CHAPITRE
34 : LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION LE
PROCÈS JUIF De Gethsémané le Christ ligoté et captif fut
trainé devant les dirigeants juifs. Jean est seul à nous apprendre que
le Seigneur fut emmené tout d'abord devant Anne, qui l'envoya, toujours
lié, à Caïphe, le souverain sacrificateur[1];
les synoptiques ne rapportent que la comparution devant Caïphe[2].
Nous n'avons aucun détail sur l'entretien avec Anne; et il était aussi
irrégulier et illégal, selon la loi hébraïque, de faire comparaître Jésus
devant lui que le furent les autres actes de procédure de cette
nuit-là. Anne, qui était le beau-père de Caïphe, avait été
déposé de ses fonctions de souverain sacrificateur plus de vingt ans
auparavant, mais pendant toute cette période il avait exercé une
puissante influence dans toutes les affaires de la hiérarchie[3].
Caïphe, comme Jean prend bien soin de nous le rappeler, «était celui
qui avait donné aux Juifs le conseil: 'Il est préférable qu'un seul
homme meure pour le peuple.'[4]» Au palais de Caïphe étaient assemblés les
principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple en réunion
du sanhédrin, non officielle, tous attendant impatiemment le résultat de
l'expédition menée par Judas. Lorsque Jésus, objet de leur haine
violente et leur future victime, fut introduit, prisonnier ligoté, on le
fit immédiatement passer en jugement, contrairement à la loi, tant écrite
que traditionnelle, dont ces dirigeants des Juifs rassemblés professaient
être les champions si zélés. On ne pouvait procéder légalement à un
interrogatoire pour un crime capital que dans la salle de tribunal
officielle du sanhédrin. Le récit que nous donne le quatrième Evangile
nous permet de conclure que le prisonnier fut tout d'abord soumis à un
interrogatoire de la part du souverain sacrificateur en personne[5]. Ce fonctionnaire, il
n'est pas dit si c'était Anne ou Caïphe, interrogea Jésus sur ses
disciples et ses enseignements. Cette enquête préliminaire était tout
à fait illégale, car le code hébreu prévoyait que les témoins de
l'accusation dans une cause quelconque devant la cour devaient formuler
leur accusation contre l'accusé, et que ce dernier devait être protégé
contre toute tentative de le pousser à témoigner contre lui-même.
La réponse du Seigneur aurait dû être une protestation suffisante
devant le souverain sacrificateur pour l'empêcher de se livrer à
d'autres procédés illégaux. «J'ai parlé ouvertement au monde; j'ai
toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs
s'assemblent, et je n'ai parlé de rien en secret. Pourquoi
m'interroges-tu? Demande à ceux qui m'ont entendu de quoi je leur
ai parlé; voici qu'ils savent, eux, ce que moi j'ai dit.» C'était une
objection légale contre ce procédé illégal de refuser à un prisonnier
qui passait en jugement son droit d'être confronté avec ses accusateurs.
Elle fut reçue ouvertement avec dédain, et l'un des huissiers qui se
trouvait tout près, espérant peut-être obtenir ainsi la faveur de
ses supérieurs, alla jusqu'à frapper violemment Jésus[6],
en lui posant la question: «Est-ce ainsi que tu réponds au
souverain sacrificateur?» A cette lâche attaque le Seigneur répondit
avec une douceur presque surhumaine[7]: «Si j'ai mal parlé,
prouve ce qu'il y a de mal; et si j'ai bien parlé, pourquoi me
frappes-tu?» A cette soumission se mêlait cependant ici un autre
appel aux principes de la justice; si ce que Jésus avait dit était mal,
pourquoi celui qui l'avait assailli ne l'accusait-il pas, et s'il
avait bien parlé, de quel droit un officier de police ou un juge
condamnait-il et punissait-il, et ce, en présence du
souverain sacrificateur? La loi et la justice avaient été détrônées
cette nuit-là. «Les
principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin cherchaient quelque faux témoignage
contre Jésus, pour le faire mourir[8].»
Que «tout le sanhédrin» signifie un quota légal, ce qui ferait 23 ou
davantage ou l'assemblée complète des soixante-douze sanhédristes, cela
n'a que peu d'importance. Toute session nocturne du sanhédrin, et plus
particulièrement pour l'examen d'une accusation de crime, était
directement une violation de la loi juive. De même, il était illégal de
la part du sanhédrin d'examiner pareille accusation un jour de sabbat, un
jour férié ou la veille d'un jour de ce genre. Au sanhédrin, tous les
membres étaient juges; le groupe des juges devait entendre le témoignage
et, selon ce témoignage et rien d'autre, rendre une décision dans tous
les cas dûment présentés. Il était requis des accusateurs qu'ils
comparussent en personne, et on devait tout d'abord les avertir contre
tout faux témoignage. Tous les accusés devaient être considérés et
traités comme innocents jusqu'à ce qu'ils fussent dûment condamnés.
Mais dans le prétendu jugement de Jésus, les juges non seulement cherchèrent
des témoins mais essayèrent tout particulièrement de trouver de faux témoins.
Beaucoup de faux témoins vinrent, mais cependant il n'y eut aucun témoignage
contre le prisonnier, parce que les parjures subornés n'étaient pas
d'accord entre eux, et même les sanhédristes sans loi hésitaient à
enfreindre ouvertement la règle fondamentale qui voulait que deux témoins
concordants au moins témoignassent contre un accusé, faute de quoi
l'affaire devait être rejetée. Les juges ecclésiastiques avaient déjà décidé
que Jésus devait être condamné sur une accusation ou une autre et être
mis à mort; leur incapacité à trouver des témoins contre lui menaçait
de retarder l'exécution de leur néfaste projet. La haine et la précipitation
caractérisèrent de bout en bout leur façon de procéder; ils firent arrêter
illégalement Jésus le soir; ils procédaient illégalement à un
semblant de jugement la nuit; leur but était de condamner le prisonnier
suffisamment à temps pour l'amener devant les autorités romaines aussitôt
que possible dans la matinée - comme criminel dûment jugé et
considéré digne de mourir. L’absence de deux témoins hostiles qui
diraient les mêmes mensonges était un obstacle grave. Mais «enfin il en
vint deux qui dirent: Celui-là a dit: je puis détruire le temple
de Dieu, et le rebâtir en trois jours.» Cependant d'autres attestèrent:
«Nous l'avons entendu dire: Je détruirai ce temple fait par la main de
l'homme et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait par
la main de l'homme[9].» Et ainsi, comme l'observe
Marc même dans ce détail leurs témoignages ne concordaient pas. Il est
certain que dans une affaire portée devant un tribunal, une différence
comme celle qui apparaît entre «je puis» et «je détruirai» dans des
paroles attribuées à l'accusé est d'importance capitale. Cependant ce
semblant d'accusation officielle était la seule base de l'accusation portée
contre le Christ à ce stade du jugement. On se souviendra que lors de la
première purification du temple, vers le début du ministère du Christ,
celui-ci avait répondu aux Juifs qui avaient demandé à cor et à
cri un signe de son autorité en disant: «Détruisez ce temple, et en
trois jours je le relèverai.» Il n'avait pas du tout dit que c'était
lui qui allait détruire; c'était les Juifs qui détruiraient, et lui qui
relèverait. Mais l'auteur inspiré prend le soin d'expliquer que Jésus
«parlait du temple de son corps», et pas du tout des bâtiments élevés
par l'homme[10]. Il pourrait être
raisonnable de se demander quelle portée sérieuse on pouvait attacher à
une déclaration comme celle que les témoins parjures prétendaient avoir
entendue des lèvres du Christ. La vénération que les Juifs professaient pour
la sainte maison, dont ils profanaient cependant les lieux sans pudeur,
donne une réponse partielle mais insuffisante. Dans leur conspiration contre le Christ, il semble que les dirigeants aient
eu pour plan de le condamner pour sédition, le faisant passer pour un
fauteur de troubles dangereux qui mettait en péril la paix de la nation,
attaquait les institutions établies et incitait par conséquent à
l'opposition contre l'autonomie vassale de la nation juive et la
domination suprême de Rome[11]. L’ombre
vaguement définie d'une accusation légale produite par le témoignage ténébreux
et sans consistance des faux témoins suffit à enhardir l'inique
tribunal. Caïphe, se levant de son siège pour souligner sa question
d'une manière dramatique, demanda à Jésus: «Ne réponds-tu rien?
De quoi témoignent-ils contre toi?» Il n'y avait rien à répondre.
Le témoignage qui avait été porté contre lui n'était ni logique ni
valable; par conséquent il garda un silence digne. Alors Caïphe,
enfreignant l'interdiction légale de demander à quiconque de témoigner
dans sa propre affaire si ce n'est volontairement et de sa propre
initiative, ne se contenta pas d'exiger une réponse de la part du
prisonnier mais exerça la puissante prérogative de l'office du souverain
sacrificateur de placer l'accusé sous serment, comme témoin devant le
tribunal sacerdotal. «Et le souverain sacrificateur», prenant la parole,
«Iui dit: je t'adjure par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le
Christ, le Fils de Dieu[12].» Le fait qu'il sépara les
deux qualificatifs «le Christ» et le «Fils de Dieu» est significatif
en ce qu'il indique que les Juifs attendaient un Messie mais ne
reconnaissaient pas qu'il devait être d'origine divine. Rien de ce qui
avait été dit avant ne pouvait justifier pareille question.
L’accusation de sédition était sur le point d'être remplacée par une
accusation plus énorme encore: celle de blasphème[13]. Jésus
répondit à cette adjuration absolument injuste et pourtant officielle du
souverain sacrificateur: «Tu l'as dit. De plus je vous le déclare, vous
verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite du
Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel.» Cette expression:
«Tu l'as dit» était équivalente à «Je suis ce que tu as dit»[14]. C'était un aveu sans restriction
de sa filiation divine et de sa Divinité inhérente. «Alors le souverain
sacrificateur déchira ses vêtements et dit: Il a blasphémé.
Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous venez d'entendre son
blasphème. Qu'en pensez-vous? Ils répondirent: Il est passible de
mort[15].» C'est ainsi que les juges d'Israël, y compris le
souverain sacrificateur, les principaux sacrificateurs, les scribes et les
anciens du peuple, le grand sanhédrin, illégalement assemblés, décrétaient
que le Fils de Dieu méritait la mort sans autre preuve que sa propre
affirmation d'identité. Le code juif interdisait expressément de
condamner, spécialement lors d'une accusation de crime, toute personne
sur son propre aveu, si celui-ci n'était amplement confirmé par la
déposition de témoins dignes de confiance. De même que dans le jardin
de Gethsémané Jésus s'était rendu volontairement, ainsi
donnait-il personnellement et volontairement devant les juges les
preuves sur lesquelles ils déclarèrent injustement qu'il méritait la
mort. Il ne pouvait y avoir d'autre crime dans la prétention à être
Messie ou à une filiation divine que la fausseté de cette prétention.
C'est en vain que nous examinons les documents pour y trouver ne serait-ce
qu'un sous-entendu pour nous informer qu'une enquête fut faite ou proposée
quant aux raisons sur lesquelles Jésus basait ses prétentions sublimes.
En déchirant ses vêtements, le souverain sacrificateur affectait d'une
manière spectaculaire son horreur pieuse devant le blasphème dont ses
oreilles avaient été agressées. La loi interdisait expressément au
souverain sacrificateur de déchirer ses vêtements[16],
mais les écrits extra-scripturaires nous apprennent que les lois
traditionnelles permettaient de déchirer ses vêtements pour attester un
crime extrêmement grave comme celui de blasphème[17].
Nous n'avons aucune indication nous informant si le vote des juges fut
demandé et enregistré de la manière exacte et ordonnée requise par la
loi. Jésus
était donc condamné pour la transgression la plus abominable connue de
la juiverie. Bien qu'injustement, il avait été jugé coupable de blasphème
par le tribunal suprême du pays. Pour être précis, nous ne pouvons pas
dire que les sanhédristes condamnèrent le Christ à mort, étant donné
que le pouvoir de prononcer des sentences de mort avait été retiré au
tribunal juif par décret romain. Le tribunal des souverains
sacrificateurs décida cependant que Jésus méritait de mourir, et c'est
ce qu'ils attestèrent lorsqu'ils le livrèrent à Pilate. Débordant de
haine et de méchanceté, les juges d'Israël abandonnèrent leur Seigneur
aux caprices des valets, qui lui firent subir toutes les indignités que
leurs instincts brutaux pouvaient leur inspirer. Ils lui lançèrent leurs
crachats impurs au visage[18]; ensuite, lui ayant bandé
les yeux, ils s'amusèrent à le frapper sans arrêt, en disant: «Christ,
devine, dis-nous qui t'a frappé.» La foule des mécréants le
couvrit de moqueries et de sarcasmes, et en réalité se fit en fait
blasphématrice[19]. La loi et les coutumes de l'époque requéraient
qu'une personne jugée coupable d'un crime capital fût soumise, après
avoir été dûment jugée devant un tribunal juif, à un deuxième
jugement le lendemain; lors de cette seconde séance, l'un des juges, ou
l'ensemble de ceux-ci, qui avaient précédemment voté pour la
culpabilité, pouvait changer d'avis; mais quiconque avait demandé
l'acquittement ne pouvait altérer son vote. La majorité simple
suffisait pour l'acquittement, mais il fallait plus qu'une majorité
qualifiée pour condamner. En vertu d'un article qui doit nous sembler
absolument extraordinaire, si tous les juges votaient pour la condamnation
dans un crime capital, le verdict était invalidé et l'accusé devait être
mis en liberté; en effet, disait-on, si l'on votait unanimement contre un
prisonnier, cela voudrait dire qu'il n'avait ni ami ni défenseur au
tribunal et que les juges pouvaient avoir ourdi une conspiration contre
lui. En vertu de cette loi de la jurisprudence hébraïque, le verdict
prononcé contre Jésus et qui fut rendu lors de la session nocturne illégale
des sanhédristes, était sans valeur, car il nous est dit clairement que
«tous le condamnèrent comme passible de mort»[20]. Voulant
apparemment créer un vague prétexte de légalité dans leur procédure,
les sanhédristes ajournèrent la séance pour se réunir de nouveau au
petit matin. Ils se conformaient ainsi techniquement à la loi selon
laquelle, dans tous les cas où l'on avait décrété la peine de mort, le
tribunal devait entendre et juger une deuxième fois dans une session ultérieure,
mais ils ignorèrent complètement la règle absolument formelle qui
voulait que le deuxième jugement eût lieu le lendemain de la première séance.
Entre les deux sessions séparées d'un jour les juges devaient jeûner et
prier, et examiner calmement et sérieusement l'affaire à juger.
Luc, qui ne donne aucun détail sur le procès
nocturne de Jésus, est le seul évangéliste à faire un récit détaillé
de la session du matin. Il dit: «Quand il fit jour, le collège des anciens du peuple, les
principaux sacrificateurs et les scribes s'assemblèrent et firent amener
Jésus devant leur sanhédrin[21].»
Certains savants bibliques ont compris l'expression «amener Jésus devant
leur sanhédrin», dans le sens que Jésus fut condamné par le sanhédrin
dans la salle officielle du tribunal, c'est-à-dire la gazith
ou salle des pierres taillées, comme le voulait la loi de l'époque; mais
c'est une position qui est contredite par Jean qui dit qu'ils emmenèrent
Jésus directement de Caïphe au tribunal romain[22]. Il
est probable qu'à cette session du petit matin on approuva la procédure
irrégulière des heures nocturnes et que l'on décida des détails de la
procédure ultérieure à suivre. Ils «se consultèrent sur les moyens de
le faire périr»; néanmoins ils remplirent les formalités d'un deuxième
procès, dont les conclusions furent grandement facilitées par les déclarations
volontaires du prisonnier. Absolument rien ne permettait aux juges de
demander à l'accusé de témoigner; ils auraient dû examiner de nouveau
les témoins à charge. La première question qui lui fut posée fut: «Si
tu es le Christ, dis-le nous.» Le Seigneur répondit avec dignité:
«Si je vous le dis, vous ne le croirez point; et si je vous interroge
vous ne répondrez point. Désormais le Fils de l'homme sera assis à la
droite de la Puissance de Dieu.» Ni la question, ni la réponse n'entraînaient
la condamnation. Le pays tout entier attendait le Messie; si Jésus prétendait
l'être, la seule action judiciaire appropriée serait de s'informer des mérites
de cette prétention. La question cruciale suivit immédiatement: «Tu es
donc le Fils de Dieu? Et il leur répondit: Vous le dites, je le suis.
Alors ils dirent: Qu'avons-nous encore besoin de témoignage? Nous
l'avons entendu nous-mêmes de sa bouche[23].» Jéhovah était donc déclaré coupable de
blasphème contre Jéhovah. Le seul mortel à qui il était impossible
d'imputer ce crime terrible qu'est le blasphème en prétendant avoir des
attributs et des pouvoirs divins était condamné comme blasphémateur
devant les juges d'Israël. «Tout le sanhédrin», expression qui peut
vouloir dire un quota légal, était impliqué dans l'action finale. C'est
ainsi que prit fin le prétendu «jugement» de Jésus devant le souverain
sacrificateur et les anciens[24] de son peuple. «Le matin venu, tous les
principaux sacrificateurs et les anciens du peuple tinrent conseil contre
Jésus, pour le faire mourir. Après l'avoir lié, ils l'emmenèrent et le
livrèrent à Pilate le gouverneur[25].»
Pendant les quelques heures qui lui restaient à vivre sur terre,
il serait entre les mains des Gentils, trahi et livré par les siens[26]. PIERRE
RENIE SON SEIGNEUR[27] Lorsque Jésus fut arrêté dans le jardin de
Gethsémané, les Onze l'abandonnèrent tous et s'enfuirent. Il ne faut
pas considérer ce fait comme une preuve certaine qu'ils étaient des lâches,
car le Seigneur avait voulu qu'ils partent[28]. Pierre et un autre
disciple au moins suivirent de loin; lorsque les gardes armés furent entrés
au palais du souverain sacrificateur avec leur prisonnier, Pierre «entra
et s'assit avec les gardes pour voir comment cela finirait». Le disciple
dont le nom n'est pas donné et qui connaissait le souverain sacrificateur
l'aida à s'introduire. Cet autre disciple était probablement Jean, du
moins c'est ce que nous pouvons penser puisqu'il n'est mentionné que dans
le quatrième Evangile, dont l'auteur, et cela est caractéristique chez
lui, ne se désigne jamais par son propre nom[29]. Tandis
que Jésus se trouvait devant les sanhédristes, Pierre demeura en bas
avec les serviteurs. La porte était gardée par une jeune femme; ses soupçons
féminins avaient été éveillés lorsqu'elle reçut Pierre, et tandis
qu'il était assis avec d'autres dans la cour du palais, elle s'approcha
de lui et, l'ayant observé attentivement, dit: «Toi aussi, tu étais
avec Jésus le Galiléen.» Mais Pierre nia, affirmant qu'il ne
connaissait pas Jésus. Pierre était agité; sa conscience et la peur d'être
reconnu comme disciple du Seigneur le troublaient. Il quitta la foule et chercha une solitude partielle
sous le porche; mais là, une autre servante le découvrit et dit à ceux
qui se trouvaient tout près: «Celui-ci était avec Jésus de
Nazareth»; accusation à laquelle Pierre répondit avec serment: «Je ne
connais pas cet homme.» On
était en avril et la nuit était froide; on avait fait un feu dans le
hall ou la cour du palais. Pierre s'assit près du feu avec d'autres,
pensant peut-être qu'il valait sans doute mieux, pour ne pas être
repéré, se découvrir avec audace que chercher à se cacher. Une heure
environ après ses deux premiers reniements, quelques-uns des hommes
qui se trouvaient autour du feu l'accusèrent d'être disciple de Jésus
et se servirent de son dialecte galiléen pour prouver qu'il était au
moins compatriote du prisonnier du souverain sacrificateur; menace plus
grande encore, un parent de Malchus, dont Pierre avait coupé l'oreille de
son épée, demanda péremptoirement: «Ne t'ai-je pas vu avec lui
dans le jardin?» Dans la série de mensonges où il s'était lancé,
Pierre alla jusqu'à proférer des imprécations, à jurer et à déclarer
avec véhémence pour la troisième fois: «Je ne connais pas cet homme.»
Comme le dernier mensonge impie quittait ses lèvres, les notes claires du
chant d'un coq lui frappèrent les oreilles[30],
et dans son esprit jaillit le souvenir de ce que son Seigneur avait prédit.
Tremblant et conscient de sa perfide lâcheté, le malheureux se détourna
de l'attroupement et rencontra le regard douloureux du Christ qui, du
milieu de la foule insolente, regardait dans les yeux son apôtre vantard,
et cependant aimant mais faible. Quittant précipitamment le palais,
Pierre sortit dans la nuit, pleurant amèrement. Comme l'atteste sa vie
ultérieure, ses larmes étaient celles d'une contrition réelle et d'un véritable
repentir. PREMIÈRE COMPARUTION DU
CHRIST DEVANT PILATE Comme nous l'avons déjà appris, aucun tribunal
juif n'avait l'autorité d'infliger la peine de mort; la Rome impériale
s'était réservé cette prérogative. Il serait inutile au sanhédrin de
prétendre à l'unisson que Jésus méritait la mort tant que cela n'était
pas sanctionné par le représentant de l'empereur, qui était à l'époque
Ponce Pilate, gouverneur, ou plus exactement procurateur de Judée, de
Samarie et d'Idumée. Pilate avait sa résidence officielle à Césarée[31],
au bord de la Méditerranée; mais il avait coutume d'être à Jérusalem
à l'époque des grandes fêtes hébraïques, voulant probablement préserver
l'ordre ou étouffer promptement tous les troubles qui pourraient naître
parmi les vastes multitudes hétérogènes qui se pressaient dans la ville
pendant ces fêtes. Lors de cette Pâque importante, le gouverneur était
à Jérusalem avec ses lieutenants. Au petit matin du vendredi, tous les
membres du sanhédrin menèrent Jésus, lié, au tribunal de Ponce Pilate;
mais ils évitèrent scrupuleusement d'entrer dans le bâtiment de crainte
de se souiller; en effet le lieu du jugement faisait partie de la maison
d'un Gentil, et il pouvait s'y trouver quelque part du pain avec du
levain, et le fait même de s'en approcher les rendrait cérémoniellement
impurs. Chacun pourra qualifier lui-même le genre d'hommes qui ont
peur ne serait-ce que d'être près du levain alors même qu'ils sont
assoiffés de sang innocent. Par déférence pour leurs scrupules, Pilate sortit
du palais; lorsqu'ils lui remirent leur prisonnier, il demanda: «Quelle
accusation portez-vous contre cet homme?» La question, quoique
strictement de circonstance et judiciairement nécessaire, surprit et déçut
les gouverneurs ecclésiastiques, qui s'étaient évidemment attendus à
ce que le gouverneur approuvât tout simplement leur verdict par pure
formalité et prononçât la sentence en conséquence; mais au lieu de
cela, Pilate était apparemment décidé à exercer son autorité de juger
seul. Avec une contrariété mal cachée, leur porte-parole,
probablement Caïphe, répondit: «Si ce n'était pas un malfaiteur, nous
ne te l'aurions pas livré.» C'était maintenant au tour de Pilate de
prendre ou du moins de feindre de prendre ombrage, et il dit en substance:
Oh, très bien; si vous ne voulez pas énoncer l'accusation selon les
formes, prenez-le et jugez-le selon vos lois; ne m'ennuyez
plus avec cette affaire. Mais les Juifs répondirent: «Il ne nous est pas
permis de mettre quelqu'un à mort.» Jean
l'apôtre voit dans cette dernière réflexion la détermination des Juifs
de faire mettre Jésus à mort non seulement par une sanction romaine mais
aussi par des bourreaux romains[32];
en effet comme nous pourrons le voir rapidement, si Pilate avait approuvé
la sentence de mort et remis le Prisonnier aux Juifs pour qu'ils
l'infligent, Jésus aurait été lapidé conformément au châtiment hébreu
pour le blasphème; le Seigneur, lui, avait clairement prédit que sa mort
serait par crucifixion, ce qui était une méthode d'exécution romaine
que ne pratiquaient jamais les Juifs. En outre, si Jésus avait été mis
à mort par les dirigeants Juifs, même avec la sanction gouvernementale,
il aurait pu en résulter une insurrection parmi le peuple, car il y en
avait beaucoup qui croyaient en lui. Les chefs rusés étaient décidés
à obtenir sa mort par condamnation romaine. «Ils se mirent à l'accuser, en disant: Nous
avons trouvé celui-ci qui incitait notre nation à la révolte, empêchait
de payer l'impôt à César, et se disait lui-même Christ, roi[33].» Il est important de remarquer qu'on ne
formula aucune accusation de blasphème devant Pilate; si pareille
accusation avait été présentée, le gouverneur dont le cœur et
l'esprit étaient totalement païens, aurait probablement laissé tomber
l'accusation, la considérant comme absolument indigne d'être entendue;
en effet, Rome, avec ses dieux multiples, dont le nombre grandissait
constamment du fait que les païens déifiaient continuellement des
mortels, n'avaient pas connaissance d'une violation de la loi telle que le
blasphème dans le sens juif. Les sanhédristes
accusateurs n'hésitèrent pas à substituer au blasphème, qui était le
plus grand crime connu dans le code hébraïque, l'accusation de haute
trahison, qui était la violation de la loi la plus grave dans la catégorie
des crimes romains. Le
Christ, calme et digne, ne daigna pas répondre aux accusations vociférées
par les principaux sacrificateurs et les anciens. Il leur avait parlé pour
la dernière fois - jusqu'au moment fixé d'un autre procès où
c'est lui qui sera le Juge et eux les prisonniers devant la barre. Pilate
fut surpris du comportement soumis et cependant majestueux de Jésus; il y
avait certainement, chez cet homme, beaucoup de caractère royal; jamais
quelqu'un comme celui-ci ne s'était tenu devant lui. Néanmoins,
l'accusation était grave. Les hommes qui prétendaient au titre de roi
pouvaient se révéler dangereux pour Rome, et cependant l'accusé ne répondait
rien à cette accusation. Entrant au tribunal, Pilate fit appeler Jésus[34]. Le récit détaillé des événements
que nous trouvons dans le quatrième Evangile montre que certains des
disciples, et parmi eux presque certainement Jean, entrèrent également.
N'importe qui pouvait entrer, car un trait réel et très célèbre des
procès romains était qu'ils étaient publics. Pilate qui, c'est clair, n'éprouvait aucune
animosité ni aucun préjugé contre Jésus, demanda: «Es-tu le roi
des Juifs? Jésus répondit: Est-ce de toi-même que tu dis
cela, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi?» La question du Seigneur
signifiait, c'est ainsi que le comprit Pilate, comme le montre sa réplique
et comme nous pourrions la formuler: Demandes-tu cela dans le sens
romain et littéral - à savoir si je suis un roi dont le royaume
est terrestre - ou dans le sens juif et plus spirituel? S'il avait répondu
directement «oui», il aurait dit vrai dans le sens messianique, mais
aurait menti dans le sens profane; et «non» aurait été inversement
vrai ou faux. «Pilate répondit: Moi, suis-je donc juif? Ta nation
et les principaux sacrificateurs t'ont livré à moi: qu'as-tu fait?
Jésus répondit: Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était
de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi, afin que je ne
sois pas livré aux Juifs; mais maintenant, mon royaume n'est pas
d'ici-bas. Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le
dis: je suis roi. Voici pourquoi je suis né et voici pourquoi je suis
venu dans le monde: pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est
de la vérité écoute ma voix.» Il
était clair pour le gouverneur romain que cet homme admirable, avec sa
mission sublime d'un royaume qui ne serait pas de ce monde et d'un empire
de vérité dans lequel il devait régner, n'était pas un révolté
politique; et que le considérer comme une menace pour les institutions
romaines serait absurde. Ces dernières paroles - au sujet de la vérité
- étaient les plus embarrassantes de toutes; Pilate était agité,
et peut-être un peu effrayé de leur importance. «Qu'est-ce
que la vérité?» s'exclama-t-il plutôt avec appréhension
qu'il ne le demanda en s'attendant à une réponse, au moment où il
s'apprêtait à quitter la salle. Il annonça officiellement aux Juifs qui
se trouvaient à l'extérieur que le prisonnier était acquitté. «Moi,
je ne trouve aucun motif (de condamnation) en lui», fut son verdict. Mais
les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple ne se
laissèrent pas rebuter. Ils étaient tellement assoiffés du sang du
Christ que cette soif s'était transformée en folie. Ils hurlèrent
sauvagement et férocement: «Il soulève le peuple, en enseignant dans
toute la Judée, depuis la Galilée où il a commencé, jusqu'ici.»
Lorsqu'il fut parlé de la Galilée, cela donna à Pilate l'idée
d'employer une nouvelle procédure. S'étant assuré par une enquête que
Jésus était Galiléen, il décida d'envoyer le prisonnier à Hérode,
gouverneur vassal de cette province, qui se trouvait à Jérusalem à l'époque[35].
Pilate espérait ainsi se débarrasser de toute responsabilité dans
l'affaire, et en outre, Hérode, avec lequel il avait de mauvais rapports,
pourrait ainsi être apaisé. LE
CHRIST DEVANT HÉRODE[36] Hérode
Antipas, fils dégénéré de son infâme père, Hérode le Grand[37]
était à ce moment-là tétrarque de Galilée et de Pérée, et
selon l'usage populaire, que ne justifiait cependant pas la sanction impériale,
se faisait flatteusement appeler roi. C'est lui qui, accomplissant un vœu
impie inspiré par les flatteries voluptueuses d'une femme, avait ordonné
le meurtre de Jean-Baptiste. Il gouvernait comme vassal romain et
professait être orthodoxe dans les observances du judaïsme. Il était
venu en grande pompe à Jérusalem pour célébrer la fête de la Pâque.
Hérode fut heureux de se voir envoyer Jésus par Pilate, car cette action
n'était pas seulement gracieuse de la part du procurateur, constituant
comme le prouvèrent les événements ultérieurs, le préliminaire d'une
réconciliation entre les deux gouverneurs[38],
mais c'était aussi un moyen de satisfaire la curiosité qu'éprouvait Hérode
à voir Jésus dont il avait tant entendu parler, dont la réputation
l'avait terrifié et grâce auquel il espérait maintenant voir accomplir
quelque miracle intéressant[39]. Si effrayé qu'Hérode ait pu être jadis devant Jésus,
qu'il avait superstitieusement cru être la réincarnation de sa victime
assassinée, Jean-Baptiste, ce sentiment était maintenant remplacé
par un intérêt amusé lorsqu'il vit, lié devant lui, le célèbre prophète
de Galilée, accompagné d'une garde romaine et de fonctionnaires ecclésiastiques.
Hérode commença à questionner le prisonnier, mais Jésus resta
silencieux. Les principaux sacrificateurs et les scribes exprimèrent avec
véhémence leurs accusations, mais le Seigneur ne prononça pas un mot. Hérode
est le seul personnage de l'histoire à qui Jésus, pour autant qu'on le
sache, appliqua personnellement une épithète méprisante. «Allez dire
à ce renard», dit-il un jour à certains Pharisiens qui étaient
venus le trouver pour lui dire qu'Hérode avait l'intention de le tuer[40].
Pour autant que nous le sachions, Hérode se distingue en outre par ce
qu'il est le seul être qui ait vu le Christ face à face et qui lui ait
parlé sans jamais entendre sa voix. Pour les pécheurs repentants, les
femmes en pleurs, les enfants babillards, pour les scribes, les
Pharisiens, les Sadducéens, les rabbis, pour le souverain sacrificateur
parjure et son sujet obséquieux et insolent, et pour Pilate le païen, le
Christ avait des paroles - de réconfort ou d'enseignement,
d'avertissement ou de réprimande, de protestation ou de dénonciation - et cependant pour Hérode, le renard, il n'avait qu'un silence dédaigneux
et royal. Piqué au vif, Hérode passa des questions insultantes à des
actes de dérision méchante. Lui et ses soldats se moquèrent des
souffrances du Christ et le traitèrent «avec mépris», puis, après
l'avoir, pour se moquer de lui, «revêtu d'un habit éclatant, il le
renvoya à Pilate»[41].
Hérode n'avait rien trouvé en Jésus qui justifiât une condamnation. LE
CHRIST COMPARAIT DE NOUVEAU DEVANT PILATE[42] Le
procurateur romain, voyant qu'il ne pouvait éviter l'examen du cas,
assembla «Ies principaux sacrificateurs, les chefs et le peuple, et leur
dit: Vous m'avez amené cet homme comme entraînant le peuple à la révolte.
Voici: je l'ai interrogé devant vous et je ne l'ai trouvé coupable
d'aucune des fautes dont vous l'accusez: Hérode non plus, car il nous l'a
renvoyé, et voici: cet homme n'a rien fait qui soit digne de mort. Je le
relâcherai donc après l'avoir fait châtier». Pilate désirait sincèrement
sauver Jésus de la mort, mais il faisait une concession infâme aux préjugés
juifs en décidant de faire flageller le prisonnier, dont il avait affirmé
et répété l'innocence. Il savait que l'accusation de sédition et de trahison n'était pas fondée,
et qu'il était parfaitement ridicule de la part de la hiérarchie juive,
dont la loyauté feinte à César n'était que le manteau dont elle
couvrait une haine inhérente et inextinguible, de formuler pareille
accusation; et il était parfaitement conscient que les dirigeants ecclésiastiques
avaient livré Jésus entre ses mains par envie et méchanceté[43]. Il
était de coutume qu'au moment de la Pâque le gouverneur amnistiât et
remit en liberté tout prisonnier condamné que le peuple nommerait. Ce
jour-là, il y avait en suspens, en attendant son exécution, «un
nommé Barabbas... en prison avec des émeutiers pour avoir, lors d'une émeute,
commis un meurtre». Cet homme était condamné du délit même dont Jésus
avait été prononcé innocent, explicitement par Pilate et implicitement
par Hérode, et en plus de cela, Barabbas était un assassin. Pilate
essaya d'apaiser les prêtres et le peuple en libérant Jésus. Le faire bénéficier
de l'amnistie de la Pâque, c'était reconnaître tacitement la
condamnation du Christ devant le tribunal ecclésiastique et pratiquement
confirmer la sentence de mort, remplacée par le pardon officiel. C'est
pourquoi il leur demanda: «Lequel voulez-vous que je vous relâche,
Barabbas, ou Jésus appelé le Christ?» Il semble qu'il y ait eu un bref
intervalle entre la question de Pilate et la réponse du peuple,
intervalle au cours duquel les principaux sacrificateurs et les anciens
s'activèrent parmi la multitude à l'exhorter à demander la libération
du révolté et de l'assassin. Aussi, lorsque Pilate répéta la question:
«Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche?» Israël
assemblé cria: «Barabbas.» Pilate, surpris, déçu et irrité, demanda
alors: «Que ferai-je donc de Jésus, appelé le Christ? Tous répondirent:
Qu'il soit crucifié! Le gouverneur dit: Mais quel mal a-t-il
fait? Et ils crièrent encore plus fort: Qu'il soit crucifié!» Le gouverneur romain était profondément troublé
et intérieurement effrayé. Pour augmenter sa perplexité, il reçut un
message avertisseur de sa femme, alors même qu'il était assis sur le siège
du jugement: «Ne te mêle pas de l'affaire de ce juste, car aujourd'hui
j'ai beaucoup souffert en songe à cause de lui.» Il est caractéristique
de ceux qui ne connaissent pas Dieu qu'ils sont superstitieux. Pilate
avait peur de penser à la menace terrible dont le songe de sa femme
pouvait être le présage. Mais voyant qu'il ne pouvait l'emporter et prévoyant
un tumulte parmi le peuple s'il persistait à défendre le Christ, il se
fit apporter de l'eau et se lava les mains devant la multitude -
acte symbolique par lequel on rejetait toute responsabilité, et que tous
comprirent - proclamant en même temps: «Je suis innocent du sang
de ce juste. Cela vous regarde.» C'est alors que s'éleva le terrible cri
par lequel le peuple de l'alliance se condamnait lui-même: «Que
son sang (retombe) sur nous et sur nos enfants!» L’histoire rend un témoignage
effrayant de ce que ce vœu terrible s'accomplit littéralement[44].
Pilate libéra Barabbas et remit Jésus à la garde des soldats pour
qu'ils le flagellent. La flagellation était un préliminaire terrible
à la mort sur la croix. L’instrument du châtiment était un fouet fait
de nombreuses lanières, armées de métal et terminées par des morceaux
d'os dont les extrémités étaient déchiquetées. Les documents
rapportent certains cas dans lesquels le condamné mourait sous le fouet
et échappait ainsi aux horreurs d'être crucifié vif. Conformément aux
coutumes brutales de l'époque, Jésus, affaibli et sanglant après
l'effrayante flagellation qu'il avait subie, fut livré aux soldats à
demi sauvages pour leur amusement. Ce n'était pas une victime
ordinaire, et par conséquent toute la soldatesque s'attroupa dans le prétoire,
ou grande salle du palais, pour participer à cet amusement diabolique.
Ils enlevèrent à Jésus son vêtement supérieur et le couvrirent d’un
manteau de pourpre[45]. Puis avec un sens démoniaque du réel ils tressèrent
une couronne d'épines et la placèrent sur le front du martyr; on lui mit
un roseau dans la main droite en guise de sceptre royal et, s'inclinant
devant lui en un hommage feint, ils le saluèrent des mots: «Salut, roi
des Juifs!» Lui arrachant le roseau ou la baguette, ils l'en frappaient
brutalement sur la tête, enfonçant les épines cruelles dans la chair;
ils le giflaient de leurs mains et crachaient sur lui avec un entrain vil
et vicieux[46]. Pilate
avait probablement observé cette scène en silence. Il l'arrêta et décida
d'essayer encore une fois de faire appel à la pitié juive, si elle
existait. Il sortit et dit à la multitude: «Voici, je vous l'amène
dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve aucun motif (de
condamnation).» C'était la troisième fois que le gouverneur proclamait
nettement l'innocence du prisonnier. «Jésus sortit donc, portant la
couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit: Voici
l'homme![47]» Pilate semble avoir
compté que l'aspect pitoyable du Christ fouetté et sanglant adoucirait
le cœur des Juifs en colère. Mais il ne réussit pas son effet. Réfléchissez
à ce fait terrible: un païen qui ne connaissait pas Dieu, suppliant les
prêtres et le peuple d’Israël de laisser la vie à leur Seigneur et
Roi! Lorsque, sans se laisser émouvoir par ce spectacle, les principaux
sacrificateurs et les officiers s'écrièrent sur un ton de plus en plus
vindicatif: «Crucifie! crucifie!», Pilate prononça la sentence fatale:
«Prenez-le vous-mêmes et crucifiez-le», mais il
ajouta avec irritation: «Car moi, je ne trouve pas de motif (de
condamnation) en lui.» On
se souviendra que la seule accusation proférée contre le Christ devant
le gouverneur romain était celle de sédition; les persécuteurs juifs
avaient soigneusement évité la moindre mention du blasphème qui était
l'offense pour laquelle ils avaient estimé que Jésus méritait de
mourir. Maintenant qu'ils avaient arraché à Pilate la peine de la
crucifixion, ils essayèrent impudemment de faire croire que
l'autorisation du gouverneur n'était qu'une ratification de leur propre
condamnation à mort; ils dirent donc: «Nous avons une loi, et selon la
loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.» Qu'est ce que
cela voulait dire? Ce titre intimidant, Fils de Dieu, toucha plus
profondément la conscience troublée de Pilate. Une fois de plus il
emmena Jésus devant le tribunal et lui demanda en tremblant: «D'où
es-tu?» Il voulait savoir si Jésus était humain ou surhumain. Si
le Seigneur avait reconnu directement sa divinité il aurait effrayé le
gouverneur païen sans l'éclairer; c'est pourquoi Jésus ne lui répondit
pas. Pilate fut encore plus surpris et peut-être quelque peu offensé
de ce mépris apparent de son autorité. Il demanda une explication,
disant: «A moi, tu ne parles pas? Ne sais-tu pas que j'ai le
pouvoir de te relâcher, et que j'ai le pouvoir de te crucifier?» Alors
Jésus
répondit: «Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné
d'en-haut. C'est pourquoi celui qui me livre à toi est coupable
d'un plus grand péché.» Les situations étaient renversées; le Christ
était le juge et Pilate le sujet de la décision de ce dernier. Sans être
considéré innocent, le Romain était jugé moins coupable que celui ou
ceux qui avaient remis Jésus de force en son pouvoir et avaient exigé de
lui une exécution injuste. Le gouverneur, quoique ayant prononcé sa
sentence, cherchait encore le moyen de libérer le Patient soumis. Dès
qu'il montra aux Juifs qu'il hésitait, ceux-ci s'écrièrent: «Si
tu le relâches, tu n'es pas ami de César. Quiconque se fait roi, se déclare
contre César.» Pilate s'assit au tribunal, qui était érigé au lieu
appelé le Pavé ou Gabbatha, en dehors de la salle. Il en voulait à ces
Juifs qui avaient osé laissé entendre qu'il n'était pas l'ami de César
et dont l'insinuation pouvait provoquer l'envoi d'une ambassade à Rome
pour se plaindre et le faire apparaître autrement qu'il n'était par une
accusation exagérée. Indiquant Jésus, il s'exclama avec un sarcasme non
voilé: «Voici votre roi!» Mais les Juifs répondirent avec des cris
menaçants: «A mort! A mort! crucifie-le!» Leur rappelant d'une
manière mordante leur assujettissement national, Pilate demanda avec une
ironie encore plus tranchante: «Crucifierai-je votre roi?» Et les principaux
sacrificateurs crièrent d'une voix forte: «Nous n'avons de roi que César.» Ainsi en fut-il et
ainsi en devait-il être. Le peuple qui avait accepté par alliance Jéhovah
pour roi, le rejetait maintenant en personne et ne reconnaissait d'autre
souverain que César. Depuis lors il a été sujet et serf de César au
cours des siècles. Pitoyable est l'état de
l'homme ou de la nation qui ne veut, dans son cœur et dans son esprit,
n'avoir d'autre roi que César[48]! En
quoi résidait la cause de la faiblesse de Pilate? Il était le représentant
de l'empereur, le procurateur impérial qui avait le pouvoir de crucifier
ou de sauver; officiellement c'était un autocrate. Il ne fait aucun doute
qu'il était convaincu de l'innocence du Christ et qu'il désirait le
sauver de la croix. Pourquoi donc Pilate hésita-t-il, vacilla-t-il, et finalement céda-t-il contrairement à sa
conscience et à sa volonté? Parce qu'au fond, il était plus esclave
qu'homme libre. Il était asservi à son passé. Il savait que si on se
plaignait de lui à Rome, sa corruption et ses cruautés, ses extorsions
et le massacre injustifiable qu'il avait provoqué seraient tous relevés
contre lui. Il était le gouverneur romain, mais le peuple qu'il dominait
officiellement se réjouissait de le voir se replier sur lui-même
lorsqu'il faisait claquer au-dessus de sa tête, avec un bruit sec
et féroce, le fouet menaçant d'un rapport sur lui à son maître impérial,
Tibère[49]. JUDAS
ISCARIOT[50] Lorsque Judas Iscariot vit les effets terribles de
sa trahison, il fut saisi d'un remords frénétique. Au cours du procès
du Christ devant les autorités juives, qui s'accompagna d'humiliations et
de cruautés, le traître avait vu la gravité de son acte; et lorsque le
Martyr s'était laissé livrer aux Romains sans résister, et que l'issue
fatale était devenue certaine, l'énormité de son crime remplit Judas
d'une horreur sans nom. Se précipitant auprès des principaux
sacrificateurs et des anciens, tandis que l'on faisait les derniers préparatifs
pour la crucifixion du Seigneur, il implora les gouverneurs ecclésiastiques
de reprendre le salaire maudit qu'ils lui avaient payé, s'écriant dans
son désespoir terrible: «J'ai péché, en livrant le sang innocent.» Il
se peut qu'il ait vaguement espéré une parole de sympathie de la part
des conspirateurs entre les mains perverses et adroites desquels il avait
été un instrument aussi empressé et utile. Il espérait peut-être
que son aveu pourrait freiner le cours de leur méchanceté et qu'ils
demanderaient une réforme du jugement. Mais les gouverneurs d'Israël le
repoussèrent avec dégoût. «Que nous importe?», raillèrent-ils,
«cela te regarde.» Il les avait servis, ils lui avaient payé son
salaire, ils ne voulaient plus jamais le voir; et ils le rejetèrent
impitoyablement dans les ténèbres hantées de sa conscience affolée.
Serrant encore le sac d'argent, souvenir trop réel de son affreux péché,
il se précipita dans le temple, pénétrant même dans les locaux réservés
aux prêtres, et lança les pièces d'argent sur le sol du sanctuaire[51].
Puis, poussé par l'aiguillon de son maître, le diable, dont il était
devenu corps et âme l'esclave, il sortit et s'en alla se pendre. Les
principaux sacrificateurs rassemblèrent les pièces d'argent et, avec un
scrupule sacrilège, tinrent une réunion solennelle pour décider de ce
qu'ils feraient du «prix du sang». Comme ils estimaient illégal
d'ajouter les pièces souillées au trésor sacré, ils s'en servirent
pour acheter un certain champ d'argile, qui était autrefois la propriété
d'un potier et qui était l'endroit même où Judas s'était suicidé; ce
morceau de terre, ils le réservèrent comme lieu d'enterrement pour les
étrangers et les païens. Le corps de Judas, qui trahit le Christ, fut
probablement le premier à y être enterré. Et ce champ fut appelé «Hakeldamah,
c'est-à-dire, champ du sang»[52]. NOTES
DU CHAPITRE 34 1. Anne et son entretien avec Jésus : «Il n'est pas
de personnage mieux connu dans l'histoire juive contemporaine que celui
d'Anne, pas de personnalité jugée plus fortunée ou heureuse, mais également
aucune qui ait été haïe d'une manière aussi universelle que
l'ex-souverain sacrificateur. Il n'avait détenu le pontificat que
pendant six ou sept ans, mais pas moins de cinq de ses fils le remplirent,
ainsi que son beaufils Caïphe et un petit-fils, et à cette époque-là
il valait mieux, du moins pour quelqu'un qui avait la tournure d'esprit
d'Anne, avoir été qu'être souverain sacrificateur. Il bénéficiait de
toute la dignité de cette fonction ainsi que de toute son influence,
puisqu'il était à même d'y avancer ceux qui avaient le plus de
relations avec lui. Et s'ils agissaient publiquement, en réalité c'était
lui qui dirigeait les affaires sans être encombré des responsabilités
ou des restrictions qu'imposait cet office. Son influence auprès des
Romains, il la devait aux opinions religieuses qu'il professait, à sa
collaboration ouverte avec l'étranger et à sa richesse énorme... Nous
avons vu les revenus immenses que la famille d'Anne avait dû retirer des
échoppes du temple, et combien ce trafic était néfaste et impopulaire.
Quand on prononçait le nom de ce fils d'Aaron orgueilleux, licencieux,
sans scrupule et dégénéré, on le faisait en chuchotant des malédictions.
Sans même penser à l'intervention du Christ dans ce trafic du temple,
intervention qui, si son autorité l'avait emporté, lui aurait
naturellement été fatale, nous pouvons comprendre quelle opposition il
devait y avoir à tous points de vue entre un Messie - et un Messie
tel que Jésus - et Anne... Il ne nous est rien dit de ce qui se
passa devant Anne. Le quatrième Evangile ne fait que mentionner au
passage le fait que le Christ lui fut amené en premier lieu. Comme les
disciples l'avaient tous abandonné et s'étaient enfuis, nous pouvons
comprendre qu'ils aient ignoré ce qui se passa réellement jusqu'à ce
qu'ils se fussent repris, du moins au point que Pierre et «un autre
disciple», de toute évidence Jean, «entra avec Jésus dans la cour du
souverain sacrificateur» - c'est-à-dire dans le palais
de Caïphe et non d'Anne. Car si, comme le disent les trois Evangiles
synoptiques, c'est le palais du souverain sacrificateur Caïphe qui fut la
scène du reniement de Pierre, le récit qu'en fait le quatrième Evangile
doit avoir trait au même endroit et non au palais d'Anne.» - Edersheim, Life and Times
of Jesus the Messiah, vol.11, pp. 547-548. 2. La patience du Christ sous les coups : Le fait que Jésus
resta d'humeur égale et demeura soumis, même quand il fut provoqué par
un serviteur brutal qui lui asséna un coup en présence du souverain
sacrificateur, confirme l'affirmation de notre Seigneur lorsqu'il dit
qu'il avait «vaincu le monde» (Jean 16:33). On ne peut lire ce passage
sans comparer, peut-être involontairement, la soumission divine de
Jésus en cette occasion, à l'indignation entièrement naturelle et
humaine de Paul dans une situation ultérieure analogue (Actes
23:1-5). Le souverain sacrificateur Ananias, mécontent des réflexions de Paul,
ordonna à quelqu'un qui se trouvait là de le frapper sur la bouche. Paul
éclata en une protestation furieuse: «Dieu te frappera, muraille
blanchie! Tu sièges pour me juger
sur la loi, et contre la loi, tu ordonnes de me frapper.» Il s'excusa
ensuite, disant qu'il ne savait pas que c'était le souverain
sacrificateur qui avait ordonné qu'on le frappe. Voir Articles de Foi, pp. 506-508
et note 1 page 519, et Life and
Words of Saint Paul, de Farrar, pp. 539-540. 3. Principaux sacrificateurs et anciens : Ces titres (le
terme «principaux sacrificateurs» employé par la version Segond a pour
équivalent en anglais le terme «grand prêtre» - N.d.T.) détenus
par les fonctionnaires de la hiérarchie juive à l'époque du Christ ne
doivent pas être confondus avec les mêmes désignations appliquées aux
détenteurs de la prêtrise supérieure ou Prêtrise de Melchisédek. Le
souverain sacrificateur (grand prêtre) des Juifs était le prêtre président;
il devait être de descendance aaronique pour être prêtre; il devenait
souverain sacrificateur (grand prêtre) quand les Romains le nommaient à
ce poste. Les anciens, comme le nom l'indique, étaient des hommes d'âge
mûr et d'expérience, qui étaient nommés aux fonctions de magistrats
dans les villes et de juges dans les tribunaux ecclésiastiques, soit dans
les sanhédrins auxiliaires des provinces ou au grand sanhédrin de Jérusalem.
Le terme «ancien» tel qu'il était utilisé parmi les Juifs à l'époque
de Jésus, n'avait pas plus de rapport avec la qualité d'ancien dans la
Prêtrise de Melchisédek que le titre de «scribe». Les devoirs des
souverains sacrificateurs et des anciens des Juifs combinaient à la fois
les fonctions ecclésiastiques et séculières; en fait les deux offices
étaient devenus en grande mesure des bénéfices politiques. Voir «Elder»
dans le Bible Dictionary, de
Smith. Depuis le départ de Moïse jusqu'à la venue du Christ, la théocratie
organisée d'Israël fut celle de la moindre prêtrise ou Prêtrise
d'Aaron, comprenant l'office de prêtre, qui était limité à la lignée
d'Aaron, et les offices moindres d'instructeur et de diacre qui étaient
combinés dans l'ordre lévitique. Voir «Ordre et offices de la prêtrise»,
par l'auteur, dans les Articles de Foi, pp. 251‑253. 4. Procédures illégales dans le procès juif
de Jésus :
On a écrit beaucoup de volumes sur le prétendu procès de Jésus. Nous ne pouvons introduire ici qu'un résumé très bref
des principaux faits et lois. Quiconque désire faire un examen plus approfondi peut se reporter aux
ouvrages suivants: Edersheim, Life
and Times of Jesus the Messiah; Andrews, Life of our Lord; Dupin, Jesus before Caiaphas and Pilate; Mendelsohn,
Criminal Jurisprudence of the
Ancient Hebrews; Salvador, Institutions of Moses; Innes, The
Trial of Jesus Christ; Maimonide, Sanhedrin; MM. Lemann, Jesus before the Sanhedrin; Benny, Criminal Code of the Jews; et
Walter M. Chandler, du Barreau de New York, The trial of Jesus from a lawyer's
Standpoint. Le
dernier titre cité est un ouvrage en deux volumes commentant
respectivement «Le procès hébreu» et «Le procès romain» et contient
des citations des ouvrages ci-dessus et d'autres encore. Edersheim (vol. 2, pp. 556-558) est d'avis que
la mise en accusation nocturne de Jésus dans la maison de Caïphe n'était
pas un jugement devant le sanhédrin, et note les irrégularités et les
illégalités de la procédure pour prouver que le sanhédrin n'aurait pas
pu faire ce que l'on fit cette nuit-là. Employant de nombreuses
citations pour confirmer les conditions légales qu'il spécifie, l'auteur
dit: «Mais en outre, le procès et la condamnation de Jésus dans le
palais de Caïphe auraient enfreint tous les principes de la loi et de la
procédure pénales juives. Pour juger les causes de ce genre et prononcer
une peine capitale, il fallait le faire dans le local officiel du sanhédrin
et non, comme ici, au palais du souverain sacrificateur. Aucun procès, et
bien moins encore un procès de ce genre, ne pouvait être entrepris au
milieu de la nuit, et pas même dans l'après-midi, bien que, si la
discussion s'était prolongée toute la journée, on pouvait prononcer la
sentence de nuit. En outre, aucun procès ne pouvait avoir lieu le sabbat
ou les jours fériés, ni même la veille de ceux-ci, ce fait
annulant l'action; d'un autre côté, on pourrait avancer qu'un procès
contre quelqu'un qui avait séduit le peuple devrait de préférence avoir
lieu lors des jours fériés publics, et la sentence devrait être exécutée
ces jours-là, en guise d'exemple. Enfin, dans les affaires
capitales il y avait un système compliqué pour avertir et mettre sur
leurs gardes les témoins; on peut affirmer en toute sécurité que lors
d'un procès ordinaire, les juges juifs, quels qu'aient été les préjugés
qu'ils aient pu avoir, n'auraient pas agi comme les sanhédristes et Caïphe
le firent en cette occasion... Mais bien que le Christ ne fut pas jugé et
condamné en une assemblée officielle du sanhédrin, il ne peut y avoir,
hélas, aucun doute que sa condamnation et sa mort furent l'œuvre, sinon
du sanhédrin, du moins des sanhédristes - du conseil tout entier («tout
le sanhédrin»), ce qui exprime quel était le jugement et les intentions
du tribunal suprême et des dirigeants d'Israël, à un très petit nombre
d'exceptions près. Nous devons garder à l'esprit que la résolution de
sacrifier le Christ était prise depuis quelque temps.» Si
nous avons cité ce qui précède, c'est pour montrer, en nous appuyant
sur une autorité reconnue et éminente, certains des procédés illégaux
qui furent employés dans le procès nocturne de Jésus, qui fut mené,
comme le montre le texte ci-dessus et les documents scripturaires,
par le souverain sacrificateur et le sanhédrin d'une manière reconnue
irrégulière et illégale. Si les sanhédristes jugèrent et condamnèrent
sans être en session au sanhédrin, l'énormité de cette procédure est,
si pareille chose est possible, plus profonde et plus noire que jamais. Dans
son excellent ouvrage (vol. 1, The
Hebrew Trial), Chandler examine de manière exhaustive les faits que
nous possédons sur ce procès et la loi pénale hébraïque dans ce
domaine. Suit un sommaire compliqué qui présente l'un après l'autre les
points suivants: «Article
1: L'arrestation de Jésus fut illégale», puisqu'elle se produisit la
nuit et grâce à la trahison de Judas, un complice, deux éléments qui
étaient expressément interdits par la loi juive de l'époque. «Article
2: L’interrogatoire privé de Jésus devant Anne ou Caïphe était illégal»;
en effet (1) il se fit pendant la nuit; (2) il était expressément
interdit à un «juge unique» d'instruire une cause quelconque, (3) selon
une citation tirée de Salvador «un principe qui est perpétuellement
reproduit dans les Ecritures hébraïques traite de ces deux conditions:
le caractère public et la liberté». «Article 3: L’inculpation portée
contre Jésus était illégale dans sa forme.» «La procédure criminelle
tout entière du code mosaïque repose sur quatre règles: la certitude de
l'accusation, le caractère public de la discussion, la garantie d'une
liberté pleine et entière à l'accusé et les précautions contre tout
danger d'erreur dans les témoignages.» - Salvador, p. 365. «Le
sanhédrin ne lançait pas et ne pouvait pas lancer d'accusation; il ne
faisait qu'enquêter sur ceux qui étaient amenés devant lui.» - Edersheim, vol. 1, p. 309. «C'étaient les preuves apportées par les témoins principaux qui
constituaient l'accusation. Il n'y avait pas d'autre accusation, pas
d'inculpation plus officielle. Le prisonnier n'était pas considéré
comme accusé tant qu'ils n'avaient pas parlé et parlé dans l'assemblée
publique.» - Innes, p. 41. «Les seuls plaignants connus de la
jurisprudence criminelle talmudique sont les témoins du délit. Leur
devoir est de porter l'affaire à la connaissance du tribunal et de rendre
témoignage contre le criminel. Dans les affaires capitales, ils sont
aussi les bourreaux légaux. Il n'y a nulle part la moindre trace
d'accusateur officiel ou de ministère public dans les lois des anciens Hébreux.»
- Mendelsohn, p. 110. «Article
4: L'action du sanhédrin contre Jésus était illégale parce qu'elle fut
menée pendant la nuit.» «Jugez un crime capital pendant le jour mais
suspendez la nuit.» - Michna, sanhédrin 4:1. «Les divers tribunaux
ne peuvent statuer sur les affaires pénales que pendant la journée, les
sanhédrions auxiliaires entre la fin du service matinal et midi et le
grand sanhédrion jusqu'au soir.» - Mendelsohn, p. 112. «Article 5: L’action du
sanhédrin contre Jésus était illégale parce que le tribunal se réunit
avant que le sacrifice matinal ne fût offert.» «Le sanhédrin siégeait
de la fin du sacrifice matinal jusqu'au moment du sacrifice vespéral.» - Talmud Jer. San.
1:19. «Il ne pouvait y avoir
aucune session du tribunal avant que le sacrifice matinal ne fût offert.»
- MM. Lemann, p. 109. «Comme le sacrifice matinal était offert à
l'aube du jour, il n'était guère possible au sanhédrin de s'assembler
avant l'heure qui suivait ce moment-là. » - Michna, Tamid,
ch. 3. «Article 6: l'action
intentée contre Jésus était illégale parce qu'elle fut menée la
veille d'un sabbat juif, ainsi que le premier jour des pains sans levain
et la veille de la Pâque.» «On ne jugera pas la veille du sabbat ni
celle d'aucune fête.» - Michna, San. 4:1. «Il n'était permis à
aucun tribunal en Israël de siéger le jour du sabbat ni aucun des sept
jours fériés bibliques. Dans les cas de crime capital, on ne pouvait
entreprendre aucun procès le vendredi ou la veille d'un jour férié
parce qu'il était illégal aussi bien d'ajourner ces procès plus
longtemps que pour une nuit que de les poursuivre lors du sabbat ou du
jour férié.» - Rabbi Wise, Martyrdom of Jesus, p. 67. «Article
7: Le procès de Jésus était illégal parce qu'il se termina dans le délai
d'une journée.» «Une affaire criminelle qui a pour résultat
l'acquittement de l'accusé peut se terminer le jour même où le procès
a commencé. Mais si l'on prononce la peine de mort, on ne peut mettre fin
au procès que le jour suivant.» - Michna, San. 4:1. «Article 8: La sentence de condamnation prononcée
contre Jésus par le sanhédrin était illégale parce qu'elle était fondée
sur sa confession non confirmée.» «Un principe fondamental de notre
jurisprudence est que nul ne peut porter une accusation contre lui-même.
Si un homme plaide coupable devant un tribunal légalement constitué,
pareille confession ne peut être utilisée contre lui que si elle est dûment
attestée par deux autres témoins.» - Maïmonide, 4:2. «Non
seulement on n'oblige jamais l'accusé, par la torture, à se condamner
lui-même, mais on n'essaie jamais de l'amener à s'incriminer. En outre, le fait qu'il confesse volontairement n'est pas admis comme preuve
et ne suffit par conséquent pas à le condamner tant qu'un nombre légal
de témoins ne confirment pas minutieusement l'accusation qu'il porte
contre lui-même.» - Mendelsohn, p. 133. «Article 9: La
condamnation de Jésus était illégale parce que le verdict du sanhédrin
était unanime.» «Un verdict simultané et unanime de culpabilité rendu
le jour du procès équivaut à un acquittement.» - Mendelsohn, p.
141. «Si aucun des juges ne défend le coupable, c'est-à-dire
si tous le prononcent coupable, sans personne pour le défendre au
tribunal le verdict de culpabilité est non valable et la sentence de mort
ne peut être mise à exécution. » - Rabbi Wise, «Martyrdom
of Jesus», p. 74. «Article
10: l'action intentée contre Jésus était illégale en ce sens que: (1)
La sentence de condamnation fut prononcée en un lieu interdit par la loi,
(2) le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, (3) le vote était
irrégulier.» «Après avoir quitté la salle Gazith on ne peut prononcer
de sentence de mort contre personne.» - Talmud Bab. «De l'idolâtrie»
1:8. «On ne peut prononcer de peine de mort que tant que le sanhédrin
est en session au lieu désigné.» - Maïmonide 14. Voir en outre
Lv 21:10, comparer 10:6. «Que les juges absolvent ou condamnent, chacun
à son tour.» - Michna, San. 15:5. «Les membres du sanhédrin étaient
assis en demi-cercle, à l'extrémité duquel on plaçait deux
greffiers, l'un qui avait pour mission de prendre note des votes en faveur
de l'accusé, l'autre ceux qui étaient contre lui. » - Michna,
San. 4:3. «Dans les cas ordinaires les juges votaient par rang
d'ancienneté, en commençant par le plus ancien; dans une affaire
capitale on suivait l'ordre inverse.» - Benny, p. 73. «Article
11: Les membres du grand sanhédrin n'avaient légalement pas qualité
pour juger Jésus.» «Il ne doit pas y avoir non plus sur le siège du
jugement soit un parent ou un ami particulier soit un ennemi que ce soit
de l'accusé ou de l'accusateur.» - Mendelsohn p. 108. «Et en
aucune circonstance il n'était permis à un homme connu pour être ennemi
de l'accusé d'occuper un poste parmi les juges.» Benny, p. 37. «Article
12: La condamnation de Jésus était illégale parce que les mérites de
la défense ne furent pas examinés.» «Tu feras des recherches, tu
examineras, tu interrogeras avec soin.» - Dt 13:14. «Les juges délibéreront
de l'affaire dans la sincérité de leur conscience.» - Michna,
San. 4:5. «L’objectif principal du système hébraïque était de
rendre impossible la condamnation d'un innocent. Toute l'ingéniosité des
légistes juifs était orientée vers la réalisation de cet objectif.» - Benny, p. 56. Nous recommandons aux chercheurs le magistral énoncé
des faits par Chandler et ses arguments à propos de chacun des articles
ci-dessus. L’auteur affirme brièvement: «Les pages de l'histoire
humaine n'offrent pas de cas plus net d'assassinat judiciaire que le procès
et la crucifixion de Jésus de Nazareth, pour la simple raison que toutes
les formes de la loi furent violées et piétinées dans l'action menée
contre lui» (p. 216). 5. «Que son sang retombe
sur nous et sur nos enfants!» : Edersheim (vol. 2, p. 578) fait le commentaire
puissant qui suit sur cette phrase par laquelle les Juifs acceptaient la
responsabilité de la mort du Christ: «La Michna nous dit que, lorsque
les anciens s'étaient solennellement lavé les mains et avaient rejeté
toute culpabilité, les prêtres répondaient par la prière: «Pardonne
à ton peuple d'Israël que tu as racheté, ô Seigneur, et ne mets pas du
sang innocent sur ton peuple d'Israël.» Mais ici, en réponse aux
paroles de Pilate, se faisait entendre le cri profond et rauque: «Que son
sang retombe sur nous», et, - comment est-ce possible -
«sur nos enfants.» Une trentaine d'années plus tard, et en ce lieu même,
le jugement était prononcé contre l'élite de Jérusalem, et parmi les
3600 victimes de la furie du gouverneur dont un nombre considérable
furent flagellées et crucifiées juste à côté contre le prétoire, se
trouvaient un grand nombre des citoyens les plus nobles de Jérusalem (Josèphe,
Guerres, XIX, ch. 8:9). Quelques
années plus tard, des centaines de croix portaient des corps juifs mutilés
tout près de Jérusalem. Et depuis lors ces errants semblent porter, d'un
siècle à l'autre et d'un pays à l'autre, ce fardeau de sang; et depuis
lors il semble peser «sur eux et leurs enfants». 6. «Nous n'avons de roi que César» : «Par ce cri le
judaïsme se rendait, dans la personne de ses représentants, coupable de
renier Dieu, de blasphème ou d'apostasie. Il se suicidait; et depuis
lors, son cadavre est transporté pour être montré d'un pays à l'autre
et d'un siècle à l'autre - pour être mort et rester mort jusqu'à
ce que revienne une deuxième fois celui qui est la résurrection et la
vie.» - Edersheim, vol. 2, p. 581. 7. La raison fondamentale pour laquelle Pilate se rendit aux exigences juives : Pilate savait ce qui était
juste mais n'avait pas le courage de le faire. Il avait peur des Juifs et
craignait plus encore une influence hostile à Rome. Il avait peur de sa
conscience mais craignait plus encore de perdre son poste officiel. La
politique de Rome était de faire preuve de libéralisme et de
conciliation dans ses rapports avec les religions et les coutumes sociales
des nations conquises. Ponce Pilate enfreignait cette politique libérale
depuis le commencement de son mandat. Ne tenant absolument aucun compte de
l'antipathie hébraïque pour les images et les enseignes païennes, il
faisait entrer les légionnaires à Jérusalem le soir, portant leurs
aigles et leurs étendards décorés de l'effigie de l'empereur. Pour les
Juifs, cet acte constituait une profanation de la ville sainte. En grandes
foules ils se rassemblèrent à Césarée et firent une pétition auprès
du procurateur pour que les étendards et les autres images fussent enlevés
de Jérusalem. Pendant cinq jours le peuple supplia et Pilate refusa. Il
le menaça d'un massacre général et eut la stupéfaction de voir le
peuple s'offrir comme victime à l'épée plutôt que d'abandonner sa
demande. Pilate dut céder (Josèphe, Ant. XVIII, ch. 3:1, et Guerres II,
chap. 9:2, 3). Il les offensa de nouveau en s'appropriant de force le
corban ou fonds sacré du temple, pour la construction d'un aqueduc destiné
à fournir à Jérusalem l'eau des réservoirs de Salomon. S'attendant à
la protestation publique du peuple, il avait fait déguiser des soldats
romains en Juifs et leur avait ordonné de se mélanger à la foule en
cachant des armes sur eux. A un signal donné ces assassins utilisèrent
leurs armes et un grand nombre de Juifs sans défense furent tués ou
blessés (Josèphe, Ant. XVIII, ch. 3:2 et Guerres
11, ch. 9:3-4). Une autre fois, Pilate avait gravement offensé
le peuple en installant dans sa résidence officielle de Jérusalem des
boucliers qui avaient été consacrés à Tibère, et ce «moins pour
honorer Tibère que pour ennuyer le peuple juif». Une pétition signée
par les fonctionnaires ecclésiastiques de la nation et par d'autres
personnes influentes, y compris quatre princes hérodiens, fut envoyée à
l'empereur, qui réprimanda Pilate et ordonna que les boucliers fussent
transférés de Jérusalem à Césarée (Philon, De Legatione ad Caium, sect. 38). Ces
outrages au sentiment national et un grand nombre de petits actes de
violence, d'extorsion et de cruauté, les Juifs pouvaient s'en servir
contre le procurateur. Il se rendait compte que sa position n'était pas sûre,
et il craignait d'être démasqué. Il avait fait tant de mal que
lorsqu'il aurait voulu faire du bien, il en fut empêché par la crainte lâche
qu'il avait de son passé accusateur. 8. Judas Iscariot : Aujourd'hui quand nous
parlons d'un traître, nous l'appelons «Judas» ou «Iscariot». L’homme qui a rendu infâme ce
nom combiné fait depuis des siècles le sujet de discussions parmi les théologiens
et les philosophes, et ces derniers temps la lumière de l'analyse
psychologique a été dirigée sur lui. Les philosophes allemands furent
les premiers à affirmer que l'homme avait été jugé injustement, et que
sa personnalité réelle était d'un ton plus brillant que celui dans
lequel elle avait été dépeinte. En effet, certains
critiques sont d'avis que des Douze, Judas était celui qui était le plus
entièrement convaincu de la divinité de notre Seigneur dans la chair; et
ces apologistes essaient d'expliquer la trahison comme une manœuvre délibérée
et bien intentionnée de mettre Jésus de force dans une situation
difficile dont il ne pourrait s'échapper qu'en exerçant les pouvoirs de
sa Divinité que jusqu'alors il n'avait jamais utilisés en sa faveur. Il
ne nous appartient pas de juger Judas ni personne d'autre; mais il est de notre
compétence de former et d'entretenir des opinions sur les actions de
n'importe qui. A la lumière de la parole révélée, il apparaît que
Judas Iscariot s'était rangé à la cause de Satan tout en servant
ostensiblement le Christ dans des fonctions élevées. Ce n'est que par le
péché qu'il pouvait s'abandonner ainsi aux forces du mal. La nature et
l'étendue des transgressions que cet homme commit au cours des années ne
nous sont pas précisées. Il avait reçu le témoignage que Jésus était
le Fils de Dieu et, dans la pleine lumière de cette conviction, il se
tourna contre son Seigneur et le trahit pour le livrer à la mort. La révélation
moderne déclare d'une façon non moins explicite que l'ancienne que le
sentier du péché est celui des ténèbres spirituelles conduisant à une
destruction certaine. L’homme qui est coupable d'adultère, ne serait-ce
que dans son cœur, perd certainement, s'il ne se repent, la compagnie de
l'Esprit de Dieu et «reniera sa foi»; c'est d'ailleurs ce que la voix de
Dieu a affirmé (voir D&A 63:16). Nous ne pouvons donc pas douter que
toute forme de péché mortel empoisonnera l'âme et, si elle n'est pas
abandonnée par un repentir véritable, placera cette âme sous la
condamnation. Satan fournit aux serviteurs habiles qu'il a formés des
occasions de servir proportionnelles à leurs capacités mauvaises. Quelle
que puisse être l'opinion des critiques modernes quant à la bonne réputation
de Judas, nous avons le témoignage de Jean, qui pendant près de trois
ans avait été en rapports étroits avec lui, que cet homme était un
voleur (12:6); Jean dit de lui que c'était un démon (6:70) et «le fils
de perdition» (17:12). Voir à ce propos D&A 76:41-48. Il est un fait que les tendances mauvaises de Judas
Iscariot étaient connues du Christ, puisque le Seigneur déclara sans détours
que parmi les Douze, il y en avait un qui était un démon (Jean 6:70,
comparez 13:27, Luc 22:3); en outre il est évident qu'il le savait
lorsque les Douze furent choisis, puisque Jésus dit: «Je connais ceux
que j'ai choisis», expliquant que les Ecritures seraient accomplies par
le choix qu'il avait fait. De même que la mort sacrificatoire de l'Agneau
de Dieu était connue d'avance et prédite, de même les circonstances de
la trahison étaient prévues. Il serait contraire, tant à la lettre qu'à
l'esprit de la parole révélée de dire que si le misérable Iscariot
agit comme il le fit pour parvenir à un but aussi exécrable, c'était
parce qu'il était privé de liberté ou de libre arbitre. En commun avec
les Douze il avait la possibilité et le droit de vivre dans la lumière
de la présence immédiate du Seigneur et de recevoir de la source divine
la révélation des objectifs de Dieu. Judas Iscariot n'était pas victime
des circonstances, ce n'était pas un instrument insensible guidé par une
puissance surhumaine, si ce n'est dans la mesure où il se livra
volontairement à Satan et accepta un salaire au service du démon. Si
judas avait été fidèle à la justice, d'autres moyens que sa perfidie
auraient agi pour amener l'Agneau à la boucherie. Son ordination à
l'apostolat le rendit possesseur de possibilités et de droits supérieurs
à ceux des hommes qui n'avaient été ni appelés, ni ordonnés; et à
une possibilité aussi merveilleuse de se surpasser au service de Dieu
correspondait la capacité de tomber. Un membre du gouvernement investi de
la confiance du peuple peut commettre des actes de trahison qui sont
impossibles au citoyen qui n'a jamais appris les secrets d'Etat.
L'avancement comporte un accroissement de responsabilités, plus littéralement
encore dans les affaires du royaume de Dieu que dans les institutions des
hommes. Il
y a une contradiction apparente entre le récit de la mort de Judas
Iscariot tel qu'il est donné par Matthieu (27:3-10) et tel qu'il
est donné dans les Actes (1:16-20). Selon le premier, Judas se
pendit; le deuxième déclare qu'il «est tombé en avant, s'est brisé
par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues». Ces deux récits
sont exacts: il est probable que le misérable se pendit puis tomba,
peut-être à cause de la rupture de la corde ou de la branche à
laquelle elle était attachée. Matthieu dit que les gouverneurs juifs
achetèrent le «champ du sang»; l'auteur des Actes cite Pierre disant
que Judas acheta le champ avec l'argent qu'il avait reçu des prêtres.
Comme le champ avait été acheté avec l'argent qui avait appartenu à
Iscariot et comme cet argent n'avait jamais été repris officiellement
par les fonctionnaires du temple, le champ qui avait été acheté ainsi
appartenait techniquement au bien foncier de Judas. Les divergences sont
surtout importantes en ce qu'elles montrent que les auteurs écrivent indépendamment
les uns des autres. Les récits concordent pour l'élément essentiel:
Judas connut la fin d'un misérable suicidé. Pour ce qui est du sort des «fils de perdition», le Seigneur en a fait un tableau partiel mais terrible dans une révélation en date du 16 février 1832: «Ainsi dit le Seigneur concernant tous ceux qui connaissent mon pouvoir et à qui il a été donné d'y prendre part, qui ont permis au pouvoir du diable de les vaincre et de leur faire renier la vérité et défier mon pouvoir: ce sont ceux qui sont les fils de perdition, de qui je déclare qu'il aurait mieux valu pour eux qu'ils ne fussent jamais nés; car ils sont des vases de colère, condamnés à subir la colère de Dieu dans l'éternité avec le diable et ses anges; à propos desquels j'ai dit qu'il n'y a pas de pardon dans ce monde ni dans le monde à venir: car ils ont renié le Saint-Esprit après l'avoir reçu, ont renié le Fils unique du Père, l'ont crucifié et l'ont exposé à l'ignominie. Ce sont eux qui s'en iront dans le lac de feu et de soufre avec le diable et ses anges, les seuls sur lesquels la seconde mort aura un pouvoir quelconque... Il sauve donc tout le monde, sauf eux: ils s'en iront au châtiment perpétuel, qui est le châtiment sans fin, qui est le châtiment éternel, pour régner avec le diable et ses anges pour l'éternité, là où leur ver ne meurt pas, là où le feu ne s'éteint pas, ce qui est leur tourment. Et nul n'en connaît la fin, ni le lieu, ni leur tourment. Et cela n'a pas été révélé à l'homme, ne l'est pas et ne le sera jamais, si ce n'est à ceux qui y sont condamnés. Néanmoins, moi, le Seigneur, je le montre en vision à beaucoup, mais je la referme immédiatement; c'est pourquoi, ils n'en comprennent pas la fin, la largeur, la hauteur, la profondeur et la misère, ni personne, si ce n'est ceux qui sont destinés à cette condamnation.» - D&A 76:31-37, 44-48.
[1] Jean 18:13,24. [2] Mt 26:57, Marc 14:53, Luc 22:54. [3] Note 1, fin du chapitre. [4] Jean 18:14; cf. 11:49, 50. [5] Jean 18:19-23. [6] Le texte dit que l'homme donna
un soufflet à Jésus, c'est-à-dire qu'il le gifla. Cet
acte ajoutait l'insulte humiliante à la violence. En marge de la
version anglaise on trouve «avec une baguette». Les premiers manuscrits ne sont pas d'accord sur ce point. [7] Note 2, fin du chapitre. [8] Mt 26:59-61, Marc
14:55-59. [9] Mt 26:61 et Marc 14:58. [10] Jean 2:18-22; voir pages
171-172 supra. [11] Notez
l'accusation portée devant Pilate que Jésus était coupable
d'exciter la nation à la révolte, Luc 23:2. [12] Mt 26:63-66; cf. Marc
14:61-64. [13] Pages 210, 221. [14] Cf. Marc 14:62. [15] Mt 26:65, 66. La version révisée
anglaise porte en marge une traduction plus littérale: «passible de
mort». [16] Lv 21: 10. [17] Josèphe, Guerres, 11, 15:2, 4; et
1 Maccabées 11:71. [18] Mt 26:67, Marc 14:65; cf. Luc
18:32, voir aussi Es 50:6. [19] Mt 26:68, Luc 22:62-65. [20] Marc 14:64. [21] Luc 22:66. [22] Jean 18:28. [23] Luc 22:66-71. [24] Note 3, fin du chapitre. [25] Marc 15:1; cf. Mt 27:1, 2, Jean
18:28. [26] La note 4,
à la fin du chapitre, donne d'autres détails sur les irrégularités
du procès juif de Jésus. [27] Mt 26:58, 69-75, Marc 14:54,
66-72, Luc 22:54-62, Jean 18:15-18, 25-27 [28] Jean 18:8,9;
page 661 supra. [29] Jean 1:35, 40, 13:23, 19:26, 20:2,
21:7, 20, 24. [30] Observez que Marc, qui est seul à
déclarer que le Seigneur dit à Pierre «Avant que le coq chante deux
fois, toi tu me renieras trois fois» (14:30), rapporte un premier
chant du coq après le premier reniement de Pierre (v. 68) et un deuxième
chant après le troisième reniement (v. 72). [31] Césarée de Palestine, pas Césarée
de Philippe. [32] Jean 18:28-32. [33] Luc 23:2. [34] Jean 18:33-38; cf. Mt 27:11,
Marc 15:2, Luc 23:3,-4. [35] Luc 23:5-7. [36] Luc 23:8-12. [37] Pages
121,129; voir aussi page 116. [38] Luc 23:12. [39] Mt 14: 1, Marc 6:14, Luc 9:7, 9. [40] Luc 13:31,
32, page 485 supra. [41] Luc 23:11. Clarke («Commentaries») et beaucoup d'autres auteurs pensent que la
tunique était blanche, cette couleur étant la teinte ordinaire des vêternents
de la noblesse juive. [42] Luc 23:13-25, Mt
27:15-31, Marc 15:6-20, Jean 18:39, 40, 19:1-16. [43] Mt 27:18, Marc 15:10. [44] Note 5, fin
du chapitre. [45] Matthieu dit «écarlate», Marc
et Jean disent «pourpre». [46] Cf. Luc 18:32. [47] «Ecce Homo». [48] Note 6, fin
du chapitre. [49] Note 7, fin
du chapitre. [50] Mt 27:3-10; cf. Actes
1:16-20 [51] La version révisée
(anglaise) de Mt 27:5 dit: «Judas jeta les pièces d'argent dans le
sanctuaire» au lieu de «dans le temple», ce qui veut dire qu'il lança
l'argent dans le portique de la maison sainte, par distinction avec
les cours extérieures et publiques. [52] Actes 1:19, Mt 27:8, note 8, fin
du chapitre.
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