à John Taylor, 1 mars 1879, Archives du Département d’histoire de l’Église.
22. Journal de George F. Richards (1918-1920), 18 mars 1920, Archives du Département d’histoire de l’Église.