CHAPITRE 30 : JÉSUS RETOURNE QUOTIDIENNEMENT AU TEMPLE

 

INCIDENT INSTRUCTIF EN CHEMIN[1]

 

Le lendemain qui, selon notre calcul, était lundi, deuxième jour de la semaine de la Passion, Jésus et les Douze retournèrent à Jérusalem et passèrent la plus grande partie de la journée au temple. Ils partirent très tôt de Béthanie, et Jésus eut faim en route. Regardant devant lui, il vit un figuier qui différait du reste des nombreux figuiers de la région en ce qu'il n'était pas pleinement feuillu bien que la saison des fruits ne fût pas encore venue[2]. Il est bien connu que les bourgeons des fruits du figuier apparaissent avant les feuilles, mais qu'au moment où l'arbre a tout son feuillage, les figues sont déjà très près de la maturité. En outre, certaines espèces de figues sont comestibles alors qu'elles sont encore vertes; en fait le fruit non encore mûr fait encore maintenant les délices de l'Orient. Il serait donc raisonnable de s'attendre à trouver, dès le début d'avril, des figues comestibles sur un arbre déjà couvert de feuilles. Lorsque Jésus et son groupe parvinrent à cet arbre dont ils avaient pensé à bon droit qu'il promettait une grande abondance de fruits, ils n'y trouvèrent que des feuilles; c'était un arbre prétentieux, infécond, stérile. Il n'avait même pas de vieilles figues, celles de la saison précédente, qu'on trouve souvent au printemps sur les arbres fertiles. Jésus prononça sur cet arbre la sentence de la stérilité perpétuelle. «Que jamais personne ne mange plus de ton fruit!», dit-il selon le récit de Marc; ou comme Matthieu rapporte le jugement: «Qu'aucun fruit ne naisse jamais plus de toi!» Ce dernier auteur nous dit immédiatement après: «Et à l'instant le figuier sécha»; mais l'autre montre que l'effet de la malédiction ne s'observa que le lendemain matin, lorsque, comme Jésus et les apôtres se trouvaient de nouveau en route entre Béthanie et Jésuralem, ils virent que le figuier s'était desséché jusqu'aux racines. Pierre attira l'attention sur l'arbre mort et, s'adressant à Jésus s'exclama: «Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit a séché.»

 

Appliquant la leçon de cet événement, Jésus dit: «Ayez foi en Dieu»; puis il répéta les assurances qu'il avait déjà données sur la puissance de la foi, laquelle permettait même de déplacer des montagnes, s'il était besoin de pareil miracle, et laquelle permet d'ailleurs d'accomplir n'importe quelle chose nécessaire. Il montra que faire flétrir un arbre était bien peu en comparaison des choses plus grandes qu'il était possible d'accomplir par la foi et la prière. Mais pour parvenir à ce résultat, on doit travailler et prier sans réserve ni doute, comme le Seigneur nous le dit clairement de la manière suivante: «C'est pourquoi je vous dis: Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé.» La prière doit être acceptable à Dieu pour être efficace; et il s'ensuit que celui qui désire accomplir une œuvre quelconque par la prière et la foi doit être capable de se présenter devant le Seigneur en prière; c'est pourquoi Jésus instruisit de nouveau les apôtres, disant: «Et, lorsque vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne aussi vos fautes. [Mais si vous ne pardonnez pas, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus vos fautes][3]

 

Beaucoup considèrent que la flétrissure du figuier stérile est unique parmi les miracles de Jésus qui soient parvenus jusqu'à nous, en ce sens qu'alors que tous les miracles étaient accomplis pour soulager, bénir et donner un bienfait en général, celui-ci apparaît comme un acte de jugement et d'exécution destructrice. Néanmoins le but du Seigneur dans ce miracle n'est pas caché; et le résultat, quoique fatal à un arbre, constitue une bénédiction durable pour tous ceux qui veulent apprendre et profiter des œuvres de Dieu. Si le miracle n'a pas fait plus que présenter une leçon de choses si frappante pour les enseignements qui suivirent, cet arbre tué a rendu un service plus grand à l'humanité que tous les figuiers de Bethphagé[4]. Pour les apôtres, cet acte était une preuve induscutable du pouvoir que le Seigneur possédait sur la nature, de son contrôle sur les forces naturelles et toutes les choses matérielles, de son autorité sur la vie et sur la mort. Il avait guéri des multitudes; le vent et les vagues avaient obéi àses paroles; en trois occasions il avait rendu les morts à la vie. Il convenait qu'il montrât son pouvoir de frapper et de détruire. En manifestant sa domination sur la mort, il avait relevé miséricordieusement: une jeune fille du lit sur lequel elle était morte, un jeune homme de la bière sur laquelle on le portait au tombeau, un autre du sépulcre dans lequel son cadavre avait été déposé; mais pour prouver son pouvoir de détruire d'un mot, il choisit pour sujet un arbre stérile et sans valeur. Aucun des Douze put-il douter lorsque, quelques jours plus tard ils le virent entre les mains des prêtres vindicatifs et de païens sans cœur, que s'il l'avait voulu il aurait pu frapper ses ennemis d'un mot, même à mort? Et pourtant ce n'est qu'après sa résurrection glorieuse que même les apôtres se rendirent compte à quel point son sacrifice avait été volontaire.

 

Mais le sort qui s'abattit sur le figuier stérile est instructif à un autre point de vue. Cet incident est autant une parabole qu'un miracle. Cet arbre feuillu se distinguait parmi les figuiers; les autres n'offraient aucune invitation, ne donnaient aucune promesse; «ce n'était pas la saison des figues»; ceux-là porteraient en leur saison, des fruits et des feuilles; mais ce prétentieux précoce et feuillu agitait ses branches ombrageuses comme pour affirmer avec vantardise sa supériorité. A ceux qui répondaient à sa voyante invitation, au Christ affamé qui venait chercher du fruit, il n'avait rien d'autre à offrir que des feuilles. Même pour les besoins de la leçon que cela comportait, nous ne pouvons concevoir que l'arbre ait été desséché avant tout parce qu'il était stérile, car à cette époque les autres figuiers ne portaient pas de fruit non plus; il devint l'objet d'une malédiction et le sujet du discours instructif du Seigneur, parce que, ayant des feuilles, il était trompeusement stérile. S'il était raisonnable de considérer que l'arbre possédait la liberté morale, nous devrions le considérer comme hypocrite; sa stérilité totale à laquelle s'ajoutait son abondance de feuillage en faisait un type de l'hypocrisie humaine.

 

L'arbre feuillu et stérile était un symbole du judaïsme qui se proclamait à voix haute être la seule religion vraie de l'époque et invitait avec condescendance le monde entier à venir prendre de son fruit riche et mûr, alors qu'en réalité ce n'était qu'une croissance dénaturée de feuilles, sans aucun fruit en saison, ni même de bulbes comestibles restés d'une année précédente, parce que ce qu'il avait en fait de fruits anciens était desséché au point de devenir sans valeur et rendu répugnant, mangé qu'il était des vers. La religion d'Israël avait dégénéré en une dévotion religieuse artificielle, qui dépassait les abominations du paganisme dans la prétention de son étalage et dans le vide de ses professions. Comme nous l'avons déjà fait remarquer dans ces pages, le figuier était un symbole favori dans les représentations rabbiniques de la race juive, et le Seigneur avait déjà adopté ce symbolisme dans la parabole du figuier stérile, plante sans valeur qui ne faisait qu'encombrer le sol[5].

 

DEUXIÈME PURIFICATION DU TEMPLE[6]

 

Dans les cours du temple, Jésus fut rempli d'indignation devant la scène de tumulte et de profanation que le lieu offrait. Trois années plus tôt, à l'époque de la Pâque, il avait été poussé à une violente et juste colère par un tableau de marchandage sordide de ce genre à l'intérieur de l'enceinte sacrée; il en avait chassé les brebis et les bœufs et expulsé de force les marchands et les changeurs et tous ceux qui faisaient de la maison de son Père une maison de trafic[7]. C'était vers le commencement de son ministère public, et cette vigoureuse action fut une de ses premières œuvres qui attirèrent l'attention du public; maintenant, à quatre jours de la croix, il purifiait de nouveau les cours en expulsant «tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges des vendeurs de pigeons», et il ne permit à personne de passer ses seaux et ses paniers à l'intérieur de l'enceinte, comme beaucoup avaient l'habitude de le faire, transformant ainsi le chemin en une rue ordinaire. «Il est écrit», leur dit-il avec colère: «Ma maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs.» La fois précédente, avant d'avoir annoncé ou même confessé qu'il était le Messie, il avait dit du temple que c'était «Ia maison de mon Père»; maintenant il s'était reconnu ouvertement être le Christ, il l'appelait «ma maison». Dans un certain sens ces expressions sont synonymes; le Père et lui étaient et sont un dans la possession et la domination. Le moyen par lequel la seconde expulsion se produisit n'est pas donné, mais il est clair que personne ne pouvait résister à son commandement impérieux; il agissait avec la force de la droiture devant laquelle les puissances du mal devaient céder.

 

La colère de son indignation fut suivie du calme d'un ministère de douceur; dans les cours purifiées de sa maison, les aveugles et les invalides s'approchèrent de lui en boitant et en tâtonnant, et il les guérit. La colère des principaux sacrificateurs et des scribes faisait rage contre lui, mais elle était impuissante. Ils avaient décrété sa mort et avaient fait des efforts répétés pour se saisir de lui, et voilà qu'il était là à l'endroit même sur lequel ils prétendaient avoir autorité suprême, et ils avaient peur de le toucher à cause des gens du commun qu'ils professaient mépriser et pourtant craignaient du fond du cœur,  «car tout le peuple était suspendu à ses lèvres».

 

La rage des dirigeants fut encore accrue par un incident touchant qui semble avoir accompagné ou suivi immédiatement sa guérison miséricordieuse des affligés dans le temple. Des enfants virent ce qu'il faisait; dans leur esprit innocent et que n'avaient pas encore souillé les préjugés de la tradition et leur vue que n'avait pas encore assombrie le péché, ils reconnurent en lui le Christ et éclatèrent en louanges et en adoration dans un cantique qu'entendirent les anges: «Hosanna au Fils de David.» Avec une colère mal dissimulée les officiers du temple lui demandèrent: «Entends-tu ce qu'ils disent?» Ils s'attendaient probablement à ce qu'il refusât le titre ou espéraient peut-être qu'il réaffirmerait ses prétentions d'une manière qui leur donnerait une excuse pour intenter une action légale contre lui, car pour la plupart d'entre eux le Fils de David était le Messie, le Roi promis. Se disculperait-il du blasphème que constituait le fait de reconnaître une dignité aussi terrible? Jésus répondit, avec une réprimande sous-entendue pour leur ignorance des Ecritures: «Oui. N'avez-vous jamais lu ces paroles: Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle[8]

 

C'était lundi soir; Jésus quitta la ville et se retira de nouveau à Béthanie, où il logeait. Cette action était prudente, étant donnée la détermination des dirigeants à le faire tomber en leur pouvoir s'ils pouvaient le faire sans exciter le peuple. Cela, il leur était impossible de le faire le jour, car partout où il apparaissait il était le centre d'une multitude; mais s'il était resté la nuit à Jérusalem, les émissaires vigilants de la hiérarchie auraient pu réussir à se saisir de lui, à moins qu'il ne leur résistât par quelque action miraculeuse. Aussi proche que fût l'heure, elle n'avait pas encore sonné, et on ne le ferait prisonnier que s'il se laissait prendre, victime volontaire, entre les mains de ses ennemis.

 

L’AUTORITÉ DU CHRIST MISE AU DÉFI PAR LES DIRIGEANTS[9]

 

Le lendemain, c'est-à-dire le mardi, il retourna au temple avec les Douze, passant en chemin devant le figuier desséché et soulignant, comme nous l'avons déjà vu, la morale de ces miracle et parabole combinés. Tandis qu'il enseignait dans le lieu sacré, prêchant l'Evangile à tous ceux qui voulaient l'entendre, les principaux sacrificateurs et un certain nombre de scribes et d'anciens se dirigèrent en groupe vers lui. Ils avaient discuté à son sujet pendant la nuit et s'étaient décidés à faire au moins un pas; ils allaient contester son autorité pour ce qu'il avait fait la veille. Ils étaient les gardiens du temple, tant du bâtiment que du système théocratique que représentait l'édifice sacré; et ce Galiléen, qui se laissait appeler le Christ et défendait ceux qui l'acclamaient ainsi, ignorait pour la seconde fois leur autorité à l'intérieur des murs du temple et en présence du commun du peuple qu'ils gouvernaient avec tant d'arrogance. Ainsi donc, cette députation officielle, ayant préparé ses plans, vint le trouver, disant: «Par quelle autorité fais-tu cela, et qui t'a donné cette autorité?» Cette mesure était indubitablement une étape préliminaire d'une tentative concertée d'avance pour faire cesser les activités de Jésus, tant par la parole que par l'action, à l'intérieur de l'enceinte du temple. On se souviendra qu'après la première purification du temple, les Juifs avaient demandé avec colère à Jésus un signe qui leur permettrait de juger du point de savoir s'il était divinement autorisé[10] et il est significatif qu'en cette dernière occasion on ne demanda aucun signe mais un aveu formel de l'autorité qu'il possédait et de la personne qui la lui avait donnée. Ils avaient connaissance d'une carrière de trois années de miracles et d'enseignements; la veille, des aveugles et des boiteux avaient été guéris à l'intérieur des murs du temple; et Lazare, témoignage vivant de la puissance que le Seigneur avait sur la mort et la tombe, se trouvait devant eux. Demander un signe supplémentaire aurait été s'exposer de manière flagrante aux railleries du peuple.

 

Ils savaient de quelle autorité le Seigneur se réclamait; leur question avait un but sinistre. Jésus ne condescendit pas à exprimer une réponse dans laquelle ils auraient pu trouver une autre excuse de s'opposer à lui; mais il profita d'une méthode très commune parmi eux: celle de répondre à une question par une autre. «Jésus leur répondit: je vous poserai moi aussi une seule question, et si vous m'y répondez je vous dirai par quelle autorité je fais cela. Le baptême de Jean, d'où venait-il? Du ciel, ou des hommes?»

 

Ils se consultèrent pour savoir quelle serait la meilleure réponse pour les extirper d'une situation embarrassante; il n'y a pas d'indication qu'ils aient essayé de s'assurer de la vérité et de répondre en conséquence; ils étaient absolument désarçonnés. S'ils répondaient que le baptême de Jean était de Dieu, Jésus leur demanderait probablement pourquoi ils n'avaient pas cru au Baptiste et pourquoi ils n'acceptaient pas le témoignage que Jean avait rendu de lui. D'autre part, s'ils affirmaient que Jean n'avait pas l'autorité divine de prêcher et de baptiser, le peuple se tournerait contre eux, car le Baptiste martyrisé était révéré comme un prophète par les masses. En dépit de l'érudition dont ils se vantaient, ils répondirent comme des écoliers embarrassés pourraient le faire lorsqu'ils découvrent des difficultés cachées dans ce qui semblait au début n'être qu'un problème tout simple. «Nous ne savons pas», dirent-ils. Alors Jésus répondit: «Moi non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais cela.»

 

Les pricipaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple étaient battus en finesse et humiliés. La situation était entièrement renversée à leurs dépens; Jésus, qu'ils étaient venus questionner, devenait l'examinateur; eux, une classe d'auditeurs intimidés, réticents, lui, l'instructeur tout prêt, et la multitude qui observait avec intérêt. Comme il était peu vraisemblable qu'il serait immédiatement interrompu, le Maître continua avec une calme lenteur à leur raconter une série de trois histoires splendides dont ils sentirent que chacune s'appliquait à eux avec une certitude tranchante. La première de ces histoires, nous l'appelons la parabole des deux fils.

 

«Qu'en pensez-vous? Un homme avait deux fils; il s'adressa au premier et dit: (Mon) enfant, va travailler aujourd'hui dans ma vigne. Il répondit: je ne veux pas. Ensuite, il se repentit et il y alla. Il s'adressa alors au second et donna le même ordre. Celui-ci répondit: je veux bien, Seigneur, mais il n'y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père? Ils répondirent: Le premier. Et Jésus leur dit: En vérité je vous le dis, les péagers et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n'avez pas cru en lui. Mais les péagers et les protituées ont cru en lui, et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas ensuite repentis pour croire en lui[11]

 

La première phrase «Qu'en pensez-vous?» les appelait à faire très attention. Elle impliquait qu'une question allait bientôt s'ensuivre; et cette question fut: Lequel des deux fut le fils obéissant? Il n'y avait qu'une réponse logique, et ils durent la donner, autant qu'ils y répugnassent. L’application de la parabole suivit avec une promptitude condamnatrice. Eux, les principaux sacrificateurs, scribes, Pharisiens et anciens du peuple, étaient représentés par le deuxième fils qui, lorsqu'il lui fut dit d'aller travailler dans la vigne, répondit avec tant d'assurance mais n'alla point, bien que les vignes fussent en train de devenir sauvages parce qu'on ne les taillait pas et que les pauvres fruits qui pourraient arriver à maturité seraient abandonnés pour tomber et pourrir par terre. Les péagers et les prostituées sur qui ils donnaient libre cours à leur mépris, dont le contact était une souillure, étaient semblables au premier fils, qui par un refus grossier bien que franc ignora l'appel du père mais changea d'avis plus tard et se mit au travail, espérant avec repentir s'amender du temps qu'il avait perdu et de l'esprit peu filial qu'il avait montré[12]. Les péagers et les prostituées, touchés dans leur cœur  par l'appel de clairon au repentir, s'étaient attroupés auprès du Baptiste dans le désert, lui demandant avec ferveur: «Maître, que ferons-nous[13]?» L’appel de Jean ne s'était pas adressé à une classe en particulier; mais tandis que des pécheurs qui se reconnaissaient comme tels s'étaient repentis et avaient demandé le baptême de ses mains, ces mêmes Pharisiens et anciens du peuple avaient rejeté son témoignage et avaient hypocritement cherché à le prendre au piège[14]. Par la parabole, Jésus répondait à sa propre question quant au point de savoir si le baptême de Jean était de Dieu ou de l'homme. L’affirmation du Seigneur: «En vérité je vous le dis, les péagers et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu» condamnait de bout en bout la conduite corrompue mais moralisatrice de la hiérarchie. Elle ne restait cependant pas tout à fait sans laisser l'espoir d'une réforme possible. Il ne disait pas que les pécheurs repentants entreraient et que les hypocrites ecclésiastiques seraient éternellement exclus; il y avait, pour ces derniers, de l'espoir s'ils voulaient seulement se repentir, quoiqu'ils seraient obligés de suivre et non de guider dans la glorieuse procession des rachetés. Poursuivant le même discours, le Seigneur présenta la parabole des vignerons, comme suit:

 

«Ecoutez une autre parabole. Il y avait un maître de maison qui planta une vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir et y bâtit une tour, puis il la loua à des vignerons et partit en voyage. A l'approche des vendanges il envoya ses serviteurs vers les vignerons pour recevoir les fruits de la vigne. Les vignerons prirent ces serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre et lapidèrent le troisième. Il envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers; et les vignerons les traitèrent de la même manière. Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant: Ils respecteront mon fils. Mais, quand les vignerons virent le fils, ils se dirent entre eux: C'est lui l'héritier, venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Ils le prirent, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Maintenant, lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons? Ils lui répondirent: Il fera périr misérablement ces misérables et il louera la vigne à d'autres vignerons qui lui donneront les fruits en leur saison[15]

 

De nouveau les Juifs étaient obligés de répondre à la grande question dont traitait la parabole, et de nouveau par leur réponse ils énonçaient un jugement sur eux-mêmes. La vigne, au sens large, était la famille humaine, mais plus particulièrement le peuple de l'alliance, Israël; le terrain était bon et pouvait produire une grande abondance; les vignes étaient de choix et avaient été plantées avec soin, et le vignoble tout entier était amplement protégé par une haie et bien équipé d'une presse à vin et d'une tour[16]. Les vignerons ne pouvaient être personne d'autre que les prêtres et les instructeurs d'Israël, y compris les dirigeants ecclésiastiques qui étaient présents en personne dans l'exercice de leurs fonctions. Le Seigneur de la vigne avait envoyé parmi le peuple des prophètes autorisés à parler en son nom; ceux-ci, les locataires corrompus les avaient rejetés, maltraités et, en de nombreux cas, cruellement massacrés[17]. Dans les rapports plus détaillés de la parabole nous lisons que lorsque le premier serviteur arriva, les cruels vignerons «Ie frappèrent et le renvoyèrent (les mains) vides», il frappèrent le suivant «à la tête et l'outragèrent», ils en assassinèrent encore un autre, et tous ceux qui vinrent ensuite furent brutalement maltraités, et certains d'entre eux furent tués. Ces hommes corrompus avaient utilisé la vigne de leur seigneur pour leur gain personnel et n'avaient rien rendu de la vendange au propriétaire légal. Lorsque le Seigneur renvoya d'autres messagers, «en plus grand nombre que les premiers» (la version du roi Jacques dit: «Plus que les premiers», ce qui entraîne le commentaire suivant - N.d.T.) ou en d'autres termes plus grands que les précédents, l'exemple plus récent étant Jean-Baptiste, les vignerons les rejetèrent avec une détermination perverse plus prononcée que jamais. Finalement, le Fils était venu en personne; ils craignaient son autorité, car c'était celle de l'héritier légal, et avec une méchanceté presque incroyable, ils décidèrent de le tuer afin de perpétuer leur possession injuste de la vigne et de la conserver dorénavant comme la leur.

 

Sans interruption, Jésus porta l'histoire du passé criminel à l'avenir encore plus tragique et terrible, qui n'était à ce moment-là éloigné que de trois jours, et raconta calmement avec les images prophétiques, comme si cela était déjà accompli, comment ces hommes corrompus chassèrent le Fils bien-aimé de la vigne et le tuèrent. Incapables d'échapper à la question incisive de ce que le Seigneur de la vigne ferait naturellement et justement aux méchants vignerons, les dirigeants juifs donnèrent la seule réponse pertinente possible: qu'il détruirait certainement ces misérables pécheurs et affermerait sa vigne à des locataires plus honnêtes et plus dignes.

 

Changeant soudain d'image, «Jésus leur dit: N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures: La pierre qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale, celle de l'angle; c'est du Seigneur que cela est venu, et c'est une merveille à nos yeux? C'est pourquoi, je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera donné à une nation qui en produira les fruits. Quiconque tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera»[18] Il ne pouvait y avoir de doute quant à ce que le Seigneur voulait dire, la pierre rejetée qui allait jouer finalement le premier rôle, «la principale, celle de l'angle» dans l'édifice du salut, c'était lui-même, le Messie. Pour certains cette pierre serait une pierre d'achoppement; malheur à eux, car c'est par elle qu'ils seraient brisés, et ce ne serait que par le repentir et les œuvres de justice qu'ils pourraient se rattraper ne serait-ce qu'en partie; quant aux autres, ceux qui persisteraient dans leur opposition, la pierre les jugerait; et malheur à eux, car ils seraient détruits, comme pulvérisés[19]. Le royaume de Dieu était sur le point de leur être enlevé, à eux, les dirigeants, et au peuple qui suivait leurs préceptes impies, et il serait donné en temps voulu aux Gentils qui, affirma le Seigneur, se révéleraient plus dignes que ne l'avait été Israël. Luc nous dit qu'à la pensée de ce terrible châtiment, «ils», on ne nous dit pas si c'était les dirigeants sacerdotaux ou le commun du peuple, s'exclamèrent avec désespoir: «Qu'il n'en soit pas ainsi!»

 

Lorsque les principaux sacrificateurs et les Pharisiens se rendirent compte que leur défaite avait été totale et qu'ils avaient été profondément humiliés aux yeux du peuple, ils en conçurent une colère sans mesure et allèrent jusqu'à essayer de se saisir de Jésus à l'intérieur même du temple; mais la sympathie de la multitude était si nettement en sa faveur que les ecclésiastiques furieux s'abstinrent. Le peuple en général, bien que n'étant pas prêt à le proclamer ouvertement être le Christ, savait qu'il était prophète de Dieu, et sa crainte du déplaisir officiel et du châtiment possible ne l'empêcha pas de faire des démonstrations d'amitié.

 

Jésus reprit son enseignement en donnant la parabole des noces.

 

«Jésus leur parla de nouveau en paraboles et il dît: Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler ceux qui étaient invités aux noces; mais ils ne voulurent pas venir. Il envoya encore d'autres serviteurs en disant: Dites aux invités: J'ai préparé mon festin, mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués, tout est prêt, venez aux noces. Mais, négligeant (l'invitation) ils s'en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là à son commerce, et les autres se saisirent des serviteurs, les outragèrent et les tuèrent. Le roi fut irrité; il envoya son armée, fit périr ces meurtriers et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs: Les noces sont prêtes, mais les invités n'en étaient pas dignes. Allez donc aux carrefours, et invitez aux noces tous ceux que vous trouverez. Ces serviteurs s'en allèrent par les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, méchants et bons, et la salle des noces fut remplie de convives[20]

 

L’invitation d'un roi à ses sujets équivaut à un commandement. Les noces n'étaient pas un événement surprenant, car les invités avaient été avertis longtemps d'avance et, conformément à la coutume orientale, furent de nouveau appelés le jour de l'ouverture des festivités[21] qui, selon les coutumes hébraïques, devaient s'étendre sur une période de sept ou quatorze jours; dans ce cas, qui est celui d'un mariage dans la famille royale, c'est la plus longue des deux périodes qui est probable. Un grand nombre des invités qui avaient été conviés refusèrent de venir lorsqu'ils reçurent l'avis officiel; et ils traitèrent à la légère le message ultérieur et plus pressant du roi tolérant et passèrent leur chemin, tandis que les plus méchants d'entre eux se tournaient contre les serviteurs qui apportaient la convocation royale, les maltraitaient cruellement et tuaient certains d'entre eux. Il est clair que le refus d'assister à la fête du roi était une révolte délibérée contre l'autorité royale et une insulte personnelle tant au souverain régnant qu'à son fils. C'était aussi bien un devoir qu'un honneur pour de loyaux sujets que d'assister aux noces du prince que nous pouvons considérer sans risque d'erreur comme l'héritier légal du trône et par conséquent celui qui pourrait régner un jour sur eux. Le fait que l'un d'eux se détourna pour aller à sa ferme et l'autre à ses affaires montre en partie à quel point ils étaient occupés à des entreprises matérielles au mépris total de la volonté de leur souverain; mais elle signifie en outre un effort pour étouffer par quelque occupation absorbante leur conscience troublée; et peut-être aussi une démonstration préméditée du fait qu'ils considéraient leurs affaires personnelles comme plus importantes que l'appel de leur roi. Le monarque infligea un châtiment terrible à ses sujets rebelles. Si la parabole était destinée à être la présentation allégorique d'événements réels, elle passe à cet endroit de l'histoire du passé à celle de l'avenir, car la destruction de Jérusalem est ultérieure de plusieurs dizaines d'années à la mort du Christ. Voyant que les invités qui avaient quelque droit à l'invitation royale étaient totalement indignes, le roi envoya de nouveau ses serviteurs, et ceux-ci rassemblèrent des grandes routes et des carrefours, des voies secondaires et des ruelles, tous ceux qu'ils pouvaient trouver, quel que fût leur rang ou leur situation, qu'ils fussent riches ou pauvres, bons ou mauvais; «et la salle des noces fut remplie de convives».

 

La grande fête qui devait inaugurer l'ère messianique était le thème favori des discours de réjouissance tant dans les synagogues que dans les écoles, et l'on jubilait à la pensée du décret rabbinique selon lequel nul autre que les enfants d'Abraham ne serait parmi les participants bénis. Le roi de la parabole est Dieu. Le fils dont le mariage était l'occasion de la fête est Jésus, le Fils de Dieu; les invités qui furent appelés de bonne heure, mais qui refusèrent de venir lorsque la fête fut prête, sont le peuple de l'alliance qui rejeta son Seigneur, le Christ; les invités ultérieurs qui furent amenés des rues et des routes sont les nations des Gentils à qui l'Evangile a été porté depuis que les Juifs l'ont rejeté; les noces symbolisent le couronnement glorieux de la mission du Messie[22].

 

Tous ceux qui étudient la question ont dû remarquer les points de ressemblance qui apparentent cette parabole à celle des invités[23]; un nombre moins grand peut-être a étudié les différences qui existent entre les deux. La première histoire fut racontée chez un des chefs des Pharisiens, probablement dans une ville de Pérée; l'autre fut racontée dans le temple, après que l'opposition des Pharisiens au Christ fût parvenue à son maximum. L’intrigue de la première est plus simple et son point culminant est plus doux. La négligence des invités de la première histoire s'accompagnait d'excuses qui ressemblent quelque peu à des excuses polies; le refus des invités de la deuxième parabole était nettement offensant et s'accompagnait d'outrages et de meurtres. Dans un cas l'hôte était un citoyen riche quoique privé, dans l'autre celui qui donnait la fête était un roi. Dans la première, la fête avait pour but de s'amuser d'une manière ordinaire, quoique abondante; dans la seconde, la cause déterminante était le mariage de l'héritier royal. Dans le premier cas le châtiment se limita à exclure les transgresseurs du banquet; dans le deuxième, la punition que chacun encourut était la mort, après quoi la ville fut détruite en guise d'exemple.

 

Notre récit du festin des noces n'est pas encore complet; l'histoire que nous avons déjà étudiée se termine de la manière suivante:

 

«Le roi entra pour voir les convives, et il aperçut là un homme qui n'avait pas revêtu un habit de noces. Il lui dit: Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de noces? Cet homme resta la bouche fermée. Alors le roi dit aux serviteurs: Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus.»

 

Il peut être profitable d'examiner les leçons contenues dans cette section de la parabole séparément de celles de la première section. Comme il convenait à sa dignité, le roi entra dans la salle de banquet lorsque les invités eurent pris place dans l'ordre de la bienséance. Il dut examiner chacun des invités, car il découvrit immédiatement celui qui ne portait pas le vêtement prescrit. On peut se demander comment, étant donné qu'ils avaient été conviés en hâte, les divers invités auraient pu s'habiller en conséquence pour la fête. L’unité du récit exige que quelque chose ait été prévu qui permit à tous ceux qui en faisaient dûment la demande de recevoir le vêtement prescrit par l'ordre du roi et conformément à la coutume établie à la cour. Le contexte nous montre bien que l'invité sans robe était coupable de négligence, de manque de respect intentionnel ou de quelque offense plus grave. Le roi montra tout d'abord une considération gracieuse, demandant seulement comment l'homme était entré sans vêtement de noces. Si l'invité avait été capable d'expliquer son aspect exceptionnel ou avait eu une excuse raisonnable à offrir, il aurait certainement parlé; mais on nous dit qu'il resta muet. L'invitation du roi avait été faite libéralement à tous ceux que ses serviteurs avaient trouvés; mais chacun d'eux devait entrer dans le palais royal par la porte, et avant de parvenir à la salle du banquet, dans laquelle le roi apparaîtrait en personne, chacun devait être habillé convenablement; mais le transgresseur était entré d'une autre manière et n'était pas passé devant les sentinelles postées à l'entrée; c'était un intrus, semblable à l'homme dont le Seigneur avait déjà dit que c'était un voleur et un pillard parce que, n'entrant pas par la porte, il était monté par ailleurs[24]. Le roi donna un ordre, et ses ministres[25] lièrent le transgresseur et le jetèrent à la porte du palais dans les ténèbres du dehors, où l'angoisse du remords causait les pleurs et les grincements de dents.

 

En guise de résumé et d'épilogue des trois grandes paraboles constituant cette série, le Seigneur dit ces paroles importantes: «Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus[26].» Chacune de ces paraboles a son propre trésor de sagesse; et toutes trois s'accordent pour déclarer la grande vérité que même les enfants de l'alliance seront rejetés s'ils ne se rendent pas dignes de leur titre en accomplissant des œuvres pieuses; tandis que les portes du ciel s'ouvriront aux païens et aux pécheurs s'ils méritent le salut par le repentir et l'obéissance aux lois et aux ordonnances de l'évangile.

 

L’histoire du festin des noces fut la dernière des paraboles que notre Seigneur prononça publiquement à un auditoire mêlé. Il en dit deux autres aux apôtres tandis qu'ils conversaient solennellement avec le Seigneur sur le mont des Oliviers lorsque le ministère public du Christ prit fin.

 

NOTES DU CHAPITRE 30

 

1. Le figuier : «Le figuier est très connu en Palestine (Dt 8:8). Son fruit est un aliment bien connu et estimé. Il y en a de trois sortes en Orient: (1) la figue précoce qui mûrit vers la fin juin, (2) la figue d'été, qui mûrit en août, (3) la figue d'hiver, plus grosse et plus sombre que la deuxième espèce, qui pend et mûrit sur l'arbre à une saison avancée, même après que les feuilles soient tombées et que l'on récolte parfois au printemps. Les bourgeons du figuier se trouvent dans le réceptacle ou fruit et ne sont pas visibles de l'extérieur; ce fruit commence à se développer avant les feuilles. On pourrait par conséquent s'attendre tout naturellement à ce que le figuier qui portait des feuilles avant la saison porte également des figues (Marc 11:13); mais ses prétentions ne se vérifièrent pas» (Comp. Bible Dict., de Smith).

 

2. Les deux fils de la parabole : Bien que cette excellente parabole s'adressât aux principaux sacrificateurs, aux scribes et aux anciens qui étaient venus dans un esprit hostile demander au Christ d'où il tenait son autorité, cette leçon s'applique universellement. Les deux fils sont encore vivants dans toutes les communautés humaines. L’un qui se vante ouvertement de ses péchés, l'autre qui feint hypocritement. Jésus n'approuva pas le refus brutal du premier fils à qui le père avait demandé en justice de lui rendre un service; mais son repentir ultérieur accompagné d'œuvres le rendit supérieur à son frère qui avait fait de belles promesses mais ne les avait pas tenues. Il y en a beaucoup aujourd'hui qui se vantent de ne pas avoir de religion et de ne pas mener une vie pieuse. Leur franchise ne diminuera en rien leurs péchés; elle montre simplement que parmi leurs nombreuses offenses on ne trouve pas une certaine espèce d'hypocrisie; mais le fait qu'un homme est innocent d'un vice, disons de l'ivrognerie, ne diminue nullement sa responsabilité s'il est menteur, voleur, adultère ou assassin. Les deux fils de la parabole commirent des péchés graves; mais l'un d'eux se détourna de la mauvaise voie qu'il avait jusqu'alors suivie ouvertement, tandis que l'autre poursuivait ses péchés dans le secret, tout en cherchant à les couvrir d'un manteau d'hypocrisie. Que personne ne pense que parce qu'il s'enivre au cabaret il est moins ivrogne que celui qui avale «la boisson de l'enfer» en privé, bien que ce soit un ivrogne hypocrite. Pour ces péchés, comme pour tous les autres, le seul antidote sauveur est le repentir sincère.

 

3. Israël symbolisé par la vigne et les ceps : L’habileté avec laquelle notre Seigneur représenta Israël comme une vigne ne pouvait avoir échappé à la perception des Juifs, qui connaissaient bien les comparaisons de forme analogue que l'on trouve dans l'Ancien Testament. Remarquable entre toutes est l'image frappante que présente Esaïe (5:1-7), dans laquelle on voit la vigne bien fournie ne produire que du raisin sauvage, ce qui déçut si gravement l'attente de son propriétaire que celui-ci décida de détruire le mur, d'enlever la haie et de laisser la vigne à l'abandon. Voici l'explication de la parabole donnée par Esaïe: «Or, la vigne de l'Eternel des armées, c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait. Il avait espéré la droiture, et voici la forfaiture! La justice, et voici le cri du vice!» Le Seigneur décréta, par le truchement de son prophète Ezéchiel (15:2-5) que ce qui donnait de la valeur à un cep de vigne c'était uniquement son fruit; et c'est vrai, car le bois d'une vigne ne sert à rien qu'à brûler; comme bois la vigne tout entière est inférieure à une branche d'arbre de la forêt (verset 3), et Israël est représenté comme une vigne de ce genre, précieuse si elle est fertile, sinon rien d'autre que du combustible et de mauvaise qualité encore. Le psalmiste chanta la vigne que Jéhovah avait fait sortir d'Egypte et qui, plantée avec soin et entourée de haies, avait prospéré même avec de belles branches; mais la faveur de l'Eternel s'était détournée de la vigne, et elle avait été dans la désolation (Psaumes 80:8-16). On trouvera d'autres allusions dans Es 27:2-6, Jr 2:21, Ez 19:10-14, Os 10:1.

 

4. L’invitation au festin de noces : Voici comment Trench (Parables, pp. 175-6) commente l'appel fait aux invités qui avaient déjà été invités d'avance: «Cet appel de ceux qui avaient déjà été invités était, et comme l'attestent les voyageurs modernes, est encore tout à fait conforme aux coutumes orientales. C'est ainsi qu'Esther invite Haman à un banquet le lendemain (Est 5:8), et quand le moment est arrivé, les eunuques viennent le conduire au festin (6:14). Il n'y a donc pas la moindre raison de transformer «ceux qui étaient invités» en ceux qui allaient maintenant être invités; pareille interprétation ne fait pas seulement violence à toutes les lois de la grammaire, mais au but supérieur dans lequel la parabole fut donnée; car notre Seigneur, prenant pour acquis le fait que les invités avaient été invités longtemps auparavant, rappelle ainsi à ses auditeurs que si ce qu'il apportait était nouveau dans un certain sens, il était dans un autre sens l'accomplissement de ce qui était autrefois; qu'il prétendait être entendu, non comme quelqu'un qui commençait soudain, sans être relié à rien de ce qui était avant lui, mais comme lui même «à la fin de la loi», vers laquelle elle avait toujours tendu, la naissance à laquelle la dispensation juive tout entière s'était préparée et qui seule donnerait du sens à tout cela. Dans ses paroles, «ceux qui étaient invités», est impliqué le fait qu'il n'y avait rien de brusque dans la venue de son royaume, que ses rudiments avaient été posés longtemps avant, que toutes les choses auxquelles ses adversaires étaient attachés et qu'ils considéraient comme précieuses dans leur passé prophétisaient des bénédictions qui se trouvaient réellement présentes devant eux en lui. L'invitation originelle, qui était maintenant venue à maturité, remontait à la fondation de la république juive, fut reprise et répétée par tous les prophètes qui se succédèrent lorsqu'ils prophétisaient la grâce suprême qui serait apportée un jour à Israël (Lc 10:24, 1 P. 1:12) et appelaient le peuple à se tenir spirituellement prêt à accueillir son Seigneur et Roi.»

 

5. Serviteurs et ministres : Selon de bonnes autorités philologiques, «ministres» est une traduction plus littérale de l'origine de «serviteurs» dans Mt 22:13. Dans les versets précédents 3, 4, 6, 8, 10 du même chapitre, c'est le terme «serviteurs» qui exprime le mieux le sens de l'original. Cette distinction est importante, car elle implique une différence majeure d'état entre les serviteurs qui furent envoyés appeler le peuple à la fête et les ministres qui servaient immédiatement le roi. Les premiers représentent les serviteurs de Dieu qui proclament sa parole au monde; les autres symbolisent les anges qui exécuteront ses jugements contre les méchants en expulsant de son royaume tout ce qui offense. Comparer avec Mt 13:30, 39, 41, D&A 86:5.

 

6. Les appelés et les élus : Nous donnons ci-après quelques-unes des réflexions d'Edersheim (vol. 11, pp. 429, 430): «Le roi entra pour voir ses invités, et parmi eux en découvrit un qui n'avait pas de vêtement de noces... Comme les invités avaient voyagé et que la fête se tenait dans le palais du roi, nous ne pouvons nous tromper en pensant que ces vêtements étaient fournis au palais à tous ceux qui les demandaient. Cela s'accorde avec le détail qui nous montre que l'homme à qui il s'adressa «resta la bouche fermée». Son comportement démontrait qu'il était totalement inconscient de ce à quoi il avait été appelé - qu'il ignorait ce qui était dû au Roi et ce qui convenait à pareille fête. Car, bien qu'aucun état de préparation préalable ne fut requis des invités, tous ayant été conviés, qu'ils fussent bons ou mauvais, il n'en restait cependant pas moins vrai que s'ils voulaient prendre part au festin, ils devaient revêtir un vêtement de circonstance. Tous sont invités au festin de l'Evangile; mais ceux qui veulent y participer doivent revêtir le vêtement de noces du roi qui est la sainteté évangélique. Et bien qu'il soit dit dans la parabole que le roi n'en vit qu'un seul sans ce vêtement, cela a pour but d'enseigner que le Roi ne se contentera pas de jeter un coup d’œil général sur ses invités, mais que chacun d'eux sera examiné séparément, et que personne - non, pas un seul - ne pourra éviter d'être découvert dans la masse des invités, s'il ne porte pas de vêtements de noces. Bref, en ce jour d'épreuve, il ne s'agira pas d'un examen des Eglises, mais des individus de l'Eglise... L’appel est donné à tous; mais on peut l'accepter extérieurement, et un homme peut s'asseoir à la fête, et cependant il ne pourra pas être choisi pour prendre part au festin, parce qu'il ne porte pas le vêtement de noces de la grâce qui convertit et sanctifie. Et ainsi on peut être rejeté de la table même des noces dans les ténèbres du dehors, avec leurs douleurs et leurs angoisses. C'est ainsi que l'on trouve côte à côte, quoique extrêmement séparés, ces deux éléments: l'appel de Dieu et le choix de Dieu. Le lien qui les unit est le vêtement des noces, donné gracieusement dans le palais. Cependant, nous devons le chercher, le demander, le revêtir. Et comme ici, nous avons aussi côte à côte le don de Dieu et l'activité de l'homme. Et il est vrai pour toujours et pour tous les hommes, aussi bien dans son avertissement que dans son enseignement et sa bénédiction: «Il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.» Beaucoup de mots de sens apparenté, tant hébreux que grecs, sont traduits «vêtements» dans notre Bible. L’original grec qui est traduit par vêtement de noces est enduma; on ne le trouve pas dans d'autres passages bibliques comme original de «vêtement». Le nom est apparenté au verbe grec enduein, «revêtir».

 



[1] Mt 21:18-22, Mc 11:12-14, 20-26.

[2] Note 1, fin du chapitre.

[3] Page 262.

[4] «Bethphagé», nom d'un village proche de Béthanie, et par conséquent près du mont des Oliviers, signifie «maison des figues». Mentionné dans Mt 21.1, Mc 11.1, Lc 19:29. Béthanie signifie «maison des dattes». Dans la traduction littérale, nous pouvons remplacer «maison» par «lieu».

[5] Lc 13: 6-9, page 482 supra.

[6] Mt 21:12-13, Mc 11:15-17, Lc 19:45, 46.

[7] Jn 2:14-17; pages 168-174 supra.

[8] Mt 21:16; cf. Ps 8:2; voir aussi Mt 11:25, 1 Co 1:27.

[9] Mt 21:23-27, Mc 11:27-33, Lc 20:1-8.

[10] Jn 2:18-21, page 171 supra.

[11] Mt 21:28-32.

[12] Note 2, fin du chapitre.

[13] Lc 3:12; cf. 7:29; voir page 135 supra.

[14] Mt 3:7.

[15] Mt 21:33-41; cf. Mc 12:1-9, Lc 20:9-16.

[16] Note 3, fin du chapitre.

[17] Cf. Lc 11:47, 48, Mt 23:29-33.

[18] Mt 21:42-44; voir aussi Mc 12:10, 11, Lc 20:17,18; cf. Ps 118:22, Es 28:16, Ac 4: 11, Ep 2:20, 1 P 2:6, 7.

[19] Cf. Dn 2:44, 45, Es 60:12.

[20] Mt 22:1-10.

[21] Note 4, fin du chapitre.

[22] Cf. Mt 25:10,2 Co 11:2, Ep 5:32, Ap 19:7,21:2,9.

[23] Lc 14:16-24; page 490 supra.

[24] Cf. page 454.

[25] Note 5, fin du chapitre.

[26] Mt 22:14; cf. 20:16; voir page 521. Note 6, fin du chapitre.

 

 

 

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