CHAPITRE 12 : PREMIERS INCIDENTS DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE SEIGNEUR

 

PREMIÈRE PURIFICATION DU TEMPLE

 

Peu après les festivités du mariage de Cana, Jésus, accompagné de ses disciples, ainsi que de sa mère et d'autres membres de la famille, se rendit à Capernaüm, ville agréablement située près de l'extrémité septentrionale du lac de Galilée ou de Génésareth[1] et théâtre d'un grand nombre des œuvres miraculeuses de notre Seigneur; en effet on finit par la considérer comme sa propre ville[2]. A cause de l'incrédulité de ses habitants, elle devint un sujet de lamentation pour Jésus lorsque, plein de tristesse, il prédit le jugement qui tomberait sur ce lieu[3]. L'emplacement exact de la ville est actuellement inconnu. Cette fois-là, Jésus ne demeura que quelques jours à Capernaüm, car l'époque de la Pâque était proche, et, conformément à la coutume juive, il se rendit à Jérusalem.

 

Les évangiles synoptiques[4], qui sont avant tout consacrés à ce qu'a fait le Christ en Galilée, ne disent rien de sa présence à la fête pascale entre sa douzième année et l'époque de sa mort; c'est à Jean uniquement que nous devons le récit de cette visite au commencement du ministère public du Christ. Il n'est pas improbable que Jésus ait assisté à d'autres Pâques au cours des dix-huit années que les évangélistes passent sous un silence complet et respectueux; mais, n'ayant pas trente ans, il n'aurait pu, lors d'aucune de ses visites précédentes, avoir assumé le droit ou les prérogatives d'enseigner sans contrevenir aux coutumes établies[5]. Il est à noter que lors de cette apparition de Jésus au temple, la première qui nous est rapportée après sa visite lorsqu'il était jeune garçon, il a repris en main les affaires de son Père dont il s'était occupé précédemment. C'est au service de son Père qu'on l'avait trouvé en discussion avec les docteurs de la loi[6], et c'est dans la cause de son Père qu'il fut poussé à agir lors de cette occasion ultérieure.

 

Nous avons déjà parlé, en passant, des foules nombreuses et mélangées qui assistaient à la fête de la Pâque[7]; il faut se rappeler certaines des coutumes répréhensibles qui régnaient. La loi de Moïse avait été complétée par tout un fatras de règles, et les exigences rigidement imposées au sujet des sacrifices et du tribut avaient donné naissance à un système de ventes et de trocs à l'intérieur de l'enceinte sacrée de la maison du Seigneur. Dans les cours extérieures se trouvaient des étables contenant des bœufs, des enclos de moutons, des cages de colombes et de pigeons; les vendeurs criaient tout haut la valeur cérémonielle de ces victimes sacrificatoires et faisaient payer en conséquence. Il était aussi de coutume de payer à cette époque le tribut annuel du sanctuaire - rançon requise de chaque personne de sexe masculin d'Israël et se montant à un demi-sicle[8] par personne, quelle que fût sa pauvreté ou sa richesse. Cela devait être payé «selon le sicle du sanctuaire», limitation qui, avaient décrété les rabbis, signifiait que l'on devait payer selon la monnaie du temple. L’argent ordinaire, dont les variétés portaient des effigies et des inscriptions d'importation païenne, n'était pas acceptable, et il en résulta que les changeurs exerçaient un métier prospère dans l'enceinte du temple.

 

Animé d'une juste indignation par ce qu'il voyait, plein de zèle pour la sainteté de la maison de son Père, Jésus se mit en devoir de nettoyer l'endroit[9]; et, ne s'arrêtant pas pour discuter, il appliqua promptement la force physique, presque la violence: seule force de langage figuré que ces troqueurs corrompus et cupides pouvaient comprendre. Improvisant rapidement un fouet de petites cordes, il frappa de tous les côtés, libérant et chassant moutons, bœufs et trafiquants humains, renversant les tables des changeurs et répandant leurs accumulations hétéroclites de monnaies. Avec une considération tendre pour les oiseaux emprisonnés et impuissants, il s'abstint d'attaquer leurs cages; mais il dit à leurs propriétaires: «Otez cela d'ici»; et à tous les marchands cupides, il commanda d'une voix tonnante qui les fit trembler: «Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.» Ses disciples virent dans cet incident l'accomplissement du verset du psalmiste: «Le zèle de ta maison me dévore»[10].

 

Les Juifs, terme par lequel nous entendons les fonctionnaires ecclésiastiques et les gouverneurs du peuple, n'osèrent pas protester contre cette action vigoureuse en la taxant d'impie; connaissant la loi, ils se savaient coupables de corruption et de cupidité et se rendaient compte qu'ils étaient personnellement responsables de la profanation du temple. Tous savaient que les lieux sacrés avaient grand besoin d'être purifiés; le seul point sur lequel ils osèrent questionner le Purificateur était celui de savoir pourquoi il prenait ainsi sur lui de faire ce qui était leur devoir. Ils se soumirent pratiquement à son irrésistible intervention, se disant qu'ils pourraient encore bien être obligés de reconnaître l'autorité de cet homme. Leur soumission provisoire était basée sur la crainte, et celle-ci, quant à elle, provenait de ce que leur conscience les accusait de péché. Le Christ l'emporta sur ces Juifs marchandeurs en vertu du principe éternel que le bien est plus puissant que le mal, et à cause de ce fait psychologique que la conscience qu'il a de sa culpabilité prive le coupable de courage lorsque l'imminence d'un juste châtiment apparaît à son âme[11]. Cependant, craignant qu'il ne se révèle être un prophète puissant, tel qu'aucun prêtre ou rabbi vivant ne professait l'être, ils lui demandèrent timidement les preuves de son autorité: «Quel miracle nous montres-tu pour agir de la sorte?» Jésus répliqua sèchement, faisant à peine attention à cette demande, si commune chez les méchants et les adultères[12]: «Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai[13]

 

Aveuglés par leur propre ruse, refusant de reconnaître l'autorité du Seigneur, mais craignant la possibilité qu'ils fussent occupés à s'opposer à quelqu'un qui avait le droit d'agir, les fonctionnaires, troublés, virent dans les paroles de Jésus une allusion au temple imposant de maçonnerie dans les murs duquel ils se tenaient. Ils prirent courage; cet étrange Galiléen, qui faisait ouvertement fi de leur autorité, parlait irrespectueusement de leur temple, expression visible de la prétention qu'ils étalaient si orgueilleusement dans leurs paroles - qu'ils étaient enfants de l'alliance, adorateurs du Dieu vrai et vivant, et par conséquent supérieurs à tous les peuples païens. Avec une apparente indignation, ils répliquèrent: «Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours, tu le relèveras[14]! » Bien que déçus dans leur désir d'éveiller, à ce moment-là, l'indignation populaire contre Jésus, les Juifs refusèrent d'oublier ou de pardonner ces paroles. Lorsque Jésus se présenta plus tard comme un prisonnier sans défense, pour subir une parodie illégale de jugement devant un tribunal pécheur, le parjure le plus noir qui fut exprimé contre lui fut celui des faux témoins qui attestèrent: «Nous l'avons entendu dire: je détruirai ce temple fait par la main de l'homme et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait par la main de l'homme[15].» Et tandis qu'il agonisait, les railleurs qui passaient devant la croix secouaient la tête et insultaient le Christ mourant, en ces termes: «Hé! toi qui détruis le temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de la croix[16]!» Et pourtant cette réponse de Jésus aux Juifs qui lui avaient demandé un miracle comme preuve n'avait rien à voir avec le temple colossal d'Hérode mais faisait allusion au sanctuaire de son propre corps, dans lequel demeurait, plus véritablement que dans le Saint des Saints bâti par les hommes, l'Esprit éternellement vivant du Dieu éternel. «Le Père est en moi», telle était sa doctrine[17].

 

«Mais il parlait du temple de son corps», le tabernacle réel du Très-Haut[18]. Cette allusion à la destruction du temple de son corps et à son renouvellement après trois jours, est sa première prédiction de sa mort et de sa résurrection dont nous possédions une trace écrite. Les disciples eux-mêmes ne comprirent le sens profond de ces paroles qu'après sa résurrection d'entre les morts; alors ils se souvinrent et comprirent. Les religieux juifs n'étaient pas aussi obtus qu'ils semblaient l'être, car nous les voyons aller trouver Pilate tandis que le corps du Christ crucifié se trouvait dans la tombe, disant: «Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit, quand il vivait encore: ‘Après trois jours je ressusciterai’[19].» Bien que nous possédions de nombreux passages où le Christ déclara qu'il mourrait et ressusciterait le troisième jour, les plus claires de ces déclarations furent faites aux apôtres plutôt qu'ouvertement au public. Les Juifs qui allèrent trouver Pilate avaient certainement à l'esprit les paroles que Jésus prononça tandis qu'ils se trouvaient confondus devant lui lors de la purification des cours du temple[20].

 

Une action d'éclat telle que celle de défier les usages religieux et de purifier par la force l'enceinte du temple ne pouvait manquer de frapper, avec des effets divers, le peuple qui assistait à la fête; celui-ci, rentrant dans ses foyers, dans des provinces éloignées et extrêmement disséminées, répandit certainement la célébrité du courageux prophète galiléen. Beaucoup d'habitants de Jérusalem crurent en lui à ce moment-là, surtout parce qu'ils étaient attirés par les miracles qu'il opérait; mais il «ne se fiait point à eux», conscient que leur profession de foi était fondée sur des bases incertaines. L’adulation du peuple n'était pas ce qu'il recherchait; il ne désirait pas être suivi d'une foule hétérogène mais préférait s'entourer de ceux qui recevaient du Père le témoignage de son appel messianique. «Il les connaissait tous, et... il n'avait pas besoin qu'on lui rende témoignage de quelqu'un; il savait lui-même ce qui était dans l'homme[21]

 

L'incident au cours duquel le Christ purifia de force le temple est en contradiction avec la conception que l'on a traditionnellement de lui et qui fait de lui une personne d'un comportement si doux et si réservé qu'il semble manquer de virilité. Aussi doux qu'il fût et patient dans les afflictions, miséricordieux et longanime envers les pécheurs contrits, il était sévère et inflexible en présence de l'hypocrisie et dénonçait impitoyablement les pécheurs endurcis. Son humeur était adaptée aux situations auxquelles il avait à faire; ses lèvres exprimaient aussi facilement des paroles douces d'encouragement que des expressions brûlantes de juste indignation. Sa nature n'était pas la douceur constante de chérubin imaginée par les poètes mais celle d'un homme, avec les émotions et les passions caractéristiques de la virilité. Lui qui pleurait souvent de compassion, manifestait, à d'autres moments, en paroles et en actions, la juste colère d'un Dieu. Mais il fut toujours maître de toute cette passion, quelque doucement ou quelque violemment qu'elle s'exprimât. Comparez le doux Jésus poussé, par les besoins d'une fête à Cana, à rendre un service au nom de l'hospitalité, au Christ indigné maniant son fouet et chassant devant lui, au milieu de l'émoi et de la confusion qu'il avait créée, le bétail et les hommes comme un troupeau impur.

 

JÉSUS ET NICODÈME[22]

 

Les actions étonnantes accomplies par le Christ à l'époque ou aux environs de cette Pâque mémorable amenèrent, outre un grand nombre de gens du commun, certains érudits à croire en lui; nous en avons la preuve par le fait que Nicodème, qui professait être Pharisien et occupait un haut rang, étant l'un des gouverneurs des Juifs, vint le trouver pour le questionner. Il est significatif que cette visite se fit de nuit. Apparemment cet homme était poussé par le désir sincère d'en savoir plus sur le Galiléen dont on ne pouvait ignorer les œuvres; cependant, l'orgueil de son office et la peur qu'il pourrait être soupçonné de s'être attaché au nouveau prophète l'amenèrent à entourer son entreprise du plus grand secret[23]. Décernant à Jésus le titre qu'il portait lui-même, et qu'il considérait lui-même comme une expression d'honneur et de respect, il dit: «Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de la part de Dieu; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais, si Dieu n'est avec lui[24].» Peu importe que le pronom pluriel «nous» qu'il utilisa indique qu'il était envoyé par le sanhédrin ou par la société des Pharisiens dont les membres avaient coutume de parler de la sorte en leur qualité de représentants de l'ordre - ou qu'il ait employé un pluriel de majesté n'ayant trait qu'à lui seul. Il reconnaissait Jésus comme un «docteur venu de la part de Dieu» et donna les raisons pour lesquelles il le considérait comme tel. Quelque faible qu'ait été la foi qui fut éveillée dans le cœur de cet homme, celle-ci était fondée sur les preuves fournies par les miracles, soutenue par l'effet psychologique des signes et des prodiges. Nous devons lui reconnaître qu'il était sincère et honnête dans ses intentions.

 

Sans attendre des questions particulières, «Jésus lui répondit: En vérité, en vérité je te le dis, si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le royaume de Dieu». Il semble que Nicodème fut embarrassé; il demanda comment pareil rajeunissement était possible. «Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître?» Ce n'est pas être injuste envers Nicodème que de considérer qu'en sa qualité de rabbi, homme instruit dans les Ecritures, il aurait dû savoir que les paroles de Jésus avaient une autre signification que celle de la naissance mortelle et littérale. En outre, s'il était possible qu'un homme naquît littéralement une seconde fois et dans la chair, comment pareille naissance pourrait-elle lui profiter dans sa croissance spirituelle? Ce ne serait qu'une rentrée sur la scène de l'existence physique, pas un avancement. Cet homme savait que l'image d'une nouvelle naissance était commune dans les enseignements de son temps. On appelait nouveau-nés tous les Juifs au moment de leur conversion.

 

La surprise manifestée par Nicodème fut probablement due, du moins en partie, au fait que l'exigence annoncée par le Christ était universelle. Les enfants d'Abraham y étaient-ils compris? Le traditionalisme des siècles s'opposait à toute idée de ce genre. Les païens devaient renaître en acceptant officiellement le judaïsme, s'ils voulaient avoir ne serait-ce qu'une petite part des bénédictions qui appartenaient par héritage à la maison d'Israël; mais Jésus semblait traiter tout le monde sur le même pied, Juifs et Gentils, idolâtres païens et le peuple qui, du bout des lèvres du moins, appelait Jéhovah Dieu.

 

Jésus répéta sa déclaration avec précision, soulignant par l'impressionnant «en vérité, en vérité» la plus grande leçon qui fût jamais parvenue aux oreilles de ce gouverneur d'Israël: «En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.» Cette nouvelle naissance, que le Christ déclarait ainsi être une condition absolument essentielle pour entrer dans le royaume de Dieu, applicable à tous les hommes, sans limite ni modification, était une régénérescence spirituelle; c'est ce qui fut expliqué ensuite au rabbi étonné: «Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je t'aie dit: il faut que vous naissiez de nouveau.» Malgré tout, le savant juif méditait et pourtant ne comprenait pas. Il se peut que le bruit de la brise nocturne se fit entendre à ce moment; s'il en fut ainsi, Jésus ne fit que se servir de cet incident comme le ferait un maître habile pour enseigner une leçon d'une manière frappante, lorsqu'il poursuivit: «Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l'Esprit.» En termes clairs, il laissait entendre à Nicodème que sa science profane et son poste officiel ne lui servaient à rien pour comprendre les choses de Dieu; son sens de l'ouïe lui permettait de savoir que le vent soufflait; sa vue pouvait l'informer de son passage; et cependant que savait-il de la cause ultime ne fût-ce que de ce phénomène tout simple? Si Nicodème désirait réellement s'instruire des choses de l'esprit, il devait se débarrasser de la déformation due à sa connaissance de choses moins importantes.

 

Bien que rabbi et sanhédriste éminent, il se trouvait, dans l'humble logis du Maître de Galilée, en présence de quelqu'un de plus fort que lui. Dans la confusion de son ignorance il demanda: «Comment cela peut-il se faire?» La réponse dut sinon l'humilier du moins le rendre humble: «Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas cela!» Il est clair qu'il aurait déjà pu prendre connaissance antérieurement de certains des principes fondamentaux de l'Evangile; Jésus reprochait d'autant plus à Nicodème son manque de connaissance que celui-ci instruisait le peuple. Alors notre Seigneur expliqua avec plus de détails, attestant qu'il parlait de choses qu'il connaissait avec certitude, parce qu'il les avait vues, tandis que Nicodème et ses congénères refusaient d'accepter le témoignage de ses paroles. En outre, Jésus affirma que sa mission était celle du Messie et prédit explicitement sa mort et la manière dont elle se produirait: qu'il devrait, lui, le Fils de l'Homme, être élevé, de même que Moïse avait élevé le serpent dans le désert comme prototype afin qu'Israël échappât au fléau fatal[25].

 

L’objectif de la mort prévue du Fils de l'homme était: «Afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle»; car c'est à cela, dans son amour sans limite pour l'homme, que le Père avait voué son Fils unique. Et en outre, il était vrai que dans son avènement mortel le Fils n'était pas venu pour juger mais pour enseigner, persuader et sauver; néanmoins la condamnation s'abattrait sûrement sur ceux qui rejetteraient ce Sauveur, car la lumière était venue, et les hommes méchants évitaient la lumière, la haïssant parce qu'ils préféraient les ténèbres dans lesquelles ils espéraient cacher leurs actions mauvaises. Il se peut qu'ici, encore une fois, Nicodème ait éprouvé du remords: en effet, n'avait-il pas craint de venir en plein jour, et n'avait-il pas choisi les heures nocturnes pour sa visite? Les dernières paroles du Seigneur contenaient à la fois un enseignement et un reproche: «Mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière, afin qu'il soit manifeste que ses œuvres sont faites en Dieu. »

 

Le récit de cet entretien entre Nicodème et le Christ constitue une des Ecritures les plus instructives et les plus précieuses au sujet de la nécessité absolue d'obéir sans réserve aux lois et aux ordonnances de l'Evangile, moyens indispensables du salut. La foi que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, par l'intermédiaire duquel seul les hommes peuvent acquérir la vie éternelle, l'abandon du péché en se détournant résolument des ténèbres grossières du mal pour se diriger vers la lumière salvatrice de la justice, la nécessité inconditionnelle d'une nouvelle naissance par le baptême dans l'eau, et ce, par l'immersion exclusivement, puisque autrement l'image de la naissance n'aurait aucun sens, et l'achèvement de la naissance nouvelle dans le baptême par l'Esprit - tous ces principes sont ici enseignés d'une manière si simple et si claire que nul ne peut offrir d'excuse plausible de leur ignorance.

 

Si Jésus et Nicodème étaient les seules personnes présentes à l'entretien, Jean, l'auteur, doit avoir été mis au courant de celui-ci par l'un d'eux. Comme Jean était l'un des premiers disciples, et par la suite l'un des apôtres, et comme il se distinguait du groupe apostolique par ses rapports étroits avec le Seigneur, il est plus que probable qu'il entendit le récit des lèvres de Jésus. Le but de Jean était de toute évidence de rapporter la grande leçon que cet événement comportait plutôt que de raconter l'histoire en détail. Le récit se termine aussi brusquement qu'il a commencé; les incidents sans importance sont omis; chaque ligne est importante; l'auteur était pleinement conscient de la profonde importance de son sujet et le traita en conséquence. Les allusions ultérieures à Nicodème tendent à confirmer l'opinion que nous nous sommes formée de l'homme au moment où il apparaît dans cette réunion avec Jésus - à savoir que c'était un homme qui était conscient d'éprouver une certaine croyance au Christ, mais dont la croyance ne se transforma jamais en cette foi sincère et virile qui pousse l'homme à accepter et à se soumettre quels qu'en soient le prix ou les conséquences[26].

 

DE LA VILLE À LA CAMPAGNE

 

Quittant Jérusalem, Jésus et ses disciples se rendirent dans les régions rurales de la Judée et y demeurèrent, prêchant sans aucun doute quand ils en trouvaient ou en créaient l'occasion; et ceux qui croyaient en lui étaient baptisés[27]. La note dominante de ses premières paroles publiques était celle de son précurseur du désert: «Repentez-vous car le royaume des cieux est proche[28].» Le Baptiste poursuivait ses travaux; il est cependant certain que, depuis qu'il avait reconnu ce Plus Grand que lui dont il avait été envoyé préparer la venue, il considérait que le baptême qu'il administrait avait un sens quelque peu différent. Il avait tout d'abord baptisé pour préparer à Celui qui devait venir; maintenant il baptisait les croyants repentants en Celui qui était venu.

 

Des discussions s'étaient élevées parmi certains des adhérents zélés de Jean concernant la doctrine de la purification. Le contexte[29] ne nous permet guère de douter qu'il était question des mérites relatifs du baptême de Jean et de celui qui était administré par les disciples de Jésus. Avec une ardeur excusable et un zèle bien intentionné pour leur maître, les disciples de Jean, qui s'étaient mêlés à la controverse, vinrent le trouver disant: «Rabbi, celui qui était avec toi au-delà du Jourdain et à qui tu as rendu témoignage, voici qu'il baptise et que tous vont à lui.» Les partisans de Jean se souciaient du succès de quelqu'un qu'ils considéraient dans une certaine mesure comme un rival de leur maître bien-aimé. Jean n'avait-il pas donné à Jésus le premier témoignage que celui-ci possédait? «Celui à qui tu as rendu témoignage», dirent-ils, ne daignant même pas appeler Jésus par son nom. Suivant l'exemple d’André et de Jean, le futur apôtre, le peuple quittait le Baptiste pour s'assembler autour du Christ. La réponse de Jean à ses ardents disciples constitue un exemple sublime d'abnégation. Il dit en substance: L’homme ne reçoit que ce que Dieu lui donne. Il ne m'est pas donné d'accomplir l’œuvre du Christ. Vous êtes vous-mêmes témoins de ce que j'ai nié être le Christ et que j'ai dit avoir été envoyé devant lui. Il est comme l'époux. Je ne suis que comme l'ami de l'époux[30], son serviteur; et je me réjouis profondément d'être ainsi près de lui; sa voix me donne du bonheur, et ainsi ma joie est complète. Celui dont vous parlez se trouve au début de son ministère; j'approche de la fin du mien. Il doit croître mais je dois diminuer. Il est venu du ciel, et pour cette raison il est supérieur à toutes les choses de la terre; néanmoins les hommes refusent d'accepter son témoignage. L’Esprit de Dieu ne lui est pas compté. Il en a la plénitude. Le Père l'aime, lui, le Fils, et a tout remis entre ses mains, et: «Celui qui croit au Fils a la vie éternelle; celui qui ne se confie pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui[31]

 

C'est dans une telle réponse, donnée dans ces conditions, que l'on doit trouver l'esprit de la véritable grandeur et d'une humilité qui ne pouvait reposer que sur le fait que le Baptiste avait reçu l'assurance divine de ce qu'il était et de ce que le Christ était. C'est à plus d'un égard que Jean fut grand parmi tous ceux qui sont nés de femmes[32]. Il avait entrepris son œuvre lorsque Dieu l'avait envoyé le faire[33]. Il se rendait compte que son oeuvre était dans une certaine mesure dépassée, et il attendait patiemment d'être déchargé, continuant entre-temps dans le ministère, dirigeant des âmes vers son Maître. Le commencement de la fin était proche. Il fut bientôt saisi et jeté dans un cachot, où, comme nous allons le montrer, il fut décapité pour assouvir la vengeance d'une femme corrompue dont il avait dénoncé hardiment les péchés[34].

 

Les Pharisiens observaient avec une appréhension croissante la popularité grandissante de Jésus, comme le prouvait le fait que plus de personnes encore le suivaient et acceptaient le baptême des mains de ses disciples qu'il n'y en avait eu pour répondre à l'appel du Baptiste. On menaça d'exercer une opposition ouverte, et comme Jésus désirait éviter que son oeuvre subît les retards que pareille persécution causerait à ce moment-là, il s'éloigna de la Judée et se retira dans la Galilée, en passant par la Samarie. Ce retour dans la province du nord se produisit lorsque le Baptiste eut été jeté en prison[35].

 

NOTES DU CHAPITRE 12

 

1. Le lac de Galilée : Ce lac, la plus grande masse d'eau douce de Palestine, a plus ou moins la forme d'une poire et mesure environ vingt et un kilomètres dans sa plus grande longueur qui va approximativement du nord vers le sud et entre dix et douze kilomètres de largeur maximum. Le Jourdain s'y jette dans son extrémité nord-est et en sort au sud-ouest; on peut, par conséquent, considérer le lac comme une grande extension du fleuve, bien que cette dépression remplie d'eau ait environ 60 mètres de profondeur. Le Jourdain, une fois sorti du lac de Galilée, le relie à la mer Morte, cette dernière étant une masse d'eau extrêmement saline qui, à cause de l'abondance de sel dissous qu'elle contient et, par conséquent, de la densité de son eau est comparable au grand lac Salé d'Utah, bien que la composition chimique des eaux soit substantiellement différente. Luc appelle la mer de Galilée un lac, ce qui est une appellation plus appropriée (Lc 5:1,2, 8:22,23,33). Au nord-ouest du lac se trouve une plaine, qui était extrêmement cultivée dans les temps anciens: on l'appelait le pays de Génésareth (Mt 14:34, Mc 6:53); et la masse d'eau prit le nom de mer ou lac de Génésareth (Lc 5:1). Du fait qu'une des villes qui se trouvaient sur ses rives occidentales était importante, on l'appelait également le lac de Tibériade (Jn 6:1,23; 21: 1). Dans l’Ancien Testament on l'appelle la mer de Kinnéreth (Nb 34: 11, Jos 12:3) du nom d'une ville riveraine (Jos 19:35). La surface du lac ou de la mer se trouve à plusieurs centaines de mètres en dessous du niveau de la mer, deux cent quatre mètres plus bas que la Méditerranée selon Zénos, ou deux cent dix mètres selon d'autres. Cette situation extrêmement basse donne à la région un climat semi-tropical. Zénos dit dans le Standard Bible Dictionary: «Les eaux du lac sont connues pour être très poissonneuses. L’industrie de la pêche était par conséquent l'une des ressources les plus stables du pays environnant... Une autre caractéristique de la mer de Galilée est qu'elle est sujette à des tempêtes soudaines. Celles-ci proviennent en partie du fait qu'elle se trouve tellement plus bas que les plateaux avoisinants (fait qui crée une différence de température et par conséquent des perturbations dans l'atmosphère), et en partie du fait que des bourrasques se précipitent dans la vallée du Jourdain depuis les hauteurs du Hermon. L’événement rapporté dans Mt 8:24 n'est pas un cas extraordinaire. Ceux qui manœuvrent des bateaux sur le lac sont obligés d'être très prudents pour éviter les dangers occasionnés par ces tempêtes. Les rives de la mer de Galilée, de même que le lac lui-même, furent le théâtre d'un grand nombre des événements les plus remarquables rapportés dans les évangiles.»

 

2. Les quatre évangiles : Tous ceux qui ont soigneusement étudié le Nouveau Testament doivent avoir observé que les livres de Matthieu, Marc et Luc traitent d'une manière plus détaillée des événements, des paroles et des actions du Sauveur en Galilée qu'ils ne le font de son œuvre en Judée; d'autre part, le livre ou évangile de Jean traite en particulier des incidents du ministère judéen de notre Seigneur, sans toutefois exclure les événements importants qui se produisirent en Galilée. Au point de vue du style de l'écriture et de la méthode utilisée pour leur sujet, les auteurs des premiers évangiles (les évangélistes, comme la littérature théologique les appelle collectivement, eux et Jean) diffèrent d'une manière plus marquante de l'auteur du quatrième évangile qu'entre eux. Les événements que les trois premiers rapportent peuvent être facilement classés, comparés ou arrangés et, par conséquent, on appelle maintenant communément les évangiles écrits par Matthieu, Marc et Luc les Synoptiques ou évangiles synoptiques.

 

3. Agé de trente ans : Selon Luc (3:23), Jésus avait environ trente ans à l'époque de son baptême, et nous voyons que peu après, il entreprit publiquement l’œuvre de son ministère. La loi prévoyait que c'était à l'âge de trente ans que les Lévites devaient entreprendre leur service spécial (Nb 4:3). Clarke, Bible Commentary, traitant du passage qui se trouve dans Luc 3:23, dit: «C'était l'âge légal auquel les prêtres devaient parvenir avant de pouvoir être installés dans leur office.» Il se peut que Jésus ait tenu compte de ce qui était devenu une coutume de l'époque, lorsqu'il attendit d'avoir atteint cet âge pour entreprendre publiquement les travaux de Maître parmi le peuple. N'étant pas de descendance lévitique, il n'était pas éligible pour être ordonné à la prêtrise selon l'ordre d'Aaron et, pour cette raison, n'attendit certainement pas celle-ci pour commencer son ministère. Avoir enseigné en public à un âge plus jeune aurait provoqué des critiques et des objections qui auraient pu avoir pour résultat de freiner gravement ou d'empêcher son œuvre dès le début.

 

4. Les multitudes et la confusion lors de la fête de la Pâque : Bien qu'il soit, on l'admettra aisément, impossible qu'une fraction même raisonnablement importante du peuple juif ait pu être présente aux assemblées annuelles de la Pâque à Jérusalem et qu'on ait, par conséquent, prévu la possibilité d'observer la fête localement, il est indubitable que le nombre de personnes qui assistaient ordinairement aux célébrations du temple à l'époque de Jésus était énorme. Josèphe dit des foules de la Pâque qu'elles constituaient «une multitude innombrable» (Guerres 11, 1:3), et en un autre lieu (Guerres, VI, 9:3) déclare que l'assistance atteignit le chiffre énorme de trois millions d'âmes; c'est ce qu'il dit, bien que beaucoup d'écrivains modernes considèrent ce passage comme une exagération. Josèphe dit que pour donner à l'empereur Néron des renseignements sur la force numérique du peuple juif, en particulier en Palestine, Cestius demanda aux principaux sacrificateurs de compter le nombre d'agneaux qui avaient été immolés à la fête, et le nombre qu'on lui rapporta fut de 256 500, ce qui, en comptant de dix à onze personnes par table pascale, indiquerait la présence, dit-il, d'au moins 2700200 personnes, les visiteurs non Juifs non compris, non plus que ceux d'Israël à qui était refusée toute participation au repas pascal parce qu'ils n'étaient pas cérémoniellement aptes.

 

Les scènes de confusion inévitables dans les conditions qui existaient à l'époque sont admirablement résumées par Geikie (Life and Words of Christ, chap. 30), qui cite un grand nombre d'autorités anciennes pour justifier ses déclarations: «Les rues étaient bloquées par les foules qui venaient de partout, qui devaient se diriger vers le temple, passant devant des troupeaux de brebis et de bœufs, lesquels se hâtaient dans la partie en contrebas de chaque rue réservée pour eux, pour empêcher qu'il y ait contact et souillure. Des colporteurs de toutes les marchandises possibles assaillaient les pèlerins, car les grandes fêtes étaient, comme nous l'avons dit, le temps de la moisson pour tous les commerces de Jérusalem, de même que, à la Mecque, aujourd'hui encore, l'époque de la grande affluence des fidèles à la tombe du Prophète est celle où le commerce est le plus affairé parmi les pèlerins marchands qui forment les caravanes en provenance de toutes les parties du monde mahométan.

 

«A l'intérieur de l'espace réservé au temple, le bruit et la cohue étaient encore pis, si cela était possible. On avait planté des poteaux indicateurs demandant de garder sa droite ou sa gauche, comme dans les artères les plus denses de Londres. La cour extérieure, dans laquelle d'autres que des Juifs pouvaient entrer, et qui était, par conséquent, appelée la cour des Païens, était partiellement couverte d'enclos pour les brebis, les chèvres et le bétail, pour la fête et les actions de grâce. Les vendeurs criaient les mérites de leurs animaux, les brebis bêlaient et les bœufs mugissaient. C'était en réalité la grande foire annuelle de Jérusalem, et les foules augmentaient le vacarme et le tumulte au point que les services des cours voisines étaient affreusement troublés. Les marchands de colombes, pour les femmes pauvres qui venaient de toutes les parties du pays pour être purifiées, et pour les autres, avaient un espace réservé. En effet, la vente des colombes était, dans une grande mesure en secret, entre les mains des prêtres eux-mêmes: Anne, le souverain sacrificateur, se faisait particulièrement de grands bénéfices grâce à ses colombiers du mont des Oliviers. La location des enclos pour brebis et pour bétail et les bénéfices qu'ils se faisaient sur les colombes, avaient amené les prêtres à approuver ce non-sens de transformer le temple lui-même en un marché bruyant. Et ce n'est pas tout: les potiers essayaient de vendre aux pèlerins leurs plats et leurs fours de terre cuite pour l'agneau pascal, des centaines de marchands faisaient, en hurlant, la réclame de leurs marchandises, des magasins de vin, d'huile, de sel et de tout ce dont on avait encore besoin pour les sacrifices, invitaient les clients, et en outre, des personnes traversant la ville avec toutes sortes de fardeaux, raccourcissaient leur chemin en traversant les jardins du temple. Ce qui ajoutait encore à la folie générale était le fait qu'il fallait payer le tribut, imposé à tous, pour entretenir le temple. Des deux côtés de la porte est du temple, on permettait, depuis des générations, l'existence de boutiques pour changer l'argent étranger. Depuis le quinze du mois précédent, on permettait aux changeurs d'argent de mettre leurs tables dans la ville, et à partir du 21 - ou 20 jours avant la Pâque - d'exercer leur commerce dans le temple lui-même. Ceux qui achetaient le matériel nécessaire pour des sacrifices payaient leur dû à des boutiques spéciales, à un officier du temple, et recevaient un chèque de plomb pour la valeur duquel ils obtenaient du marchand ce qu'ils achetaient. En outre, on changeait de grosses sommes qui devaient être lancées, comme offrandes volontaires, dans l'un des treize coffres qui formaient le trésor du temple. Tous les Juifs, quelque pauvres qu'ils fussent, devaient, en outre, payer un demi-sicle - 18 pence environ - annuel comme rançon d'expiation pour leur âme, et pour l'entretien du temple. Comme celui-ci n'était acceptable qu'en une monnaie du pays, appelée le sicle du temple, qui n'avait pas généralement cours, les étrangers devaient changer leur argent romain, grec ou oriental aux boutiques des changeurs pour obtenir la monnaie requise. Ce commerce permettait aisément le vol, lequel n'était que trop courant. On faisait payer un taux de change de 5 % qui était augmenté à l'infini par des trucs et des chicaneries, à cause desquels cette classe s'était acquis partout une si mauvais réputation que son témoignage, comme celui des publicains, n'était pas reçu devant un tribunal.»

 

En ce qui concerne la pollution à laquelle les cours du temple avaient été soumises par des trafiquants agissant avec la permission des prêtres, Farrar (Life of Christ, p. 152) nous dit ce qui suit: «Et c'était la cour d'entrée du temple du Très-Haut! La cour qui était témoin que cette maison devait être une maison de prière pour toutes les nations, avait été souillée et était devenue un lieu qui, par sa saleté, ressemblait plus à un abattoir et, par son commerce bourdonnant, ressemblait davantage à un marché bourré de monde; pendant que le mugissement des bœufs, le bêlement des brebis, la Babel aux nombreuses langues, les marchandages, les querelles et le tintement de l'argent et des balances (peut-être pas toujours justes), étaient audibles dans les cours voisines, troublant les chants des Lévites et les prières des prêtres!»

 

5. La servilité des Juifs en présence de Jésus : Le texte qui nous rapporte l'exploit de Jésus débarrassant les cours du temple de ceux qui avaient fait de la maison du Seigneur un marché, ne contient rien qui nous permette de penser qu'il fit preuve d'une force surhumaine ou d'une force plus que virile. Il utilisa un fouet qu'il avait fait lui-même, chassa bêtes et gens devant lui. Ils s'enfuirent pêle-mêle. D'après le texte, personne n'a émis d'objections avant la fin de l'expulsion. Pourquoi personne dans la multitude ne s'opposa-t-il? La soumission semble avoir été abjecte et servile à l'extrême. Farrar (Life of Christ, pp. 151,152) pose la question et y répond par un raisonnement excellent et plein d'éloquence: «Pourquoi cette multitude de pèlerins ignorants ne résista-t-elle pas? Pourquoi ces marchandeurs cupides se contentèrent-ils de lui lancer des regards sombres et de marmonner des malédictions, tandis qu'ils laissaient chasser leurs bœufs et leurs brebis dans les rues et se faisaient eux-mêmes expulser, tandis que leur argent était lancé sur le sol par quelqu'un qui était alors jeune et inconnu et vêtu comme les Galiléens méprisés? Pourquoi, pourrions-nous demander de la même manière, Saül permit-il à Samuel de le réprimander en présence même de son armée? Pourquoi David obéit-il abjectement aux ordres de Joab? Pourquoi Achab n'osa-t-il pas arrêter Elie à la porte de la vigne de Naboth? Parce que le péché c'est de la faiblesse, parce qu'il n'y a rien d'aussi abject au monde qu'une conscience coupable, rien d'aussi invincible que la marée balayante d'une indignation divine contre tout ce qui est vil et mauvais. Comment ces misérables acheteurs et vendeurs, conscients de faire le mal, pouvaient-ils s'opposer à cette réprimande ardente ou faire face aux éclairs de ces yeux qu'allumait une sainteté outragée? Lorsque Phineas, le prêtre, plein de zèle pour l'Eternel des armées, transperça le prince de Siméon et la Madianite d'un coup glorieux de sa lance indignée, pourquoi Israël coupable ne vengea-t-il pas ce meurtre splendide? Pourquoi tous les hommes de la tribu de Siméon ne devinrent-ils pas un Goël pour cet assassin intrépide? Parce que le vice ne peut résister un seul instant devant le bras levé de la vertu. Vils et rampants comme ils l'étaient, ces Juifs faiseurs d'argent sentaient, dans tout ce qui en leur âme n'était pas encore rongé par l'infidélité et la cupidité, que le Fils de l'Homme avait raison.

 

«Oui, même les prêtres et les Pharisiens, les scribes et les Lévites, dévorés qu'ils étaient par l'orgueil et le formalisme, ne pouvaient condamner un acte qui aurait pu être accompli par un Néhémie ou un Judas Maccabée et qui était conforme à tout ce qui était pur et excellent dans leurs traditions. Mais lorsqu'ils entendirent parler de cet acte ou en furent témoins, et eurent le temps de se ressaisir du mélange d'admiration, de dégoût et d'étonnement qu'il inspirait, ils s'approchèrent de Jésus, et bien que n'osant pas condamner ce qu'il avait fait, ils demandèrent cependant, à moitié indignés, un signe montrant qu'il avait le droit d'agir ainsi.»

 

6. Le respect des Juifs pour le temple : Les Juifs professaient un grand respect pour le temple. «Une déclaration du Sauveur, que les esprits obtus interprétèrent comme une menace contre le temple, fut utilisée contre lui comme l'un des principaux chefs d'accusation pour lesquels on exigeait sa condamnation à mort. Quand les Juifs réclamaient une preuve de son autorité, il prédit sa propre mort et sa résurrection par ces mots: «Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai» (Jn 2:19-22; voyez aussi Mt 26:61; 27:40; Mc 14:58: 15:29). Dans leur aveuglement, ils considérèrent cette remarque comme une allusion irrespectueuse à leur temple, un bâtiment construit de main d'homme, et ils se refusèrent à l'oublier ou à la pardonner. Cette vénération se poursuivit après la crucifixion de notre Seigneur; cela ressort avec évidence des accusations portées contre Etienne, et plus tard contre Paul. Dans leur rage meurtrière, ces gens accusèrent Etienne de manque de respect pour le temple et produisirent de faux témoins qui se parjurèrent en déclarant: «Cet homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et contre la loi» (Ac 6:13). Là-dessus, Etienne fut rangé au nombre des martyrs. Quand on proclama que Paul avait introduit avec lui un Gentil dans les locaux du temple, toute la ville fut ameutée, et une population furieuse arracha Paul de ce lieu et chercha à le tuer (Ac 21:26-40).» L'auteur, La Maison du Seigneur, pp. 48,49.

 

7. Plusieurs des «chefs» crurent : Nicodème n'était pas le seul dans les classes dirigeantes qui crut en Jésus; mais nous ne savons rien de celles-ci qui nous indique qu'elles ont eu assez de courage pour venir même de nuit s'informer indépendamment et personnellement. Elles craignaient de perdre, à la suite de cela, leur popularité et leur position. Dans Jean 12:42,43, nous lisons: «Cependant, même parmi les chefs, plusieurs crurent en lui; mais à cause des Pharisiens, ils ne le confessaient pas, pour ne pas être exclus de la synagogue. Car ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.» Notez également l'épisode du scribe qui offrit de devenir officiellement disciple mais qui, probablement parce qu'il manquait dans une certaine mesure de sincérité ou n'en était pas capable, fut découragé plutôt qu'approuvé par Jésus (Mt 8:19,20).

 

8. Nicodème : Le comportement de cet homme montre immédiatement qu'il croyait réellement que Jésus était envoyé de Dieu et que sa croyance ne put se transformer en foi véritable qui, s'il avait pu l'obtenir, aurait pu l'amener à une vie de service dévoué à la cause du Maître. Quand, à une époque ultérieure à son entretien avec le Christ, les chefs des prêtres et les Pharisiens réprimandèrent les huissiers qu'ils avaient envoyés arrêter Jésus et qui revenaient rapporter leur échec, Nicodème, membre du Conseil, se hasarda à s'opposer timidement à la détermination meurtrière des gouvernants, en formulant une proposition générale sous la forme interrogative: «Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu et qu'on sache ce qu'il a fait?» Ses collègues lui répondirent avec mépris, et il semble avoir abandonné son effort bien intentionné (Jn 7:50-53, lisez les versets précédents 30-49). Nous le voyons ensuite apporter une contribution coûteuse en myrrhe et en aloès, cent livres environ, à utiliser pour l'ensevelissement du corps alors crucifié du Christ; mais même dans cet acte de générosité et de dévotion, dans lequel on ne peut douter de sa sincérité et de ses intentions, il avait été précédé par Joseph d'Arimathée, homme de haut rang, qui avait hardiment demandé et obtenu le corps pour l'ensevelir respectueusement (Jn 19:38-42). Néanmoins Nicodème fit plus que la plupart de ses collègues croyants parmi les nobles et les grands; qu'on lui en laisse le crédit; il ne perdra pas sa récompense.

 

9. L’ami de l'époux : La coutume matrimoniale judéenne du temps du Christ exigeait que l'on nommât un garçon d'honneur principal, qui s'occupait de tous les préliminaires et prenait toutes les dispositions pour le festin des noces au nom de l'époux. On l'appelait officiellement l'ami de l'époux. Lorsque les formalités cérémonielles étaient accomplies et que l'épouse avait été donnée légalement et officiellement à son époux, la joie de l'ami de l'époux était pleine en ce sens que les devoirs dont il était chargé avaient bien été exécutés (Jn 3:29). Selon Edersheim (Life and Times of Jesus the Messiah, vol. 1 p. 148), en vertu des coutumes plus simples qui régnaient en Galilée, on ne choisissait pas souvent un «ami de l'époux», et (pp. 663-4) l'expression «enfant de la chambre de l'épouse» (Mt 9:15, Mc 2:19, Lc 5:34 [dans la version anglaise, N.d.T.] toutes citations dans lesquelles l'expression est utilisée par Jésus) s'appliquait collectivement à tous les invités d'un festin de noces. Il dit: «Comme l'institution des ‘amis de l'époux’ était courante en Judée, mais pas en Galilée, cette distinction marquée de ‘l’ami de l'époux’ dans la bouche du judéen Jean et ‘fils (enfants) de la chambre de l'épouse) dans celle du Galiléen Jésus, est en elle-même une preuve d'exactitude historique.»

 

10. L’argent de l'expiation : Au cours de l'exode, le Seigneur requit de toute personne masculine en Israël qui avait vingt ans ou plus au moment d'un recensement, le paiement d'une rançon se montant à un demi-sicle (Ex 30:12-16). Voir pp. 419 et 433 infra. Quant à l'usage auquel l'argent était consacré, le Seigneur donna le commandement suivant à Moïse: «Tu recevras des Israélites l'argent de la rançon, et tu l'emploieras au travail de la tente de la Rencontre; ce sera pour les fils d'Israël un souvenir devant l'Eternel pour la rançon de leurs personnes» (Ex 30:16, voir aussi 38:25-31). Avec le temps, cet impôt d'un demi-sicle fut levé annuellement, bien que cette exaction ne repose sur aucune autorité scripturaire. Cet impôt ne doit pas être confondu avec l'argent du rachat, qui se montait à 5 sicles pour chaque premier-né masculin, dont le paiement exemptait l'individu du service du sanctuaire. Au lieu des fils premiers-nés de toutes les tribus, le Seigneur désigna les Lévites pour ce ministère spécial; néanmoins il continua à considérer les premiers-nés masculins comme lui appartenant tout particulièrement et exigea le paiement d'une rançon comme signe de leur rachat des devoirs du service sacré. Voir Ex 13:2, 13-15; Nb 3:13, 40-51, 8:15-18, 18:15,16, ainsi que les pages 104, supra.

  



[1] Note 1, fin du chapitre.

[2] Jn 2:12; cf. Mt 4:13; 9:1.

[3] Mt 11:23; Lc 10: 15.

[4] Note 2, fin du chapitre.

[5] Note 3, fin du chapitre.

[6] Page 125; Lc 2:46-49.

[7] Page 124. Note 4, fin du chapitre.

[8] Ex 30:11-16. Note 11, fin du chapitre.

[9] Jn 2:14-17.

[10] Compareravec Ps 69:9.

[11] Note 5, fin du chapitre.

[12] Mt 12:38,39; cf. 16:1; Mc 8:11; Jn 6:30; 1 Co 1:22.

[13] Jn 2:19; lire versets 18-22.

[14] Note 6, fin du chapitre.

[15] Mc 14:58. Page 671 infra.

[16] Mc 15:29,30.

[17] Jn 10:38, 17:21.

[18] Jn 2:19-22; cf. 1 Co 3:16,17, 6:19; 2 Co 6:16; voir en outre Col 2:9; Hé 8:2.

[19] Mt 27:63. Pages 715, 716.

[20] Comme l'a écrit brièvement le chanoine Farrar: «A moins que le ‘nous nous souvenons’ ait été un mensonge pur et simple, ils ne pouvaient faire allusion qu'à cet événement» (Life of Christ, p. 155).

[21] Jn 2:23-25.

[22] Jn 3:1-21.

[23] Note 7, fin du chapitre.

[24] Jn 3:2; lire versets 1-21.

[25] Nb 21:7-9.

[26] Note 8, fin du chapitre. Voir Articles de Foi, pp. 123-127.

[27] Jn 3:22; cf. 4:2.

[28] Mt 4:17, cf. Mc 1: 15.

[29] Jn 3:25-36.

[30] Note 10, fin du chapitre.

[31] Jn 3:27-36.

[32] Mt 11:11.

[33] Lc 3:2,3.

[34] Mt 14:3-12.

[35] Mt 4:12.

 

 

 

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