LÉHI DANS LE DÉSERT

Par le Dr Hugh Nibley

Professeur d'histoire et de religion

à l’Université Brigham Young

ABREVIATIONS

AASOR            Annual of the American Schools of Oriental Research

AJA                  American Journal of Archaeology

ARAHA             Annual Report of the American Historical Association

ARW                Archiv für Religionswissenschaft

BA                   Biblical Archeologist

BASOR            Bulletin of the American Schools of Oriental Research

CJ                    Classical Journal

CQ                   Classical Quarterly

HUCA               Hebrew Union College Annual

IE                     Improvement Era

IEJ                   Israel Exploration Journal

ILN                   Illustrated London News

JAOS               Journal of the American Oriental Society

JBL                  Journal of Biblical Literature

JE                    Jewish Encyclopedia

JEA                  A Journal of Egyptian Archaeology

JNES                Journal of Near Eastern Studies

JPOS               Journal of the Palestine Oriental Society

JQR                  Jewish Quarterly Review

JRAS                Journal of the Royal Asiatic Society

JRSAI               Journal of the Royal Society of Antiquaries of Ireland

MGWJ              Monatschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums

PEFQ               Palestine Exploration Fund Quarterly

PG                   J.-P. Migne, Patrologiae Cursus Completus. Series Graeca, Paris, Migne, 1857-66, 161

PL                    J.-P. Migne, Patrologiae Cursus Completus. Series Latina, Paris, Migne, 1844-64, 221

PO                   Patrologia Orientalis

RB                   Revue Biblique

RE                   Pauly-Wissowa, Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft

TAPS               Transactions of the American Philosophical Society

TSBA               Transactions of the Society of Biblical Archaeology

WPQ                Western Political Quarterly

ZASA               Zeitschrift für Ägyptische Sprache und Altertumskunde

ZDMG               Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft

ZDPV               Zeitschrift des Deutsch-Palästina Vereins

 

CHAPITRE UN : L’Orient troublé

Le problème

Les dix-huit premiers chapitres (environ quarante pages) du Livre de Mormon racontent comment, au commencement du sixième siècle avant Jésus-Christ, un certain Léhi quitta Jérusalem à la tête d’une compagnie d’Israélites pour traverser l’Arabie en direction de la mer. Depuis la publication de ce récit, d’autres histoires de voyages antiques ont été déterrées dans le Proche-Orient et acceptées comme authentiques ou prononcées fictives selon qu’elles remplissaient ou ne remplissaient pas certaines conditions. C’est ainsi que le professeur Albright affirme que l’histoire de l’Égyptien Sinuhe est « en substance un récit véridique de la vie dans son milieu », parce que (1) « sa couleur locale (est) extrêmement plausible », (2) elle décrit un « état d’organisation sociale » qui « s’accorde d’une manière très exacte avec les indices archéologiques et documentaires actuels », (3) « les noms de personnes amoréens que contient l’histoire sont satisfaisants pour cette période et cette région », (4) et « finalement, il n’y a rien de déraisonnable dans l’histoire elle-même[1] ».

Cette même autorité accepte comme vrai le récit de Wenamon dans son histoire et sa géographie politiques, notant qu’il « reflète correctement l’horizon culturel et les idées et les pratiques religieuses de son époque[2] ». Lieblein considérait comme authentiques certains épisodes égyptiens de l’Odyssée parce qu’ils présupposent chez leur auteur « une assez bonne connaissance de la situation et des institutions des Égyptiens[3] ». D’autre part, des contes tels que « Le Marin naufragé » peuvent être considérés comme imaginaires parce qu’il leur « manque un cadre historique ou géographique précis et à cause de leur mise en scène, qui est soit mythique, soit improbable par son extravagance[4] ».

Avec de tels exemples sous les yeux, nous pouvons procéder à la mise à l’épreuve de l’histoire de Léhi : Reflète-t-elle correctement «l’horizon culturel et les idées et les pratiques religieuses et sociales de l’époque»? A-t-elle un cadre historique et géographique authentique? La mise en scène est-elle mythique, tout à fait imaginaire ou improbable par son extravagance? Sa couleur locale est-elle correcte et ses noms propres sont-ils convaincants? Il n’y a que quelques années de cela, on posait encore les mêmes questions à propos du Livre de l’Exode, et les savants donnaient systématiquement une réponse négative jusqu’au moment où l’accumulation des preuves en sa faveur se mit à peser dans les plateaux de la balance. Comme le décrivait un savant, le problème « consiste plutôt à prouver, par d’innombrables petites coïncidences, ce qu’Ebers a si bien appelé l’ « égypticité » du Pentateuque, que de démontrer un fait historique particulier par des preuves externes et monumentales[5] ». De même, le problème de 1 Néphi est d’en établir à la fois « l’égypticité » et « l’arabicité » par d’innombrables coïncidences du même genre. Le fait que le Livre de Mormon est un texte moderne, et cependant pas suffisamment moderne pour avoir exploité les fruits de l’archéologie, lui donne un double handicap au départ, et cependant, étant donné les affirmations de Joseph Smith, il ne peut pas demander à être exempté de ces mêmes contrôles minutieux qui ont révélé la vraie nature de documents dont l’antiquité était connue. Si le livre peut réussir ces contrôles, il n’y a aucune raison de discuter de son âge et de son auteur.

Virtuellement tout ce que l’on sait du monde dans lequel Léhi est censé avoir vécu a été découvert au cours des cent dernières années – et surtout au cours des trente dernières [ceci a été écrit en 1952, N.d.T.][6].  Ces informations cadrent-elles avec celles du  livre de 1 Néphi? Avant de les mettre côte à côte pour les comparer, nous devons brièvement décrire la nature des indices dont on dispose aujourd’hui.  À notre sens, ils se répartissent en quatre classes:

1. En premier lieu, les documents les plus précieux sont ceux que l’on a trouvés dans le pays de Léhi et qui datent de son époque même. Un certain nombre de ces documents ont été découverts au cours des dernières années: des sceaux, des poignées de poterie, des inscriptions et, tout particulièrement, les lettres de Lakisch, découvertes en 1935. Ce sont les restes de la correspondance d’un officier militaire stationné dans la ville de Lakisch, à environ cinquante-cinq kilomètres au sud-ouest de Jérusalem, à l’époque de la destruction des deux villes, qui nous donnent ainsi la description, par un témoin oculaire, du monde réel de Léhi, une minuscule ouverture, il est vrai, mais une ouverture sans obstruction. Dans ces lettres, «nous sommes mis en contact direct avec la vie religieuse, politique et militaire intérieure de Juda à cette époque[7]». Puisque 1 Néphi prétend nous mettre encore plus intimement en contact avec la même société, nous avons ici  un « contrôle » important.

2. Les nouvelles découvertes ont provoqué chez les savants les plus capables une révision et une réévaluation approfondies de la situation qui régnait à Jérusalem à l’époque de sa chute; ces savants résumés nous épargneront l’ennui et le risque de faire les nôtres.

3. Les descriptions que fait le Livre de Mormon de la vie dans le désert doivent être comparées avec les récits de témoins oculaires de la vie dans ces mêmes déserts, pour la même période de temps, si c’est possible. Puisque le pays et les populations intéressés comptent parmi les plus immuables de la terre, il y a beaucoup de choses qui sont aussi vraies aujourd’hui qu’en 600 av. J.-C., fournissant des données d’une nature quasiment intemporelle, mais qui est hautement spécialisée, données qui nous ont été rendues accessibles dans :

(a) De nombreux journaux et études scientifiques du pays, avec, en tête, le « Palestine Exploration Fund Quarterly ».

(b) Un trésor croissant de grands classiques sur la vie chez les Arabes, commençant par Burckhardt en 1829, mais principalement limité à notre époque : Doughty, Philby, Lawrence, Hogarth, Thomas, etc.

(c) Peu d’Américains sont conscients des possibilités linguistiques et culturelles dont dispose le savant sérieux un peu partout dans le pays. Il n’est pas de grande ville des États-Unis qui n’ait ses communautés de Syriens, de Grecs, d’Arméniens, etc., souvent fraîchement arrivées de l’ancien monde et pleines de traditions du Proche-Orient. Qui irait s’imaginer qu’un ancien chamelier, un Arabe pur-sang et musulman dévot s’installerait dans le voisinage d’une ville telle que Provo, ou que les déserts de la Californie du sud entretiennent des colonies d’Arabes élevant des moutons et des poules et cultivant des dattes exactement comme ils le faisaient, leurs ancêtres et eux, dans les déserts de l’Orient? Ces gens sont souvent des informateurs merveilleux, car ils ont une mémoire étonnante et adorent se livrer à des réminiscences en passant la nuit à jouer au trictrac[8].

4. Pour vérifier ces récits oraux, nous avons les paroles des anciens poètes, des Arabes. Le récit en prose des Bani Hilal est également très utile, à la fois parce que c’est un « ouvrage canonique » sur les migrations dans le désert et parce qu’il raconte une histoire qui, sous certains aspects, présente des parallèles très étroits avec celle de Néphi. Réunies, ces sources permettent de scruter de bien plus près le livre de 1 Néphi qu’on n’aurait pu le faire il y a une génération. Bien que ce qui suit ne soit guère autre chose qu’un survol, nous croyons avoir emprunté le cheminement qu’on est en droit d’attendre d’un examen correct de l’histoire de Léhi, et que nous avons ici suffisamment d’indices pour justifier les réflexions par lesquelles nous conclurons cette étude.

La situation à Jérusalem

Lorsque nous parlons de Jérusalem, il est important de remarquer la préférence que montre Néphi, lorsqu’il nomme sa patrie, pour une expression non biblique: « le pays de Jérusalem » (1 Néphi 3:10). Bien que ses frères et lui considèrent toujours « le pays de Jérusalem » comme leur patrie, il ressort d’une manière parfaitement claire d’un certain nombre de passages que « le pays de l’héritage de notre père » (1 Néphi 3:16) ne peut se trouver à l’intérieur de la ville, ni même tout près, en dépit du fait que Léhi ait « habité Jérusalem toute sa vie » (1 Néphi 1:4). Les termes manquent de clarté, mais reflètent correctement une situation réelle, car dans les lettres d’Amarna, il est question du « pays de Jérusalem » pour décrire une région plus vaste que la ville elle-même, et nous apprenons même à un moment donné que « une ville du pays de Jérusalem, Bet Ninib, a été capturée ». Il était de règle en Palestine et en Syrie, comme le montrent les mêmes lettres, qu’une vaste région alentour d’une ville et tous les habitants de cette région portent le nom de la ville[9]. C’était une survivance de l’époque où la ville et le pays constituaient une entité politique unique, dite cité-état; lorsque celle-ci fut absorbée dans un empire plus vaste, l’identité originelle fut conservée, quoique ayant perdu sa signification politique d’origine[10]. C’est ce même conservatisme qui a donné à Socrate la possibilité d’être Athénien et rien d’autre, bien qu’il vînt du village d’Alopêkê, situé à une certaine distance de la ville[11]. Cet arrangement mérite d’être mentionné parce que beaucoup ont considéré comme une preuve certaine de falsification l’affirmation d’Alma que le Sauveur naîtrait « à Jérusalem, qui est le pays de nos ancêtres ». (Alma 7:10). C’est plutôt l’inverse, conservant fidèlement l’antique terminologie pour décrire un système que l’on n’a redécouvert que récemment.

Quoique demeurant à Jérusalem, Léhi ne vivait pas dans la ville, car ce n’est qu’après avoir échoué dans leur tentative d’obtenir les plaques à Jérusalem que ses fils décidèrent de descendre « au pays de l’héritage de [leur] père » (1 Néphi 3:16) et d’y rassembler suffisamment de richesses pour acheter les plaques à Laban. Chargés de la marchandise, ils remontèrent « à la maison de Laban » à Jérusalem (1 Néphi 3:23). Le Livre de Mormon emploie les expressions « descendre » et « monter » exactement comme le faisaient les Hébreux et les Égyptiens lorsqu’ils parlaient de l’emplacement de Jérusalem, et cela montre donc clairement que les biens de Léhi se trouvaient quelque part à la campagne et non pas dans l’enceinte de Jérusalem[12].

Nous ne savons que très peu de choses du gouvernement des villes des Juifs, à part que les « anciens » y jouaient le rôle principal. Dans ces « anciens », on a voulu voir « les chefs des familles les plus influentes d’une ville[13] ». « Ceci les rendrait identiques à ces princes, notables et fonctionnaires que les lettres de Lakisch appellent sarim. Le mot sarim désigne, selon J. W. Jack, les « membres de la classe officielle, c’est-à-dire ‘les fonctionnaires’ jouant auprès du roi le rôle de conseillers et de gouverneurs ». Dans les lettres de Lakisch « nous voyons les sarim’ dénoncer Jérémie au roi et exiger son exécution à cause de sa mauvaise influence sur le moral du peuple » (Jérémie 38:4-5)[14].  Lorsqu’ils accusaient le prophète de défaitisme, les hommes influents de Jérusalem étaient soutenus tant par la majorité du peuple que par une armée de prophètes qui, par leurs faux oracles, « excitaient le chauvinisme judaïque jusqu’à la frénésie », ce qui faisait courir, et c’est le moins que l’on puisse en dire, de gros risques à quiconque était d’une opinion opposée[15]. Car le gouvernement, avec à sa tête le faible et incapable Sédécias, avait adopté une politique suicidaire d’alliance militaire avec l’Égypte et de « on fait comme si de rien n’était[16] ».

Le pays venait de connaître un grand essor économique, grâce surtout aux relations commerciales avec l’Égypte, ce qui avait produit une efflorescence sans pareille de grandes fortunes privées. « Les galères phéniciennes remplissaient les embouchures du Nil et les marchands sémitiques encombraient le Delta[17] », la majeure partie du commerce maritime passant par Sidon, laquelle domina du début à la fin la scène commerciale[18]. Les listes de marchandises importées de Palestine en Égypte montrent que les grands de l’Orient recevaient l’or de l’Égypte en échange de leur vin, de leur huile, de leur grain et de leur miel, les trois premiers dépassant de loin en importance toutes les autres commodités[19].  Les caravanes des princes marchands passaient par les villes intérieures telles que Jérusalem, comme du temps des lettres d’Amarna, car il n’y eut de routes véritables qu’à l’époque des Romains.

À la fin du siècle, la situation internationale jetait une ombre sinistre sur le tableau. Babylone, soudain libérée de ses autres soucis, s’orientait rapidement vers une épreuve de force avec l’Égypte, le « roseau brisé » pour lequel les dirigeants de Juda avait imprudemment pris parti. Et cependant la menace d’une guerre imminente n’était pas aussi grave que le laisser-aller religieux et la décadence morale qui, selon Jérémie, découlaient d’une prospérité excessive et d’une trop grande affection pour tout ce qui était égyptien (voir Jérémie 43:10-13; 44:1-30; 46:11-26). Rien d’étonnant à ce que les sarim, qui affrontaient suffisamment de problèmes pour entretenir le programme du « on fait comme si de rien n’était », aient dénoncé le prophète de mauvais augure comme traître, défaitiste et collaborateur de Babylone. Le pays était divisé en deux factions, « les deux partis, pro-égyptien et pro-babylonien, existaient côte à côte dans le pays ». « Le roi Sédécias, ses gouverneurs et ses princes, et probablement la plus grande partie du peuple étaient en faveur de l’Égypte, tandis que le prophète Jérémie et ses partisans conseillaient la soumission à Babylone[20] ». C’était une époque de « dissensions et de rancunes, où les avis divisés déchiraient la malheureuse ville de Jérusalem[21] », et tandis que les choses empiraient dans une atmosphère « chargée d’un pessimisme sans mélange… Sédécias… suivait avec entêtement le chemin de la ruine en conspirant avec le pharaon[22] ». L’alerte était justifiée, car lorsque le coup tomba finalement, il fut bien plus catastrophique que les savants ont été jusqu’à présent disposés à le croire, « toutes ou virtuellement toutes les villes fortifiées de Juda étant entièrement rasées[23] ». Ce n’est qu’en 1925 que nous avons appris que c’est à cette époque que « Tyr est réellement tombée[24] ».

L’engouement fatal pour l’Égypte, qui fut en grande partie responsable de la calamité, est ce qui frappe le plus dans cette histoire. Pourquoi le gouvernement de Juda resta-t-il si loyalement attaché à une Égypte qui avait depuis longtemps perdu le pouvoir d’imposer l’obéissance? D’abord, nous savons maintenant que les liens culturels et économiques étaient beaucoup plus forts entre les deux pays qu’on l’avait cru jusqu’à présent. J. W. Jack a noté en 1938 que « les fouilles ont révélé des liens beaucoup plus intimes avec le pays des pharaons qu’on ne le pensait… les autorités de Lakisch utilisaient probablement ou étaient du moins habituées au calendrier égyptien et au système égyptien de numération dans leurs documents locaux ». Bien que ceci se rapporte à une époque antérieure, « tout montre que ces liens avec l’Égypte sont restés ininterrompus jusqu’à la fin de la monarchie juive[25] ». Un anthropologue est allé jusqu’à prétendre que Lakisch était en fait une colonie égyptienne, mais les recherches montrent que le même type physique « égyptien » et la même prédominance de la culture égyptienne se retrouvent ailleurs en Palestine[26].  Des ivoires, des sceaux, des inscriptions récemment découverts et l’étude préliminaire de tertres dans le pays, tout cela raconte la même histoire: Une prépondérance écrasante et inattendue de l’influence égyptienne[27] à l’exclusion tout aussi surprenante de Babylone et de l’Assyrie[28].  À Jérusalem même, où les fouilles sont nécessairement limitées, des sceaux sur des poignées de cruches révèlent le même règne prolongé de la culture égyptienne[29].  En même temps, les papyrus d’Eléphantine nous disent encore une autre chose que les savants n’auraient jamais imaginée et qu’ils ont eu tout d’abord beaucoup de mal à croire, à savoir que des colonies de soldats et de marchands juifs étaient tout à fait chez elles en Haute-Égypte où elles étaient libres de pratiquer leur religion[30]. Les liens entre la Palestine et l’Égypte étaient en outre déjà de très longue durée, des siècles « d’environnement hébréo-égyptien commun » étant nécessaires pour produire l’osmose des modes de pensée et d’expression des Égyptiens chez les Hébreux » et pour charger le vocabulaire égyptien de mots venus de Palestine et de Syrie[31]. Les Aechtungstexte  récemment identifiés montrent que dès 2000 av J.-C. « La Palestine était tributaire, du moins en grande partie, de l’Égypte », tandis que les fouilles de Byblos, véritable « petite Égypte », prouvaient la présence de l’empire égyptien dans les siècles ultérieurs[32].

Dire que la culture égyptienne est prédominante dans une région, ce n’est pas nécessairement prétendre à la présence d’une domination égyptienne. Selon Hogarth, l’Égypte exerçait trois degrés de domination: Le premier degré était le gouvernement par la force directe, le deuxième, « la peur d’une reconquête qu’un petit nombre de garnisons et d’agents et le prestige du conquérant pouvaient maintenir vivace dans l’esprit des administrateurs indirects et des sujets natifs », et le troisième degré « n’était guère plus qu’une sphère d’influence exclusive, dont un tribut était attendu, mais, n’étant pas assuré par des garnisons ou des représentants… avait tendance à être intermittent[33] ». Nous voyons donc que la position de l’Égypte comme « nation spécialement favorisée » en Juda peut représenter n’importe quel degré de domination dégradée allant même jusqu’à un « empire » au quatrième degré[34] ». C’était l’héritage culturel égyptien plutôt que son gouvernement qui était tout-puissant, l’influence égyptienne atteignant le maximum de sa puissance en Palestine après que l’Égypte eut passé l’apogée comme puissance mondiale[35].

À l’époque de la grandeur de l’Égypte, le célèbre Ipuwer avait dit: « Les étrangers sont partout devenus égyptiens » et un proche contemporain de Léhi peut se vanter ainsi: « Voici, l’Ethiopien, le Syrien et tous les étrangers ne sont-ils pas également instruits dans la langue de l’Égypte[36]? » Pendant des siècles, il fut de coutume chez les princes de Syrie d’envoyer leurs fils faire leurs études en Égypte[37]. Quelque mauvaise que fût la situation de l’Égypte, les inscriptions vantardes de ses souverains, lesquels étaient parfois très faibles, proclament la supériorité absolue et incontestable de la civilisation égyptienne sur toutes les autres: pour les Égyptiens, c’est là un article de foi. Comme les Anglais de notre époque, les Égyptiens firent maintes fois la démonstration de leur capacité d’entretenir dans le monde une puissance et une influence tout à fait hors de proportion avec leurs ressources matérielles. Sans autre moyen qu’une confiance parfaite et tenace en la supériorité divine de l’Égypte et d’Ammon, Wenamon réussit presque à intimider le grand prince de Byblos. Est-il donc étonnant qu’à une époque où l’Égypte jouissait du bref mais presque miraculeux renouveau de splendeur qui marqua la vingt-sixième dynastie, avec son apogée étonnant de commerce mondial, le crédit de ce pays ait été très grand dans le pays de Jérusalem?

Mais il nous faut maintenant revenir au Livre de 1 Néphi. Avec quelle perfection l’auteur dépeint la situation même que nous venons de décrire! Il explique qu’il n’a pas l’intention d’écrire une histoire politique, et nous devons souvent lire entre les lignes; cependant la quantité de renseignements qu’il donne de la manière la plus négligente et la plus naturelle que l’on puisse imaginer, est tout simplement étonnante. Voyons tout d’abord l’image de Léhi.

Léhi était un Juif très riche; il était fier de son éducation égyptienne, parlait et écrivait égyptien et tenait absolument à ce que ses fils apprennent la langue. Il possédait de très grandes richesses sous forme « d’or, d’argent et toutes sortes de richesses » (voir 1 Néphi 3:16) que l’on ne fabriquait pas à Jérusalem; il avait des attaches étroites avec Sidon (un des noms les plus populaires du Livre de Mormon, où on le retrouve à la fois sous sa forme sémitique et sous sa forme égyptienne Giddonah); et pourtant il vivait dans une propriété à la campagne, « le pays de son héritage » (1 Néphi 2:4), et était une espèce d’expert dans la culture de la vigne, de l’olivier, du figuier et du miel; il ne peut donc y avoir beaucoup de doute quant à la nature de ses affaires avec l’Égypte.

Or voici que cet homme, issu d’une des plus vieilles familles et ayant un passé et une éducation au-dessus de tout reproche, se trouve tout à coup en mauvais termes avec « les gens qui comptent ». Il y eut tout d’abord des railleries, puis de la colère et finalement des complots contre sa vie (1 Néphi 1:19-20) qui, puisqu’ils étaient graves, devaient être soutenus en haut lieu, car en prenant ouvertement le parti de Jérémie (voir 1 Néphi 7:14) il devenait traître à sa classe et à sa tradition: les membres de sa propre famille se retournèrent contre lui et prenant, comme l’explique Jérémie, le parti des « Juifs de Jérusalem » (1 Néphi 2:13), accusèrent leur père de défaitisme criminel en pensant et en prêchant que « la grande ville de Jérusalem serait détruite » (1 Néphi 1:4), exactement comme les sarim accusaient Jérémie de trahison dans son discours. Si véhément était le soutien qu’ils accordaient au point de vue du parti gouvernemental, que les deux fils aînés de Léhi partagèrent avec les Juifs le grand crime de comploter contre la vie de leur père (1 Néphi 17:44). On ne voit nulle part avec plus de clarté les « dissensions et l’aigreur qui déchiraient la malheureuse ville de Jérusalem[38] » que dans ces scènes passionnées qui eurent lieu dans le ménage de Léhi. Les fils aînés, élevés dans une vie d’élégance égyptienne et héritiers d’une fortune qui devait beaucoup à l’Égypte, étaient les fermes défenseurs du statu quo, tandis que les cadets, à tous points de vue moins gâtés, avaient pris conscience de la nature réelle de la crise de Jérusalem, qui n’était pas réellement économique ni politique, mais fondamentalement morale. (1 Néphi 1:19) Les aînés ne le voyaient pas du tout: « Le peuple qui habitait le pays de Jérusalem, protestèrent-ils, était un peuple juste; car il gardait les ordonnances selon la loi de Moïse; c’est pourquoi, nous savons qu’il est un peuple juste ». (voir 1 Néphi 17:22). Tel était le saint chauvinisme des faux prophètes avec leur évangile du « faisons comme si de rien n’était ». L’atmosphère d’hystérie et de pessimisme qui règne dans l’histoire que Néphi nous conte sur Jérusalem est, comme nous l’avons vu, strictement authentique, et le danger de destruction totale de Jérusalem qui traverse tout le livre comme le motif d’un destin imminent était, comme les événements allaient le montrer, parfaitement justifié.

La langue et le Livre de Mormon

Le monde a toujours regardé d’un air supérieur et moqueur cet intérêt démesuré du Livre de Mormon pour ce qui est égyptien. Il apprend maintenant avec surprise et incrédulité que la culture égyptienne était bien plus importante dans la Palestine de 600 av. J.-C. qu’on l’aurait jamais cru. Il est significatif que l’intérêt du Livre de Mormon pour l’Égypte est strictement culturel: il n’est jamais question du pharaon ni du gouvernement égyptien, mais uniquement de la culture et surtout de la langue égyptienne. Il dit d’ailleurs d’une manière tout à fait claire que l’égyptien n’était pour Léhi qu’une seconde langue, « car, ayant été instruit dans la langue des Égyptiens, il pouvait lire ces inscriptions gravées et les enseigner à ses enfants » (Mosiah 1:4). Nous avons vu que du temps de Léhi, l’égyptien était enseigné « aux Éthiopiens, aux Syriens et à tous les autres étrangers ». Moroni nous dit (Mormon 9:32-34) que la langue des descendants de Léhi n’était ni l’hébreu, ni l’égyptien, mais un mélange des deux, l’un et l’autre s’étant corrompus, de sorte que « aucun autre peuple ne connaît notre langue », ce qui n’aurait certainement pas été le cas s’ils n’avaient parlé que l’hébreu. Le hittite ancien était une langue double de ce genre. La raison pour laquelle « aucun autre peuple ne connaît notre langue » (l’anglais, N. d. T.) aujourd’hui vient de ce que le français cultivé a été imposé aux Saxons originels, tout comme l’égyptien cultivé fut imposé à l’hébreu originel dans la Palestine de Léhi. Sur un poignard cérémoniel qui, avec sa poignée d’or blanc nous rappelle l’épée de Laban, nous lisons le nom ja’qob-her, « Jahvé est satisfait », nom qui combine joliment l’égyptien et l’hébreu dans un processus de fusion pour lequel il existe maintenant beaucoup d’exemples et qui était en cours déjà longtemps avant l’époque de Léhi[39].

Il était courant dans les langues anciennes, comme dans les langues modernes, d’utiliser un même mot (par exemple le français « langage », égyptien ‘ra’) à la fois pour parole et langue[40], bien que cet usage courant que l’on trouve dans le Livre de Mormon ne se trouve pas en hébreu. Lorsque Néphi dit: « C’est dans ce genre de langage que mon père loua son Dieu » (1 Néphi 1:15), il ne nous dit pas quelle langue son père parlait, mais nous avertit qu’il cite ou paraphrase des paroles véritablement prononcées par son père. De même quand il dit « Je fais des annales, dans la langue de mon père » (1 Néphi 1:2), il dit qu’il va citer ou paraphraser un document que son père a véritablement rédigé (1 Néphi 1:16). Il explique que son père écrivit le document en égyptien quoique traitant d’affaires juives, mais il n’affirme jamais que l’égyptien était la langue natale de son père. La proposition dans 1 Néphi 1:2, qui commence par « consistant en ... » ne se rapporte évidemment pas à « langue » ni à « père », mais à « annales ». Du point de vue de la syntaxe, les deux autres sont possibles, mais n’ont pas de sens : Une langue ne consiste pas en un langage, des annales bien. La phrase est du mauvais français mais, comme beaucoup d’autres dans le Livre de Mormon, ressemble fort à la construction sémitique hal bien connue et pourrait se traduire comme ceci: « Je fais, dans la langue de mon père, des annales consistant en la science des Juifs », etc. Joseph Smith n’a pas dicté la ponctuation du Livre de Mormon.

Certaines personnes ont prétendu que le Livre de Mormon a été écrit en hébreu mais avec des caractères égyptiens. Mais Moroni (Mormon 9:32-34) observe que les Néphites ont changé leur manière d’écrire l’égyptien pour qu’elle soit conforme à leur manière de le prononcer et que « l’hébreu a été altéré aussi par nous » de sorte que « aucun autre peuple ne connaît notre langue ». Leur langue n’était ni l’égyptien ni l’hébreu. Moroni apprécie la précision et la clarté de l’hébreu antique, que son peuple ne parle plus (Mormon 9:32) et écrit à contrecœur; « dans les caractères qui sont appelés parmi nous l’égyptien réformé », et cela, simplement parce que cela prend moins de place. Or l’égyptien prenait moins de place que l’hébreu parce que, du temps de Léhi, le démotique était véritablement une sténographie, extrêmement condensée et abrégée[41], et c’était une sténographie pour la bonne raison qu’il était absolument idiomatique, c’est-à-dire spécialement adapté aux sons et aux processus de pensée d’une seule langue et d’une seule langue seulement. On pouvait l’utiliser d’une manière très économique pour écrire l’égyptien, mais pas pour une autre langue. En fait, peu de temps après l’époque de Léhi, les conquérants perses de l’Égypte apprirent l’araméen au lieu de l’égyptien parce que l’écriture égyptienne était trop gauche et trop difficile à apprendre[42]. Et maintenant on nous demande de croire que les Juifs ont renversé ce processus et adopté les caractères égyptiens pour leur propre langue.

Cela revient à dire que les Néphites se sont refusé l’utilisation de leur écriture sainte et superbement pratique à propos de laquelle Torczyner écrit: « L’écriture de Lakisch nous fait prendre pour la première fois conscience de ce que l’alphabet phénicien-hébreu… est ... une écriture inventée et utilisée spécialement pour écrire à l’encre sur du papyrus, de la peau (parchemin) et des tessons de poterie. Nous nous rendons compte maintenant que les Juifs d’autrefois pouvaient écrire rapidement et hardiment, dans une belle écriture artistique, avec le soin aimant de ceux qui aiment écrire[43] ». Et les Néphites se seraient débarrassés de ceci pour apprendre à sa place le système le plus gauche, le plus difficile, et le moins pratique pour écrire jamais conçu par l’homme! Pourquoi se donner tout ce mal? Simplement pour gagner de la place. Quelle place? La place sur de précieuses plaques. Quand la coutume a-t-elle commencé? Avec Léhi. Où et quand a-t-il appris « la langue des Égyptiens »? En Palestine, évidemment, avant même de penser qu’il pourrait un jour être historien. Le riche Léhi a-t-il appris les caractères égyptiens pour pouvoir rester dans sa maison dans le pays de Jérusalem et, en écrivant l’hébreu avec des symboles démotiques, épargner quelques sous par mois en matériel pour écrire? A-t-il commandé à ses fils d’apprendre l’égyptien pour qu’ils puissent gagner de la place lorsqu’ils écriraient des annales? Bien sûr que non: Lorsqu’ils ont appris la langue, ni Léhi ni ses fils n’avaient la moindre idée qu’un jour ce serait utile pour des gens qui écriraient sur des plaques de métal. Leur seule raison d’apprendre les caractères égyptiens était de pouvoir lire et écrire l’égyptien. Ce n’est que plus tard, lorsque les historiens manquèrent de place qu’ils virent l’avantage qu’il y avait à écrire en égyptien. Et les caractères égyptiens ne peuvent avoir été préservés pour leur usage que parce que la langue elle-même avait également été conservée; car des gens à qui la place ne manquait pas n’auraient pas continué, pendant des centaines d’années, à écrire l’hébreu avec les difficiles caractères égyptiens, alors qu’ils auraient très bien pu, pendant tout ce temps-là, écrire avec les vingt-deux caractères simples et pratiques de l’alphabet hébreu.

On pourrait multiplier les raisons de rejeter cette intéressante théorie, mais la simple déclaration de Mormon devrait suffire pour bannir la chère illusion que quiconque a fait de l’hébreu élémentaire connaît la langue originelle du Livre de Mormon. S’il en était ainsi, sa traduction par le don et le pouvoir de Dieu n’aurait pas été un bien grand miracle, et au lieu d’un urim et d’un thummim, une courte liste de caractères égyptiens avec leurs équivalents hébreux aurait été le seul instrument dont aurait eu besoin la génération de Joseph Smith ou la nôtre. Le fait reste que le Livre de Mormon a été abrégé et publié dans une langue que ne connaissait aucun autre peuple sur la terre que les Néphites.

Il y a beaucoup de choses, dans les écrits de Néphi, qui montrent que, comme il le prétend, il écrit en égyptien et pas simplement en caractères égyptiens.  Lorsque Néphi nous dit que son récit et celui de son père sont dans la langue des Égyptiens (et pas que la langue de son père était la langue des Égyptiens), nous pouvons être sûrs que c’est bien cela qu’il veut dire. Et quoi de plus naturel qu’il choisisse pour écrire son message, adressé non seulement aux Juifs, mais aussi « à toute la maison d’Israël » (1 Néphi 19:19) et à tous les Gentils (1 Néphi 13:39-40) une langue mondiale plutôt que son hébreu tribal? Les Juifs des époques ultérieures ne vont-ils pas adopter le grec, langue mondiale internationale, de préférence à l’hébreu, même comme véhicule de l’Écriture Sainte, et ce, afin de se faire entendre le plus loin possible, non seulement parmi les Gentils, mais également parmi les Juifs eux-mêmes?

Les trois premiers versets de 1 Néphi, qui se détachent fortement du reste du texte, sont un colophon typique, procédé littéraire qui caractérise hautement les compositions égyptiennes. Un exemple typique, c’est le célèbre papyrus Bremer-Rhind, qui commence par un colophon contenant (1) la date, (2) les titres de Nasim, l’auteur, (3) les noms de ses parents et un éloge de leurs vertus, avec une mention spéciale de l’appel prophétique de son père, (4) une malédiction contre quiconque s’aviserait « d’enlever » le livre, probablement « par crainte qu’un livre sacré ne tombe entre des mains impures »[44]. Comparez ceci avec le colophon de Néphi: (1) son nom, (2) les mérites de ses parents, avec une mention spéciale de la science de son père, (3) l’aveu solennel (correspondant à la malédiction de Nasim) que le livre est vrai et l’affirmation: « Et je les fais de ma propre main », condition indispensable à tout vrai colophon, puisque le but de celui-ci est d’établir l’identité du rédacteur véritable (et non pas simplement de l’auteur) du texte. Les écrits littéraires égyptiens finissent régulièrement par la formule iw-f-pw : « ainsi en est-il »[45]. Néphi termine les sections principales de son livre par l’expression:  « Et ainsi en est-il. Amen » (1 Néphi 9:6; 14:30; 22:31).

La grande préoccupation que montre le Livre de Mormon pour les questions d’écriture, la passion qu’a Léhi de tout noter (1 Néphi 1:16) et la fierté évidente qu’éprouvent les auteurs pour leur habileté sont typiquement égyptiens. Le « je les fais de ma propre main » de Néphi est tout simplement l’égyptien « écrit avec mes propres doigts », et nous pouvons presque entendre Néphi employer les termes d’un Sage égyptien: « Copie tes pères qui t’ont précédé ... Voici, leurs paroles sont enregistrées par écrit. Ouvre, lis et copie ... « Il est certain que Néphi lui-même était diligent à garder ce seboyet[46]. C’était l’Égyptien et non l’Hébreu qui faisait de la publicité pour sa compétence dans l’art du scribe[47]. Une chose qui est également bien égyptienne, c’est l’esprit didactique de Léhi et l’habitude qu’il a de faire à ses fils de longs discours solennels sur des sujets moraux et religieux « à la manière des pères ». Comme tout bon Égyptien, il prenait évidemment note de tout cela[48]. La forme de ces discours, avec leurs introductions fixes et leurs tournures toutes faites aurait pu sortir tout droit d’une école égyptienne, quoique leur contenu fasse davantage penser à « la science des Juifs », comme Néphi l’observe lui-même (1 Néphi 1:2). Cependant, tant dans la forme que dans le contenu, on trouve que les écrits des prophètes et la sagesse d’Israël ressemblent fortement à la littérature prophétique et de sagesse de l’Égypte[49], de sorte que nous ne devons pas être surpris s’il en va de même des prophéties de Léhi. À la fin du siècle dernier, les savants furent déroutés de découvrir qu’une prophétie démotique que l’on peut faire remonter à l’époque de Bocchoris (718-712 av. J.-C.) dans laquelle étaient prédites des destructions futures avec la promesse qu’un Messie suivrait, était placée dans la bouche de « l’Agneau » (pa-hib). Les sources grecques nous apprennent que cette prophétie connaissait une large diffusion dans les temps anciens[50]. On voit donc que l’étrange formulation de la grande prophétie de Léhi prononcée par « l’Agneau » (1 Néphi 13:34, 41) n’est pas un anachronisme tiré des temps hellénistiques ou chrétiens, comme on l’a autrefois prétendu.

Un prophète égyptien typique est un certain Neferrohu, dont les prophéties, quoique de date incertaine, passaient pour être d’une grande antiquité. Cet homme se décrit comme un homme du peuple, mais en même temps un homme vaillant et « un homme riche dont les possessions étaient grandes », et il est fier de ses talents de scribe. Comme Léhi dans d’autres choses, il rappelle également qu’il a beaucoup médité « sur ce qui se passerait dans le pays », et, cela fait, se sent poussé à prophétiser: « Debout, mon cœur, lamente-toi sur ce pays d’où tu viens ... Le pays a entièrement péri et il ne reste rien... la terre est tombée dans la misère à cause de cette nourriture, là-bas, des Bédouins qui couvrent le pays... » Cependant il espère un roi-sauveur qui doit venir[51]. La situation n’est pas unique, mais est caractéristique aussi bien en Égypte qu’en Juda, et personne ne peut nier que si Léhi n’était pas une réalité, il était du moins un type très authentique. Néphi dit que son père n’était qu’un parmi de nombreux prophètes de son temps.

LA POLITIQUE EGYPTIENNE DANS LE NOUVEAU MONDE

La meilleure indication qui soit de l’influence de la civilisation égyptienne sur le peuple de Léhi se trouve dans un épisode tiré de l’histoire ultérieure des Néphites[52].

Livre de Mormon :

Agissant sur la recommandation du roi Mosiah, qui désirait vivement éviter une controverse au sujet du trône, les Néphites, au début du premier siècle avant Jésus-Christ, remplacèrent la royauté par un système de gouvernement par des juges ecclésiastiques: « ... Nous désignerons comme juges des hommes sages qui jugeront ce peuple selon les commandements de Dieu » (Mosiah 29:11). On ne nous dit pas où Mosiah a trouvé cette idée, mais l’empressement et la facilité avec lesquels le peuple adopta ce système implique qu’il le connaissait bien (Mosiah 29:37-41). C’est ce que montre clairement l’histoire d’un certain Korihor, qui put se faire beaucoup d’adeptes dans le pays en accusant « Ie grand prêtre, et aussi le grand juge du pays » de remettre en vigueur les « ordonnances et les observances… qui sont prescrites par des prêtres d’autrefois, pour usurper le pouvoir et l’autorité » sur le pays (Alma 30:21-24). Le fait qu’il y avait un danger réel de ressusciter un antique gouvernement de prêtres ressort bien du fait que le nouveau système était à peine établi qu’un certain Néhor, dans le premier procès que devait juger le nouveau grand juge, est accusé d’être le premier à introduire des intrigues de prêtres parmi le peuple. À cette occasion, le grand juge observe que pareilles intrigues de prêtres, si le peuple les permettait, « causeraient son entière destruction » (Alma 1:12). Nous apprenons ainsi que le cléricalisme n’avait pas été pratiqué dans le Nouveau Monde, mais qu’une tradition de ce genre était vivante dans les souvenirs. Son origine doit donc être recherchée dans l’Ancien Monde, si nous voulons croire le Livre de Mormon.

L’Ancien Monde :

À partir de la onzième dynastie, l’histoire de l’Égypte traite en grande partie des efforts faits par les prêtres d’Amon, avec, à leur tête, le grand prêtre d’Amon, pour se rendre maîtres du pays. Vers 1085 av. J.-C., le grand prêtre d’Amon alla jusqu’à s’emparer du trône du sud et, à partir de ce moment-là, « le grand prêtre d’Amon  pouvait réduire et réduisait constamment le roi à une position subalterne[53] ».  Le nom du grand prêtre qui se fit couronner à Thèbes était Herihor ou Kherihor[54]. La pierre angulaire du gouvernement clérical était un nouveau système de tribunaux populaires dont les prêtres d’Amon étaient les juges et qui fut d’abord en concurrence avec les tribunaux officiels et puis les supplanta partout[55]. La tendance séparatiste, qui reste caractéristique de l’histoire cléricale, a pu être annoncée par l’union de tous les états du sud en une entité administrative unique sous la direction de Néhi, le grand gouverneur de la dix-huitième dynastie, aussi bien que par l’apparition, en commençant par le Comte Néhri, d’une famille gouvernante distincte à Thèbes, sous le patronage d’Amon[56]. Le successeur de Néhri, en prenant le nom de Sam Tawi, « unificateur des deux terres », proclame une nouvelle dynastie[57].

Il reste encore à étudier si Néhi et Néhri ont une parenté quelconque avec le nom Néphi (il y a d’autres noms égyptiens qui sont plus proches). Mais aucun philologue ne refusera de reconnaître l’identité possible entre le Korihor du Livre de Mormon et le Kherihor égyptien, et personne ne peut nier, qu’il soit philologue ou pas, une forte ressemblance entre Sam et Sam (le frère de Néphi).

Livre de Mormon :

Le peuple dit « peuple d’Ammon » (Alma 30:1), communauté célèbre pour sa piété, amena Korihor devant son chef, Ammon, « qui était grand prêtre de ce peuple ». De là il fut « amené devant le grand prêtre, et aussi le grand juge du pays ». De son côté, cette cour supérieure l’envoya « au pays de Zarahemla... devant Alma et le grand juge qui était gouverneur de tout le pays » (Alma 30:19-21, 29-31).

L’Ancien Monde :

Le gouverneur en chef de l’Égypte était « le grand prêtre d’Amon » (ou Ammon), son titre étant en égyptien « neter hem tep », - « serviteur principal (hem) du Dieu[58] ». Hem est un élément des noms propres égyptiens et signifie la même chose que l’élément extrêmement courant « Abdi » dans les noms asiatiques occidentaux de l’époque (comparez avec l’arabe moderne Abdullah, « serviteur de Dieu »). Chose extrêmement intéressante, le frère du premier Ammon dans le Livre de Mormon porte le nom de Hem (Mosiah 7:6). Quant à Amon (ou Ammon), c’est le nom propre le plus courant du Livre de Mormon, et c’est aussi le nom le plus courant et le plus révéré de l’empire égyptien[59], qui en tout temps pendant la période ultérieure (après 930 av. J.-C.) prétend embrasser la Palestine et considérer Jérusalem comme une dépendance. Le respect manifesté pour le nom d’Amon n’indique en aucune façon une quelconque concession au paganisme de la part des Juifs, puisque Amon n’est rien moins que la version égyptienne de leur propre Dieu créateur universel et unique, le Grand Esprit, que l’on ne conçoit jamais sous une forme animale et qu’on ne représente jamais par aucune image[60]. Il apparaît pour la première fois vers 2140 av J.-C., dans le sud de l’Égypte, à Thèbes, où il semble avoir été importé d’Asie occidentale[61]. Se peut-il qu’il soit le Dieu d’Abraham? Il est significatif que le nom devient important pour la première fois au cours des années qui suivent l’époque du séjour d’Abraham en Égypte, et près de l’endroit où se situera plus tard la colonie juive la plus célèbre d’Égypte[62].

On peut détecter un reflet de la situation en Égypte dans les villes côtières de Palestine, régulièrement sous influence égyptienne, dont le gouvernement était aussi entre les mains de prêtres et de juges, qui à l’occasion usurpaient l’office de roi. Ceci arriva tant à Sidon qu’à Tyr ; dans cette dernière ville, deux usurpateurs ecclésiastiques portaient le nom de Maitena ou Mattena, - un nom qui a plusieurs variantes et suggère fortement le Mathoni du Livre de Mormon.

Livre de Mormon :

L’expérience de gouvernement par des juges ecclésiastiques s’effondra, en grande partie à cause d’une rivalité pour le poste de grand juge entre trois candidats, tous fils du grand juge, Pahoran. Ils s’appellent Pahoran, Paanchi et Pacumeni (Hélaman 1:1-3).

L’Ancien Monde :

Ce genre de rivalité familiale pour l’office de grand prêtre est caractéristique du système égyptien, dans lequel l’office semble avoir été héréditaire non de par la loi, mais par l’usage[63].

Le nom de Pahoran reflète le palestinien Pahura (pour l’égyptien Pa-her-an, comparer Pa-her-y, «le Syrien») qui est de l’égyptien « réformé », c’est-à-dire un vrai titre égyptien mais changé de manière à l’adapter à la manière de parler cananéenne. Pahura (également écrit Puhuru) était à l’époque d’Amarna un gouverneur égyptien (rabu) de Syrie. Le même homme, ou un autre homme portant le même nom, fut placé par le pharaon comme gouverneur du district de Ube, son siège étant à Kumedi[64] (comparez à  l’élément «kumen» dans les noms de lieu du Livre de Mormon).

Paanchi est tout simplement le Paiankh égyptien bien connu (également rendu Pianchi, Paankh, etc). Le premier homme important à porter ce nom n’était autre que le fils du Kherihor mentionné plus haut. Il ne succéda pas à son père sur le trône, se contentant de l’office tout-puissant de premier grand prêtre d’Amon, mais son fils, Panezem, devint roi[65]. Au milieu du huitième siècle, un autre Pianhki, roi de Nubie, conquit virtuellement toute l’Égypte, et s’adjugea l’office de grand prêtre d’Amon à Thèbes aussi bien que le titre de pharaon[66]. Son successeur, lorsque les Assyriens envahirent l’Égypte, du temps de Léhi, se réfugièrent dans une ville fortifiée, qui n’a pas encore été découverte, et qui portait le nom de Kipkip ou Kibkib, forme de nom qui suggère fortement le nom de ville de Gidgiddoni dans le Livre de Mormon (comparez aussi avec Gimgim-no, 3 Néphi 9:8).

Pacumeni, nom du troisième fils, ressemble à celui que portaient quelques-uns des derniers gouverneurs cléricaux d’Égypte, dont les noms sont rendus par Pa-menech, Pa-mnkh, Pamenches, etc. Les Grecs (qui fournissent souvent la clef de la lecture correcte des noms égyptiens) mettaient la gutturale avant la nasale Pachomios. L’homme le plus illustre du nom commandait toutes les forces du sud et fut également grand prêtre d’Horus. Un autre gouverneur général d’Égypte au moins portait ce nom[67].

Une coïncidence frappante, c’est la prédominance parmi les noms de juges aussi bien néphites qu’égyptiens du préfixe Pa -. Dans l’égyptien tardif, ceci est extrêmement courant et a tout simplement la force de l’article défini[68]. Un autre juge du Livre de Mormon, Cézoram, a un nom qui suggère celui d’un gouverneur égyptien d’une ville syrienne: Chi-zi-ri[69]. Il faut remarquer que le Panezem cité plus haut prit, en devenant roi, le nom de Meriamon, qui sonne comme un nom du Livre de Mormon, même si nous ne le lisons pas Moriamon, une variante parfaitement possible.

Sidon était le port officiel par lequel les Juifs faisaient commerce avec l’Égypte. Puisque Léhi et son peuple étaient dans le commerce, il n’est pas surprenant que Sidon soit la seule ville palestinienne à part Jérusalem dont le nom occupe une place importante dans la géographie du Livre de Mormon. En outre, comme Sidon était le lieu de rencontre commun entre Hébreux et Égyptiens, et puisque des noms des deux langues apparaissent dans le Livre de Mormon, on s’attendrait à trouver le nom de cet endroit extrêmement populaire aussi bien dans sa forme égyptienne que dans sa forme hébraïque. La forme égyptienne est Dji-dw-na, qui est remarquablement proche du nom de personne Giddonah dans le Livre de Mormon[70].

Nous ne pouvons conclure ce bref survol de la « question égyptienne » sans parler d’une indication significative que les ancêtres de Léhi n’étaient pas natifs de Jérusalem. Nous apprenons dans Mosiah 1:4 que certaines plaques étaient écrites « dans la langue des Égyptiens ». Néphi nous apprend (1 Néphi 3:19) que ces mêmes plaques étaient dans « la langue de nos pères » et que leur possession était nécessaire si l’on voulait conserver parmi son peuple la connaissance de cette langue. Pour conserver de simples caractères, il n’aurait fallu qu’une unique page de signes hébreux et égyptiens, et Léhi ou ses fils auraient pu les donner de mémoire, puisqu’on les leur avait déjà appris. Et si la langue en question était l’hébreu, les enfants de Léhi auraient pu tirer de leurs propres ressources autant de livres en leur propre langue qu’ils voulaient, de sorte que lorsque Néphi exprime sa croyance que sans cet unique volume de plaques une langue sera perdue – l’antique langue de ses pères – il est impossible qu’il parle de l’hébreu. La conservation de l’hébreu exigerait naturellement la possession des Écritures, le canon de la langue pure, mais on pouvait se les procurer n’importe où en Juda et cela ne rendrait pas nécessaire la dangereuse mission auprès de Laban. La langue des ancêtres de Léhi était une langue étrangère ; et quand Néphi nous dit que c’était la langue des Égyptiens, il pense ce qu’il dit. Depuis des temps immémoriaux, des Israélites séjournaient en Égypte individuellement et en groupes, et il n’y a absolument rien de surprenant dans la possibilité que les ancêtres de Léhi aient fait partie de ces colons.



[1] William. F. Albright, Archaeology and the Religion of Israel, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1942, p. 62.

[2] Idem, p. 63.

[3] Jens D.C. Lieblein, Handel und Schiffahrt auf dem rothen Meere in alten Zeiten, Leipzig, Christiania, 1886; Meridian; réimpression à Amsterdam, 1971, p. 8.

[4] Albright, Archaeology and the Religion of Israel, p. 63.

[5] Henry G. Tomkins, « Egyptology and the Bible », PEFQ (1884) p.54.

[6] « Bien que les recherches archéologiques en Palestine et en Syrie remontent à un siècle, ce n’est que depuis 1920 que nos renseignements sont suffisamment étendus et interprétés avec assez de clarté pour être d’une valeur vraiment décisive. » Albright, Archaeology and the Religion of Israel, p. 37.

[7] J. W. Jack,  « The Lachish Letters - Their Date and Import », PEFQ 1938, p. 165.

[8] À propos de ses conversations avec les Arabes, Nibley notait, dans sa version originale de « Léhi dans le Désert », publiée par épisodes dans l’Improvement Era: « L’auteur a consulté intensivement des Arabes, des Syriens, des Iraniens, des Libanais, des Égyptiens, etc. modernes, et, après quinze ans de recherches, est en mesure de déclarer que M. Mose Kader, de Provo, est un vrai Bédouin. Le même esprit aventureux qui a amené cet homme remarquable à s’installer dans une exploitation agricole isolée près de l’entrée du Rock Canyon l’a poussé, dans sa jeunesse, à quitter la ferme de son père près de Jérusalem pour passer de nombreuses années auprès des Bédouins du désert, et le même conservatisme tenace qui lui a permis d’élever sa famille dans le respect strict de la foi musulmane à quinze cents kilomètres de tout autre musulman a maintenu vivace son souvenir des jours passés autrefois dans désert, avant la Première Guerre mondiale. « C’est un informateur merveilleux quand il s’agit d’entrer dans les détails. » Hugh W. Nibley, « Lehi in the Desert », IE 53 (1950), p. 15. Nibley ajoutait: « En 1932 M. Kader retourna en Palestine pour se trouver une épouse. Bien que n’ayant pas, comme son mari, voyagé dans le désert, Mme Kader a une connaissance encyclopédique des coutumes de Palestine et elle a la mémoire extraordinaire propre à quelqu’un qui n’a jamais connu le handicap que constitue la connaissance de la lecture et de l’écriture. » Idem, p. 70, note 8.

[9] J. A. Knudtzon, Die El-Amarna-Tafeln, Leipzig, Hinrich, 1915, réimprimé Aalen, Zeller, 1964, 1:864-67, 872,77, tablettes 287 et 289; pour Bet-Ninib, idem, 1:876-77, tablette 290, lignes 15-16.

[10] Voir Albrecht Alt, « Die syrische Staatenwelt vor dem Einbruch der Assyrer », ZDMG 88 (1934), p. 247; et Wilhelm Nowack, Lehrbuch der hebräischen Archäologie, Freburg i/B, Mohr, 1894, p. 149.

[11] Le développement parallèle d’Athènes englobant beaucoup de petites localités est décrit par Georg Busolt, Adolf Bauer & Iwan Müller, Die griechischen Staats-, Kriegs-, und Privataltertümer, Nördlingen, Beck, 1887, 106-7.

[12] « Descendre », dans le Livre de Mormon, signifie s’éloigner de Jérusalem (1 Néphi 4:33-35), tandis que « monter au pays », c’est retourner à Jérusalem (1 Néphi 3:9, 7:15). Le mot égyptien ha (descendre), appliqué à l’idée de voyage, signifie « aller en Égypte » (A. Erman & H. Grapow, Wörterbuch der Aegyptischen Sprache, 5 vols., Leipzig, Hinrich, 1929), 2-472. C’est ainsi que dans l’Ancien Testament on « descend en Égypte » (voir Genèse. 12:10) et on monte d’Égypte vers Jérusalem (1 Rois 12:28). Dans les lettres de Lakisch, « le commandant descendit en Égypte » H. Torczyner, The Lachish Letters, Londres, Oxford University Press, 1938, 1:51 (lettre 3). La position élevée de Jérusalem était bien appréciée par les Juifs, comme la position basse de l’Égypte, et c’est ce fait qui est à la base de l’utilisation de ces expressions, toujours correctes dans le Livre de Mormon? D’autre part, dans le Livre de Mormon, on va simplement « à » la maison de quelqu’un dans la ville (1 Néphi 3:4, 11), de sorte que lorsque les frères « descendent » au pays de leur héritage puis « remontent » à la maison de Laban (voir 1 Néphi 3:22-23), il est tout à fait clair que leur propriété comprend des terres, ainsi qu’une maison, et se trouve forcément hors de la ville, comme l’attestent les verbes « descendre » et « monter ».

[13] Nowack, Lehrbuch der hebräischen Archäologie, 300-4. La citation se trouve page 304.

[14] Jack, « The Lachish Letters – Their Date and Import », pp. 175-77. a.  W. F. Albright, « A brief History of Judah from the Days of Josiah to Alexander the Great », BA 9 (février 1946), p. 4.

[15] Jack, « The Lachish Letters – Their Date and Import », pp. 175-77.

[16] On trouvera, en plus des études citées, un résumé récent de la situation internationale vers 600 av J.-C. dans John Bright, « A New Letter in Aramaic written to a Pharaoh of Egypt », BA 12 (février 1949), pp 46-52.

[17] James H. Breasted, A History of Egypt, 2ème édition., New York, Scribner, 1951, p. 577. « Les artistes ne travaillent plus uniquement pour la cour et les temples; ils doivent maintenant satisfaire à des commandes de la riche bourgeoisie. » Alexandre Moret, Histoire de l’Orient, Paris, Presses Universitaires, 1941, 2:728.

[18] Albright, Archaeology and the Religion of Israel, p 69; Eduard Meyer, Geschichte des Altertums, 2ème édition, Stuttgart, Cotta, 1928, vol. 2, 1ère partie, p. 98.

[19] Meyer, Geschichte des Altertums, Stuttgart, Cotta, 1909, vol. 1, pt. 2, p. 260, (1928) vol 2, pt. 1, pp. 98, 135. Les « rois-princes » de Tyr et de Sidon « accumulaient de grandes richesses et pouvaient s’offrir les avantages de la culture égyptienne » dans leur commerce de transport des marchandises des princes de Syrie et de Palestine, dont « les figues, le vin, le miel et le bétail » étaient la source de leur richesse. George Steindorff, Egypt, N Y, Augustin, 1943, p 64 Pour l’économie des grands domaines palestiniens, voir Philip J. Baldensperger, « The Immovable East », PEFQ, 1908, pp. 290-6, et 1918, p. 121.

[20] Jack, « The Lachish Letters – Their Date and Import », p. 177.

[21] Albright, « A Brief History of Judah from the Days of Josiah to Alexander the Great », p. 6.

[22] Idem

[23] Idem

[24] William F. Albright, « The Seal of Eliakim and the Latest Preexilic History of Judah, With Some Observations on Ezekiel », JBL, 51 (1932), pp. 93-95.

[25] Jack, « The Lachish Letters – Their Date and Import », p 178.

[26] La théorie de D. L. Risdon, exposée par Arthur Keith, « The Men of Lakish », PEFQ, 1940,
pp. 7-12.

[27] James L. Starkey, Lachish as Illustrating Bible History, PEFQ (1937), pp. 177-78; Alan Rowe, « Excavations at Beisan During the 1927 Season », PEFQ (1928), pp. 73-90; Richard D. Barnett, « Phoenician and Syrian Ivory Carvings », PEFQ (1939), pp. 4-5, 7; J. W. Crowfoot et Grace M. Crowfoot, « The Ivories from Samaria », PEFQ (1933), pp. 7, 18, 21; Charles C. Torrey, « A Hebrew Seal from the Reign of Ahaz », BASOR 79 (octobre 1940), pp. 27-28; Bright, « A New Letter in Aramaic, Written to a Pharaoh of Egypt », pp. 46-48; H. Louis Ginsberg, « An Aramaic Contemporary of the Lachish Letters », BASOR 3 (octobre 1948), pp. 24-27.

[28] Abraham S. Yahuda, The Accuracy of the Bible, Londres, Heineman, 1934, p xxix S L Caiger Bible and Spade, Londres, Oxford University Press, 1936, pp 83-84, 91-92. Depuis le temps de l’école pan-babylonienne « le pendule de la théorie des origines est revenu vers l’ouest et l’Égypte », James A. Montgomery, Arabia and the Bible (Philadelphie, University of Pensylvania Press, 1934), p 1

[29] Archibald H. Sayce, « The Jérusalem Sealings on Jar Handles » PEFQ 1927, 216 et suivant; J.G. Duncan, « Excavation of Eastern Hill of Jérusalem », PEFQ 1925, 19 et suivants.

[30] « Déjà du temps des rois d’Égypte, leurs pères avaient bâti ce temple à Yeb. » Arthur E. Cowley, Papyrus araméens du 5e siècle av. J.-C. (Oxford, Clarendon, 1923), p. 120. Ces papyrus « ont jeté une lumière inespérée sur certains des recoins les plus sombres de l’histoire juive », dit Albright, Archaeology and the Religion of Israel, p. 41.

[31] Yahuda, The Accuracy of the Bible, xxix-xxx;  voir spécialement par le même auteur, The Language of the Pentateuch in its Relation to Egypt, Londres, Oxford University Press, 1933, 1, pp xxxii-xxxv

[32] William F. Albright, « The Egyptian Empire in Asia in the Twenty-first Century B.C ». JPOS 8 (1928), pp. 226-30, cf Albright, « Palestine in the Earliest Historical Period », JPOS 2, 1922, 110-138

[33] David G. Hogarth, « Egyptian Empire in Asia », Journal of Egyptian Archaeology 1 (1914), pp.9-12.

[34] Breasted, History of Egypt, pp. 516, 518, 526, 529, 580; Harry R. H. Hall, «The Eclipse of Egypt» et «The Restoration of Egypt», Cambridge Ancient History, New York, Macmillan, 1925, 3:256-57, 261, 295-99.

[35] Hogarth, « Egyptian Empire in Asia », pp. 13-14. Même l’Etat davidique devait son organisation en grande partie aux modèles égyptiens. Albright, Archaeology and the Religion of Israel, p. 108, le même auteur traite de la faiblesse ultérieure de l’Égypte dans « Egypt and the Early History of the Negeb », JPOS 4 (1924), pp. 144-46.

[36] Pour la première citation, Henri Franckfort, « Egypt and Syria in the First Intermediate Period », Jnl of Egypt Archaeol 12 (1926), p. 96; pour la deuxième, Moret, Histoire de l’Orient 2:787

[37] Meyer, Geschichte des Altertums, vol. 2, 1ère partie, pp. 132, 33; Hogarth, « Egyptian Empire in Asia », p. 12.

[38] Jack, « The Lachish Letters –Their Date and Import », p. 177.

[39] Meyer, Geschichte des Altertums, vol. 1, 2e partie, pp. 297-99; Meyer note que des variantes Ja’bqhr et Ja’pqhr et d’autres apparaissent. Il associe ces noms au dieu Ja’qob. Voir particulièrement William F. AIbright, Vocalization of the Egyptian Syllabic Orthography, New Haven, American Oriental Society, 1934.

[40] Abraham S. Yahuda, The Language of the Pentateuch in Its Relation to Egypt, Londres, Oxford University Press, 1933, p. 51.

[41] E. A. Wallis Budge, Papyrus of Ani, New York, Putnam, 1913, 1:50.

[42] Theodor Nöldeke, Die semitischen Sprachen, Leipzig, Tauchnitz, 1899, p. 34

[43] Torczyner, The Lachish Letters, p. 15.

[44] Raymond O. Faulkner, « The Bremer-Rhind Papyrus », JEA 23 (1937):10; Elias J. Brickerman, « The Colophon of the Greek Book of Esther », JBL, 63 (1944), pp. 339-62 montre que la tradition du colophon était soigneusement conservée en Égypte. Francis L. Griffith, « The Teaching of Amenophis the Son of Kanakht, Papyrus B.M. 10474, » JEA 12 (1926): 195.

[45] La formule iw-f-pw termine l’Histoire de Sinuhé et les Maximes des Sages Ptahotep et Kagemeni. Kurt Sethe, Aegyptische Lesestücke, Leipzig, 1924, pp. 17, 42, 43, et Erläuterungen zu den Aegyptischen Lesestücken, Leipzig, Hinrich, 1927,  pp. 21, 58; 61. « C’est sa fin », conclut l’Enseignement d’Aménophis. Griffith, « The Teaching of Amenophis the Son of Kanakht, Papyrus B.M. 10474 », p. 225.

[46] Alan H. Gardiner, « New Literary Works from Ancient Egypt », JEA 1 (1914), p. 25; l’œuvre ici citée avait des attaches avec la Palestine, idem, p. 30.

[47] Meyer, Geschichte des Altertums, vol. 1, 2ème partie, p. 176.

[48] L’Enseignement d’Aménophis porte cette dédicace: « Pour son fils, le cadet de ses enfants, peu comparé a sa famille. » Suit alors un long texte offrant un certain nombre de parallèles surprenants avec le livre des Proverbes dont un remarquable avec le Psaume 1, le juste étant comparé à un arbre fertile. Griffith, « The Teaching of Amenophis the Son of Kanakht, Papyrus B.M. 10474, » 197. Comparez ceci avec 2 Néphi 2 et 3. Quand Léhi décrit un fruit comme étant « blanc » (1 Néphi 8:11), il fait un égyptianisme typique. Voir Erman & Grapow, Wörterbuch der Aegyptischen Sprache, 3:206-207, 211-212.

[49] Meyer, Geschichte des Altertums, vol. 1, 2e partie, p. 274, AIbright, Archaeology and the Religion of Israel, p. 21; David C. Simpson, « The Hebrew Book of Proverbs and the Teaching of Amenophis, » JEA 12 (1926), p. 232.

[50] August von Gall, Basileia tou Theou, Heidelberg, hiver 1926, p. 65.

[51] Idem, pp. 49-55.

[52] Les comparaisons suivantes entre le Livre de Mormon et l’Egypte ancienne ont paru pour la première fois dans Hugh Nibley, « The Book of Mormon as a Mirror of the East », Improvement Era 51, avril 1948, pp. 202-2104, 249-251 ; réimprimé dans IE 73, novembre 1970, pp. 15-20, pp. 122-125. Cet article commençait par l’introduction suivante : « L’homme moyen, écrivait le grand A. E. Housman, croit que les textes des auteurs anciens sont généralement corrects, pas parce qu’il s’est familiarisé avec les éléments du problème, mais parce qu’il se sentirait mal à l’aise s’il ne le croyait pas. » Le Livre de Mormon n’a pas connu ce soutien populaire. En  effet, l’homme moyen ne souhaiterait rien de mieux que de le voir complètement démasqué une fois pour toutes : il y a plus d’un siècle qu’il le met mal à l’aise. En fait, le Livre de Mormon est inattaquable à partir de l’Ouest. Quel que soit le nombre d’indices archéologiques que l’on empile dans un  sens ou dans l’autre, le fait reste que le Livre de Mormon ne prétend à aucun moment raconter l’histoire de toutes les populations qui ont jamais vécu sur le continent américain. Même dans sa sphère restreinte, il est, comme l’a montré le professeur Sidney B. Sperry, essentiellement un compte rendu sur une minorité et ne traite pas de diverses branches de plusieurs groupes qui sont venus de l’Ancien Monde. Par conséquent, si l’on peut imaginer que les recherches en Amérique apporteront de nombreux indices à l’appui du Livre de Mormon, aucune découverte ne peut être considérée comme preuve sans équivoque à charge contre lui. C’est une tout autre histoire quand notre livre entreprend d’envahir le territoire de l’Est, donnant des noms, des lieux et des dates précis. C’est ici qu’un imposteur des années 1820 se trouverait en terrain dangereux. On ne saurait trouver d’occasion plus favorable pour exercer la critique impitoyable et rigoureuse que les précisions que donne le Livre de Mormon dans le domaine de l’égyptien. En insistant sur la langue particulièrement néo-égyptienne des Néphites, en dressant la liste de leurs noms de personnes et de lieux, en prétendant décrire des conflits politiques nés dans l’Ancien Monde, l’auteur du  Livre  de Mormon fait le jeu des critiques modernes. Car le Proche-Orient de 600 av. J.-C. n’est plus la zone crépusculaire pleine de mystères splendides qu’il était du temps de Joseph Smith. Toute invention de sa part ou même de son contemporain le plus érudit apparaîtrait nécessairement aujourd’hui comme un fatras de gaffes dans lequel on pourrait détecter une fois, mais pas deux, un semblant accidentel de vérité. L’auteur ou le traducteur du livre montre-t-il une connaissance quelconque de la partie du monde d’où il prétend tirer son origine? Voilà la question. À titre de réponse – rien qu’un petit aperçu – nous allons parler brièvement de quelques courtes années de l’histoire du Livre de Mormon, cette période orageuse au cours de laquelle le système de gouvernement par les juges connut certaines de ces épreuves qui se révélèrent finalement être la cause de sa perte. Nous allons faire correspondre l’histoire, étape par étape,  avec un certain nombre de parallèles dans l’Ancien Monde et, après quelques observations générales, nous laisserons le lecteur décider lui-même quelle importance il faut attribuer à ces parallèles! »

[53] Hall, « The Eclipse of Egypt », p. 268.

[54] Budge l’appelle Heriher dans son  édition de 1925 de The Mummy plutôt que Her-Heru, comme il le lisait dans son édition de 1893. Voir E. A. Wallis Budge, The Mummy, Londres, Cambridge University Press, 1925, p. 103, et The Mummy, Londres, Cambridge University Press, 1893, p. 52. On le lit Hurhor dans ZASA 20 (1882), 1249B., plaque U, fig. VIA, Her-Hor par Alfred Wiedemann dans « Beiträge zur Aegyptischen Geschichte » ZASA 23 (1885), p. 83 et Hrihor par Breasted, A History of Egypt, New York, Scribner, 1912, pp. 513, 519-21. Nous suivons l’étude la plus récente, celle de Moret, qui l’appelle Herihor. Moret, Histoire de l’Orient, 2:591.

[55] Moret, Histoire de l’Orient, 2, p. 569.

[56] Herbert E. Winlock, « The Eleventh Egyptian Dynasty », JNES 2 (1942), pp. 256, 266.

[57] Idem, p. 266.

[58] Moret, Histoire de l’Orient, 2, p. 518.

[59] À propos des deux orthographes Ammon-Amon, voir Alan H. Gardiner, Egyptian Grammar, Londres, Oxford University Press, 1950, p. 435.

[60] Moret, Histoire de l’Orient, 1:437-39, 2:567-69 ; voir généralement Walter Wolf, « Vorläufer der Reformation Echnatons », ZASA 59 (1924), pp. 109-119; Hans Bonnet, « Zum Verständnis des Synkretismus », ZASA 75 (1939), pp. 45-46.

[61] Winlock, « The Eleventh Egyptian Dynasty », p. 250; Moret, Histoire de l’Orient, 1:209, 436-38.

[62] La version originale de ce texte dans l’Improvement Era, contenait le commentaire suivant : « Cette colonie d’Eléphantine a pu être très ancienne, puisque, d’après les documents égyptiens, il avait été de coutume, depuis des temps immémoriaux, chez les habitants de la Palestine et de la Syrie, de chercher refuge en Égypte et de créer de telles colonies. On admet, en tous cas, que la colonie est beaucoup plus ancienne que les documents hébreux qui en sont sortis au 5e siècle av. J.-C.; elle date peut-être du milieu du 7e siècle. James H. Breasted, Ancient Records of Egypt, Chicago, University of Chicago Press, 1906, 3:27. Harry R. H. Hall, Cambridge Ancient History, New York, Macmillan, 1925, 3:294. Elle aurait donc été ancienne du temps de Léhi et cela donnerait donc une explication possible à l’étrange tendance qu’ont les noms du Livre de Mormon à être concentrés en Haute-Égypte. »

[63] On trouvera un parallèle frappant avec le Livre de Mormon dans Hall, « The Eclipse of Egypt », p. 254.

[64] Knudtzon, Die El-Amarna Tafeln 1:528-29, tablette 122, 1:562-63, tablette 132; notes dans 2:1222, et index dans 2:1566.

[65] Listes de rois-prêtres reproduite dans ZASA 20 (1882), 149B, plaque II, fig. V. 7A.

[66] Harry R. H. Hall, « The Ethiopians and Assyrians in Egypt, » Cambridge Ancient History, New York. Macmillan, 1925, 3:273.

[67] Wilhelm Spiegelberg, « Der stratege Pamenches » ZASA 57 (1922), pp. 88-92. Comparez avec le nom  Amarna Pa-kha-am-na-ta, dans Knudtzon, Die El-Amarna Tafeln 2:1566, gouverneur de Amurru sous le gouvernement de l’Égypte.

[68] Dans la version parue dans l’Improvement Era, l’information supplémentaire suivante est donnée ici : «Pour les premiers prêtres égyptiens Pachom, Pamenchi, Pakybis et Panas (Spiegelberg, « Der Stratege Pamenches », p. 91), nous n’avons pas de parallèle dans le Livre de Mormon, mais nous ne devons pas oublier dans la liste néphite le nom de Pachus, puisque, bien que je ne l’aie pas trouvé dans les documents limités dont je dispose, il est tout à fait égyptien ( il signifie « il - Amon - est loué »), les deux éléments apparaissant fréquemment dans les noms propres égyptiens. Winlock, « The Eleventh Egyptian Dynasty », p. 275, trouve des Égyptiens du commun à Thèbes portant les noms Hesem, Hesi.

[69] Knudtzon, Die El-Amama-Tafeln 1:951, tablettes 336 et 337, et l’index dans 2:1562.

[70] Albright, Vocalization of Egyptian Syllabic Orthography, p. 67, liste 22, B4.

 

 

 

l Accueil l Écritures l Livres l Magazines l Études l Médias l Art l