Le
11 septembre 1857 un horrible massacre était commis dans un endroit appelé Mountain
Meadows, dans le sud de lUtah. Perpétrée par une soixantaine de mormons
accompagnés dIndiens, cette atrocité a immédiatement été imputée à Brigham
Young et les « anti » sen sont emparés pour leur campagne de dénigrement de
lEglise. Nous néprouvons aucun plaisir à évoquer cet événement
déplaisant, mais il nous a semblé que la moindre des choses était que nos lecteurs
soient correctement informés sur ce qui sest passé et sur les responsabilités des
uns et des autres.
LE MASSACRE DE MOUNTAIN MEADOWS
par Richard E. Turley Jr.
Administrateur du Département d'histoire de l'Église
Ensign, septembre 2007
Ce mois de septembre marque le 150e anniversaire d'un épisode terrible dans l'histoire de
l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Le 11 septembre 1857, 50 à 60
miliciens locaux du sud de lUtah, accompagnés dalliés amérindiens,
massacraient quelque 120 émigrants qui se rendaient avec des chariots en Californie. Ce
crime atroce, qui népargna que 17 enfants de six ans et moins, se produisit dans
une vallée de montagne appelée Mountain Meadows, à environ 55 kilomètres au sud-ouest
de Cedar City. Les victimes, dont la plupart venaient de lArkansas, étaient en
route pour la Californie, rêvant de lendemains qui chantent.
Voilà un siècle et demi que le massacre de Mountain Meadows choque et consterne ceux qui
en apprennent lexistence. La tragédie a écrasé de douleur les familles des
victimes, imposé aux descendants des auteurs du crime et à lensemble des membres
de l'Église du chagrin et un sentiment de culpabilité collective, déchaîné des
critiques contre l'Église et suscité des questions douloureuses et difficiles. Comment
une telle chose a-t-elle pu se produire ? Comment des membres de l'Église ont-ils pu
prendre part à un tel crime ?
Deux faits rendent la chose encore plus inconcevable. D'abord, rien de ce que les
émigrants sont censés avoir fait ou dit, même si tout était vrai, ne justifiait, que
ce soit de près ou de loin, leur assassinat. En second lieu, la grande majorité des
auteurs du crime ont mené une vie convenable et non violente avant et après le massacre.
Comme pour tout épisode historique, il faut, pour comprendre les événements du 11
septembre 1857, se faire une idée de ce qui se passait à lépoque et nous ne
pouvons, dans cet article, quen proposer un bref résumé. On trouvera une
documentation plus complète sur cet événement dans louvrage à paraître,
Massacre at Mountain Meadows [1].
Historique
En 1857, une armée américaine de quelque 1.500 hommes était en route pour le Territoire
d'Utah et ce nétait quune avant-garde. Au cours des années précédentes,
des désaccords, des malentendus, des préjugés et des disputes politiques de part et
dautre avaient créé un fossé de plus en plus grand entre le territoire et le
gouvernement fédéral. Rétrospectivement, il est facile de voir que les réactions des
deux groupes étaient excessivesle gouvernement envoya une armée pour écraser ce
quil percevait comme une trahison en Utah et les saints croyaient que l'armée
venait les opprimer, les chasser, voire même les détruire.
En 1858, ce conflitappelé plus tard la guerre d'Utahfut résolu par une
conférence et des négociations de paix. Étant donné que les miliciens de l'Utah et les
troupes des États-Unis ne sétaient jamais affrontés en bataille rangée, on a dit
de la guerre d'Utah quelle avait eu lieu sans effusion de sang. Mais à cause de
lhorreur de Mountain Meadows ce fut loin dêtre le cas.
Tandis que les troupes marchaient en direction de lOuest au cours de lété de
1857, des milliers d'émigrants faisaient de même par voie de terre. Certains de ces
émigrants étaient des convertis à lÉglise en route pour lUtah, mais la
plupart de ceux qui voyageaient vers l'Ouest voulaient atteindre la Californie et beaucoup
étaient accompagnés de grands troupeaux de bétail. La saison d'émigration amena
beaucoup de convois de chariots en Utah juste au moment où les saints des derniers jours
se préparaient à ce qu'ils croyaient devoir être une invasion militaire. Les saints
avaient été chassés du Missouri et de l'Illinois par la force au cours des deux
décennies précédentes et ils craignaient que l'histoire ne se répète.
Cest sur la base de cette perception des choses que Brigham Young, président de
lÉglise et gouverneur du Territoire, et ses conseillers élaborèrent leur
politique. Ils dirent à la population déconomiser son grain et de se préparer à
le dissimuler dans les montagnes pour le cas où elle devrait sy réfugier à
larrivée des troupes. Il nétait pas question de gaspiller ou de vendre le
moindre grain aux marchands ou aux émigrants de passage. La population devait également
économiser ses munitions et veiller à ce que ses armes à feu soient en ordre de marche
et les miliciens du territoire furent mis en état d'alerte pour défendre le territoire
contre les troupes en approche, si besoin était.
Ces consignes furent communiquées aux autorités de tout le territoire. George A. Smith
du Collège des douze apôtres les porta dans le sud de lUtah. Brigham Young, lui et
d'autres dirigeants prononcèrent des discours enflammés contre ce quils
considéraient comme une armée ennemie en route et cherchèrent à sallier aux
Indiens pour résister aux troupes.
Cette politique de temps de guerre exacerba les tensions entre les émigrants en route
pour la Californie et les saints des derniers jours lors du passage des convois de
chariots dans les colonies de l'Utah. Les émigrants étaient contrariés de ne pas
pouvoir se réapprovisionner comme prévu dans le territoire. Il leur était difficile
dacheter du grain et des munitions, et en chemin, leurs troupeaux, dont certains
comptaient des centaines de têtes de bétail, devaient se disputer une quantité limitée
de fourrage et deau au bétail des colons locaux.
Certaines histoires traditionnelles de lUtah, dans leur récit de ce qui se
produisit à Mountain Meadows, ont accepté laffirmation que l'empoisonnant
contribua aussi au conflitque les émigrants de l'Arkansas empoisonnèrent
délibérément une source et une carcasse de buf près de la localité de Fillmore,
dans le centre de l'Utah, causant des maladies et des décès parmi les Indiens locaux.
Selon cette histoire, les Indiens, exaspérés, auraient suivi les émigrants
jusquà Mountain Meadows, où soit ils auraient commis tout seuls les atrocités,
soit auraient forcé les saints des derniers jours apeurés à se joindre à eux pour
l'attaque. La recherche historique prouve que ces histoires ne sont pas exactes.
Sil est vrai que certaines des bêtes des émigrants moururent en cours de route,
notamment près de Fillmore, cela semble avoir été le résultat d'une maladie qui
régnait dans les troupeaux qui traversaient le continent dans les années 1850. La
maladie passait des animaux infectés aux hommes par des coupures ou des blessures ou par
labsorption de viande contaminée. Ne disposant pas de nos connaissances modernes,
les gens pensaient que le problème était provoqué par l'empoisonnement.
Tensions croissantes
Lidée dattaquer le convoi d'émigrants naquit chez les dirigeants locaux de
lÉglise de Cedar City, qui avaient été récemment avertis que des troupes des
États-Unis risquaient dentrer à tout moment par les défilés du sud de l'Utah.
Cedar City était la dernière localité sur la route de la Californie où lon
pouvait moudre du grain et acheter des provisions, mais ici encore les émigrants se
retrouvèrent coincés. Les marchandises dont ils avaient grand besoin n'étaient pas
disponibles dans le magasin de la localité et le meunier faisait payer une vache entière
un prix exorbitant pour moudre quelques dizaines de sacs de grain. Les
semaines de privations firent déborder la marmite et il semblerait quau milieu des
tensions croissantes un émigrant ait prétendu quil avait un pistolet qui avait
tué Joseph Smith. D'autres menacèrent de se joindre aux troupes fédérales qui allaient
sattaquer aux saints. Alexander Fancher, chef du convoi d'émigrants, réprimanda
ces hommes sur le champ.
Il est très probable que les paroles de ces hommes étaient des menaces quil ne
fallait pas prendre au sérieux et qui avaient été lancées dans le feu de
laction, mais dans l'ambiance surchauffée de 1857, les dirigeants de Cedar City les
prirent au mot. Le chef de la police locale essaya de mettre en état darrestation
certains des émigrants pour ivresse publique et blasphème, mais fut forcé de faire
marche arrière. Le convoi de chariots quitta la ville au bout dune heure seulement,
mais les dirigeants excités de Cedar City n'étaient pas disposés à en rester là. Au
lieu de cela ils envisagèrent de lever la milice locale pour poursuivre et arrêter les
contrevenants et probablement leur infliger une amende de quelques têtes de bétail. La
viande de buf et le grain étaient les aliments sur lesquels les saints comptaient
survivre s'ils devaient se sauver dans les montagnes quand les troupes arriveraient.
Isaac Haight, maire, commandant de la milice et président du pieu de Cedar City,
décrivit les griefs contre les émigrants et demanda, dans une dépêche expresse à
William Dame, commandant du district de milice, qui habitait la localité voisine de
Parowan, la permission de lever la milice. Dame était également le président du pieu de
Parowan. Après avoir convoqué un conseil pour discuter de la question, Dame rejeta la
demande. « Ne prêtez pas attention à leurs menaces », disait sa dépêche réponse à
Cedar City. « Les mots ne sont que du vent ils ne font de mal à personne ; mais
s'ils (les émigrants) commettent les actes de violence contre des citoyens, mettez-moi au
courant par express et nous prendrons les dispositions qui garantiront la tranquillité
[2]. »
Toujours décidés à punir les émigrants, les dirigeants de Cedar City conçurent alors
un nouveau plan. S'ils ne pouvaient pas employer la milice pour arrêter les
contrevenants, ils allaient persuader les Indiens Païute locaux de provoquer une
escarmouche avec le convoi de l'Arkansas en tuant certains ou tous les hommes et en volant
leur bétail [3].
Ils projetèrent de lancer l'attaque sur une partie de la piste vers la Californie qui
longeait un tronçon étroit du défilé de la rivière Santa Clara à plusieurs
kilomètres au sud de Mountain Meadows. Ce secteur relevait de la juridiction territoriale
de John D. Lee, major de la milice de Fort Harmony, qui fut entraîné dans le complot.
Lee était également « fermier indien » auprès des Païutes locaux, payé par le
gouvernement fédéral. Lee et Haight eurent, jusque tard dans la soirée, une longue
discussion au sujet des émigrants dans laquelle Lee dit à Haight qu'il pensait que les
Païutes « tueraient tout le monde, les femmes et les enfants aussi bien que les hommes
» si on les incitait à lattaque [4]. Haight fut daccord avec cela et ils
convinrent tous deux dimputer le massacre aux Indiens.
Les Païutes, qui étaient généralement pacifiques, se montrèrent réticents quand on
les mit au courant du projet. Sil leur arrivait de temps en temps de
sapproprier le bétail des émigrants pour se nourrir, ils n'avaient pas
lhabitude de se livrer à des attaques de grande envergure. Mais les dirigeants de
Cedar City leur promirent le pillage et les convainquirent que les émigrants étaient de
mèche avec les troupes « ennemies » qui allaient tuer les Indiens en même temps que
les colons mormons.
Le dimanche 6 septembre, Haight présenta le projet à un conseil de dirigeants locaux qui
détenaient des postes religieux, civils et militaires. Il se heurta à une résistance
stupéfaite de la part de ceux qui lentendaient pour la première fois, ce qui
déclencha une discussion houleuse. Finalement les membres du conseil demandèrent à
Haight s'il avait consulté le président Young à propos de cette affaire. Il répondit
que non et accepta denvoyer de toute urgence un messager à cheval à Salt Lake City
avec une lettre expliquant la situation et demandant ce quil fallait faire.
Un siège de cinq jours
Mais le jour suivant, peu avant que Haight nenvoie la lettre à Brigham Young, Lee
et les Indiens lancèrent une attaque prématurée contre le camp des émigrants à
Mountain Meadows plutôt qu'à l'endroit prévu dans le défilé de la Santa Clara.
Plusieurs des émigrants furent tués, mais les autres repoussèrent leurs assaillants,
les forçant à battre en retraite. Les émigrants mirent rapidement leurs chariots en un
cercle bien fermé, se terrant à l'intérieur du rempart ainsi formé. Deux autres
attaques se produisirent au cours des deux jours suivants d'un siège de cinq jours.
Après le premier assaut, deux miliciens de Cedar City, pensant quil était
nécessaire de dominer cette situation volatile, tirèrent sur deux cavaliers émigrants
découvert à quelques kilomètres à lextérieur du rempart. Ils tuèrent lun
des cavaliers, mais l'autre réussit à atteindre le camp des émigrants où il annonça
que ceux qui avaient tué celui qui était avec lui étaient des blancs, pas des Indiens.
Les conspirateurs étaient maintenant pris à leur propre jeu. Leur attaque contre les
émigrants avait été hésitante. Leur commandant militaire nallait pas tarder à
savoir qu'ils avaient désobéi d'une manière flagrante à ses ordres. Une dépêche à
Brigham Young, qui nétait pas pour demain, était en route pour Salt Lake City. Un
témoin de la participation de blancs avait maintenant répandu la nouvelle chez les
émigrants retranchés. Si on laissait aller les survivants et sils continuaient
jusquen Californie, la nouvelle allait vite se répandre que des mormons étaient
impliqués dans l'attaque. Une armée approchait déjà du territoire et, se dirent les
conspirateurs, si jamais la nouvelle de leur rôle dans l'attaque sapprenait, elle
aurait comme conséquence des représailles militaires qui menaceraient leur vie et celle
de leur peuple. En outre, dautres convois démigrants en route pour la
Californie allaient arriver dun jour à lautre à Cedar City et ensuite à
Mountain Meadows.
La décision du conseil est ignorée
Le 9 septembre, Haight se rendit à Parowan avec Elias Morris, qui était l'un des deux
capitaines de la milice de Haight aussi bien que son conseiller dans la présidence de
pieu. Ils demandèrent une fois de plus la permission de Dame de lever la milice et une
fois de plus Dame réunit un conseil à Parowan, qui décida quil fallait envoyer
des hommes aider les émigrants assiégés à poursuivre leur chemin en paix. Haight se
lamenta plus tard : « Que navons-nous respecté la décision du conseil ! Je
donnerais tout lor du monde pour cela si je le pouvais [5]. »
Au lieu de cela, quand la réunion fut terminée, Haight et son conseiller prirent Dame à
part pour lui fournir des renseignements qu'ils n'avaient pas donnés au conseil : les
émigrants enfermés dans leur cercle de chariots savaient probablement que des hommes
blancs étaient mêlés aux premières attaques. Ils lui dirent aussi que la plupart des
émigrants avaient été déjà tués lors de ces attaques. Cette information amena Dame,
maintenant isolé de linfluence modératrice de son conseil, à revoir sa
précédente décision. Chose tragique, il céda et quand la conversation fut terminée,
Haight sen alla avec le sentiment qu'il avait la permission d'employer la milice.
En arrivant à Cedar City, Haight leva immédiatement deux douzaines de miliciens, la
plupart d'entre eux des officiers, pour quils rejoignent les autres qui attendaient
déjà près du cercle d'émigrants à Mountain Meadows. Eux qui avaient déploré la
violence des comités de vigilance contre leur propre peuple au Missouri et en Illinois
étaient maintenant sur le point dappliquer le même type de violence contre
d'autres, mais à une échelle plus dévastatrice.
Le massacre
Le vendredi 11 septembre, Lee entra dans le cercle fortifié des chariots d'émigrants
avec un drapeau blanc et réussit à convaincre les émigrants assiégés d'accepter des
conditions désespérées. Il dit que la milice les escorterait et les ramènerait sains
et saufs à Cedar City en passant devant les Indiens à condition quils abandonnent
leurs biens et rendent leurs armes pour prouver leurs intentions pacifiques aux Indiens.
Soupçonneux, les émigrants discutèrent de ce quil convenait de faire mais
finirent par accepter les conditions, ne voyant aucune meilleure option. Il y avait des
jours quils étaient cloués là avec peu d'eau, les blessés parmi eux étaient
mourants et ils n'avaient pas assez de munitions pour contenir ne serait-ce quune
nouvelle attaque.
Comme on le leur commandait, les enfants les plus jeunes et les blessés furent les
premiers à quitter lenclos, conduits dans deux chariots, suivis des femmes et des
enfants à pied. Les hommes et les garçons plus âgés sortirent lun après
lautre en dernier lieu, chacun escorté par un milicien armé. Le cortège fit ainsi
un ou deux kilomètres jusqu'à ce que, à un signal convenu, chaque milicien se tourne et
tue l'émigrant à côté de lui, tandis que les Indiens se ruaient hors de leur cachette
pour attaquer les femmes et les enfants terrifiés. Les miliciens qui se trouvaient sur
les deux chariots davant-garde assassinèrent les blessés. En dépit du projet
dimputer le massacre aux Païuteset aux efforts ultérieurs persistants dans
ce sensNephi Johnson maintint plus tard que cétaient ses collègues miliciens
qui sétaient chargés de tuer la plupart des gens.
Une lettre qui arrive trop tard
La réponse par messager express du président Young à Haight, datée du 10 septembre,
arriva à Cedar City deux jours après le massacre. Il leur y faisait part de la nouvelle
récente qu'aucune des troupes américaines ne pourrait atteindre le territoire avant
l'hiver. « Ainsi, vous le voyez, le Seigneur a répondu à nos prières et a de nouveau
détourné le coup qui devait sabattre sur notre tête », écrivait-il.
« En ce qui concerne les convois d'émigrants qui traversent nos colonies, poursuivait
Young, nous ne devons pas intervenir sans les avoir tout dabord avertis quils
doivent tenir leurs distances. Vous devez les laisser tranquilles. Les Indiens feront de
toutes façons ce quils veulent, mais vous devez essayer dentretenir de bons
sentiments avec eux. Il n'y a, à ma connaissance, aucun autre convoi en route pour le
sud. Si ceux qui sont là veulent partir, laissez-les aller en paix. Nous devons être
vigilants, mobilisés et toujours prêts, mais nous devons également rester maîtres de
nous-mêmes et faire preuve de patience, nous protéger, nous et nos biens, et toujours
nous rappeler que cest Dieu qui a tout en mains [6]. »
Quand Haight lut les mots de Young, il sanglota comme un enfant et les seuls mots
quil réussit à prononcer furent : « trop tard, trop tard [7]. »
Les suites
Les dix-sept enfants épargnés, considérés comme « trop jeunes pour parler », furent
adoptés par les familles locales [8]. Des fonctionnaires du gouvernement récupérèrent
les enfants en 1859 et les remirent aux membres de leurs familles en Arkansas. Le massacre
coûta la vie à quelque 120 personnes et affecta irrémédiablement celle des enfants
survivants et des autres parents des victimes. Un siècle et demi plus tard, le massacre
est encore et toujours un sujet profondément douloureux pour leurs descendants et leurs
autres parents.
Brigham Young et les autres dirigeants de lÉglise à Salt Lake City furent mis au
courant du massacre peu après quil se fut produit, mais ce ne fut que
progressivement, avec le temps, quils prirent conscience de l'ampleur de la
participation des colons et des détails terribles du crime. En 1859 ils relevèrent de
leurs fonctions le président de pieu Isaac Haight et les autres dirigeants importants de
lÉglise de Cedar City qui avaient joué un rôle dans le massacre. En 1870, ils
excommunièrent Isaac Haight et John D. Lee.
En 1874, un jury daccusation territorial inculpa neuf hommes pour leur rôle dans le
massacre. La plupart d'entre eux furent arrêtés par la suite, mais seul Lee fut jugé,
condamné et exécuté pour le crime. Un autre inculpé témoigna contre ses complices et
d'autres passèrent de nombreuses années à fuir la loi. D'autres miliciens qui avaient
exécuté le massacre souffrirent le reste de leur vie dun horrible sentiment de
culpabilité et de cauchemars récurrents pour ce qu'ils avaient fait et vu.
Les familles de ceux qui furent les cerveaux du crime furent ostracisées par leurs
voisins qui prétendirent que des malédictions étaient tombées sur elles. Pendant des
décennies, les Païutes souffrirent injustement, eux aussi, parce quon leur imputa
le crime, les qualifiant, eux et leurs descendants, de « brûleurs de chariots », de «
sauvages » et d « hostiles ». Le massacre devint une tache indélébile sur
l'histoire de la région.
Aujourd'hui, certains descendants et collatéraux des victimes sont des saints des
derniers jours. Ces personnes se trouvent dans une situation peu ordinaire parce qu'elles
savent leffet que cela fait dêtre à la fois membre de lÉglise et
parent d'une victime.
James Sanders est larrière arrière-petit-fils de Nancy Saphrona Huff, lun
des enfants qui survécurent au massacre. « Je ressens toujours une souffrance, je
ressens toujours de la colère et de la tristesse de ce que le massacre s'est produit, dit
frère Sanders. Mais je sais que ceux qui ont fait cela devront en rendre compte devant le
Seigneur et cela m'apporte la paix. » Frère Sanders, qui est consultant pour
lhistoire familiale de la cinquième paroisse de Snowflake, pieu de Snowflake
(Arizona), dit que le fait dapprendre que son ancêtre avait été tuée lors du
massacre « n'a pas affecté [s]a foi parce qu'elle est basée sur Jésus-Christ, pas sur
une quelconque personne dans l'Église ».
Sharon Chambers, de la 18ème paroisse du pieu dEnsign (Salt Lake City, Utah), est
larrière-petite-fille de Rebecca Dunlap (lun des enfants survivants). « Les
gens qui ont fait cela étaient égarés. Je ne sais pas ce quils avaient à
lesprit ou dans le cur, dit-elle. Cela mattriste quune chose
pareille soit arrivée à mes ancêtres. Je trouve également triste que lon ait
imputé les actes de quelques-uns à tout un groupe ou à toute une religion. »
Le massacre de Mountain Meadows continue à provoquer souffrances et polémique depuis
cent cinquante ans. Au cours de ces deux dernières décennies, les descendants et
d'autres parents des émigrants et des auteurs du crime ont à certains moments travaillé
ensemble pour commémorer lévénement. Ces efforts ont eu l'appui du président
Hinckley, des autorités de l'État d'Utah et d'autres institutions et personnes. Cette
coopération a débouché entre autres sur la construction de deux monuments
commémoratifs à l'emplacement du massacre et sur le placement de deux plaques en
souvenir des émigrants de l'Arkansas. Des groupes de descendants, des dirigeants et des
membres de lÉglise, ainsi que des autorités civiles continuent à uvrer à
la réconciliation et participeront, ce mois de septembre, à diverses cérémonies
commémoratives à Mountain Meadows.
Notes
1. Le livre, écrit par les historiens mormons Ronald W. Walker, Richard E. Turley Jr., et
Glen M. Leonard, sera bientôt publié par la Oxford University Press.
2. James H. Martineau, The Mountain Meadow Catastrophy, 23 juillet 1907,
Archives de lÉglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.
3. John D. Lee, Mormonism Unveiled: The Life and Confessions of the Late Mormon Bishop,
John D. Lee (1877), p. 219.
4. Mormonism Unveiled, p. 220.
5. Andrew Jenson, notes de la discussion avec William Barton, janvier 1892, dossier
Mountain Meadows, Jenson Collection, Archives de lÉglise.
6. Brigham Young à Isaac C. Haight, 10 septembre 1857, Letterpress Copybook
3:82728, Dossiers du bureau de Brigham Young, Archives de lÉglise.
7. James H. Haslam, interview par S. A. Kenner, rapportée par Josiah Rogerson, 4
décembre 1884, manuscrit dactylographié, 11, dans Josiah Rogerson, Transcripts and Notes
of John D. Lee Trials, Archives de lÉglise.
8. John D. Lee, Lees Last Confession, San Francisco Daily Bulletin
Supplement, 24 mars 1877.
|