Dans le fac-similé n° 1 du Livre d’Abraham, il y a, sous le lit en forme de lion, quatre vases dits canopes, qui contenaient les viscères du mort. Les couvercles représentent normalement les quatre fils d’Horus, mais l’explication les identifie comme étant quatre « dieux idolâtres » portant des noms non égyptiens. En outre, ces mêmes personnages se retrouvent dans le fac-similé n° 2, l’hypocéphale, où ils sont interprétés comme représentant « les quatre coins de la terre ». Que faut-il en penser ?

À propos des noms des quatre vases canopes du fac-similé 1

© Kerry A. Shirts, Mormonism Researched

Il est exact que les quatre noms des quatre vases canopes sous le lit en forme de lion ne sont pas nécessairement des noms égyptiens. Mais ce sont des noms que l’on trouve dans le monde antique, à savoir des noms égyptiens combinés à des éléments syro-cananéens antiques, et c'est cela qui est important. Ce n'est pas du charabia. Abraham signale des coutumes égyptiennes antiques à ses lecteurs non égyptiens du Livre d'Abraham.

Elkéna

Le canope avec la tête de faucon, appelé Elkéna, correspond à l'égyptien « qen » ou « qeni », le son d'un « k » dur. « On trouve couramment en Palestine et en Syrie de tels noms qui combinent des éléments égyptiens et sémitiques occidentaux. (Nibley, « Facsimile No. 1 by the Figures », dans l’Improvement Era, août 1969). L'élément égyptien « qen » signifie puissant et est, selon le Dictionnaire de Berlin, utilisé dans divers noms de rois.

Le commentaire de Robert Smith (assyriologue spécialiste du cunéiforme) sur le Livre d’Abraham (commentaire non publié) mentionne que ce mot correspond très bien à l’hébreu biblique Elkana, nom porté par six personnes ou davantage (souvent des Lévites, cf. 1 Samuel 1:1-2, 1 Chroniques 6:22, Exode 6:23, 9:16). Dans Genèse 14:19 nous lisons : « El Elyon quoneh shamayim vaaretz », « le Dieu Très-Haut, maître du ciel et de la terre. « C'est une forme hypocoristique [familière] commune dans l'histoire hittite tardive d’Ashéra et de El-Qone-ersi – El-Créateur-de-la-Terre (qui s’écrit El-ku-ni-ir-sa et se prononce Elkoners, selon Albright, YGC, pp 46, p. 107, note 32 et R. Clifford, CBQ, 33, p. 222). L'est était identifié au canope à tête de faucon, contrepartie égyptienne d'Elkéna, Dw3-mwt-ef [Douamoutef] (cf. Textes des Pyramides 17, 27-8, 2078-79, Ézéchiel 1:10, 10:14, Apocalypse 4:7).

La finale « a » du nom est typique des noms propres cananéens écrits sous leur forme égyptienne. Le nom Horan bien connu s’écrit en égyptien Hwrwnana, un nom de personne, et comme nom de lieu, c’est Hrwn-ah. (Nibley, août 1969, p. 141).

Bar Hebraeus fait observer que du temps de Térach, le père d'Abraham, les Égyptiens apprenaient le chaldéen.

Selon le père De Vaux, le pays de Canaan est appelé, dans les lettres d’Amarna, pays de Kinahni ou Kinahhi. Ceci est proche d'Elkéna, suffisamment proche du point de vue philologique pour savoir qu’il y a réellement eu un tel endroit et un tel nom. Une région de la terre, comme l’appelle Joseph Smith. Une lettre de Ramsès II appelle Canaan « Kinahhi », mais les Égyptiens préféraient Kn'n. L’important est que partout dans la région égypto-syro-palestinienne, Kinah était le nom couramment donné à Canaan, et le nom El-kéna pourrait certainement signifier « Dieu de Kéna » ou Canaan. Et le canope en question représentait l'est, à l'est de Héliopolis, puisque les Égyptiens considéraient celle-ci comme le centre exact du monde. Tout ce qui se trouvait à l'est de ceci était pays kénien. Ce sont ces gens qui ont fait alliance avec Abraham. C'est également la vaste terre promise à Abraham dans l’Apocryphe de la Genèse dans les manuscrits de la mer Morte. Les rabbins identifiaient le pays kénien aux déserts s’étendant de l’extrémité méridionale de l'Arabie jusqu’en Asie Mineure. Dans les prophéties des derniers jours, les Kéniens sont identifiés aux Ismaélites et Nelson Glueck les identifiait aux Récabites, les antiques sectes vivant en communauté dans les déserts arabes. Jéthro était appelé le Kénien et ses compatriotes Madianites se donnaient le nom de Kenim. Certains ont vu dans ces derniers les beni Kain, ou fils de Caïn, des forgerons et fondeurs ambulants, avec leurs habitudes d’errance et leur visage noirci.

H. Seebass note que les Kéniens constituent le lien entre la période patriarcale et la période d'Israël dans le désert, son pays d’origine étant le Néguev. Quoi qu’ils soient d’autre, les Kéniens sont, du point de vue égyptien, le peuple de l'est. Le nom, El-kéna, pourrait bien désigner le dieu d'une région ou d’un peuple oriental (Nibley, p. 142). On notera avec intérêt qu’il y a un système de classification dans lequel l'est est le disque à tête de faucon Rê-Harahkté, seigneur du ciel. Et J. De Witt note dans « Chronique d’Égypte » que lors de la purification du roi, l'est est le faucon. (Nibley, note 118).

Libna

Libna est un nom que l’on a retrouvé dans des documents égyptiens et est rendu en cananéen par « Libna ». Robert Smith note que le nom Libna dérive de la racine sémitique et indo-européenne signifiant « clair » ou « brillant » et même « blanc ». La racine hébraïque lbn nous donne des termes tels que le lebona et olibanum, qui est l’encens, lequel était de couleur blanche selon Pline HN, 12:14, grec libanos, arabe, lub'anun). Ceci était également appliqué à un nom de ville, El Lubban. Labanah est la lune. Le Liban nous frappe naturellement tout de suite, parce qu'il est lié à l'Antiliban couvert de neige et au mont Hermon, et à la Vallée du Liban, qui apparaît sous la forme grecque Libanos et inclut la chaîne de montagnes tout entière.

Nibley fait en outre remarquer que Smith identifie la tête de chacal comme étant Libna, désignation correcte pour l'ouest. Et les Égyptiens le rattachaient au Pays blanc, ce qui est la signification du nom ! (Nibley, « Fac-simile. n° 1 by the Figures » (Improvement Era, septembre 1969). Et Anubis est le dieu de l'Ouest, le Pays blanc des Occidentaux et est associé à la lune. L'Égyptologue Hermann Kees fait remarquer que l'épithète « Seigneur du Pays blanc » (nb ta djesr) dérive de l'idée du « Seigneur du Pays brillant, sanctifié (prachtigen, geheiligten Land). C'est un euphémisme pour désigner la nécropole elle-même, dont tout le monde sait qu’elle est à l'ouest. Cela ferait de lui le Seigneur des Occidentaux. (Nibley, septembre 1969, p. 144). L'Égyptologue Brusch a noté que les quatre couleurs canoniques de l'Égypte ont toujours le blanc comme couleur de l'ouest. En outre, les Libyens à l'ouest de l'Égypte se caractérisaient par leur peau blanche et leurs yeux bleus. Les faits en rapport avec ce canope sont donc :

1. Libna signifie bien Pays blanc
2. Le dieu idolâtre de Libna a bien le masque d'Anubis
3. Le canope à tête de chacal représente bien l'ouest
4. Anubis est le Seigneur de l'ouest
5. Anubis est également Seigneur du Pays blanc
6. Le blanc est la couleur rituelle de l'ouest.

Il apparaît donc que Libna est un nom que l’on peut parfaitement utiliser si l’on veut diviser le monde en quatre régions ou races selon la pratique égyptienne.

Mamacra

Le troisième canope, Mamacra à tête de singe, est très intéressant. Les Égyptiens plaçaient toujours cette tête de singe ou de bœuf (elles sont parfois interchangeables avec les vases canopes) dans le nord.
Quand on décompose le mot, cela donne Ma-macr-a. L'élément macr est très important dans les noms cananéens tels que Mhr-Anat, qui signifie « champion ou défenseur de la déesse Anat ». Ramsès II se donnait le nom de Mahr-B'l, ce qui veut dire défenseur de Ba'al, le dieu cananéen. Mahr-Ra serait le champion ou le défenseur de Ra, équivalant égyptien de Ba'al. Il faut noter que le h dans la racine doit avoir un son fort pour ne pas être absorbé par le r qui suit. Le passage du k au h se voit dans notre nom propre Michel, que les Juifs écrivaient Mi-ka-el. Accessoirement, la forme du nom fait un bon parallèle avec notre Ma-macr-a (Mi-cha-el, comme Mi-ca-iah (forme hébraïque de Michée, 1 Rois 22:8). (Nibley, Improvement Era, septembre 1969).

On notera que le nom cananéen Maq'arah signifie embrasement. Il est intéressant qu’une des légendes abrahamiques dise que le sacrifice d'Abraham consistait à être brûlé par le feu, comme le relève l'Encyclopédie juive. L'idole de Beth-shan est appelée « Mkl'a », le grand dieu. Le premier élément de son nom, Mkl, est cananéen, alors que la fin 'a est égyptienne. Un autre nom dont la forme est intéressante est l'égyptien Mai-m-hqa, signifiant : le lion est souverain. Le nom de notre canope serait alors Mai-m-akr-a qui signifierait : le lion Akr est grand ! Akr étant le dieu de la terre en tant que lion, et qui est sur le lit en forme de lion si ce n’est Abraham ! Tout ceci démontre que ce nom n’est en aucune façon du charabia.

Korasch

Le dernier est Koasch ou Korasch, orthographes variables du même nom, et en corrélation avec le sud. Ceci pourrait très bien être le pays de Cush, région située, selon la Standard Jewish Encyclopedia, au sud de l'Égypte. Le nom (Nubie ou Éthiopie) en hébreu et dans d'autres langues antiques qui s’étendaient au sud d'Éléphantine et de Syène (Assouan). Il a également désigné le sud de l'Arabie et même l’Inde. Les noms des quatre frères, Mitsraïm, Puth, Canaan et Cusch nous rappellent certainement la division du monde en quatre régions. La reine de Puth a certainement vécu dans le sud. Les indigènes de Saba, à l'extrémité méridionale de l'Arabie, adoraient une déesse Iagouth, qui venait naturellement d’Héliopolis !

C’était simplement une forme locale de la déesse Hathor, patronne d’Héliopolis, adorée à Puth et au Saba. Son peuple portait le nom de Koraish ! Ils étaient également appelés les Beni Qananee, ou fils de Canaan. Chez elle, à Héliopolis, la dame s’appelait Wadjit, nom qui fut sémitisé en Ozza, nom sous lequel on la retrouve comme l’une des principales idoles des Qoreish à la Mecque. Ce Qoreish est le diminutif du nom Koraish.

Au total, les noms correspondent parfaitement aux régions qu’indiquent les têtes des quatre canopes du fac-similé n° 1.


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