CHAPITRE 39 : LE MINISTÈRE DU CHRIST RESSUSCITÉ SUR LE CONTINENT AMERICAIN

 

En considérant le ministère apostolique immédiatement après notre récit de l'ascension du Seigneur depuis le mont des Oliviers, nous nous sommes écartés de l'ordre chronologique des manifestations personnelles du Seigneur ressuscité aux mortels; en effet c'est rapidement après son adieu final aux apôtres en Judée qu'il rendit visite à ses «autres brebis», qui n'étaient pas de la bergerie orientale, dont il avait affirmé l'existence dans le sermon impressionnant concernant le bon berger et ses brebis[1]. Ces autres brebis qui devaient entendre la voix du Berger et être finalement incluses dans le troupeau unifié étaient les descendants de Léhi qui, avec sa famille et quelques autres personnes, avait quitté Jérusalem en 600 av. J.-C. et avait traversé le grand abîme jusqu'à l'endroit que nous appelons maintenant le continent américain, sur lequel ils s'étaient multipliés et étaient devenus un peuple puissant quoique divisé[2].

 

LA MORT DU SEIGNEUR FUT SIGNALÉE PAR DE GRANDES CALAMITÉS SUR LE CONTINENT AMÉRICAIN

 

Comme nous l'avons déjà exposé dans ces pages, la naissance de Jésus à Bethléhem avait été communiquée par révélation divine à la nation néphite sur le continent américain; ce joyeux événement avait été marqué par l'apparition d'une nouvelle étoile, par une nuit sans ténèbres, de sorte que deux jours et la nuit qui les séparait avaient été comme un seul jour, et par d'autres événements étonnants, qui tous avaient été prédits par les prophètes du monde américain[3]. Samuel le Lamanite qui, par sa fidélité et ses bonnes œuvres, était devenu prophète, puissant en paroles et en actions, dûment choisi et envoyé de Dieu, avait ajouté, lorsqu'il prédit les événements merveilleux qui devaient marquer la naissance du Christ, des prophéties sur l'apparition d'autres signes - de ténèbres, de terreur et de destruction - qui signaleraient la mort du Sauveur sur la croix[4]. Toutes les paroles prophétiques relatives aux phénomènes qui devaient accompagner la naissance du Sauveur s'étaient accomplies. Beaucoup de personnes avaient été ainsi amenées à croire que le Christ était le Rédempteur promis; cependant, comme c'est de coutume chez ceux dont la croyance repose sur les miracles, une partie du peuple néphite «commença à oublier ces signes et ces prodiges qu'il avait entendus et à s'étonner de moins en moins devant un signe ou un prodige du ciel, au point qu'il commença à devenir dur de cœur et aveugle d'esprit et commença à douter de tout ce qu'il avait vu et entendu»[5].

 

Trente-trois ans s'étaient écoulés depuis la nuit illuminée et les autres signes de l'avènement du Messie; alors, le quatrième jour du premier mois, ou, selon notre calendrier, pendant la première semaine d'avril, dans la trente-quatrième année, une grande et terrible tempête s'éleva, accompagnée de coups de tonnerre, d'éclairs, de plissements et de dépressions de la surface de la terre, de sorte que les routes furent détruites, les montagnes furent divisées et un grand nombre de villes furent totalement détruites par des tremblements de terre, des incendies et des raz de marée. Cet holocauste sans précédent se poursuivit pendant trois heures; ensuite, des ténèbres épaisses tombèrent dans lesquelles il fut impossible d'allumer du feu; l'horrible obscurité était semblable aux ténèbres d'Egypte[6] en ce qu'on pouvait sentir ses vapeurs froides et humides. Cela dura jusqu'au troisième jour, de sorte qu'une nuit, un jour et une nuit, furent comme une nuit ininterrompue, et les ténèbres impénétrables furent rendues d'autant plus terribles par les lamentations du peuple, dont le refrain déchirant était partout le même: «Oh, si nous nous étions repentis avant ce grand et terrible jour[7]

 

Alors, perçant les ténèbres, se fit entendre une voix[8], devant laquelle le chœur effrayant des lamentations humaines fut réduit au silence: «Malheur, malheur, malheur à ce peuple» entendit-on dans tout le pays. La voix proclama des malheurs croissants si le peuple ne se repentait pas. La destruction s'était abattue sur lui à cause de sa méchanceté, et le démon se réjouissait alors du nombre des morts et du châtiment que leur destruction constituait. L’étendue de cette terrible calamité fut détaillée; les villes qui avaient été brûlées avec leurs habitants, les autres qui s'étaient enfoncées dans la mer; d'autres encore qui avaient été ensevelies dans la terre, furent énumérées; et la raison divine de cette destruction générale fut clairement donnée: c'était pour que la méchanceté et les abominations du peuple fussent chassées de la surface de la terre. Ceux qui avaient survécu pour entendre furent déclarés être les plus justes des habitants; et il leur fut laissé de l'espoir à condition de se repentir et de se réformer plus complètement.

 

Voici comment l'identité de la voix fut révélée: «Voici, je suis Jésus-Christ le Fils de Dieu. J'ai créé les cieux et la terre, et toutes les choses qu'ils contiennent. J'étais avec le Père dès le commencement. Je suis dans le Père et le Père est en moi; et en moi, le Père a glorifié son nom.» Le Seigneur commanda au peuple de ne plus le servir par des sacrifices sanglants et des holocaustes, car la loi de Moïse était accomplie, et dorénavant le seul sacrifice acceptable serait le cœur brisé et l'esprit contrit; ceux-là ne seraient jamais rejetés. Le Seigneur recevrait dans son sein les humbles et les repentants. «Voici, dit-il, c'est pour ceux-là que j'ai donné ma vie et l'ai reprise; c'est pourquoi, repentez-vous et venez à moi, bouts de la terre, et soyez sauvés.»

 

La voix se tut, et pendant les nombreuses heures que les ténèbres continuèrent, les vociférations et les lamentations furent réduites au silence, car le peuple sentait sa culpabilité et pleurait silencieusement, étonné de ce qu'il avait entendu et attendant avec espoir le salut qui lui avait été offert. Une deuxième fois la voix se fit entendre, comme attristée de ceux qui avaient refusé d'accepter le secours du Sauveur; car il les avait souvent protégés, et il l'aurait fait plus souvent encore s'ils avaient été disposés et à l'avenir il les chérirait encore «comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes» s'ils se repentaient et vivaient dans la justice. Le matin du troisième jour les ténèbres se dispersèrent, les remous telluriques cessèrent et les tempêtes se calmèrent. Lorsque le manteau de ténèbres fut ôté du pays, le peuple vit combien profondes avaient été les convulsions de la terre et combien grandes avaient été les pertes qu'il avait subies en parents et en amis. Dans sa contrition et son humiliation, il se souvint des prédictions des prophètes et sut que le commandement du Seigneur avait été exécuté contre lui[9].

 

PREMIÈRE VISITE DE JÉSUS-CHRIST AUX NÉPHITES

 

Six semaines environ ou davantage après les événements que nous venons d'examiner[10], une grande multitude de Néphites s'était assemblée au temple dans le pays appelé Abondance[11] et discutait avec gravité des grands changements qui s'étaient produits dans le pays, et en particulier de Jésus-Christ. Elle avait pu assister aux signes prévus de sa mort expiatoire dans tous leurs détails tragiques. L'Esprit qui régnait dans l'assemblée était celui de la contrition et de la piété. Tandis qu'elle était ainsi réunie, elle entendit un bruit, comme celui d'une voix provenant d'en haut; mais elle fut incapable de comprendre, tant les premières paroles que les deuxièmes. Tandis qu'elle écoutait avec une vive attention, la voix se fit entendre pour la troisième fois: «Voici mon Fils bien-aimé, en qui je me complais, en qui j'ai glorifié mon nom - écoutez-le[12]

 

Tandis qu'il levait les yeux dans une attente pieuse, le peuple vit un Homme, vêtu d'une robe blanche, qui descendit et se tint au milieu de lui. Il parla, disant: «Voici, je suis Jésus-Christ, de qui les prophètes ont témoigné qu'il viendrait au monde. Et voici, je suis la lumière et la vie du monde; j'ai bu à cette coupe amère que le Père m'a donnée et j'ai glorifié le Père en prenant sur moi les péchés du monde, en quoi j'ai souffert la volonté du Père en toutes choses depuis le commencement.» La multitude se prosterna en adoration, car elle se souvenait que ses prophètes avaient prédit que le Seigneur apparaîtrait parmi elle après sa résurrection et son ascension[13].

 

Sur son commandement, le peuple se leva, et les gens vinrent un par un à lui, virent et sentirent les empreintes des clous dans ses mains et ses pieds et la blessure de la lance dans son côté. Poussés à exprimer leur adoration, ils s'écrièrent à l'unisson: «Hosanna! Béni soit le nom du Dieu très haut!» puis, tombant aux pieds de Jésus, ils l'adorèrent.

 

Commandant à Néphi et à onze autres de s'approcher, le Seigneur leur donna l'autorité de baptiser le peuple après son départ et prescrivit le mode du baptême en leur interdisant particulièrement d'avoir des disputes parmi eux au sujet de l'altération de la forme donnée, comme en témoignent les paroles du Seigneur:

 

«En vérité, je vous dis que tous ceux qui se repentiront de leurs péchés après vos paroles et désireront être baptisés en mon nom, vous les baptiserez de cette manière: Voici, vous descendrez et vous vous tiendrez dans l'eau, et vous les baptiserez en mon nom. Et maintenant voici les paroles que vous prononcerez en les appelant par leur nom: Ayant reçu l'autorité de Jésus-Christ, je vous baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen. Et alors, vous les plongerez dans l'eau et puis vous sortirez de l'eau. Et c'est de cette manière que vous baptiserez en mon nom; car voici, en vérité, je vous dis que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un; et je suis dans le Père, et le Père est en moi, et le Père et moi sommes un. Et selon que je vous l'ai commandé, ainsi vous baptiserez. Et il n'y aura plus de disputes parmi vous, comme il y en a eu jusqu'à présent; et il n'y aura plus non plus de disputes parmi vous sur les points de ma doctrine, comme il en a été jusqu'à présent.[14]»

 

Le peuple en général, et surtout les Douze, choisis comme nous l'avons dit, furent avertis d'une manière frappante contre les querelles sur les sujets de doctrine; il fut déclaré que l'esprit de celles-ci était du diable, qui est le père de la querelle. La doctrine de Jésus-Christ fut exposée en un résumé simple et cependant complet en ces termes:

 

«Voici, en vérité, en vérité, je vous le dis, je vous déclarerai ma doctrine. Et ceci est ma doctrine, et c'est la doctrine que le Père m'a donnée; et je rends témoignage du Père, et le Père rend témoignage de moi, et le Saint-Esprit rend témoignage du Père et de moi; et je rends témoignage que le Père commande à tout homme, en tous lieux, de se repentir et de croire en moi. Et quiconque croit en moi et est baptisé, sera sauvé; et ce sont ceux-là qui hériteront du royaume de Dieu. Et quiconque ne croit point en moi et n'est pas baptisé, sera damné[15]

 

Le repentir et une humilité semblable à celle de l'enfant confiant et innocent étaient les conditions du baptême, ordonnance sans laquelle nul ne pouvait hériter du royaume de Dieu. Employant le ton tranchant et simple qui avait caractérisé ses enseignements en Palestine, le Seigneur donna les commandements suivants aux Douze qu'il venait de choisir:

 

«En vérité, en vérité, je vous le dis, voilà ma doctrine; et quiconque bâtit sur ces choses, bâtit sur mon roc; et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre lui. Et quiconque déclarera plus ou moins que ceci et l'établira pour ma doctrine, celui-là vient du mal et ne bâtit pas sur mon roc; mais il bâtit sur un fondement de sable; et les portes de l'enfer seront ouvertes pour le recevoir, quand viendront les inondations et que les vents s'abattront sur lui. C'est pourquoi, allez à ce peuple et déclarez les paroles que j'ai dites jusqu'aux bouts de la terre[16]

 

Puis se tournant vers la multitude, Jésus l'exhorta à prêter attention aux enseignements des Douze et poursuivit par un discours contenant les principes sublimes qu'il avait enseignés parmi les Juifs dans le sermon sur la montagne[17]. On trouve, tant dans la version de Matthieu que dans celle de Néphi de ce discours sans pareil, les béatitudes, le Notre Père et le même exposé splendide de préceptes ennoblissants, et on y voit apparaître la même richesse de comparaisons efficaces et d'excellentes illustrations; mais on découvre une différence significative dans toutes les allusions à l'accomplissement de la loi mosaïque; car tandis que les Ecritures juives nous montrent le Seigneur parlant d'un accomplissement alors incomplet, les expressions correspondantes du récit néphite sont formulées au passé, la loi ayant déjà été accomplie dans son intégralité par la mort et la résurrection du Christ. C'est ainsi que Jésus avait dit aux Juifs: «Jusqu'à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé»; aux Néphites, il dit: «Car, en vérité, je vous le dis: Pas un seul iota, pas un seul trait de lettre n'est passé de la loi; mais en moi, elle a été toute accomplie.[18]»

 

Beaucoup s'étonnèrent de cela, se demandant ce que le Seigneur voulait qu'ils fissent à propos de la loi de Moïse; «car ils n'avaient pas compris ces paroles: Que les anciennes choses étaient finies, et que toutes choses étaient devenues nouvelles». Jésus, connaissant leur perplexité, proclama clairement que c'était lui qui avait donné la loi, et que c'est par lui qu'elle avait été accomplie et par conséquent abrogée. Son affirmation est particulièrement explicite:

 

«Voici, je vous dis que la loi qui fut donnée à Moïse est accomplie. Voici, c'est moi qui ai donné la loi et c'est moi qui ait fait alliance avec mon peuple, Israël; c'est pourquoi, la loi est accomplie en moi, parce que je suis venu pour accomplir la loi; c'est pourquoi, elle est finie. Voici, je ne détruis pas les prophètes, car tous ceux qui n'ont point été accomplis en moi, en vérité, je vous le dis, ils seront tous accomplis. Et parce que je vous disais que les anciennes choses sont passées, je ne détruis pas ce qui a été dit concernant ce qui est à venir. Car voici, l'alliance que j'ai faite avec mon peuple n'est pas entièrement accomplie; mais la loi qui fut donnée à Moïse est finie en moi[19]

 

S'adressant aux Douze, il affirma que le Père ne lui avait jamais commandé de mettre les Juifs au courant de l'existence des Néphites, si ce n'est indirectement en parlant d'autres brebis qui n'étaient pas de la bergerie juive; et comme ils avaient été incapables de comprendre ce qu'il disait «à cause de leur obstination et de leur incrédulité», le Père lui avait commandé de ne plus rien dire que ce fût au sujet des Néphites ou du troisième troupeau comprenant les «autres tribus de la maison d'Israël, que le Père a emmenées hors du pays». Jésus enseigna aux disciples néphites beaucoup d'autres sujets qui avaient été tenus cachés des Juifs, lesquels par leur incapacité à recevoir avaient été laissés dans l'ignorance. Même les apôtres juifs avaient cru à tort que «ces autres brebis» étaient les nations païennes, ne se rendant pas compte que l'apport de l'Evangile aux Gentils faisait partie de leur mission à eux, et oubliant que le Christ ne se manifesterait jamais en personne à ceux qui n'étaient pas de la maison d'Israël. C'est par les inspirations du Saint-Esprit et les labeurs d'hommes revêtus d'autorité et envoyés que les Gentils entendraient la parole de Dieu; mais ils n'avaient pas droit à la manifestation personnelle du Messie[20]. Cependant la miséricorde et les bénédictions du Seigneur seront grandes pour les Gentils qui acceptent la vérité, car le Saint-Esprit leur témoignera du Père et du Fils, et tous ceux d'entre eux qui se conforment aux lois et aux ordonnances de l'Evangile seront comptés dans la maison d'Israël. Leur conversion et leur admission dans le troupeau du Seigneur se feront sur le plan individuel et non par nations, tribus ou peuples[21].

 

La multitude pleine d'adoration, comptant environ deux mille cinq cents âmes, pensa que Jésus était sur le point de partir; et elle le supplia, en pleurant, de rester. Il la consola en l'assurant qu'il reviendrait le lendemain et l'exhorta à réfléchir aux choses qu'il avait enseignées et à prier le Père en son nom pour recevoir de l'intelligence. Il avait déjà informé les Douze, et maintenant déclarait au peuple qu'il se montrerait et administrerait l'Evangile «aux tribus perdues d'Israël, car elles ne sont pas perdues pour le Père, car il sait où il les a emmenées». Exprimant la compassion qu'il ressentait, le Seigneur ordonna au peuple d'aller chercher ses affligés, les paralytiques, les estropiés, les mutilés, les aveugles et les sourds et les lépreux; lorsque ceux-ci lui furent amenés, il guérit chacun d'eux. Puis, sur son ordre, les parents amenèrent leurs petits enfants et les mirent en cercle autour de lui. La multitude se prosterna en prière et Jésus pria pour elle; et, écrit Néphi, «nulle langue ne peut rendre, nul homme ne saurait écrire, ni le cœur des hommes concevoir les choses grandes et merveilleuses que nous vîmes et que nous entendîmes de la bouche de Jésus; et personne ne saurait concevoir la joie qui nous remplit l'âme au moment où nous l'entendîmes prier le Père pour nous».

 

La prière terminée, Jésus commanda à la multitude de se lever et s'exclama joyeusement: «Vous êtes bénis à cause de votre foi. Et maintenant voici, ma joie est pleine.» Jésus pleura. Puis il prit les enfants, un par un, et les bénit, priant le Père pour chacun d'eux.

 

«Et lorqu'il eut fait cela, il pleura de nouveau. Et il parla à la multitude et leur dit: Voici vos petits enfants. Et comme ils regardaient, voici, ils levèrent les yeux vers le ciel, ils virent les cieux s'ouvrir, et ils virent des anges descendre du ciel comme au milieu d'un feu; et ils descendirent et entourèrent ces petits enfants, et ils étaient environnés de feu; et les anges les servirent[22]

 

Le Seigneur Jésus fit chercher du pain et du vin et fit asseoir le peuple. Il rompit et bénit le pain et en donna aux Douze; ceux-ci ayant mangé, distribuèrent le pain à la multitude. Le vin fut béni, et tous en prirent, les Douze en premiers, ensuite le peuple. D'une manière frappante, semblable à celle qui accompagna l'institution du sacrement du repas du Seigneur parmi les apôtres de Jérusalem, Jésus expliqua clairement la sainteté et l'importance de cette ordonnance, disant que l'autorité serait donnée pour l'administrer dans l'avenir et que tous ceux qui avaient été baptisés pour avoir la compagnie du Christ devaient y prendre part et qu'ils devaient toujours l'observer en souvenir de lui, le pain étant l'emblème sacré de son corps, le vin le signe de son sang qui avait été versé. Le Seigneur interdit expressément le sacrement du pain et du vin à tous ceux qui n'étaient pas dignes; «car, expliqua-t-il, quiconque mange et boit ma chair et mon sang indignement, mange et boit de la damnation pour son âme. C'est pourquoi, si vous savez qu'un homme est indigne de manger et de boire de ma chair et de mon sang, vous le lui interdirez». Mais le peuple reçut l'interdiction de chasser de ses assemblées ceux à qui la Sainte-Cène devait être refusée, si ceux-ci se repentaient et demandaient à être intégrés par le baptême[23]. Le Seigneur souligna explicitement la nécessité de la prière, le commandement de prier étant donné séparément aux Douze et à la multitude. Voici comment le Seigneur commanda les prières personnelles, le recueillement en famille et le culte en communauté:

 

«C'est pourquoi, vous devez sans cesse prier le Père en mon nom; et tout ce que vous demanderez de juste au Père, en mon nom, croyant l'obtenir, voici, cela vous sera donné. Priez le Père dans vos familles toujours en mon nom, afin que vos femmes et vos enfants soient bénis. Et voici, vous vous rassemblerez souvent; et vous ne défendrez à personne de venir à vous quand vous vous assemblez, mais vous souffrirez qu'ils viennent à vous et ne les empêcherez pas; mais vous prierez pour eux et ne les chasserez pas. Et s'ils viennent souvent à vous, vous prierez le Père pour eux en mon nom[24]

 

Le Seigneur toucha alors chacun des Douze de la main, les investissant, par des paroles que les autres n'entendirent pas, de l'autorité de conférer le Saint-Esprit par l'imposition des mains sur tous les croyants repentants et baptisés[25]. Lorsqu'il eut fini d'ordonner les Douze, une nuée recouvrit le peuple, de sorte que le Seigneur fut caché à sa vue; mais les douze disciples «virent et rendirent témoignage qu'il était remonté au ciel».

 

LA DEUXIÈME VISITE DU CHRIST AUX NÉPHITES[26]

 

Le lendemain, une multitude plus grande encore se réunit pour attendre le retour du Sauveur. Pendant toute la nuit des messagers avaient répandu la merveilleuse nouvelle de l'apparition du Seigneur et de sa promesse de rendre de nouveau visite à son peuple. Si grande fut l'assemblée que Néphi et ses compagnons demandèrent au peuple de se diviser en douze groupes, afin de charger chacun des disciples de donner des instructions et de diriger dans la prière l'un de ces groupes. La teneur des prières était que le Saint-Esprit leur fût donné. Dirigée par les disciples choisis, l'immense multitude s'approcha du bord de l'eau, et Néphi, descendant le premier, fut baptisé par immersion; ensuite il baptisa les onze autres que Jésus avait choisis. Lorsque les Douze furent sortis de l'eau, «ils furent remplis du Saint-Esprit et de feu. Et voici, ils furent enveloppés comme par du feu; et ce feu descendit du ciel, et la multitude le vit et rendit témoignage; et des anges descendirent du ciel et les enseignèrent. Et tandis que les anges enseignaient les disciples, voici, Jésus vint, se tint au milieu d'eux et les enseigna»[27].

 

Ainsi Jésus apparut au milieu des disciples et des anges qui les instruisaient. Sur son ordre, les Douze et la multitude s'agenouillèrent; et ils prièrent Jésus, l'appelant leur Seigneur et leur Dieu. Jésus s'éloigna d'eux de quelques pas, et pria dans une attitude humble, disant entre autres: «Père, je te remercie d'avoir donné le Saint-Esprit à ceux que j'ai choisis; et c'est pour leur croyance en moi que je les ai choisis de parmi le monde. Père, je te prie de donner le Saint-Esprit à tous ceux qui croiront en leurs paroles.» Les disciples étaient encore occupés à prier Dieu avec ferveur, lorsqu'il revint auprès d'eux; et tandis qu'il les regardait avec un sourire miséricordieux et approbateur, ils furent glorifiés en sa présence, de sorte que leur visage et leurs vêtements brillèrent avec un éclat semblable à celui du visage et des vêtements du Seigneur, au point que «rien sur la terre ne saurait approcher d'une telle blancheur». Une deuxième et une troisième fois Jésus se retira et pria le Père; et bien que le peuple comprit le sens de sa prière, il confessa et témoigna que «si grandes et si merveilleuses étaient les paroles de sa prière, qu'elles ne peuvent être écrites ni prononcées par l'homme». Le Seigneur se réjouit de la foi du peuple, et il dit aux disciples: «Je n'ai jamais vu une si grande foi parmi tous les Juifs; c'est pourquoi, je n'ai pas pu leur montrer d'aussi grands miracles, à cause de leur incrédulité. En vérité, je vous le dis, il n'en est aucun parmi eux qui ait vu d'aussi grandes choses que celles que vous avez vues; et ils n'ont pas entendu non plus d'aussi grandes choses que celles que vous avez entendues[28].» Alors le Seigneur administra la Sainte-Cène de la même manière que la veille; mais le pain et le vin furent fournis sans aide humaine. La sainteté de l'ordonnance fut exprimée de la manière suivante: «Celui qui mange ce pain mange mon corps en son âme; et celui qui boit ce vin boit mon sang en son âme; et son âme n'aura jamais ni faim ni soif, mais elle sera rassasiée.»

 

A ceci succédèrent des instructions concernant le peuple de l'alliance, Israël, dont les Néphites faisaient partie, et des rapports qu'ils auraient avec des nations gentiles dans l'évolution future des desseins de Dieu. Jésus se déclara être le Prophète dont Moïse avait prédit la venue et le Christ dont tous les prophètes avaient témoigné. La suprématie temporaire des Gentils, qui accomplirait la dispersion définitive d'Israël, et le rassemblement final du peuple de l'alliance furent prédits, avec des allusions fréquentes aux paroles inspirées d'Esaïe à ce sujet[29]. Décrivant l'avenir des descendants de Léhi, le Seigneur dit qu'ils tomberaient dans l'incrédulité à cause de leur iniquité; en conséquence de cela, les Gentils deviendraient un peuple puissant sur le continent américain en dépit du fait que ce pays avait été donné comme héritage final à la maison d'Israël. Voici comment fut prédit l'établissement de la nation américaine alors encore à naître, dont la caractéristique serait d'être un «peuple libre», et comment fut expliqué le dessein de Dieu dans ce domaine: «Car il est de la sagesse du Père qu'ils soient établis sur cette terre et qu'ils soient établis en peuple libre par le pouvoir du Père, afin que ces choses puissent venir d'eux à un reste de votre postérité, pour que l'alliance que le Père a faite avec son peuple s'accomplisse, ô maison d'Israël.[30]»

 

Comme signe de l'époque à laquelle se produirait le rassemblement des diverses branches d'Israël depuis leur longue dispersion, le Seigneur spécifia la prospérité des Gentils en Amérique et leur intervention dans l'apport des Ecritures au reste dégénéré de la postérité de Léhi, les Indiens américains[31]. Il expliqua que tous les Gentils qui se repentiraient et accepteraient l'Evangile du Christ par le baptême seraient comptés parmi le peuple de l'alliance et recevraient les bénédictions qui seraient données dans les derniers jours où la nouvelle Jérusalem serait établie sur le continent américain. Le récit joyeux du rassemblement d'Israël que Jéhovah avait donné précédemment par la bouche de son prophète Esaïe, Jéhovah ressuscité le répéta à son troupeau néphite[32]. Les exhortant à réfléchir aux paroles des prophètes dont le texte se trouvait parmi eux et d'obéir aux Ecritures nouvelles qu'il leur avait révélées, et commandant tout particulièrement aux Douze d'enseigner davantage au peuple les choses qu'il avait exposées, le Seigneur les informa des révélations qui avaient été données par le truchement de Malachie et ordonna qu'elles fussent écrites[33].

 

Les prophéties ainsi répétées par celui qui avait inspiré Malachie à parler, étaient de toute évidence pour l'avenir à ce moment-là, et aujourd'hui encore, elles ne sont pas encore intégralement accomplies. L’avènement du Seigneur, dont ces Ecritures témoignent, est encore à venir; mais le fait que ce moment est maintenant proche - «Ie jour de l'Eternel, ce jour grand et redoutable» - est attesté par le fait qu'Elie, qui devait venir avant ce moment-là, est apparu pour s'acquitter de sa mission personnelle - qui était de tourner le cœur des enfants vivants vers leurs ancêtres décédés, et le cœur des pères morts vers leur postérité encore mortelle[34].

 

Le ministère personnel du Christ lors de sa deuxième visite dura trois jours, au cours desquels il donna au peuple de nombreuses Ecritures semblables à celles qui avaient été données précédemment aux Juifs, car c'est ce que le Père avait commandé; et il leur exposa les desseins de Dieu, depuis le commencement jusqu'au moment où le Christ reviendra dans sa gloire; «et même jusqu'au grand et dernier jour, lorsque tous les peuples, toutes les familles, toutes les nations et langues se tiendront devant Dieu pour être jugés selon leurs œuvres, bonnes ou mauvaises. - Si elles sont bonnes, à la résurrection de la vie éternelle; et si elles sont mauvaises, à la résurrection de la damnation; étant sur un parallèle, les uns d'un côté, les autres de l'autre, suivant la miséricorde, la justice et la sainteté qui sont en Jésus-Christ qui était avant que le monde ne commençât». Dans sa miséricorde, il guérit les affligés et ressuscita un homme d'entre les morts. A des époques ultérieures mais non précisées, il se montra parmi les Néphites et «rompit souvent le pain, le bénit et le leur donna»[35].

 

Après sa deuxième ascension de parmi eux, l'esprit de prophétie se manifesta parmi le peuple, et cela s'étendit même aux enfants et aux nourrissons, dont beaucoup parlèrent de choses merveilleuses selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Les Douze entreprirent leur ministère avec vigueur, instruisant tous ceux qui voulaient les écouter, et baptisant ceux qui, par leur repentir, demandèrent la communion de l'Eglise. Le Saint-Esprit fut conféré à tous ceux qui se conformaient ainsi aux exigences de l'Evangile; et ceux qui étaient ainsi bénis vivaient ensemble dans l'amour et furent appelés dans l'Eglise du Christ[36].

 

VISITE DU CHRIST AUX DOUZE QU'IL AVAIT CHOISIS D'ENTRE LES NEPHITES[37]

 

Sous l'administration des douze disciples ordonnés, l'Eglise grandit et prospéra dans le pays de Néphi[38]. Les disciples, témoins spéciaux du Christ, voyagaient, prêchaient, instruisaient et baptisaient tous ceux qui professaient avoir la foi et se montraient repentants. En une occasion les Douze étaient assemblés «en une prière et un jeûne fervents», demandant des instructions sur un sujet particulier qui, en dépit des injonctions du Seigneur contre les querelles, avait donné lieu à des disputes parmi le peuple. Tandis qu'ils suppliaient le Père au nom du Fils, Jésus apparut au milieu d'eux et demanda: «Que voulez-vous que je vous donne?» Leur réponse fut: «Seigneur, nous désirons que tu nous indiques le nom par lequel nous désignerons cette Eglise; car il y a des disputes à ce sujet parmi le peuple.» Provisoirement, ils avaient appelé la communauté des croyants baptisés Eglise du Christ; mais apparemment ce nom vrai et distinctif n'avait pas été généralement accepté sans restriction.

 

«Et le Seigneur leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, pourquoi le peuple murmure-t-il et se dispute-t-il à cause de cette chose? N'a-t-il pas lu les Ecritures qui disent que vous devez prendre sur vous le nom du Christ, qui est mon nom? Car c'est de ce nom que vous serez appelés au dernier jour; et quiconque prend mon nom et persévère jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé au dernier jour. C'est pourquoi, tout ce que vous ferez, vous le ferez en mon nom; vous appellerez donc l'Eglise de mon nom et vous invoquerez le Père en mon nom, afin qu'il bénisse l'Église pour l'amour de moi. Et comment est-elle mon église, si elle n'est appelée de mon nom? Car si une église est appelée du nom de Moïse, alors c'est l'église de Moïse; ou si elle est appelée du nom d'un homme, alors c'est l'église d'un homme; mais si elle porte mon nom, alors c'est mon église, si elle est fondée sur mon évangile. En vérité, je vous dis que vous êtes édifiés sur mon évangile; c'est pourquoi tout ce que vous appellerez, vous l'appellerez de mon nom; si donc vous priez le Père pour l'Eglise, si c'est en mon nom, le Père vous entendra; et s'il arrive que l'Eglise soit édifiée sur mon évangile, alors le Père montrera ses œuvres en elle. Mais si elle n'est pas édifiée sur mon évangile et qu'elle est bâtie sur les œuvres des hommes ou les œuvres du diable, je vous le dis, en vérité, ils auront de la joie en leurs œuvres pour une saison et bientôt la fin arrive et ils sont abattus et jetés au feu, d'où l'on ne revient pas. Car leurs œuvres les suivent, car c'est à cause de leurs œuvres qu'ils sont abattus; c'est pourquoi rappelez-vous les choses que je vous ai dites[39]

 

C'est ainsi que le Seigneur confirma, comme une investiture autorisée, le nom qui, par inspiration, avait été pris par ses enfants obéissants, l'Eglise de Jésus-Christ. L'explication que le Seigneur donna sur le seul et unique nom qui convenait à l'Eglise est logique et convaincante. Ce n'était pas l'Eglise de Léhi ou de Néphi, de Mosiah ou d'Alma, de Samuel ou d'Hélaman, sinon on aurait dû l'appeler du nom de l'homme dont c'était l'Eglise, tout comme aujourd'hui il y a des Eglises qui tirent leur nom d'un homme[40]; mais c'était l'Eglise établie par Jésus-Christ, elle ne pouvait, à bon droit, porter d'autre nom que le sien.

 

Jésus répéta alors aux Douze néphites un grand nombre des principes cardinaux qu'il leur avait précédemment énoncés, à eux et au peuple en général, et commanda que ces paroles fussent écrites, à l'exception de certaines communications sublimes qu'il leur interdit de noter. Il leur montra combien il était important de conserver comme un trésor sans prix les nouvelles Ecritures qu'il avait données, les assurant qu'au ciel des livres étaient tenus de toutes les choses qui étaient faites sur ordre divin. Il fut dit aux Douze qu'ils devaient être les juges de leur peuple; et à cause de cette investiture, ils furent exhortés à la diligence et à la piété[41]. Le Seigneur se réjouit de la foi et de l'obéissance facile des Néphites parmi lesquels il avait enseigné; et il dit aux douze témoins spéciaux: «Et maintenant, voici, ma joie est grande, même jusqu'à la plénitude à cause de vous et de cette génération; oui, même le Père se réjouit, et aussi tous les saints anges, à cause de vous et de cette génération; car aucun d'eux n'est perdu. Voici, je voudrais que vous compreniez; car je veux dire ceux de cette génération qui sont maintenant en vie; et aucun d'eux n'est perdu; et en eux ma joie est complète.» Sa joie était cependant mêlée de tristesse à cause de l'apostasie dans laquelle les générations ultérieures tomberaient; il prévoyait une situation terrible qui atteindrait son paroxysme dans la quatrième génération qui suivrait la leur.[42]

 

LES TROIS NÉPHITES

 

Avec une compassion aimante, le Seigneur parla, un à un, aux douze disciples, demandant: «Que désirez‑vous de moi, après que je serai allé au Père[43]?» Tous, à l'exception de trois, exprimèrent le désir de poursuivre le ministère jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus à un âge avancé, et ensuite être reçus en leur temps par le Seigneur dans son royaume. Jésus leur donna une merveilleuse assurance, disant: «Quand vous aurez atteint l'âge de soixante-douze ans, vous viendrez à moi dans mon royaume; et, avec moi, vous trouverez du repos.» Il se tourna vers les trois autres qui avaient réservé la requête qu'ils n'osaient pas exprimer:

 

«Et il leur dit: Voici, je connais vos pensées; et vous avez désiré la chose que Jean, mon bien‑aimé, qui était avec moi dans mon ministère, avant que je fusse élevé par les Juifs, avait désirée de moi. C'est pourquoi, vous êtes bénis davantage, car vous ne goûterez jamais la mort; mais vous vivrez pour voir toutes les œuvres du Père envers les enfants des hommes, même jusqu'à ce que toutes choses soient accomplies, selon la volonté du Père, quand je viendrai dans ma gloire avec les puissances du ciel. Et vous ne subirez jamais les angoisses de la mort; mais quand je viendrai dans ma gloire, vous serez changés, en un clin d’œil, de la mortalité à l'immortalité; et alors vous serez bénis dans le royaume de mon Père.[44]»

 

Les trois apôtres bénis reçurent l'assurance qu'au cours de leur vie prolongée ils seraient immunisés contre la douleur et ne connaîtraient le chagrin que dans la mesure où ils s'affligeraient des péchés du monde. A cause de leur désir d’œuvrer à amener des âmes au Christ tant que le monde existerait, il leur fut promis qu'ils recevraient finalement une plénitude de joie, semblable à celle à laquelle était parvenu le Seigneur lui-même. Jésus toucha chacun des neuf qui devaient vivre et mourir dans le Seigneur, mais les trois qui devaient demeurer jusqu'à sa venue en gloire, il ne les toucha point. «Puis il partit.»

 

Un changement se produisit dans le corps des trois Néphites, de sorte que, tant qu'ils demeureraient dans la chair, ils seraient exempts des effets ordinaires des vicissitudes physiques. Les cieux furent ouverts à leurs yeux; ils furent enlevés, et virent et entendirent des choses indicibles. «Et il leur fut défendu de les rapporter; et le pouvoir ne leur fut pas donné non plus d'exprimer les choses qu'ils virent et entendirent.» Ils vécurent et œuvrèrent comme hommes parmi leurs semblables, prêchant, baptisant et conférant le Saint-Esprit à tous ceux qui prêtaient attention à leurs paroles, cependant que les ennemis de la vérité étaient impuissants à leur nuire. Un peu plus de cent-soixante-dix ans après la dernière visite du Seigneur, une persécution maligne fut lancée contre les trois.

 

A cause de leur zèle dans le ministère, on les jeta en prison; et «Ies prisons ne pouvaient les retenir, car elles se fendaient en deux». Ils furent incarcérés dans des cachots souterrains; «mais ils frappaient la terre de la parole de Dieu, de sorte que, par son pouvoir, ils étaient délivrés des entrailles de la terre; c'est pourquoi, on ne pouvait creuser des puits assez profonds pour les contenir». Trois fois, ils furent jetés dans une fournaise, mais ne souffrirent aucun mal; trois fois ils furent jetés dans des antres de bêtes sauvages, mais, «ils jouèrent avec les bêtes, comme un enfant avec un agneau qui tète encore; et il ne reçurent aucun mal»[45]. Mormon affirme qu'en réponse à ses prières le Seigneur lui avait révélé que le changement opéré sur le corps des trois était de nature à priver Satan de tout pouvoir sur eux, et «qu'ils étaient saints, et que les pouvoirs de la terre n'avaient aucune prise sur eux. Et ils devaient rester dans cet état jusqu'au jour du jugement du Christ; et en ce jour-là, ils devaient recevoir un plus grand changement et être reçus dans le royaume du Père pour n'en plus sortir, mais pour demeurer avec Dieu éternellement dans les cieux»[46]. Pendant près de trois cents ans, et peut-être plus, les trois Néphites servirent visiblement parmi leurs semblables; mais lorsque la méchanceté du peuple augmenta, ces ministres spéciaux furent retirés et dorénavant ne se manifestèrent qu'au nombre restreint des justes. Moroni, dernier prophète des Néphites, tandis qu'il était occupé à mettre la dernière main aux annales de son père, Mormon, et y ajoutant ce qu'il connaissait, écrivit à propos de ces trois disciples du Seigneur qu'ils «restèrent dans le pays jusqu'à ce que la méchanceté du peuple fût si grande, que le Seigneur ne leur permit plus de demeurer avec le peuple; et s'ils sont sur la surface du pays, nul ne le sait. Mais voici, mon père et moi, nous les avons vus, et ils nous ont enseignés»[47]. Leur ministère devait s'étendre aux Juifs et aux Gentils, parmi lesquels ils œuvrent sans qu'on connaisse leur antique naissance; et ils sont envoyés aux tribus dispersées d'Israël et à toutes les nations, familles, langues et peuples, d'où ils ont amené et continuent à amener beaucoup d'âmes au Christ, «pour que leur désir soit satisfait, et à cause du pouvoir de conviction qu'ils ont reçu de Dieu»[48].

 

CROISSANCE DE L'ÉGLISE SUIVIE PAR L’APOSTASIE DE LA NATION NEPHITE

 

L'Eglise de Jésus-Christ se développa rapidement dans le pays de Néphi et apporta à ses adhérents fidèles des bénédictions sans précédent. Même l'animosité héréditaire entre Néphites et Lamanites fut oubliée; et tous vivaient dans la paix et la prospérité. Si grande était l'unité de l'Eglise que ses membres avaient tout en commun, et «c'est pourquoi il n'y avait ni riches ni pauvres, ni esclaves ni libres, mais ils étaient tous affranchis et bénéficaires du don céleste»[49]. Des villes populeuses remplacèrent la désolation des ruines qui s'était abattue au moment de la crucifixion du Seigneur. Le pays fut béni, et le peuple se réjouissait dans la justice. «Et il n'y eut aucune querelle dans le pays, parce que l'amour de Dieu demeurait dans le cœur du peuple. Et il n'y avait pas d'envies, ni de luttes, ni de tumultes, ni de luxure, ni de mensonges, ni de meurtres, ni aucune sorte de lasciveté; et assurément il ne pouvait exister de peuple plus heureux parmi tous les peuples qui avaient été créés par la main de Dieu[50].» Neuf des douze témoins spéciaux choisis par le Seigneur décédèrent lorsque vint le moment où ils devaient se reposer, et d'autres furent ordonnés à leur place. Cet état de merveilleuse prospérité et de communauté de biens se poursuivit pendant une période de cent soixante-sept ans; cependant peu après se produisit un changement déplorable. L’orgueil remplaça l'humilité, l'étalage de vêtements précieux remplaça la simplicité des jours heureux; la rivalité conduisit à des querelles, et dès lors les hommes «ne mirent plus leurs biens et leur subsistance en commun. Et ils commencèrent à être divisés en classes; et ils commencèrent à se bâtir des églises à eux-mêmes pour acquérir du gain et commencèrent à nier la véritable Eglise du Christ»[51]. Les Eglises d'hommes se multiplièrent et la persécution, sœur de l'intolérance, se généralisa. Les Lamanites à peau rouge retournèrent à leurs voies dégénérées et se prirent d'une hostilité meurtrière pour leurs frères blancs, et toutes sortes de trafics corrompus devinrent communs dans les deux nations. Pendant de nombreuses décennies, les Néphites se retirèrent devant leurs ennemis agressifs, se dirigeant vers le nord-est à travers ce qui est maintenant les Etats-Unis. Vers 400 ap. J.-C., la dernière grande bataille fut livrée près de la colline de Cumorah[52], et la nation néphite s'éteignit[53]. Le reste dégénéré de la postérité de Léhi, les Lamanites ou indiens américains, ont continué d'exister jusqu'à nos jours. Moroni, dernier des prophètes néphites, cacha les annales de son peuple dans la colline de Cumorah, d'où elles ont été sorties dans la dispensation actuelle sous la direction divine. Ces annales se trouvent maintenant devant le monde, traduites par le don et la puissance de Dieu et publiées pour l'édification de toutes les nations, sous le titre de LIVRE DE MORMON.

 

NOTES DU CHAPITRE 39

 

1. Le pays d'Abondance : Celui-ci comprenait la partie nord de l'Amérique du Sud, s'étendant jusqu'à l'isthme de Panama. Au nord il était limité par le pays de la Désolation, qui embrassait l'Amérique centrale et, dans l'histoire néphite ultérieure, une étendue au nord de l'isthme. L’Amérique du Sud en général est appelée, dans le Livre de Mormon, le pays de Néphi.

 

2. Les versions juive et néphite du «sermon sur la montagne» : Comme nous l'avons indiqué dans le texte, l'un des contrastes les plus frappants entre le sermon sur la montagne et la répétition virtuelle du discours par notre Seigneur lors de sa visite aux Néphites, est celle de la prédiction concernant l'accomplissement de la loi de Moïse dans le premier discours, et l'affirmation sans réserve dans le second que la loi avait été accomplie. Certaines différences apparaissent dans les béatitudes, le sermon néphite étant plus explicite dans chacune d'elles. C'est ainsi qu'au lieu de «Heureux les pauvres en esprit» (Mt 5:3), nous lisons: «Bénis sont les pauvres en esprit qui viennent à moi» (3 Né 12:3). Au lieu de: «Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés» (Mt), nous lisons: «Et bénis sont tous ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront remplis du Saint-Esprit» (Né). Au lieu de: «à cause de la justice» (Mt), nous avons «à cause de mon nom» (Né). Au lieu du passage difficile: «C'est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade avec quoi le salera-t-on?» (Mt), nous avons l'expression plus claire: «Je vous donne d'être le sel de la terre; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la terre sera-t-elle salée? (Né). Et comme nous l'avons déjà remarqué, au lieu de «pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé» (Mt), nous avons «pas un seul iota, pas un seul trait de lettre n'est passé de la loi; mais en moi, elle a été toute accomplie» (Né). Les variantes dans les versets qui suivent sont dues à la différence entre l'accomplissement futur dans Matthieu et l'affirmation de cet accomplissement dans Néphi. Au lieu de la forte analogie qui dit qu'il faut arracher l’œil qui occasionne le scandale ou couper une main mauvaise (Mt), nous trouvons: «Voici, je vous donne le commandement de ne permettre à aucune de ces choses d'entrer dans votre cœur; car il vaut mieux que vous refusiez ces choses et preniez en cela votre croix, que d'être jetés en enfer» (Né). Après les exemples illustrant les exigences de l'Evangile qui remplacent celles de la loi, le document néphite présente ce résumé splendide: «C'est pourquoi, ces choses de l'ancien temps, qui étaient sous la loi, sont toutes accomplies en moi. Les choses anciennes sont finies, et toutes choses sont devenues nouvelles. C'est pourquoi, je voudrais que vous soyez parfaits, même comme moi, ou comme votre Père céleste est parfait. »

 

Dans le récit que donne Matthieu du sermon, il fait peu de distinction entre les préceptes adressés à la multitude en général et les instructions données aux Douze en particulier. C'est ainsi qu'on suppose que Mt 6:25-34 fut dit aux apôtres; car c'était eux et non le peuple qui devaient abandonner toutes les activités profanes; dans le sermon fait aux Néphites, la distinction est expliquée de cette manière: «Quand Jésus eut prononcé ces paroles, il posa les yeux sur les douze qu'il avait choisis, et leur dit: Rappelez-vous ce que je vous ai dit. Car voici, vous êtes ceux que j'ai choisis pour enseigner ce peuple. C'est pourquoi, je vous dis: N'ayez point souci de votre vie, de ce que vous aurez à manger et de ce que vous aurez à boire, ni de votre corps, ni de ce dont vous le revêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement?» etc. (voir 3 Né 13:25-34). Mt 7 commence par «Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés», sans dire s'il s'applique d'une manière générale ou particulière; 3 Né 14 commence par: «Quand il eut dit ces mots, Jésus se tourna de nouveau vers la multitude et ouvrit de nouveau la bouche et lui dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés.»

 

Nous recommandons vivement à tous les lecteurs de comparer soigneusement verset par verset le sermon sur la montagne tel qu'il est rapporté par Matthieu et le discours du Seigneur ressuscité à son peuple sur le continent américain.

 

3. Les baptêmes chez les Néphites après la visite du Seigneur : Nous lisons qu'avant la deuxième apparition du Christ aux Néphites, les Douze choisis furent baptisés (3 Né 9:10-13). Ces hommes avaient indubitablement été baptisés précédemment, car Néphi avait été habilité non seulement à baptiser mais à ordonner d'autres à l'autorité requise pour administrer le baptême (3 Né 7:23-26). Le baptême des disciples, le matin de la deuxième visite du Seigneur, constituait un rebaptême, impliquant un renouvellement des alliances et une confession de foi au Seigneur Jésus.

 

Il est possible que dans les baptêmes néphites antérieurs une certaine irrégularité dans son mode ou une inexactitude dans l'esprit de l'administration de cette ordonnance se soit produite; car, comme nous l'avons vu, le Seigneur commanda au peuple, à propos des instructions qu'il donna concernant le baptême, que les discussions devaient cesser (voir 3 Né 11:28-33).

 

Pour ce qui est du deuxième baptême ou des baptêmes ultérieurs, l'auteur a écrit ailleurs (voir Les Articles de foi, pp.177-180) en substance ce qui suit. Les rebaptêmes rapportés par les Ecritures sont rares, et, dans chaque cas, les circonstances particulières justifiant une telle action apparaissent clairement. C'est ainsi que nous lisons que Paul baptisa certains disciples à Ephèse, bien qu'ils eussent déjà été baptisés, selon le baptême de Jean. Mais dans ce cas, l'apôtre n'était évidemment pas convaincu que le baptême avait été administré par l'autorité constituée, ou que les croyants avaient été correctement instruits quant à l'importance de cette ordonnance. Lorsqu'il éprouva l'efficacité de leur baptême en leur demandant: «Avez-vous reçu l'Esprit Saint quand vous avez cru?», ils lui répondirent: «Nous n'avons même pas entendu dire qu'il y ait un Esprit Saint.» Apparemment surpris, il leur demanda: «Quel baptême avez-vous donc reçu? Ils répondirent: Le baptême de Jean. Alors Paul dit: Jean a baptisé du baptême de repentance; il disait au peuple de croire en celui qui venait après lui, c'est-à-dire en Jésus. Sur ces paroles, ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus» (voir Ac 19:1-6).

 

Dans l'Eglise d'aujourd'hui la répétition de l'ordonnance du baptême en faveur du même individu est permise dans certaines conditions bien déterminées. C'est ainsi que si quelqu'un, étant entré dans l'Eglise par le baptême, s'en retire ensuite ou bien en est excommunié, et puis se repent et désire retrouver sa qualité de membre dans l'Eglise, il ne peut le faire que par le baptême. Cependant, ce second baptême ne sera que la répétition de l'ordonnance initiatrice administrée la première fois. Il n'y a pas d'ordonnance dans l'Eglise qui soit distincte dans sa nature, sa forme ou son but, de l'autre baptême. C'est pourquoi, lorsque le baptême est administré à une personne qui a déjà été baptisée une première fois, la forme de l'ordonnance est exactement la même que lors du premier baptême.

 



[1] Jn 10:16; cf. LM, 3 Né 15:17-21; page 454 supra.

[2] Voir pages 53, 60 supra.

[3] Pages 53-56.

[4] HéI 14:14-27.

[5] 3 Né 2:1.

[6] Ex 10:21-21

[7] 3 Né 8:5-25; cf. Hél 14:20-27.

[8] 3 Né chap. 9.

[9] 3 Né chap. 10.

[10] Hél 14:25; 3 Né 23:7-13; cf. Mt 27:52, 53.

[11] 3 Né, chap. 11-18 inclus. 3 Né 10:18. Qu'on se souvienne que l'ascension du Christ se produisit quarante jours après sa résurrection.

[12] Note 1, fin du chapitre.

[13] 3 Né 11:7; cf. Mt 3:17, Mc 1:11, Lc 9:35, PGP, Joseph Smith 2:17.

[14] 3 Né 11:23-28; cf. D&A 20:72-74.

[15] 3 Né 11:31-34; cf. Mc 16:15; voir aussi Jn 12:48.

[16] 3 Né 11:39-41.

[17] 3 Né, chap. 12, 13, 14; cf. Mt chap. 5, 6, 7.

[18] Mt 5:18 et 3 Né 12:18; cf. 46, 47, 15:2-10 et 9:17-20. Voir note 2, fin du chapitre.

[19] 3 Né 15:4-8. Voir pages 256, 408, 409 supra.

[20] 3 Né 15:11-24.

[21] 3 Né 16:4-20.

[22] 3 Né 17:22-24; lire tout le chapitre.

[23] 3 Né 18:1-14, 27-34, comparer avec 1 Co 11:23-30. On trouvera la manière prescrite de bénir la Sainte-Cène dans Moroni, chap. 4 et 5; cf. D&A 20:75-79.

[24] 3 Né 18:19-23.

[25] 3 Né 18:36, 37; Moro 2:1-3.

[26] 3 Né chap. 19-25 et 26:1-5.

[27] Note 3, fin du chapitre.

[28] 3 Né chap. 19:35, 36; lire tout le chapitre.

[29] 3 Né chap. 20; voir références à Esaïe qu'on y trouve.

[30] 3 Né 21:4.

[31] 3 Né 21:1-7; on trouvera dans le reste du chapitre des prophéties concernant les événements ultérieurs.

[32] 3 Né chap. 22; cf. Es chap. 54.

[33] 3 Né chap. 24 et 25; cf. MI chap. 3 et 4.

[34] D&A 110:13-16. Le 3 avril 1836, Elie apparut dans le temple de Kirtland et remit à l'Eglise les clefs de l'autorité pour l’œuvre par procuration pour les morts. Voir chapitre 41 infra, page 831.

[35] 3 Né 26:4, 5, 13-15.

[36] 3 Né 26:14-21.

[37] 3 Né, chap. 26,27 et 28:1-12.

[38] Note 1, fin du chapitre.

[39] 3 Né 27:4-12.

[40] P. ex. de Calvin, Luther, Wesley; voir aussi La Grande apostasie, 10:21, 22.

[41] Noter que les apôtres juifs furent assurés qu'ils recevraient la même autorité: Mt 19:28; Luc 22:30. Voir aussi 1 Né 12:9.

[42] 3 Né 27:32 et les références y afférentes.

[43] 3 Né 28: 1; lire versets 1-12.

[44] 3 Né 28:6-8; voir page 746 supra.

[45] 3 Né 28:13-23; cf. 4 Né 1:14, 29-33.

[46] 3 Né 28:39, 40.

[47] Morm 8:10, 11; voir aussi 3 Né 28:26-32,36-40; 4 Né 1:14, 37; Eth 12:17.

[48] 3 Né 28:27-32.

[49] 4 Né 1:3; lire 1:23; voir pages 758 et 771 supra.

[50] 4 Né 1:15, 16.

[51] 4 Né 1:25, 26.

[52] Près de Manchester, dans le comté d'Ontario (New York).

[53] Voir Morm, chapitres 1-9 et Moro chapitre 10.

 

 

 

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