Comment Joseph Smith pardonna généreusement une offense grave
Par Larry Barkdull
Meridian Magazine, 7 août 2013
William Wines (W.W.) Phelps vivait à Canandagua, dans l’état de New York,
où sa famille et lui entendirent le message de l’Évangile rétabli de
Jésus-Christ. C’était le 9 juillet 1830, trois jours après l’organisation
de l’Église fondée par Joseph Smith. Imprimeur et rédacteur de journal,
Phelps était mieux placé que personne pour recevoir et diffuser les
nouvelles, et, bien sûr, le mormonisme était maintenant une grande
nouvelle.
Six mois plus tard, quand il parcourut la région, Parley P. Pratt, un
dirigeant de l’Église, rencontra Phelps et lui donna un exemplaire du
Livre de Mormon nouvellement publié. Phelps et son épouse le lurent toute
la nuit en comparant les enseignements du livre avec la Bible et, le
matin, ils avaient le témoignage spirituel que le Livre de Mormon était la
parole de Dieu.
Brûlant de conviction, Phelps ne put se retenir et commença à témoigner de
la véracité du Livre de Mormon aux gens de son voisinage. Il fut
immédiatement emprisonné, mais considéra que c’était un privilège d’être
persécuté pour l’amour du Christ.
Libéré, il prit sa famille et se mit en route pour Fayette (New York) pour
trouver Joseph Smith, traducteur du Livre de Mormon, président de l’Église
du Christ et prophète de Dieu. Il ne fut pas déçu quand il rencontra
Joseph et lui déclara qu’il était prêt à faire la volonté du Seigneur. Le
prophète reconnut en lui un homme de Dieu. Il interrogea le Seigneur et
apprit que Phelps était un homme appelé et choisi pour effectuer des
tâches spéciales dans l’œuvre du ministère.
On ne saurait surestimer l’apport de Phelps à l’Église nouvellement créée.
Dans les années 1800, les compétences en écriture, en édition et en
impression étaient rares, mais Phelps était particulièrement qualifié. Il
ne faut donc pas s’étonner que Joseph Smith ait été heureux de trouver
quelqu’un qui pouvait imprimer professionnellement des écritures et
d’autres écrits sacrés, ainsi que dépeindre par écrit le déroulement du
Rétablissement de l’Évangile et l’Église de Jésus-Christ.
Dans une révélation donnée par l’intermédiaire du prophète, le Seigneur
exhorta Phelps à se faire immédiatement baptiser dans l’Église et à être
ordonné prêtre sous les mains de Joseph Smith. De plus, le Seigneur le
chargea d’aider Oliver Cowdery dans « l’impression et dans le choix et la
rédaction de livres pour les écoles de l’Église » (D & A 55:1-4). Un de
ses grands apports devait être d’aider Emma Smith, épouse du prophète, à
compiler le premier recueil de cantiques de l’Église, pour lequel il
écrivit les paroles de vingt-neuf cantiques.
Le Seigneur le désigna pour être l’un de sept frères choisis pour
accompagner Joseph au Missouri pour localiser le pays de Sion. C’est ainsi
que trois jours après son baptême, Phelps et ses six compagnons partirent
pour le Missouri, à la frontière de l’Ouest, pour trouver et fixer le lieu
que des générations de prophètes bibliques avaient vu en vision : le lieu
central du rassemblement d’Israël, la patrie de la Sion des derniers
jours, la nouvelle Jérusalem.
Lorsque le prophète arriva à Independence (Missouri), il apprit par
révélation que c’était autrefois l’emplacement du jardin d’Éden et
l’emplacement prophétisé de Sion. Le Seigneur commanda au Prophète qu’un
temple y soit construit en vue de la seconde venue de Jésus-Christ. Dans
cette terre sacrée, Phelps fit le premier sermon et la première prière.
Par la révélation au Prophète, Phelps reçut le commandement de «s’installe[r]
en ce lieu et [de s’établir] comme imprimeur pour l’Église »
(D & A 57:11). Par la suite, l’Église recueillit des fonds pour acheter
une presse d’imprimerie et l’expédier au Missouri. Phelps retourna à New
York chercher sa famille et, avec d’autres saints des derniers jours, ils
allèrent s’installer au pays de Sion.
Phelps aima le Missouri. Avec John Whitmer, il servit les saints dans un
poste de présidence, aidant à superviser l’administration de l’Église dans
cette région. Il y composa le Livre des Commandements, une importante
compilation des révélations du Seigneur pour établir l’Église et sa
doctrine. Il avait la capacité innée de décrire poétiquement ces points de
doctrine et les événements fondateurs du rétablissement de l’Évangile.
L’Église grandissante avait besoin d’une publication pour préciser ses
positions. Le prophète chargea Phelps de publier The Evening and
Morning Star, qui devint le périodique officiel de l’Église, et le
rôle de rédacteur chef de Phelps fit de lui l’un des principaux
porte-parole de l’Église. Joseph Smith disait à son propos qu’il avait
« la confiance la plus implicite en lui comme homme de Dieu, ayant obtenu
cette confiance par une vision du ciel. »
Il ne fait pas de doute que peu d’hommes jouirent d’une aussi grande
influence dans la communauté mormone. Il devint l’auteur d’essais
doctrinaux clés ; il fut l’un des compilateurs des Doctrine et Alliances ;
il représenta l’Église dans les domaines politique et juridique ; il
écrivit des lettres officielles et des pétitions, et il se livra à du
lobbying auprès des autorités gouvernementales au nom de l’Église et de
ses dirigeants.
Quand elles se déchaînèrent en 1833 au comté de Jackson (Missouri), les
persécutions le visèrent en grande partie parce qu’il était un dirigeant
et l’éditeur de l’Église. Le 20 juillet, des émeutiers attaquèrent son
imprimerie. Ils détruisirent la presse, la maison de Phelps et
dispersèrent les caractères et les épreuves du Livre des Commandements
dans la rue. Sa femme et lui s’enfuirent séparément, aucun des deux ne
sachant où l’autre était. Tous les enfants s’échappèrent sauf deux, qui
restèrent enfouis, mais indemnes, dans les décombres de la maison. Quand
les émeutiers exigèrent que tous les mormons partent sous peine d’être
massacrés, il se proposa comme rançon.
Il défendit les saints et négocia un règlement : les
dirigeants et la moitié des saints quitteraient le comté de Jackson pour
le mois de janvier 1834 et le reste partirait en avril. Cet arrangement
apaisa temporairement les émeutiers, mais au bout de quelques mois, les
passions se déchaînèrent de nouveau, les émeutiers perdant patience et
devenant finalement agressifs. Trahissant leur promesse de s’abstenir de
toute violence, ils attaquèrent les saints le 31 octobre 1833, les mettant
en fuite dans toutes les directions. Ils brûlèrent les maisons, pillèrent,
violèrent des femmes, assassinèrent et chassèrent les saints dans l’hiver
glacial sans vêtements convenables ni nourriture.
Le 13 novembre, les saints se blottirent sous une pluie glaciale sur les
rives boueuses du Missouri, essayant de se procurer un bac pour fuir au
comté de Clay. Dans cette situation de défaite, de souffrance, de
privations, d’absence d’abri, de faim, ils connurent un miracle. La nuit
même où les émeutiers s’avançaient avec l’intention de les massacrer se
produisit une magnifique pluie de météores. Les météores Léonides passent
près de la terre tous les trente-trois ans dans la nuit du 13 novembre. Ce
13 novembre, « le feu d’artifice céleste » fut exceptionnellement
spectaculaire. Certains rapportèrent que « toutes les étoiles quittèrent
la trajectoire qui leur avait été imposée ».
Plus d’un millier de météores par heure traversèrent le ciel nocturne,
arrêtant net les émeutiers frappés de crainte. Les meurtriers regardèrent
le spectacle jusqu’au matin, puis firent tout simplement faire demi-tour à
leurs chevaux et rentrèrent chez eux. Inspirés par la délivrance
miraculeuse, Phelps écrivit les paroles d’un cantique désormais célèbre,
« Vivons ce bonheur ».
Phelps installa sa famille au comté de Clay et fut appelé à se rendre à
Kirtland, siège de l’Église. Sa mission consistait à poursuivre
l’impression. Il vécut pendant près de deux ans chez Joseph et Emma Smith
comme un membre de la famille. C’est au cours de cette période que les
saints construisirent leur premier temple. Phelps décrivit la gloire du
rétablissement de l’Évangile de Jésus-Christ et de l’expérience de la
consécration du temple en écrivant les paroles de « L’esprit du Dieu saint
brûle comme une flamme ». Les paroles impressionnèrent tellement le
Prophète qu’il les fit imprimer sur du satin blanc et chanter lors de la
consécration du Temple de Kirtland. Ces paroles ont été chantées depuis
lors de chaque consécration de temple.
Les paroles
de Phelps s’avérèrent prophétiques. À l’occasion de la consécration du
Temple de Kirtland et pendant plusieurs semaines par après, les saints
connurent des apparitions continuelles de
visiteurs célestes et des visions. On vit au moins trois fois le Père et
le Fils ; le Sauveur lui-même apparut plus d’une fois dans le Temple de
Kirtland ; Moïse, Élias et Élie revinrent remettre des pouvoirs bien
déterminés de la prêtrise. Une multitude d’anges vinrent à la consécration
du Temple de Kirtland. « Les visions de l’éternité s’ouvrirent à beaucoup,
des anges vinrent dans les assemblées des saints, beaucoup virent le
Seigneur lui-même et les langues et la prophétie furent multipliées. » (History
of the Church, 2:379, p. 436). Un jour, Phelps se trouvait avec
Brigham Young dans les rues de Kirtland et regarda longuement les anges
aux fenêtres du temple.
Le dimanche 27 mars 1836, lors du service de consécration lui-même, il y
eut une répétition presque exacte des événements du jour de la Pentecôte
dans le Nouveau Testament. « George A. Smith se leva et commença à
prophétiser, écrivit Joseph Smith, et à ce moment-là on entendit un bruit
comme le bruit du déferlement d’un vent puissant qui remplit le Temple, et
toute l’assemblée se leva en même temps, poussée par une puissance
invisible ; beaucoup commencèrent à parler en langues et à prophétiser ;
d’autres eurent des visions glorieuses ; et je vis que le Temple était
rempli d’anges, ce que je déclarai à l’assemblée. Les gens du voisinage
accoururent (en entendant un bruit inhabituel à l’intérieur et en voyant
une lumière brillante comme une colonne de feu reposer sur le Temple) et
furent étonnés de ce qui se passait. » (History of the Church,
2:428).
On peut dire sans crainte de se tromper qu’il y avait peu d’hommes à qui
Joseph Smith faisait confiance et qu’il aimait comme il aimait et faisait
confiance à W.W. Phelps. En 1836, Phelps retourna au Missouri reprendre
son poste de dirigeant et aider les saints à passer au comté de Caldwell
pour créer la colonie de Far West. C’est alors que sa chute commença. En
posant les fondements de Far West, John Whitmer et lui, tous deux
officiers présidents de l’Église au Missouri, utilisèrent les fonds
consacrés de l’Église pour acheter des terres à leur profit, la moitié des
terres au nom de l’un ou de l’autre.
Leur intention était de retirer du profit en répartissant les parcelles
entre les saints appauvris qui arrivaient. Ils raisonnèrent qu’ils avaient
droit à de l’argent pour entretenir leurs propres familles. Ce qui suit
est la liste des événements qui provoquèrent la chute de deux des
dirigeants les plus éminents de l’Église :
-
5 avril 1837—Un conseil de l’Église est réuni pour enquêter sur leur
comportement et il leur est ordonné de se repentir et de cesser leur
pratique.
Ils refusent d’obéir.
-
4 septembre 1837 — Le Seigneur les réprimande dans une révélation
donnée par l’intermédiaire de Joseph Smith.
Ils n’obéissent pas.
-
7 novembre 1837--Joseph Smith, qui vit maintenant à Far West, organise
une conférence et les réprimande pour leur comportement. Ils se
confessent publiquement, sur quoi le peuple leur pardonne et les
soutient à l’unanimité dans leur appel comme dirigeants de l’Église.
Mais ils ne tardent pas à en revenir à leur mauvaise conduite.
-
5 février 1938--Une autre conférence a lieu et ils sont relevés de
leur appel comme dirigeants.
-
10 mars 1838—Au cours d’une commission disciplinaire, à laquelle ils
refusent d’assister, ils sont jugés pour comportement non chrétien et
sont disqualifiés.
Dorénavant, W.W. Phelps, jadis le tout grand partisan et porte-parole de
l’Église, devint l’un de ses pires ennemis. Il utilisa son talent
d’écrivain pour inciter les ennemis de l’Église à entamer des poursuites
judiciaires vexatoires. Il propagea de fausses rumeurs et publia des
rapports calomnieux, qui alimentèrent la colère des émeutiers. Il se
joignit à des groupes de dissidents dans le but de saper l’œuvre de Joseph
Smith.
Le 8 juillet 1938, le Seigneur parla par l’intermédiaire du Prophète et
offrit à Phelps une chance de se repentir. Il refusa. Au cours des mois
qui suivirent, Phelps continua ses calomnies, contribuant finalement à
l’ordre infâme d’extermination du gouverneur Lilburn Boggs du 27 octobre
1838. L’ordre contenait une intention meurtrière. « Les
mormons doivent être traités comme des ennemis et doivent être exterminés
ou chassés de l’État, si nécessaire, pour la paix publique [...] leurs
outrages sont au-delà de toute description. »
Maintenant qu’il était légal de tuer les mormons, les émeutiers enhardis
se groupèrent rapidement et, le 30 octobre 1838, des hommes armés brutaux
attaquèrent la petite colonie mormone de Haun’s Mill, tuant dix-huit
hommes et garçons.
Haun’s Mill était une colonie minuscule de seulement soixante-quinze
familles. Décidée à les exterminer, une troupe de 240 hommes sanguinaires,
conduite par le Colonel Jennings, se jeta sur les résidents. Les ayant
encerclés et les menaçant, le colonel leur tendit un soi-disant rameau
d’olivier : « Que tous ceux qui ont le désir de vivre et de faire la paix
courent dans la forge. »
Mais son plan de paix était un mensonge. Une centaine d’hommes armés
entourèrent la forge et commencèrent à tirer entre les fissures. Dix-neuf
hommes et garçons furent tués. Deux étaient des garçons de dix ans.
Terrifié, Charles Merrick, dont le père venait d’être tué, supplia les
émeutiers de lui laisser la vie. « Oh ! Ne me tuez pas. Je suis
américain! » On lui tira une balle dans la tête. Sardius Smith, dont le
père agonisait, supplia également qu’on lui laisse la vie, mais William
Reynolds l’exécuta d’un seul coup en proclamant : « Les lentes font des
poux, et s’il avait vécu il serait devenu mormon. »
Lorsque les émeutiers quittèrent finalement la scène du carnage, les
habitants de Haun’s Mill rassemblèrent leurs morts et firent la seule
chose qu’ils pouvaient faire : ils jetèrent les corps dans un puits,
n’ayant pas le temps de les enterrer. Puis ils s’enfuirent à Far West pour
y chercher protection. Les écrits inflammatoires et les accusations de
W.W. Phelps faisaient, mieux qu’il aurait pu l’imaginer, le jeu de Satan.
Mais les choses étaient sur le point de s’aggraver.
Le 31 octobre 1838, le général Samuel Lucas emmena une milice de 2 500
hommes à Far West et menaça « de massacrer tous les hommes, femmes et
enfants » si Joseph Smith et plusieurs autres ne se rendaient pas.
Joseph Smith demanda au colonel George Hinkle,
chef de la milice mormone au comté de Caldwell, de rencontrer le général
Lucas pour discuter des conditions. Le général fut sévère. Les mormons
devaient livrer leurs dirigeants pour être jugés et rendre toutes leurs
armes. En outre, chaque Mormon qui avait pris les armes devait vendre ses
biens pour couvrir les coûts de la « guerre mormone », ensuite tous les
mormons devaient quitter l’état.
Hinkle négocia avec le général Lucas une paix qui comprenait la reddition
des dirigeants de l’Église à la « garde » de Lucas. Cette « garde » était
une trahison voilée et W.W. Phelps y était impliqué.
La vie des saints étant en péril, le Prophète tenta de négocier leur
sécurité. Phelps était au courant de la négociation de Hinkle pour la
« garde » et s’acoquina avec Hinkle et un apostat, James Corrill, pour
trahir le prophète entre les mains des émeutiers pour le procès. Leurs
actes furent décrits comme
« de la tromperie, du stratagème et de la trahison ».
Joseph Smith et les autres dirigeants furent
arrêtés et détenus toute la nuit sous bonne garde dans le camp du général
Lucas, où on les laissa exposés aux intempéries.
Phelps aida à trahir Joseph Smith entre les mains de ses pires ennemis.
Puis, sous prétexte de négociation, les émeutiers convinrent que les
mormons pourraient quitter l’état sains et saufs s’ils abandonnaient leurs
biens pour qu’ils soient vendus pour payer les frais que les émeutiers
avaient consentis pour attaquer les saints. En outre, les saints devaient
abandonner leurs armes aux émeutiers. N’ayant pas le choix et avec leur
chef et prophète enchaîné, les mormons, pères et fils, abandonnèrent leurs
armes et se rassemblèrent dans le centre de Far West, où ils furent
encerclés par le général Lucas et ses hommes. Vint ensuite le fameux
commandement du général à ses hommes : « Allez-y, faites ce qu’il vous
plaît de leurs femmes. »
Comme les femmes terrifiées commençaient à crier et à s’enfuir pour se
mettre à l’abri, leurs maris enfermés essayèrent de faire une sortie pour
les protéger, mais ils furent abattus. Certaines des femmes et des enfants
furent également assassinés. Puis vint le pillage de Far West, tandis que
le Prophète et les dirigeants enchaînés et incarcérés ne pouvaient rien
faire.
Une cour martiale illégale et secrète eut lieu dont Joseph et ses
compagnons ne furent pas mis au courant. Vers minuit, le 1er novembre, le
général Lucas donna l’ordre suivant au général Alexander Doniphan :
« Monsieur :--Vous emmènerez Joseph Smith et les autres prisonniers sur la
place publique de Far West et les fusillerez à 9 heures demain matin. »
Le général Doniphan refusa d’obéir à cet ordre. « C’est un meurtre de
sang-froid. Je n’obéirai pas à votre ordre. Ma brigade partira pour
Liberty [l’arrondissement] demain matin à huit heures et si vous exécutez
ces hommes, par Dieu, je vous en tiendrai pour responsable devant un
tribunal terrestre. »
Le Prophète eut la vie sauve, mais les mormons furent contraints de signer
un acte transférant tous leurs biens aux émeutiers pour couvrir « les
frais de la guerre ». Plus tard, les mormons en appelèrent au gouvernement
du Missouri et reçurent $ 2 000 pour des pertes s’élevant à $ 1,4
millions. Les émeutiers se virent accorder $ 200 000 pour leur rembourser
leurs frais pour faire la guerre aux mormons et mettre à exécution l’ordre
d’extermination du gouverneur.
Mais Phelps n’était pas satisfait. Plusieurs semaines plus tard, en
novembre 1838, lorsque Joseph Smith et d’autres dirigeants mormons
passèrent en jugement, Phelps fit un faux témoignage qui contribua à
l’incarcération du Prophète dans la prison de Liberty. Maintenant
condamnés, les prisonniers furent enchaînés aux pieds et aux mains, jetés
sur un gros chariot et paradés le long des routes et dans les localités,
exposés comme une attraction aux badauds curieux et moqueurs tandis qu’ils
étaient escortés vers les prisons de Richmond et de Liberty (Missouri).
Au cours du
voyage, la neige tomba sur les prisonniers sans protection. Il faisait
gelant, mais on refusa de donner des vêtements convenables à Joseph et à
ses compagnons. Hyrum, frère de Joseph, tomba gravement malade et il lui
fallut des mois pour récupérer. Lorsque les prisonniers arrivèrent
finalement à la prison de Liberty, de nombreux habitants sortirent de chez
eux pour assister au spectacle, mais ils furent déçus de voir des hommes
d’apparence ordinaire. Tandis que les prisonniers montaient les marches et
entraient dans la prison, Joseph Smith s’arrêta, se tourna pour faire face
à la foule, souleva son chapeau et dit : « Bon
après-midi, Messieurs », puis il entra dans la prison.
Pendant ce temps, les saints, privés de dirigeants, s’enfuirent en
Illinois, laissant une traînée sanglante dans la neige.
L’hiver de 1838-1839 au Missouri fut le plus froid connu. La prison de
Liberty était faite de murs et de sols en pierre. L’étage principal était
pour les geôliers et le sous-sol était pour les prisonniers. Pour aérer la
prison au sous-sol, on avait coupé dans la pierre de petites fenêtres à
travers lesquelles passait l’air froid, ce qui faisait que la température
était perpétuellement aussi froide que le jour le plus froid de cet
hiver-là. Les prisonniers n’étaient jamais réchauffés. De la glace se
formait sur les murs et ne fondait jamais. Il était impossible de faire du
feu à cause de l’insuffisance de l’aération. Il n’y avait aucune autre
lumière que celle des bougies et le peu de lumière qui s’infiltrait à
travers les minuscules trous de fenêtres. Le plafond était bas, de sorte
que les prisonniers étaient obligés de rester constamment accroupis. Les
lits étaient des troncs taillés et le sol était de la paille sale.
Il y avait trois seaux pour boire, se laver et les déjections. Il y avait
de la nourriture occasionnelle et ce, en petites quantités. Les restes
provenant de la table des geôliers étaient considérés comme des
suppléments. Les gardes apportaient aux prisonniers des rations dans des
paniers crasseux où les poules s’étaient perchées et avaient déposé leurs
excréments. À plusieurs reprises, les gardes tentèrent de donner aux
prisonniers affamés de la viande suspecte. Ils appelaient cela « Mormon
Beef », de la chair humaine de mormons qu’ils avaient massacrés. En
d’autres occasions, les gardes administraient de petites quantités de
poison aux prisonniers. Joseph se souvint avoir vomi si violemment qu’il
s’était disloqué la mâchoire. Le Prophète entra dans la prison de Liberty
en novembre 1838 pesant 210 livres (95 kilos). Quand il s’en échappa
environ cinq mois plus tard, il pesait 138 livres (62 kilos).
William Wines Phelps fut officiellement excommunié de l’Église de
Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours en mars 1839, le même mois où
Joseph Smith et ses compagnons finirent par échapper à la captivité et
s’enfuirent en Illinois, où le Prophète construisit la ville de Nauvoo.
Phelps installa sa famille à Dayton (Ohio) et perdit tout contact avec
l’Église pendant plusieurs années.
Dire que Phelps connut un véritable enfer est un euphémisme. Son esprit
fut torturé par la prise de conscience des mensonges qu’il avait dits et
du malheur qu’il avait causé au Prophète et aux saints. Il ne put trouver
d’emploi et, avec le temps, il devint complètement démuni. Ensuite, toute
sa famille tomba gravement malade et il sombra dans ce remords terrible
que l’on décrit souvent comme étant les « tourments de Satan ».
Quand il eut atteint le fond et considéré son âme comme perdue à jamais,
Orson Hyde et John Page, deux anciens de l’Église, allèrent le trouver
quand ils se rendirent à Dayton pour faire du prosélytisme. Ils parlèrent
avec lui et il exprima sa grande tristesse et montra un esprit de
repentir. Les anciens l’encouragèrent à écrire au Prophète pour demander
pardon, lui promettant qu’ils remettraient la lettre entre ses mains.
Phelps écrivit une lettre, mais n’était pas convaincu que Joseph
répondrait favorablement. Comment le pourrait-il ? Phelps avait fait un
faux témoignage qui avait envoyé Joseph en prison. Il avait incité les
émeutiers à maltraiter et à piller les saints et à les chasser du
Missouri. Il s’était rangé aux côtés de l’ennemi et, par traîtrise, avait
livré le Prophète et les autres dirigeants de l’Église entre les mains de
dégénérés inhumains et sanguinaires. Et maintenant, il demandait de
revenir ?
Voici une partie de la lettre qu’il écrivit :
« FRÈRE JOSEPH : Je suis vivant et, avec l’aide de Dieu, j’ai l’intention
de continuer à vivre. Je suis comme le fils prodigue, bien que je ne doute
absolument pas de la plénitude de l’Évangile ni ne refuse d’y croire. J’ai
été profondément bousculé et humilié [...] J’ai vu la folie de mes voies,
et je tremble en pensant au gouffre que j’ai franchi. Il en est ainsi et
je ne sais pas pourquoi. J’ai prié et Dieu a répondu ; mais que pouvais-je
faire ? J’ai dit : ‘Je me repentirai et je vivrai, et je demanderai à mes
anciens frères de me pardonner, et même s’ils me châtient à mort,
cependant je mourrai avec eux, car leur Dieu est mon Dieu. La plus petite
des places avec eux, c’est assez pour moi, oui, c’est plus grand et
meilleur que tout Babylone.’ [...] Je connais ma situation, vous la
connaissez et Dieu la connaît, et je veux être sauvé si mon ami m’aide
[...] J’ai mal agi et j’en suis désolé. La poutre est dans mon propre œil.
Je n’ai pas marché avec mes amis selon ma sainte onction. Je demande
pardon au nom de Jésus-Christ à tous les saints, car je veux bien agir
avec l’aide de Dieu. Je veux votre compagnie ; si vous ne pouvez pas
m’accorder cela, accordez-moi votre paix et votre amitié, car nous sommes
frères et notre communion était douce et quand le Seigneur nous
rassemblera encore, je ferai réparation sur tous les points que les saints
ou Dieu pourraient exiger. Amen. »
Pendant plusieurs longues semaines, Phelps attendit la réponse du
Prophète. En attendant, à Nauvoo, un miracle se produisait. Ce miracle
témoigne de l’esprit chrétien de Joseph Smith, le Prophète, et de
l’Évangile de Jésus-Christ qu’il enseignait à ses disciples. Joseph Smith
lut la lettre de Phelps aux hauts dirigeants de l’Église, en particulier à
ceux qui avaient partagé une cellule de prison avec lui. Puis, unis dans
leur décision, le prophète convoqua toute la population des saints, chacun
d’eux victime de la tyrannie et de la trahison de Phelps, les veuves et
les orphelins, les femmes violées, les sans-abri et sans ressources — et
leur lut la lettre de Phelps. Par la suite, le prophète demanda un vote.
Qui serait prêt à pardonner à frère Phelps et à consentir à son retour en
communion complète ? Chose remarquable, toutes les mains se levèrent.
À
la suite de cela, Joseph écrivit une lettre de réconciliation à son ami.
« Cher frère Phelps:--Je dois dire que c’est avec des sentiments peu
ordinaires que je m’efforce de vous écrire quelques lignes en réponse à
votre estimée du 29 écoulé ; en même temps, je me réjouis du privilège qui
m’est accordé.
« Vous pouvez réaliser dans une certaine mesure ce qu’ont été mes
sentiments ainsi que ceux de frère Rigdon et de frère Hyrum quand nous
avons lu votre lettre—en vérité nos cœurs ont fondu de tendresse et de
compassion lorsque nous avons constaté vos résolutions, etc. Je peux vous
assurer que je me sens disposé à agir sur votre cas d’une manière qui
répondra à l’approbation de Jéhovah (dont je suis le serviteur) et
conformément aux principes de vérité et de justice qui ont été révélés ;
et comme la longanimité, la patience et la miséricorde ont toujours
caractérisé l’attitude de notre Père céleste envers les humbles et les
pénitents, je suis disposé à copier l’exemple, à chérir les mêmes
principes et, ce faisant, être un sauveur de mes semblables.
« Il est vrai que nous avons beaucoup souffert suite à votre
comportement--la coupe de fiel, déjà suffisamment pleine pour être bue par
des mortels, s’est en effet remplie au point de déborder quand vous vous
êtes tourné contre nous. Vous avec qui nous avions maintes fois tenu
conseil et avec qui nous avions connu bien des saisons rafraîchissantes de
la part du Seigneur – ‘si ç’avait été un ennemi, nous aurions pu le
supporter.’ ‘Le jour où tu t’es tenu de l’autre côté, le jour où des
inconnus ont emmené captives ses forces et où des étrangers ont franchi
ses portes et tiré [Far West] au sort, tu étais comme l’un d’entre eux ;
mais tu n’aurais pas dû contempler le jour de ton frère, le jour où il est
devenu un étranger, ni n’aurais dû parler avec orgueil le jour de la
détresse.’
« Toutefois, la coupe a été bue, la volonté de notre Père a été faite et
nous sommes encore en vie, ce pour quoi nous remercions le Seigneur. Et
ayant été délivrés des mains de méchants hommes par la miséricorde de
notre Dieu, nous disons qu’il vous appartient d’être délivré du pouvoir de
l’adversaire, d’être amené dans la liberté des chers enfants de Dieu et de
reprendre votre place parmi les saints du Très-Haut et, par la diligence,
l’humilité et l’amour sincère, vous recommander à notre Dieu et à votre
Dieu et à l’Église de Jésus-Christ.
« Croyant votre confession réelle et votre repentance authentique, je
serai heureux de vous donner une fois de plus la main de la fraternité et
de me réjouir du retour du prodigue.
« Votre lettre a été lue aux saints dimanche dernier et leur avis a été
demandé, et il a été décidé à l’unanimité que W. W. Phelps devrait être
reçu dans la fraternité des saints.
« Allons, cher frère, puisque le conflit est fini,
Les amis du début sont de nouveau des amis. »
« Cordialement vôtre, Joseph Smith, fils »
On raconte que plusieurs mois plus tard, comme il s’asseyait pour prendre
son repas du soir, Joseph regarda par la fenêtre et vit une silhouette
familière et pourtant débraillée. C’était son ami prodigue W.W. Phelps.
Joseph sauta de son siège, courut sur la route, prit dans ses bras son
frère si longtemps disparu et ils pleurèrent tous les deux.
William Wines Phelps fut fidèle jusqu’à la fin. Il accompagna le Prophète
à Carthage (Illinois), lorsque Joseph fut incarcéré pour la dernière fois
et martyrisé. Il se proposa pour prendre sa place et mourir pour lui,
mais, bien sûr, ce n’était pas possible. Il mit par écrit le dernier rêve
du Prophète et lui rendit visite dans la matinée du 27 juin 1844, quelques
heures avant que le Prophète et son frère Hyrum fussent assassinés. Durant
le chaos qui s’ensuivit, quand des apostats tentèrent de prendre le
contrôle de la direction de l’Église, il se tint avec l’apôtre Willard
Richards et affirma le droit des douze apôtres à la présidence, Phelps
ayant été à la réunion au cours de laquelle le Prophète Joseph Smith avait
mis le fardeau du royaume sur les épaules des apôtres comme Jésus-Christ
l’avait fait des siècles plus tôt.
Phelps prononça l’oraison funèbre de Joseph Smith. Puis, quelques semaines
plus tard, toujours en deuil pour son ami bien-aimé qui lui avait pardonné
et l’avait sauvé, il écrivit les paroles du cantique bien-aimé : « Gloire
à celui qui a vu Dieu le Père ».
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