CHAPITRE 3 : CULTURE ET HISTOIRE DANS LES PAYS DU LIVRE DE MORMON

Beaucoup parmi nous ont observé personnellement les pueblos apparemment sans âge du Nouveau-Mexique et d’Arizona, patries des Hopis, des Zuñis, des Acomas et d'autres groupes indiens. Ils donnent l’impression que le passage d'un siècle ne changerait pas grand-chose pour eux ni pour leurs habitants. Il y a beaucoup de vrai dans cette constatation. La tradition confirme les recherches : Le mode de vie essentiel du Pueblo existe dans son cadre pittoresque et aride depuis très longtemps. Et certains aspects traditionnels de la vie dans les pays de la Bible ont également perduré pendant de longues périodes. Et si nous devions examiner la culture d'un village chinois, nous serions frappés, même aujourd'hui, de voir à quel point les coutumes locales de base ont été conservées.

La raison principale de ce conservatisme des collectivités est claire. Les difficultés à vivre dans un environnement donné ont tendance à ne pas changer; les moutons, les vignobles et les champs de céréales moissonnés à la main en Palestine étaient la clef de la survie personnelle et culturelle des habitants de l’époque d'Abraham aussi bien que de celle du Christ, deux mille ans plus tard. Et la façon de planter le maïs n’a pas changé de manière sensible dans certaines régions rurales du sud du Mexique pendant une période encore plus longue.

La deuxième raison de la continuité est la réticence psychologique des gens à changer. Les humbles, qui héritent toujours de la terre une fois que les rois et les généraux ont passé, préfèrent s’en tenir au mode de vie qui a fait ses preuves. La plupart des changements doivent tout d’abord s’avérer utiles, et ils sont habituellement intégrés au contexte d’une culture sans la révolutionner. Le dicton français s'applique tout particulièrement à la culture : « Plus ça change, plus c’est la même chose. »

Bien que la vie quotidienne de la plupart des gens se caractérise par la continuité, le cours de la civilisation dans laquelle ils vivent peut parfois être touché par une véritable révolution, de manière très soudaine et irréversible. Vue par un groupe d'Indiens des Grandes Plaines dans la seconde moitié du 19ème siècle, la vie a continué d’une manière tellement constante, jour après jour, qu'elle les a probablement empêchés de voir la révolution dont ils étaient témoins : l’expansion des voies et des clôtures de chemin de fer et le massacre des bisons, tout cela en une décennie environ. Les terres jadis occupées par les Navajos ont subi les deux processus. Pour certaines personnes, familles et localités isolées, la vie a continué à se dérouler au fil des siècles sans restructuration radicale. Certaines des vieilles coutumes – les sacrifices humains, par exemple – ont heureusement disparu. Les machettes en fer, le rituel chrétien, l’alcool distillé, les chevaux et même la pénicilline ont été acceptés sans changer radicalement le cours fondamental de la vie. Et pourtant le monde qui entoure ces îles de stabilité culturelle s’est effectivement transformé sous l’effet des remous provoqués par des courants d'histoire plus vastes.

Une révolution culturelle a touché une partie de la Mésoamérique avec une grande force en 1519 quand Cortez a atteint la côte orientale du Mexique près du Veracruz actuel. Dans les deux années, les Espagnols s’étaient rendus maîtres de la capitale aztèque, Tenochtitlan (qui est devenue Mexico) et d’une grande partie du centre du Mexique. (Voir la carte en page de couverture.) Quelques années plus tard, les dés étaient de nouveau jetés. La civilisation mésoaméricaine, une tradition continue qui s'était développée pendant quelque 180 générations, périssait dans ce qu’elle avait de plus intime. Nous pouvons encore en entrevoir des parties, mais la transformation essentielle avait été décidée par le succès fantastique des conquistadors espagnols, les tout premiers « gentils » qui venaient de l’autre côté de l’océan et dont Néphi avait eu la vision (1 Néphi 13:13-15). Les conquérants attribuèrent à la main de Dieu leur succès stupéfiant. Eux-mêmes n’arrivaient pas à croire ce qui était arrivé. Ils ne pouvaient pas non plus saisir clairement les implications de la découverte d’une civilisation entière dont quelques années auparavant personne en Europe n'aurait même soupçonné l’existence. Cortez, dans son rapport à son roi, dit : «Je veux parler de certaines des choses que j'ai vues, qui, bien que mal décrites, causeraient, je le sais très bien, beaucoup d'étonnement au point que l’on aurait du mal à le croire, parce que même nous, qui les avons vues de nos propres yeux, nous sommes incapables d’en comprendre la réalité [1].»

LA VIE A L’EPOQUE AZTEQUE

La culture que nous appelons aztèque a commencé à prendre forme quand un petit groupe de chasseurs et de cueilleurs nomades, qui s’était donné le nom de Mexicas (prononcé mechica) et qui venait du nord-ouest, est entré dans la Vallée de Mexico peu après 1300 apr. J.-C. Les nombreux habitants que la vallée contenait déjà étaient les porteurs d'une tradition culturelle héritée des célèbres « Toltèques » qui les avaient précédés de quelques siècles. Divisés entre eux en petites unités politiques, les habitants locaux firent peu attention aux intrus, qu'ils considéraient comme des « péquenauds » grossiers. Les Mexicas s’installèrent dans une partie marécageuse de la vallée, que personne d’autre ne voulait. Ils apprirent avec avidité les nombreuses techniques de la civilisation auprès de ceux qui les entouraient. Par la menace et des manœuvres politiques effrontées, les nouveaux venus acquirent de plus en plus de force jusqu’à être en mesure de contracter une alliance avec les deux localités les plus importantes situées le long du bord du lac, qui couvrait à l’époque le fond de la vallée. Plus tard encore, avant 1500 apr. J.-C., leur propre ville prospère avait réussi à dominer non seulement ses voisins locaux, mais aussi des peuples situés à des centaines de kilomètres de là. Les prouesses militaires, basées sur la peur que suscitaient leurs exigences implacables en victimes sacrificatoires, avaient assujetti plus de cinq millions de personnes au gouvernement peu structuré de cet empire aztèque au moment où les Espagnols débarquèrent.

Dans tous le territoire contrôlé par les Aztèques, aussi bien que dans d'autres zones de la Mésoamérique sur lesquels ils exerçaient une influence, la base économique de la civilisation avait longtemps été la culture à la main de trois produits alimentaires : le maïs, le haricot et la courge. Certaines localités pouvaient faire deux et même trois récoltes par an et il existait de nombreuses variétés de toutes sortes de cultures, adaptées à des climats et à des sols différents. On cultivait également d'autres plantes, mais le maïs était la principale céréale de la Mésoamérique. Il a été démontré qu’un régime alimentaire constitué de ces trois cultures est nourrissant du moment qu'il contient des protéines supplémentaires, que l’on obtenait à l’époque principalement grâce au gibier et à un petit nombre d’animaux domestiques [2].

Bien qu’un petit nombre de régions ait été particulièrement favorisé par de la bonne terre et de bonnes conditions de croissance, la plus grande partie de l’agriculture mésoaméricaine n'était pas très productive. De vastes régions sont montagneuses, menacées par le gel ou couvertes d’épaisses forêts. Certains endroits, comme la vallée de Mexico, offraient des avantages spéciaux une fois maîtrisées les bonnes techniques d'agriculture. Les régions favorisées avaient recours, dans une certaine mesure, à l’irrigation, mais les sources d'eau auxquelles on pouvait se fier et les terres où l’on pouvait amener l'eau de manière utile étaient rares. On n’utilisait apparemment jamais les animaux pour préparer les champs. On ne disposait pas de bons animaux de trait pour tirer les charrues. Au lieu de cela, on plantait les cultures à la main dans un terrain non nivelé et on le désherbait à la main. De toutes façons, on pouvait obtenir des cultures de maïs suffisantes simplement en laissant tomber des semences dans des trous faits avec un bâton aiguisé sur des bouts de terre débarrassés des arbres et des broussailles en coupant et en brûlant ensuite les débris séchés. Arrosé par les pluies (on calculait le moment de la plantation juste avant le début espéré de la saison des pluies), le maïs produisait habituellement une grande quantité d'énergie alimentaire par unité de travail consenti. On plantait parfois le maïs et les haricots dans le même champ, parce qu’ils parvenaient à maturité à des moments différents. Dans les zones rurales du centre et du sud de la Mésoamérique, il est toujours possible de voir des fermes où les méthodes agricoles ne diffèrent pas beaucoup de celles que l’on utilisait il y a des milliers d’années.

Dans les régions boisées, plus humides, il était souvent nécessaire de recourir à la culture mobile. Lorsqu’un champ avait été débroussaillé et ensemencé pendant une année environ, les cultures devenaient moins productives à cause de la perte de fertilité dans les sols habituellement peu profonds et à cause de la croissance du gazon, des mauvaises herbes et des buissons. Le cultivateur ne tardait pas à être obligé de débroussailler un nouveau champ et de recommencer le processus. Un bout de terrain une fois utilisé avait besoin de quelque dix ans pour récupérer avant de pouvoir de nouveau être cultivé. Ce type d'agriculture exigeait une grande quantité de terres et dispersait les lopins sur un vaste territoire. Peu de personnes pouvaient vivre dans des collectivités ayant une concentration de population et il n’était pas non plus facile de fournir des surplus alimentaires aux villes à cause des distances que cela impliquait et des obstacles imposés par le relief.

Il est difficile de résumer le panorama du peuplement sans être simpliste, à cause de la diversité des conditions de vie à travers la Mésoamérique, mais il y a une chose qui ressort. Bien que la population de la région ait atteint des dizaines de millions, la plupart des colons étaient dispersés ou, en tous cas, des étendues de « désert » séparaient les secteurs plus fortement peuplés. Quand la population augmentait, cela signifiait une pression sur les ressources. Après une période de croissance soutenue, certaines se voyaient obligées de s’installer dans des terres environnantes moins désirables, d’émigrer vers des régions lointaines ou d’essayer de se procurer des ressources auprès des voisins. Quand aucune de ces options n'était possible, la concurrence pour obtenir les ressources causait des dissensions.

La distance entre une région de peuplement intensif et une autre signifiait aussi que le gouvernement fonctionnait de manière assez élémentaire. Les « nations » n’étaient pas tellement des groupes de gens unifiés sous un gouvernement central mais plutôt des réseaux de zones de peuplement rattachées les unes aux autres par une certaine loyauté, laquelle se traduisait par le paiement d’un tribut (équivalent de la taxation) par les colons de la périphérie aux offices centralisés du pouvoir. Toutefois, les gouvernants disposaient de peu de moyens de pression pour imposer leurs exigences. Les nobles des diverses régions étaient liés entre eux par la parenté et le mariage et ils avaient des pratiques religieuses en commun, mais si la colle des relations de cette classe ne réussissait pas à maintenir les régions sous un gouvernement légèrement unifié, la seule possibilité réelle pour assurer l'ordre politique était la force. Les régions sujettes considéraient périodiquement que le tribut exigé était trop pénible à supporter, sur quoi elles se rebellaient. La solution aztèque était d'envoyer une armée donner une leçon aux rebelles et de remplacer les dirigeants locaux par quelqu'un de plus coopérant. (Pourtant deux groupes voisins, les Tlaxcalans et les Tarascans, se révélèrent trop résistants pour que même les Aztèques sanguinaires puissent les soumettre.) Les institutions que nous considérons comme allant de soi, comme la bureaucratie avec une tenue de registres importante, des lois codifiées, des tribunaux et des forces de l’ordre permanentes, n’existaient pas comme telles. Le simple fait des limites de la technologie empêchait la production d’une quantité suffisante de surplus pour entretenir un appareil considérable de spécialistes. On ne pouvait pas non plus entretenir une grande armée permanente.

Les gouvernants locaux n'étaient pas de simples patrons arbitraires. Ils rendaient de nombreux services nécessaires, comme régler les conflits, décider de la façon dont les ressources rares devaient être attribuées et gérer les réparations aux systèmes d'irrigation et au reste de l’équipement public. Ils organisaient et dirigeaient aussi les armées. En échange de l’accomplissement de ces corvées souvent déplaisantes et exigeantes, ils recevaient le tribut et en vivaient et certains aliments et rituels leur étaient réservés. Des mythes, des rites et des prêtres justifiaient le point de vue des élites en leur attribuant des pouvoirs sacrés. Les souverains accomplissaient des cérémonies essentielles, de sorte que, dans un certain sens, ils étaient également des prêtres.

Sous les Aztèques, beaucoup d'êtres sacrés étaient reconnus et adorés, bien que nous puissions supposer que les gens du commun ne connaissaient qu’une version simplifiée des croyances et des cérémonies. Ce qui nous donne parfois l’impression d’être une multitude de dieux a peut-être été considéré comme des aspects d’un petit nombre de dieux principaux ou même d'une divinité unique [3]. Le rituel avait toujours une importance capitale. Pour les Aztèques, les puissances divines avaient besoin d’être rechargées, pour ainsi dire, et les rites fournissaient le mécanisme pour cela. Le jeûne et l'autopunition (comme la saignée) étaient des pratiques régulières. On pensait que le sacrifice humain était essentiel, la force représentée par les vies humaines étant nécessaire pour soutenir le pouvoir divin universel qui faisait que la terre et l’univers continuaient à fonctionner. En conséquence, la guerre devint nécessaire tant pour se procurer les victimes sacrificatoires que les paiements des tributs qui finançaient les villes aztèques spectaculaires.

L’ampleur des sacrifices humains est difficile à évaluer. En une seule semaine, peu avant l’arrivée des Espagnols, 70.000 victimes furent, dit-on, mises à mort sur les autels [4] !

Un autre aspect du rituel était la prédiction de l'avenir. On utilisait l'astrologie pour prédire le sort de chaque personne sur la base de sa date de naissance ; le nom de sa date de naissance devenait alors son nom personnel. La préoccupation vis-à-vis de la prédiction était également liée à l'inquiétude concernant le temps. Le succès de la culture du maïs dépendant de l'arrivée en temps opportun des pluies après la plantation des semences, il était nécessaire de déterminer si les saisons se dérouleraient comme prévu. Ils estimaient qu’un retard dans l'arrivée des pluies ou trop de pluie pouvait provoquer un désastre si celui-ci n’était pas empêché par le rituel. Une grande partie des préoccupations des peuples mésoaméricains pour l'astronomie et les calculs du temps dérivait de leur anxiété vis-à-vis de la prédiction des changements de temps saisonniers, qu'ils considéraient comme déterminés par les puissances sacrées. Bien entendu, les mathématiques du calendrier et la complexité de l’astrologie et des divinités ne pouvaient être maîtrisées que par des spécialistes tenant des registres détaillés. Ainsi donc les « savants » étaient en réalité des prêtres. Ce monopole d’une connaissance cruciale leur donnait un grand pouvoir. Naturellement ils étaient alliés aux gouvernants et ils étaient habituellement choisis parmi la noblesse, de sorte que les pouvoirs « politique » et « religieux » n’étaient que les deux facettes de « l’establishment » de l’élite. (Il est très révélateur que le rebelle Korihor, dans le Livre de Mormon, ait essayé de gagner du pouvoir en ralliant les gens contre le pouvoir sacerdotal. Les termes utilisés dans Alma 30:23-28 sont particulièrement parlants.)

La plupart des gens du commun étaient dispersés dans le pays pour l’agriculture. Ils se sentaient à certains égards dépendants des activités des seigneurs et des prêtres, mais comme la masse des gens dans le reste du monde prémoderne, leurs préoccupations principales étaient les problèmes de la vie quotidienne. N’ayant ni le temps, ni les facilités, ni la motivation pour apprendre à lire et à écrire, ils dépendaient de la connaissance populaire existant au sein de la localité pour guider la plus grande partie de leur vie, qui était souvent ardue. Leur souci premier était probablement que les puissants les laissent tranquilles, mais la guerre, la famine et d'autres catastrophes imprévisibles les rendaient généralement fatalistes, conscients des limites fort restreintes imposées à leur capacité de disposer d’eux-mêmes. De plus, la rareté des ressources qui n’étaient pas déjà bloquées exigeait d'eux qu'ils restent dans le rang dans leur collectivité ou leur groupe familial s’ils ne voulaient pas être privés de nourriture et de sécurité. Ces circonstances empêchaient l'individualisme et particulièrement des manifestations socialement perturbatrices telles que l'amour romantique.

La séparation géographique et écologique des groupes de population stimulait également le commerce. Les différences fortement marquées dans les minéraux, les reliefs et l’accès à l’eau signifiaient que certains produits désirables étaient plus facilement accessibles par l'importation que sur place. Le commerce de ces produits était considérable. Les produits lourds d’usage courant, par exemple les aliments de base, n'étaient habituellement pas transportés sur de grandes distances à cause de l’absence de tronçons suffisamment longs de rivières navigables ou de modes de transport pratiques par voie de terre. Le mobile principal du commerce était la demande de produits de luxe par l'élite. Cependant on cherchait et transportait des marchandises plus pratiques. Il y avait une demande constante d’obsidienne ou verre volcanique en provenance du nombre limité d’affleurements où l’on pouvait se la procurer. Elle constituait un matériau essentiel pour la fabrication de beaucoup de sortes d’outils pour couper, les bords acérés de ses lames étant plus efficaces que n’importe quelle autre matière existante. On transportait de la bonne pierre pour fabriquer des metates (des meules pour faire de la farine de maïs) dans les régions qui n’en avaient pas. Il y avait aussi, bien entendu, toute une variété de matières décoratives et rituelles que l'élite payait bien : les plumes exotiques, le jade et d'autres minéraux précieux, l'or, les fèves de cacao, l’encens, les coquillages et les tissus fins valaient aussi le prix et la peine d’être transportés (un peu comme les épices tellement recherchées en Europe occidentale ont provoqué l’époque des voyages d’exploration). Soit dit en passant, une grande partie des profits du commerce revenait à ceux de la noblesse qui finançaient les expéditions. Entre-temps, le désir de garder ouvertes les routes du commerce incitait les gouvernants à entretenir des liens diplomatiques avec ceux qui gouvernaient les peuples lointains. À l’époque de la conquête espagnole, les représentants de commerce aztèques exerçaient leurs activités jusqu’à Panama.

Les artisans étaient nombreux dans et autour de la capitale aztèque de Tenochtitlan et dans d'autres régions à population dense. Les ornements et les outils d’or, d’argent et de cuivre, les instruments de bois et de pierre, le textile, la poterie et beaucoup d'autres produits de l’artisanat s’échangeaient sur les marchés locaux animés. Les Espagnols furent impressionnés par la diversité des marchandises et l'ordre que les gouvernants maintenaient sur les marchés. En outre, il y avait des spécialistes qui exerçaient leurs activités dans l'architecture, la construction et un certain génie civil ; la construction de chaussées, de murs défensifs, d’égouttage et de grands monuments était intensive. Les scribes tenaient des registres volumineux sur du papier fait avec l'écorce du figuier.

Il y avait des villes – des centres rituels et des centres de marché – dispersées à des intervalles assez réguliers dans la plupart des régions mésoaméricaines, mais les villes véritables étaient peu nombreuses. La ville qui était de loin la plus impressionnante à l’époque aztèque était la capitale. Les envahisseurs espagnols la considéraient comme égale aux villes de leur patrie. Tenochtitlan avait une population de 150 000 habitants minimum [5]. En l’absence de véhicules munis de roues pour assurer le transport, alimenter une telle masse de gens constituait un vrai problème. Dans ce cas, le transport par eau était essentiel ; une foule de pirogues se faufilait sur le lac et les canaux de la vallée de Mexico, transportant des provisions à l’usage des habitants de la ville. Tenochtitlan avait en fait été construite sur une partie peu profonde du grand lac qui occupait une grande partie de la vallée. Les Mexicas avaient graduellement installé des zones de construction, les reliant entre elles par des chaussées ou des ponts, qui laissaient un réseau de canaux permettant le transport par pirogue. Sur terre, les esclaves capturés dans les guerres, ainsi que les ouvriers appartenant aux gens du commun, transportaient le matériel nécessaire sur leur dos. C’est ainsi que la métropole était une plaque tournante de commerce et de tribut dont les tentacules s’étendaient de manière routinière sur près de 250 kilomètres [6]. Des expéditions commerciales étaient envoyées encore bien plus loin.

Les détails du système brièvement esquissé ici variaient parmi les nombreux peuples de la Mésoamérique, mais en 1519 de notre ère, quand Cortez et ses hommes arrivèrent, les éléments essentiels du système s’étendaient jusqu’à 1000 kilomètres vers le nord-ouest de la capitale aztèque et jusqu’à 1500 kilomètres vers le sud-est. Le total de la population concernée a pu être de 30 millions [7].

AILLEURS SUR LE CONTINENT

Un coup d’œil sur l’ensemble du continent nous aide à apprécier la complexité de la Mésoamérique. Le seul rival par la taille et le développement de la société a été au Pérou et dans la région des Andes environnante, gouvernée par les Incas. Ils étaient apparus à peu près au même moment que les Aztèques, passant de l’obscurité à la domination dans les trois siècles qui précédèrent l'invasion par les Espagnols en 1532. La technologie et l’agriculture étaient à peu près au même niveau de développement qu’au Mexique. L’utilisation du lama comme bête de somme améliorait un peu les possibilités de transport, mais elle était probablement contrebalancée par le caractère sauvage des Andes. On ne connaît pas d’annales – on ne connaissait pas l’écriture – mais la transmission orale des renseignements était hautement systématique. Les Incas étaient de meilleurs administrateurs que les Aztèques ; ils contrôlaient véritablement ceux qu'ils dominaient en installant certains des leurs à des postes de gouvernement dans les régions conquises [8]. D’une manière générale, les royaumes aztèque et inca étaient aussi complexes l’un que l’autre, bien que nous n'ayons pas de preuve directe que les deux sociétés aient communiqué entre elles.

Le niveau culturel était plus bas partout ailleurs que ces deux points saillants. La Colombie, le Panama et l'Amérique Centrale constituaient une zone intermédiaire qui partageait certaines des caractéristiques des deux territoires à haute culture, mais il est douteux qu’aucune de ces régions ait contenu ce que l’on pourrait appeler une vraie ville. Par contre le Mexique et le Pérou comportaient un nombre important de villes.

Les Indiens de la vallée du Mississippi et d’une partie du sud-est des États-Unis participaient à des aspects importants de la vie mésoaméricaine, quelque peu diluée dans la transmission vers le nord. Les populations de ces régions montraient une évolution dans certaines activités, mais aucun spécialiste ne les qualifierait de civilisées à aucune période, comme nous devons le faire pour les Mésoaméricains. Les Pueblos et les peuples voisins du Nouveau-Mexique et de l'Arizona, et une enfilade de tribus s’étirant sur l’ouest montagneux du Mexique recevaient aussi beaucoup de choses de la part de la civilisation située au sud. Les problèmes posés par la vie dans un milieu hostile limitaient leur capacité d'exploiter les stimuli culturels qu’ils recevaient, les laissant à un niveau qui n’était pas plus élevé que celui des groupes de la Vallée du Mississippi. Dans ces deux zones secondaires d’Amérique du Nord, une partie de la culture et de la population constituait un prolongement de la Mésoamérique et donc probablement de peuples du Livre de Mormon. En fait, tous les peuples agricoles de l’Amérique du Nord, jusqu’au centre de l'Utah, au Wisconsin et en Ohio, étaient plus ou moins influencés par la tradition mésoaméricaine. Plus loin au nord, il n’y avait que des peuples pratiquant la cueillette et la chasse, en nombre réduit et sans importance pour l'histoire du continent.

La région des Caraïbes se situait à peu près au niveau de l'Amérique Centrale, un peu moins civilisée. Les tribus de l’est de l’Amérique du Sud parvenaient parfois à un niveau de population important, mais ne serait-ce qu’à cause des problèmes qu’elles rencontraient dans leur environnement, leur évolution vers une complexité sociale et culturelle était limitée. L’extrême sud de l'Amérique du Sud, dépourvue dans sa plus grande partie d’agriculture et constituant littéralement le bout de la terre, représentait peu de chose dans le tableau d’ensemble. Depuis des milliers d'années, c’était quasiment la même situation qui avait existé sur le continent [9]. La Mésoamérique et la zone centrale des Andes étaient les pics culturels. Tout le reste était inférieur. À certaines périodes, l'influence et peut-être même les populations de la Mésoamérique parvinrent effectivement dans certaines parties de l'Amérique du Sud, mais les deux régions n’eurent tout au plus que des liens superficiels.

DEPUIS LE COMMENCEMENT

Pour comprendre plus complètement le mode de vie des Aztèques et de la Mésoamérique en général, commençons par les vestiges les plus anciens de la vie civilisée et esquissons brièvement les développements jusqu'à la conquête espagnole. Nous détecterons une continuité considérable et quelques révolutions dans le domaine culturel. Des traditions importantes ont été transmises de génération en génération jusqu'à l’époque des Aztèques. Nous jetterons aussi un coup d’œil sur certains changements clefs qui ont été les faits saillants de cette histoire. Le récit du Livre de Mormon sera interprété comme le compte rendu d’un développement culturel, parallèlement au récit mésoaméricain. Nous manquons ici de place pour traiter par le menu l'histoire de la région. Nous nous concentrerons plutôt sur les éléments culturels réguliers, les modes de pensée et d’action qui paraissent établir une correspondance entre le récit du Livre de Mormon et l’image que nous avons de la Mésoamérique.

LE TABLEAU D’ENSEMBLE

Le lecteur qui aborde le sujet pour la première fois pourrait être complètement perdu si nous nous plongions directement dans une présentation détaillée dans la Mésoamérique ancienne. La meilleure façon de procéder est d’en donner un bref aperçu. L'examen du développement général de la civilisation en Mésoamérique fournira un contexte pour les éléments qui ont trait au Livre de Mormon.

Les vieux livres sur « l'histoire du monde », que certains d'entre nous ont étudiés au lycée, simplifiaient agréablement les choses. De longues périodes de temps et des événements majeurs étaient résumés d’une telle manière que nous avions au moins l’impression que les pyramides égyptiennes avaient été construites longtemps avant Rome, laquelle avait été suivie du Moyen Âge et ainsi de suite. Nous devons ici également simplifier à l’excès, avec la même audace, un procédé que justifie la clarté qui en résulte.

Ce qui est arrivé en Mésoamérique peut être considéré comme le développement de deux traditions successives de civilisation, plus des demi-traditions survivantes de chacune d’elles. La plus ancienne des deux s’étend sur une période allant peut-être de 2500 av. J.-C jusqu’après 600 av. J.-C. Une des moitiés est le pâle restant de la Première Tradition, qui a continué tant bien que mal jusqu’à chevaucher avec la Seconde. Celle-ci avait acquis sa forme essentielle vers 100 av. J.-C. ; elle poursuivit une carrière instable jusqu’à un lent déclin, qui expira avant 600 apr. J.-C. La moitié finale représentait des tentatives de réveil ; divers peuples continuèrent d’essayer de retrouver l’éclat de la glorieuse Seconde Tradition entre 600 apr. J.-C. et la conquête européenne.

Le mot Tradition, tel qu’il est utilisé ici, désigne davantage qu’une civilisation en soi. Par exemple, la civilisation romaine avait sa propre unité. La tradition occidentale, beaucoup plus longue, dont elle faisait partie, montre des variations dans ses différentes manifestations régionales et chronologiques. Néanmoins, ces variantes – comme la variante romaine – avaient des caractéristiques communes. Des éléments essentiels d’histoire, de symbolisme, de valeurs et de comportement les unissaient en un tout reconnaissable. Les deux traditions de la Mésoamérique se situaient à une échelle tout aussi grandiose.

 

Tête géante d’Olmèque trouvée à La Venta, taillée dans la pierre
et représentant certainement un chef de guerre.
 

LES OLMEQUES

La Première Tradition de la Mésoamérique a atteint son point culminant dans la culture olmèque, tout comme la civilisation romaine classique a été l'apogée dans son domaine. Le nom olmèque a été conféré par les chercheurs modernes à un peuple (bien que plus d’un peuple ait pu être impliqué) et à sa culture manifestés dans un ensemble remarquable de sites archéologiques et dans un type d'art distinctif. Les restes se trouvent essentiellement dans une région semi-circulaire dans et juste au nord de l'isthme de Tehuantepec. Il nous est impossible de connaître le nom que ce peuple se donnait; olmèque, qui signifie « peuple du pays qui produit le caoutchouc », est simplement un nom pratique que la légende donne à un groupe beaucoup plus tardif qui a habité à peu près le même territoire.

La culture olmèque connut son apogée autour de 1200 av. J.-C. (à titre de comparaison, peu de temps après que les tribus d'Israël occupèrent le pays de Canaan sous Josué). Le site de San Lorenzo Tenochtitlan, au cœur de l'isthme, contient les vestiges les plus spectaculaires attribués à cette culture. L’endroit fut peuplé pour la première fois aux environs de 1700 av. J.-C. Une colline basse étendue dominait une zone inondable environnante, qui se transformait à chaque saison des pluies en marécage. En quelques siècles, les colons entreprirent un projet audacieux. Ils reconstruisirent le site sur une grande échelle. On déversa des millions de paniers de terre sur la colline pour étendre la zone de construction vers l’extérieur. Le sommet de la colline prit ainsi la forme de deux crêtes parallèles sur lesquelles les colons construisirent un site cérémoniel spectaculaire [10]. Nous supposons que cela a été un centre religieux, à cause des sculptures et des structures de pierre exotiques que l’on y trouve. Les styles de céramique et d’objets de San Lorenzo se répandirent jusqu’à la côte du Guatemala au sud et au centre du Mexique au nord. Ce n’est que rarement que l’on a atteint la complexité de ces sculptures en Mésoamérique. Toute cette évolution a paru mystérieuse tant par son éclat que par le caractère soudain de son apparition.

Ce n’est que dans cette dernière décennie que nous avons commencé à voir que l'apogée olmèque n'était pas véritablement aussi soudaine ni aussi mystérieuse qu'elle a pu paraître au début. En réalité, il y a eu derrière elle une longue période de développement que nous commençons seulement maintenant à entrevoir. Dans les états mexicains du Chiapas, d’Oaxaca, de Puebla et de Morelos, en particulier, les sites étudiés ces dernières années font remonter beaucoup d’idées liées à la vie olmèque à une époque antérieure à l’efflorescence de cette culture dans sa patrie de la Côte du Golfe [11].

Les spécialistes ont été très surpris d’apprendre ces faits, eux qui, il y a quelques années seulement, se sont rendu compte que la culture olmèque elle-même était beaucoup plus ancienne qu’ils ne le pensaient. Il n’y a pas plus de trente ans, des archéologues très respectables avaient la certitude que les vestiges olmèques ne remontaient pas beaucoup plus haut que l’époque du Christ. Ensuite, une première série de dates au radiocarbone a montré que l’on avait vraisemblablement affaire à une période allant de 800 à 400 av. J.-C. Plus récemment encore, des méthodes plus pointues et des travaux supplémentaires ont montré que l'âge correct des cultures olmèque et apparentées date de 1500 à environ 600 av. J.-C. Et nous nous trouvons maintenant devant des vestiges préolmèques qui remontent clairement à de nombreux siècles au-delà de 1500 [12].

Dans l’Ancien Monde, une situation semblable s’est produite lorsque l’on s’est rendu compte, il y a des décennies, que la civilisation grecque avait en réalité ses racines dans des cultures minoenne et mycénienne près de mille ans auparavant. Les recherches ultérieures ont mis au jour des prédécesseurs encore plus anciens bien au-delà de tout ce que les Grecs eux-mêmes se rappelaient.

Les rudiments des deux grandes traditions de la Mésoamérique étaient présents dès 3000 av. J.-C. Les cultivateurs vivaient, à l’époque, dans des villages et se montraient habiles dans la fabrication de céramiques dans un certain nombre d’endroits dans le centre-sud du Mexique. L'image que nous avons de la vie à cette époque est vague, parce que les vestiges sont rares. Nous ne voyons quasiment rien en fait de manifestations artistiques et religieuses dans la vie publique avant 1500 av. J.-C. environ, mais les recherches effectuées dans les quelques années qui vont suivre mettront certainement d’autres détails au jour. Ce que l’on a appris jusqu'à présent dissipe une grande partie du mystère du phénomène olmèque. Ce mode de vie s’est développé de manière continue tout au long d'une période de temps respectable. Toutefois, même ainsi, le développement a été si rapide et si spectaculaire que nous devons nous demander pourquoi.

De plus en plus de savants se posent la même question. Le Dr Betty Meggers, de la Smithsonian Institution, dans un article faisant date, publié en mars 1975, avance que le développement olmèque provient de la transmission directe d’éléments culturels clefs à travers l'océan Pacifique depuis la Chine au cours de sa période Shang (1750-1100 av. J.-C.), lorsque la tradition chinoise a acquis la forme qui lui est caractéristique [13]. Précédemment, Meggers et son mari, le Dr Clifford Evans, avaient découvert que certains fragments anciens de poteries provenant de l'Équateur, sur la côte occidentale de l'Amérique du Sud, étaient impossibles à distinguer de céramiques découvertes au Japon avant 3000 av. J.-C. Ils ont avancé que des voyageurs, provenant d'Asie, avaient atteint l'Équateur par bateau [14]. Dans un autre article, ils parlent de possibilités de traversée du Pacifique Nord, où le courant du Japon passe près des îles Aléoutiennes et de l'Alaska avant de se diriger vers le sud parallèlement à la côte californienne [15]. Les récits historiques du dernier siècle nous apprennent que beaucoup de bateaux de pêche japonais ont été poussés par le vent vers la haute mer et que des survivants ont débarqué sur la côte ouest de l'Amérique du Nord, ce qui montre qu’une traversée était possible. Meggers et Evans en concluent que des voyages volontaires ont du être faisables il y a des milliers d’années. La vitesse du courant est telle qu'un voyage du Japon vers l'ouest du Mexique devait être possible sur un navire assez simple en un an environ [16]. (La traversée, par les Jarédites, de l'océan, qui me semble avoir été le Pacifique Nord, dans des « barques » sans voiles a pris 344 jours – Éther 2:16 ; 6:11.) En outre, les poteries les plus anciennes que nous connaissons en Mésoamérique, qui peuvent remonter jusqu’à 3000 av. J.-C., se trouvent sur la côte ouest du Mexique, près d'Acapulco [17]. Divers chercheurs ont contesté l'interprétation de Meggers et d'Evans, mais cela reste une possibilité sérieuse pour des spécialistes éminents du sujet. Robert Heine-Geldern, David H. Kelley, Paul Tolstoy et George F. Carter comptent parmi ceux qui ont plaidé dans les cercles professionnels pour que l’on examine les sources transocéaniques pour expliquer pleinement comment la civilisation est apparue en Mésoamérique [18]. Harold K. Schneider, de l'Université d'Indiana, a avancé, plus récemment, que toute explication de l’apparition des grandes civilisations américaines qui ne tient pas compte des transferts de cultures à travers les océans est théoriquement faible [19]. Il y a, de plus en plus, des anthropologues et des archéologues – bien qu’ils restent encore minoritaires – qui réunissent des éléments montrant que des voyageurs anciens, provenant du Vieux Monde, ont pu traverser l'océan, et l’ont probablement fait, pour s’installer dans le Nouveau Monde. C’est ce que les mormons disent depuis 1829.

On a publié de nombreuses indications montrant la présence d’éléments culturels spécifiques tant en Mésoamérique que dans diverses civilisations du Vieux Monde. Les articles de Meggers, Tolstoy et Schneider, déjà mentionnés, présentent certains de ces renseignements, comparant principalement l'Asie orientale avec la région du Nouveau Monde qui nous intéresse. Dans mon article dans Man Across the Sea [20], l’ouvrage spécialisé standard sur les voyages transocéaniques, je présente des éléments montrant un lien possible entre la Mésoamérique et le Proche-Orient, d’où proviennent les peuples du Livre de Mormon. On y trouvera une liste de caractéristiques sociales et culturelles détaillées que les deux régions ont en commun, avec les références. Il y a plus de 200 éléments, dont certains sont hautement arbitraires, extraordinaires et complexes. Je trouve qu’il est plus difficile de croire qu’ils ont été inventés deux fois par coïncidence que de croire qu’ils ont été transportés d’un bout de l’océan à l’autre par des voyageurs. (De nombreux points de comparaison entre la vision néphite du monde et les idées mésoaméricaines et proche-orientales, décrits au chapitre 2, sont tirés de cet article.)

En dépit de l’accumulation de preuves d’une influence transocéanique importante sur la Mésoamérique, il ne fait pas de doute que beaucoup d’aspects – peut-être la plupart d’entre eux – de la culture des Première et Seconde Traditions ne viennent pas du Vieux Monde. Un ensemble unique de modes de vie et de pensée antiques et distinctifs caractérise la région à un niveau fondamental ; aucun autre apport ultérieur par diffusion n'y aurait changé grand chose [21]. Mais c'est comme si l’on disait que la culture égyptienne ancienne était différente de celle de la Mésopotamie. Aussi vrai que cela soit, il est également clair que la vie égyptienne a été fortement influencée par les coutumes et les idées mésopotamiennes et que les deux régions communiquaient depuis les temps anciens [22].

Nous ne pouvons pas démontrer actuellement que les civilisations de la Mésoamérique proviennent d’une influence venue de l’autre côté de l'océan, mais, ces dernières années, l'idée, dont se moquaient autrefois les professionnels, est d'abord devenue une hypothèse à moitié respectable et est maintenant avancée comme plausible plutôt que simplement possible. La tendance est claire.

Notre tableau de l’origine de la Première Tradition reste flou, mais on peut voir avec plus de clarté son déclin et sa chute. Bien entendu, cela n'est pas arrivé d’un seul coup. Des destructions, des révolutions ou des déclins périodiques ont dû précéder la chute spectaculaire de la San Lorenzo olmèque, qui s’est produite peu avant 1000 av. J.-C. ; l’endroit a été ravagé, peut-être par un soulèvement interne. Des dizaines de ses sculptures remarquables ont été défigurées dans la mesure ou c’était possible en martelant la pierre et ensuite enterrées cérémoniellement au prix de grands efforts. La société locale a perdu une grande partie de sa vigueur et de son influence [23]. Il y a eu ensuite, ça et là, des tentatives de renouveau. D'autres grands sites olmèques sont apparus, en particulier La Venta, dans une île au milieu d’un marécage à 100 kilomètres à l'est de San Lorenzo, et Laguna de los Cerros au nord-ouest de la capitale culturelle déchue. Des déplacements continuels des formes culturelles et de la distribution géographique des centres créatifs se sont produits. Monte Negro, sur le plateau d’Oaxaca, a été, à un moment donné, brûlé de fond en comble [24]. La Vallée d’Oaxaca a toujours été influente. Vers 550 av. J.-C., La Venta, qui était devenue une seconde San Lorenzo par son éclat, était abandonnée, ses sculptures, également, défigurées par une population en colère. La plupart des savants considèrent sa chute comme la fin de la tradition olmèque.

Ces apparitions et chutes de villes et de régions, la succession complexe d’évolutions et d’influences et les facteurs compliqués qui ont joué dans l'histoire de la Première Tradition sont toujours en cours de déchiffrement. Après tout, le problème se situe sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés et plus de deux mille ans d'événements. Dans l'état actuel des connaissances, nous ne pouvons proposer que quelques impressions, mais elles sont percutantes. Tout d'abord, le niveau technique était impressionnant dans certains domaines particuliers, mais il était vulnérable. Les anciens habitants utilisaient de toute évidence moins de variétés de cultures adaptées aux nombreuses zones écologiques que ce que l’on avait élaboré à l’époque aztèque. Les premières populations ont sans doute toujours été au bord du désastre écologique et il semble que, parfois, elles l’aient rencontré. L'instabilité politique a également pu être un problème. Il y a des exploits frappants en fait d’organisation, comme le rassemblement de gens pour construire le site de San Lorenzo. On pense que les têtes géantes sculptées dans la roche volcanique, et pesant jusqu'à vingt tonnes, montrent des chefs et « des rois » casqués se glorifiant de leur puissance, et cependant, leurs visages ont été, eux aussi, finalement défigurés. Le commerce sur de longues distances caractérisait la vie au cours de la Première Tradition ; à d'autres époques, un retour vers la vie locale semble évident. La longue histoire nous est révélée par bribes, nous entrevoyons certains faits saillants, mais nous restons sur notre faim ; le processus historique – le pourquoi de ce qui est arrivé – nous échappe encore.

Pour simplifier, j’ai utilisé le terme olmèque dans un sens plus large que celui souvent employé par les archéologues. Habituellement, on le limite aux vestiges et aux populations situés dans la zone de plaines autour des monts Tuxtla. Les ruines que l’on y trouve sont les plus spectaculaires de la période. Des mouvements importants se produisaient simultanément sur les plateaux, mais il n’y a pas de terme unique pour les désigner, de sorte que j’ai regroupé les deux évolutions régionales sous le nom unique d’olmèque.

Enfin, nous ne pouvons nous empêcher d’être fascinés par, comme un savant l’a dit, « la façon dont les choses se terminent… Nous n’avons même rien d’olmèque à examiner... [qui soit de beaucoup postérieur] à... 600 av. J.-C. » [25].

LES RESTES

C’est le système, pas toute la population ni tout le mode de vie, qui a disparu à la fin de l’époque olmèque. Le réseau de gouvernement, de prestige, de commerce, de puissance et de richesse qui a créé et entretenu les monuments et les sites brillants des Olmèques déclinait en qualité depuis des siècles, bien que fonctionnant toujours à une échelle impressionnante. En 700 av. J.-C l'apparition de structures pyramidales, de jeux de balle et de centres semi urbains révélait une culture considérablement transformée par rapport à l’Olmèque classique [26]. Il est probable que ce sont des conflits internes qui ont été la cause de la chute finale. Dans la zone du centre-sud de Veracruz et à La Venta, la révolution fut apparemment presque totale. La continuité des styles de poterie donne à penser que dans les marécages et les trous perdus, de petites collectivités ont survécu, mais les notables et leurs ouvrages spectaculaires disparurent.

Dans les régions marginales de ce qui avait été la Mésoamérique, de nouvelles populations profitèrent de l'effondrement de la société située dans le centre pour s’introduire, comme les Toltèques et les Aztèques allaient le faire beaucoup plus tard. C’est ainsi que les habitants de Ticoman et de Cuicuilco, dans la vallée de Mexico, venus d’au-delà de la limite occidentale de ce qui avait été une région de haute civilisation, entrèrent et répandirent leur version plus simple de la vie partout sur le plateau central du Mexique [27].

Un certain nombre de ces évolutions locales ont assuré la continuation de bribes et morceaux du mode de vie olmèque entre 550 et 200 av. J.-C. environ – la phase Francesa au Chiapas, le début de Monte Alban à Oaxaca, l’évolution Totemihuacan à Puebla. Certaines d'entre elles sont devenues assez puissantes, par exemple Cuicuilco et Monte Alban. Elles sont cependant restées des cultures localisées, faisant un peu de commerce avec les voisins, dirigées par des chefs se chamaillant avec d’autres de la même espèce dans leurs efforts pour découvrir les secrets de la gloire et de la prospérité dont la légende avait dû leur dire que leurs prédécesseurs les avaient connus. Aucun d’eux n’a réussi. À Cuicuilco, avec sa pyramide ronde exceptionnelle, une évolution locale prospère s’est effondrée un peu avant 200 av. J.-C. sous la poussée de populations encore plus nouvelles (les Chupicuaros) venues de plus loin à l'ouest, d’au-delà des limites de la civilisation. Elles mirent Cuicuilco à sac, interrompant, dans la plus grande partie du centre du Mexique, tout ce qui avait été en cours en fait de reconstruction, et elles eurent leurs propres brèves décennies de succès modéré avant de succomber devant la domination montante de Teotihuacan [28]. Monte Alban, à Oaxaca, était également devenue un centre local prospère, mais sa puissance politique se limitait essentiellement à la vallée d’Oaxaca. Les colons de la phase Mamom dans les plaines de la péninsule du Yucatan se répandirent considérablement, et cependant ils restèrent dispersés et d’une manière générale politiquement faibles.

C’est ce groupe de cultures locales que je qualifie de « demi » tradition. Le Dr Ignacio Bernal a qualifié plus ou moins le même groupe de populations de « Olmèques III » [29]. Certains éléments de la première tradition de civilisation ont été transmis à travers le temps par l’intermédiaire de ces populations dispersées, mais le cœur ou l'essence de ce qu'avait été la civilisation olmèque n’existait plus nulle part. Au lieu du modèle précédent, il n'y a tout simplement pas eu, pendant d’un certain nombre de siècles, de force civilisatrice unificatrice bien tranchée.

Quel a été au juste l'héritage mésoaméricain laissé par la tradition olmèque ? Il y a eu, bien entendu, un ensemble d’adaptations écologiques réussies. Les plantes cultivées ont été en elles-mêmes un apport majeur : maïs, courges, haricots, piment et plusieurs fruits. Les vestiges matériels montrent le rôle central de ces cultures dans le régime alimentaire depuis longtemps auparavant. Il y avait, naturellement, plus que les plantes. Furent également transmises des techniques de plantation et de récolte et tout un ensemble de connaissances sur les saisons, les terrains et les climats, plus tous les autres facteurs nécessaires pour assurer sa subsistance. Le système d'écriture hiéroglyphique et le calendrier, qui devint plus tard le véhicule des annales de la civilisation maya, avait apparemment commencé, au moins en partie, à l’époque olmèque [30]. Nous savons aussi que des éléments précis de symbolisme, de coutumes et de rituel ont été transmis, surtout au niveau populaire. Dans un certain sens, la Première Tradition a fourni un grand nombre de matériaux culturels bruts que ceux qui ont fait la Deuxième Tradition ont utilisés dans leur nouvelle configuration. Des parallèles européens de ce processus viennent tout naturellement à l’esprit. Les éléments grecs et latins ont clairement été les ancêtres du mode de vie européen, disons en 1500 apr. J.-C. La reine Isabelle, qui a financé Colomb, ne parlait ni le grec, ni le latin, mais sans l’héritage gréco-romain qui lui avait été transmis par ses ancêtres, il n’y aurait pas eu grand chose de sa vie et de celle de l'Espagne qui aurait été ce qu’elle était à son époque.

LA TRADITION JAREDITE

Les mots du Livre d’Éther racontent l’histoire jarédite d’une manière que l’on ne peut pas comparer directement au tableau que nous venons d’esquisser. Le livre d'Éther doit tout d'abord être traduit en des termes culturels et historiques, et c’est ce que nous ne pouvons pas faire ici. Le manque de place dans ce chapitre ne permet que quelques comparaisons, et pourtant elles paraissent significatives.

Expliquons tout d’abord l’origine des Jarédites en termes historiques et culturels. Quand le peuple jarédite est-il apparu ? Les textes historiques et les recherches archéologiques en Mésopotamie, leur patrie, nous disent que l’on érigeait de grandes plates-formes de temples en forme de pyramide, appelées ziggourats, bien avant 3000 av. J.-C. [31]. Il n’y en a qu’une seule qui se qualifie pour être « la grande tour » dont il est question dans Éther 1:33. Si le départ du groupe jarédite de sa patrie d’origine s’était produit de nombreux siècles après 3000 av. J.-C. ou avant 3300 av. J.-C., son récit concernant « la grande tour » paraîtrait bizarre dans le contexte de l’histoire du Proche-Orient. (Coïncidence ou pas, la date zéro à partir de laquelle les calendriers mésoaméricains étaient calculés était 3113 av. J.-C.) Nous avons déjà vu que les éléments les plus anciens de certains indicateurs de base d’une civilisation : une agriculture stable, une vie de village et de la céramique remontent en Mésoamérique à 3000 av. J.-C environ.

Il n’y a, à propos, pas de preuve certaine pour confirmer l’idée que l’on trouve dans les commentaires bibliques de nos jours que la grande tour (« de Babel ») date de 2200 av. J.-C, comme certains saints des derniers jours continuent de le croire. En effet, il existe de nombreuses données en sens contraire.

Comme nous l’avons déjà vu, le territoire occupé par les Jarédites n’a jamais été étendu. Une seule capitale, le pays de Moron, a été, du début à la fin, le centre jarédite. Les Jarédites se sont essentiellement limités au pays situé du côté du nord jusqu’à l’époque du roi Lib (Éther 10:21), vers 1500 av. J.-C. [32]. Le Livre de Mormon rapporte qu'à cette époque-là, Lib construisit une grande ville à l’endroit de l’étroite bande de terre, ce qui suggère une pénétration accrue dans le pays situé du côté du sud. La « ville » impressionnante représentée par le site archéologique de San Lorenzo Tenochtitlan, situé sur le fleuve entre les pays situés du côté du nord et du sud, a été construite vers cette époque. Les annales archéologiques nous disent que les colonies précédentes de la Premières Tradition avaient été concentrées au nord de l'isthme, mais qu'après 1500 av. J.-C., une activité olmèque importante, quoique toujours secondaire, s’est manifestée au sud de l’isthme.

Après une histoire de lignée en dent de scie, vint le déclin des fortunes jarédites. Éther 11 nous explique qu’à partir du règne de Com, le système a connu des problèmes. La datation interne du récit situe la destruction sensationnelle de San Lorenzo vers l’époque des troubles mentionnés dans Éther 11:4 et 6, bien que nous n'ayons, bien entendu, aucun moyen de confirmer une corrélation directe.

Une difficulté majeure pour la stabilité jarédite semble avoir été la rivalité de grandes lignées. Le volume tout entier d’Éther est, bien entendu, l’histoire de son lignage (Éther 1: 6-33), celui fondé par Jared. La lignée du chef religieux, « le frère de Jared », ne reçoit qu’une brève mention, probablement parce qu’elle se concentrait sur les questions sacerdotales. (Notez la différence d’attitude des deux frères à l’égard de la royauté [Éther 6:23-24] et le refus de Pagag et de ses frères de toucher au rôle politique [versets 25-26].) Néanmoins l’un des membres de cette lignée finit par s’emparer de la souveraineté (Éther 11:17), sur quoi le roi légitime, Moron, se retrouva prisonnier. Ses fils connurent le même sort après lui. Il y a, dans tout cela, une indication de la raison de cette rivalité dynastique racontée dans Éther 10:30-32 et 11:17-19 : la lignée sacerdotale cherchait parfois et obtenait le pouvoir séculier aussi.

La destruction finale de la ligne dominante de Jared a pu se produire dès 580 av. J.-C. ou au plus tard en 400 av. J.-C. Le Livre de Mormon ne nous en dit pas assez pour permettre une précision plus grande, bien que, à mon avis, une date se situant vers le début de cette fourchette soit préférable. Les données archéologiques sont maintenant tout à fait suffisantes pour fixer la fin de la Première Tradition à 550 av. J.-C. environ. (Voir figure 1.)

Si l’on met ensemble le cadre géographique, les éléments culturels, la concordance des dates et beaucoup de faits précis dans lesquels nous ne pouvons pas entrer maintenant, il est tout à fait raisonnable d’identifier la culture dans laquelle se situaient les Jarédites avec la Première Tradition ou Tradition olmèque.

Figure 1 : Comparaison d’événements et de situations en Mésoamérique, dans le Livre de Mormon et dans le Proche-Orient ancien (Les dates les plus anciennes sont placées en dessous, telles qu’on les trouverait dans les vestiges archéologiques ; il faut donc étudier ce tableau de bas en haut pour suivre l’ordre chronologique.)
 


RESTES

Dans son traitement des « survivants jarédites », Nibley a fait remarquer, il y a des années, que beaucoup de saints des derniers jours avaient simplifié exagérément l’étendue de la « destruction » des Jarédites [33]. Il a avancé, et les arguments sont convaincants, que des éléments jarédites importants ont survécu jusqu’à l’époque mulékite et néphite. Les chapitres suivants du présent ouvrage proposent d’autres preuves de continuité culturelle depuis l’époque jarédite jusqu’à une époque plus récente. Cela ne fait véritablement aucun doute. Les apports des Jarédites aux peuples postérieurs ont été substantiels de la même manière et au même degré que nous voyons la tradition olmèque se perpétuer dans la période post-olmèque.

Voyons maintenant les Mulékites, un terme communément appliqué au peuple que le Livre de Mormon appelle le peuple de Zarahemla, bien que l’ouvrage néphite n’utilise nulle part le terme Mulékite. Les annales néphites en disent si peu à son sujet que nous avons très peu de matériel à comparer avec les données externes. Il est probablement arrivé dans le pays situé du côté du sud quelques décennies après 600 av. J.-C., puisqu’il a quitté le pays d’Israël après la prise de Jérusalem par les Babyloniens en 586 av.J.-C. En termes mésoaméricains, il entre en scène au moment où la tradition olmèque prend fin [34]. En lisant l’histoire du peuple du chef Zarahemla dans le livre d'Omni, on a l'impression qu'il était localisé et peu évolué (par exemple, il n'était pas alphabétisé). Ces caractéristiques sonnent vrai par rapport à ce qui se passait à la même période en Mésoamérique. La mention de conflits militaires dans son histoire au cours des siècles qui ont précédé 200 av. J.-C. (Omni v. 17) correspond aussi [35]. À la lumière de ces concordances, il n'est pas déraisonnable de dire que les descendants des passagers du bateau qui constituaient le groupe de Mulek ont su trouver un endroit pour se caser dans le pays en intégrant et en dominant des restes des populations laissées dans le pays situé du côté du sud après l’abandon de l’olmèque La Venta [36]. Mais des difficultés culturelles et écologiques ont dû les limiter. Lorsque les Néphites les ont trouvés, ils ne représentaient pas grand-chose, que ce soit par leur nombre ou par leur vigueur. Zarahemla ne prétendait même pas au titre de « roi » et le groupe se limitait à un territoire minuscule. Quand Mosiah, le chef néphite, apparut avec son groupe parmi les Zarahemlaïtes, ces derniers montrèrent un zèle presque pathétique à ce que quelqu'un les dirige vers ce qu'ils considéraient être la véritable civilisation. Sur la base limitée des découvertes archéologiques, il apparaît que d'autres groupes remontant aux siècles immédiatement post-olmèques avaient des ambitions semblables.
 

La venta, Stèle 3, datant d’approximativement 600 av. J.-C. semble représenter une réunion de chefs d’ethnies différentes. L’homme sur la droite ressemble très fort à un Juif de l’époque.


On trouvera sous forme de tableau à la figure 1 le résumé de la Première Tradition mésoaméricaine et de ses suites par rapport au récit jarédite. Ce bref aperçu révèle des parallèles frappants entre l'image que nous donne l’archéologie, d'une part, et ce que le Livre de Mormon dit d’autre part. Il y a suffisamment de parallèles qui apparaissent pour que nous puissions être optimistes quant aux résultats de recherches futures plus détaillées. Nous présenterons des détails plus loin dans le livre, mais maintenant nous devons jeter un coup d’œil sur la grande période de civilisation suivante.

LA SECONDE TRADITION

Les cultures mésoaméricaines les mieux connues du public – spectaculairement visibles dans des sites mayas classiques tels que Tikal et Teotihuacan – sont souvent qualifiées de « théocratiques » par les savants. La signification de cette appellation n’est pas claire, mais une chose qu’elle communique, c’est l'idée de domination de la religion ou de la prêtrise dans la société. La caractéristique la plus évidente de la Seconde Tradition est le caractère central de la religion et des détenteurs du sacerdoce.

Les Olmèques et leurs contemporains n’ignoraient certainement pas le côté religieux de la culture, pourtant celui-ci était loin de jouer un rôle aussi grand dans leur mode de vie que dans les cultures qui leur ont succédé. Pour les populations qui vinrent plus tard, le rituel et la réflexion sur les puissances surnaturelles allaient devenir presque obsessionnels. Le comportement religieux était lié d’une manière étroite et complexe à tous les éléments de leur vie : assurer sa subsistance, se marier, avoir des enfants, gouverner, faire la guerre, l’expression artistique, peu importe. Un symbolisme sacré, complexe et subtil, imprégnait l’essentiel de leur architecture et de leurs objets. (Quand nous aurons découvert davantage de renseignements sur l'ère olmèque, il est possible, bien entendu, que cette caractéristique se révèle être tout aussi importante.) Les cultures principales des premiers siècles de l'ère chrétienne en Mésoamérique mettaient aussi fortement l’accent sur le sacré que les peuples israélite et égyptien anciens.

Où et quand ce modèle est-il apparu ? Comme nous l’avons vu en parlant de la Première Tradition, l’identification des débuts d’un modèle culturel quel qu’il soit n'est pas quelque chose de bien tranché. De toute évidence, plus les savants remonteront dans leurs recherches, moins il y aura de données, car les populations et les vestiges qui en subsistent sont plus réduits. Avant d’examiner les débuts imprécis, voyons à quoi ressemblait le modèle de la Seconde Tradition lorsqu’il a pris une forme claire au cours du siècle qui a précédé la naissance du Christ. La période préclassique tardive, dans la terminologie des archéologues, était alors en train de se transformer en ce qu’on appelle le « protoclassique » ou préclassique terminal, de 100 av. J.-C. à 50 apr. J.-C. environ.

À cette époque, on aperçoit, en différents endroits de la Mésoamérique méridionale, une configuration culturelle qui constitue le squelette de la période dite classique qui a suivi. Certains considèrent que la période classique a commencé dès 50 apr. J.-C., mais tous les experts conviennent qu'elle était en plein essor en 300 apr. J.-C. Des travaux récents démontrent que pas plus tard que 200 apr. J.-C., le modèle existait dans de grands centres urbains dans un certain nombre de régions. Parmi ces caractéristiques, il faut citer une forte préoccupation pour le calendrier et la prédiction d'événements clefs en fonction de ce calendrier, d’importantes cérémonies publiques, une hiérarchie de prêtres dont le pouvoir découlait principalement de la connaissance des symboles complexes utilisés dans le rituel, l'art et l'architecture, des édifices publics complexes érigés à des fins religieuses et un commerce interrégional important. Les bâtiments étaient visuellement impressionnants, utilisant parfois des pierres taillées alors que précédemment cela avait été rare. Les différences entre les classes sociales étaient également importantes et l’étalage de richesse socialement prestigieux devint une pratique normale.

Nous devons garder à l'esprit que ces traits distinctifs étaient la cerise sur le gâteau. Derrière cette apparence de style évolué, il y avait la vieille agriculture du maïs/haricot/courge, complétée par des aliments secondaires mais précieux comme l’avocat et le cacao. Pour la plupart des gens, la vie de tous les jours n’a sans doute pas connu de différence sensible par rapport à celle des siècles précédents. Nous ne connaissons pas l'effet du cérémonial religieux tapageur sur la vie privée des gens du commun, bien qu’il ait dû en avoir un. Pourtant, à la fin, à partir de 650 apr. J.-C. environ, au centre du Mexique, ou de 900 au Yucatan, tandis que la superstructure disparaissait des villes, la vie du peuple continua quasiment inchangée. Derrière le grand apparat, le mode de vie de base se poursuivit à de nombreux égards.

Avant sa cristallisation au premier siècle av. J.-C, les bases de la Seconde Tradition s'étaient développées pendant plusieurs siècles. Une vaste population avait grandi dans des endroits favorables, particulièrement au sud de l'isthme. Des bourgades importantes, pour ne pas dire des villes, apparurent. Les réseaux commerciaux commencèrent à couvrir des régions plus étendues. Un système d’écriture et de calendrier fut élaboré et communiqué. Des distinctions importantes dans la richesse, le niveau social et le pouvoir commencèrent à apparaître. Puis, vers 125 av. J.-C., dans un certain nombre de ces populations locales, les changements s’accélérèrent et se préparèrent à s’envoler vers la haute civilisation, comme un avion qui se lance sur la piste de décollage. En 75 av. J.-C. les résultats étaient devenus impressionnants. Après moins de trois siècles encore, après quelques retards en chemin, ce modèle était devenu le mode de vie complet de l’époque classique.

Cette croissance se concentra sur plusieurs centres dynamiques – par exemple, la base de la péninsule du Yucatan, les contreforts dominant la côte Pacifique du Guatemala, l’ouest du Salvador et la Vallée d’Oaxaca. Un autre point de concentration englobait la dépression centrale du Chiapas. Là s'étaient développées depuis 300 av. J.-C. un grand nombre de zones de peuplement. Puis, dans la période entre 125 et 75 av. J.-C., la croissance s’accéléra ; la complexité de la société locale et les signes de commerce augmentèrent de manière marquée. Aux environs de 75 av. J.-C., un changement assez soudain se produisit. Les populations abandonnèrent un grand nombre des colonies dispersées pour s’installer dans de grandes localités. Cela ne se serait pas produit s’il n’y avait pas eu un pouvoir politique nouvellement concentré. Il ne fait aucun doute que la religion était un élément vital de ce pouvoir et constituait une partie de la « colle » qui maintenait ensemble le système social. Mais c’est la menace de guerre qui explique le mieux le changement assez soudain dans la localisation de la population [37].

Au cours de ce premier siècle av. J.-C., probablement entre 50 et 25 av. J.-C., des traits culturels et peut-être des groupes d’émigrants partirent du centre du Chiapas pour se rendre dans un certain nombre d’endroits éloignés. Des indications précises montrent l'influence du Chiapas dans les centres des plaines mayas de Tikal et d’Altar de Sacrificios, la Vallée d’Oaxaca, Tlapacoya, à l’extrémité sud de la vallée de Mexico, et le centre de Veracruz [38]. De la culture localisée qu’il était cent ans plus tôt, le modèle de Chiapas était devenu temporairement une sorte de modèle ayant une influence étendue.

La vallée du Guatemala connut un essor au même moment. Le site géant de Kaminaljuyu en était clairement le centre. Entre 100 et 50 av. J.-C. environ, des différences sociales spectaculaires y apparurent aussi. La démonstration la plus claire des nouvelles distinctions de rang social vient de tombes découvertes dans certains des grands tumulus en forme de pyramide érigés à cette époque-là. La plupart d'entre eux n’avaient jamais été fouillés avant leur destruction ces dernières décennies, mais l’un d’eux, qui a été étudié, le tumulus E-III-3, le plus grand du site, avait environ vingt mètres de haut [39]. Sa masse était en fait plus grande que la célèbre ziggourat d’Ur, dans le sud de la Mésopotamie, et la terre entassée pour construire le tumulus contenait des fragments d’un grand nombre de vases et de poteries. Les deux tombes construites au centre de la structure contenaient un grand nombre de beaux pots ainsi que d'autres pièces riches laissées comme offrande avec le défunt. Les personnes enterrées ont dû être des dirigeants importants, car les personnalités honorées étaient accompagnées des corps de serviteurs sacrifiés.

La région côtière voisine du Guatemala, ainsi que la région de Kaminaljuyu, semblent avoir été le berceau de la Seconde Tradition. Nous y trouvons des indications provenant des siècles avant l'ère chrétienne de cet accent spécial mis sur le rituel, qui allait devenir si important avec le temps sur la plus grande partie de la Mésoamérique [40]. Malheureusement, les recherches archéologiques faites jusqu'à présent ont été trop limitées pour répondre aux autres questions que nous aimerions poser sur les origines de la Seconde Tradition.

LE PEUPLE DE LEHI PAR RAPPORT A LA SECONDE TRADITION

Ces données relatives aux tumulus, à la poterie et aux classes sociales peuvent paraître étrangères au Livre de Mormon, mais ce n'est pas le cas. Les Néphites et les Lamanites étaient, après tout, aussi des êtres de chair et d’os, qui enterraient leur morts d’une manière particulière, faisaient la cuisine dans des pots, faisaient du commerce, étaient gouvernés par des souverains et possédaient d’autres caractéristiques culturelles qui leur étaient propres.

Lorsque nous lisons l’histoire du Livre de Mormon pour découvrir cette culture, nous trouvons des domaines intéressants dans lesquels les descendants du groupe de Léhi ont des rapports plausibles avec la Seconde Tradition et pourraient même en avoir été le catalyseur à l’origine. Pour avoir des détails il faudra attendre d'autres chapitres, mais nous pouvons dès à présent jeter un coup d’œil sur quelques points majeur de ces rapports.
 

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Cerro de las Mesas, stèle 6, style artistique d’Izapan


Au chapitre 1, nous avons dit que le centre du Chiapas était vraisemblablement le pays de Zarahemla. Kaminaljuyu, au Guatemala, a été identifiée comme étant probablement la ville de Néphi. Quand ils quittèrent Néphi peu de temps avant 200 av. J.-C., Mosiah l'Ancien et le groupe qui l’accompagnait (Omni v. 12) descendirent des plateaux (Guatemala) jusqu’à un endroit sur le fleuve Sidon (centre du Chiapas), Mosiah se mit à gouverner le "peuple de Zarahemla", qu'il avait trouvé là-bas. Les recherches archéologiques démontrent pour la même période de temps que ces deux centres d'influence essentiels dans le développement de la Seconde Tradition en Méso-amérique étaient culturellement apparentés entre eux d’une manière remarquable, comme nous pourrions nous y attendre d’après le Livre de Mormon [41].

L'Ecriture nous apprend aussi que la domination sacerdotale et l’accent sur le cérémonial étaient caractéristiques des premiers Néphites (voir Enos v. 23; Jarom vv. 3-5). En outre, c’est probablement aux environs de 125 av. J.-C., pendant le règne de Mosiah le Jeune, que la simplicité sociale et politique qui existait encore sous le roi Benjamin – qui avait mis l’accent sur le fait que lui-même se livrait à l’agriculture – commença à devenir compliquée. Il ne fallut pas longtemps pour que l’apparition de classes sociales, l’augmentation de la richesse, l’apparition de candidats à la noblesse (les hommes-du-roi) et d'autres indicateurs montrent des pratiques présentant des différences marquées par rapport à celles des agriculteurs sans classe sociale, qui avaient essentiellement constitué le peuple néphite jusqu'alors. C’est vers la même période environ que des dissidents néphites commencèrent a conduire les Lamanites, qui vivaient dans l’ancien pays de Néphi, vers le même processus de différentiation de classe (voir Mosiah 24:3-4, 6-7). Le sacrifice des serviteurs qui accompagnèrent l'occupant de la tombe du tumulus E-III-3 rappelle le gouvernement féroce du roi des Lamanites à l’époque des missionnaires néphites (Alma 17:28-29). Le "sépulcre" préparé pour enterrer le roi lamanite (Alma 19:1) a très bien pu être une tombe comme celles que les archéologues ont fouillées à Kaminaljuyu. En outre, le Livre de Mormon, signale une augmentation de la richesse grâce au commerce, tant pour les Néphites que pour les Lamanites, justement vers la même époque où nous voyons le commerce mésoaméricain s’étendre de manière marquée, d’après les découvertes archéologiques relatives au premier siècle av. J.-C.

Une des évolutions cruciales pour les Néphites fut la période prolongée des guerres décrites avec tant de détail vers la fin du Livre d'Alma. (Même après sa fin officielle, la guerre connut des soubresauts périodiques pendant tout le siècle qui suivit.) Des gens comme Amalickiah, Moroni, Téancum, Hélaman et ses jeunes guerriers et beaucoup d'autres que connaissent bien les lecteurs du Livre de Mormon doivent leur importance au compte rendu de cette guerre. À cause de ce conflit, des colons furent envoyés vers de nouveaux emplacements pour des raisons de stratégie militaire. Les zones de peuplement étaient souvent mises en danger et parfois détruites. Les gouvernants avaient recours à des moyens politiques musclés (Alma 51:15-22; 60:33-36) pour répondre aux nécessités d'une guerre qui révolutionna la vie néphite (Alma 62:39-41). Tout cela correspond de manière frappante à ce que nous voyons se passer au Chiapas à partir d’environ 75 av. J.-C., soit vers la même époque que les annales néphites attribuent à de tels événements.

On trouve des indications de la diffusion d'un modèle théocratique de société à partir du Chiapas vers les régions environnantes vers l’époque où, selon le Livre de Mormon, des populations, provenant du pays situé du côté du sud, commencèrent à émigrer en grand nombre vers le pays situé au nord de l’étroite bande de terre, tandis que les dissidents néphites influençaient les pays des Lamanites au sud.

Au milieu de cette expansion, la tradition du sud semble avoir perdu de son élan, néanmoins l'activité augmenta dans le territoire du nord. Le mouvement dans le sens d’une société dominée par le cérémonial et les classes, qui avait jailli vers la fin de l'ère préchrétienne ne tarda à montrer des signes d’affaiblissement. Quelque chose que nous ne pouvons percevoir que de manière indistincte a arrêté la poursuite de l’évolution. Vers 50 après J.-C., à quelques décennies près, dans deux des centres les mieux connus du Chiapas, Santa Rosa et Chiapa de Corzo, des bâtiments importantes brûlèrent [42]. Immédiatement après cela, apparut sur la scène une évolution culturelle radicalement différente, plus réservée, qui n’avait pas autant de relations avec les plateaux du Guatemala que précédemment, qu’avec la région de l’isthme. Ces événements font penser au Livre de Mormon, qui décrit l’incendie de Zarahemla et d'autres villes du pays situé du côté du sud, dans le cadre de la destruction qui marqua la mort de Jésus Christ vers 30 apr. J.-C. Après cela, le Sauveur apparut, bien entendu, aux Néphites survivants à Abondance. Ses enseignements aboutirent ensuite à la création d'une nouvelle société sans classes sociales dans laquelle tout le monde possédait tout en commun. Elle se répandit du centre sacré dans l’isthme vers les pays environnants, notamment la Zarahemla reconstruite (4 Néphi 1:1-8).

Il existe des éléments de preuve intéressants, bien que limités jusqu’à présent, de ce que des catastrophes naturelles se sont abattues, vers cette époque, sur plusieurs régions mésoaméricaines. Le temps d’arrêt qui se produisit pendant le premier siècle de notre ère dans la course éperdue vers le développement a pu découler partiellement de perturbations naturelles [43]. (Le chapitre 8 traitera de la destruction.) Des perturbations sociales internes ont également pu être une raison du ralentissement (notez 3 Néphi 7).

Les données archéologiques ne nous disent pas grand chose des 150 années qui ont suivi, tout comme le Livre de Mormon révèle peu de détails sur la vie entre 50 et 200 après J.-C. La simplicité, la dignité et l'ordre relatifs dans la société et la culture que laisse entendre l'Ecriture ne sont pas du tout en conflit avec les maigres informations que nous avons sur la plus grande partie de la Mésoamérique. L'Art et les vestiges semblent être le reflet d’un intervalle caractérisé comme ayant "de la grandeur et du raffinement" ou comme étant "élégant et noble". Certains vieux rituels avaient été abandonnés (comme rapporté dans 3 Néphi 9:19) [44], et cependant le culte flamboyant qui allait fleurir quelques siècles plus tard n’était pas encore manifeste. Il est toutefois clair que le culte du dieu appelé Quetzalcóatl remonte au moins à cette époque [45].

Il y une exception importante à la règle générale d'une pause culturelle paisible pendant ces premiers siècles apr. J.-C. Il y avait, à l’extrémité septentrionale de la Mésoamérique la Vallée de Teotihuacan, un prolongement de la vallée de Mexico. Au cours du premier siècle av. J.-C., à peu près au moment ou des influences méridionales avaient commencé à influencer de manière marquée les terres au nord de l'isthme [46], la population de Teotihuacan connut une croissance spectaculaire. Au cours du siècle, ou davantage, qui suit, on trouve des indications d'activité volcanique révélant la possibilité d'un temps d’arrêt provisoire dans la croissance du site; mais ce que nous voyons principalement, c’est un accroissement constant [47]. La construction de la grande Pyramide du Soleil, comme l’appelaient les Aztèques, date entre 125 et 150 apr. J.-C. Dès 200 apr. J-C, la métropole de Teotihuacan était devenue la plus grande de l'histoire de la Mésoamérique, et comptait peut être 100 000 habitants. Vers 250 apr. J.-C., son influence se répandait à un rythme sans précédent vers les parties lointaines de la Mésoamérique [48]. On assiste à une efflorescence spectaculaire de la Seconde Tradition. La société maya des plaines, elle aussi, avec des monuments gravés et datés et un cérémoniel complexe, avait, à la même date, cristallisé l’essentiel de ses caractéristiques. Elle partageait des éléments fondamentaux avec Teotihuacan, en dépit des différences de style évidentes entre les deux. Toutes les deux étaient l’expression "d'un vieux système théocratique", comme le dit le Professeur Kubler, dans lequel l'art avait "un caractère liturgique fortement marqué" et où "chaque peinture murale, chaque vase décoré est une prière" [49]. Les variantes régionales sur des thèmes de la Seconde Tradition apparurent dans d'autres centres prospères tels que Cerro de las Mesas, Tajin, Monte Alban et Kaminaljuyu.

Cette vigueur immense – tant par sa nature que par sa force – a rarement été mieux décrite que dans ces termes du Livre de Mormon :

« Et alors, cette deux cent unième année, certains parmi eux commencèrent à être enflés dans l'orgueil, portant des vêtements somptueux, et toutes sortes de perles fines, et les choses raffinées du monde. Et à partir de ce moment-là, ils n'eurent plus leurs biens et leur subsistance en commun. Et ils commencèrent à être divisés en classes; et ils commencèrent à s'édifier des Églises pour obtenir du gain… il y eut beaucoup d'Églises qui professaient connaître le Christ… Deux cent quarante-quatre ans étaient passés [depuis la naissance du Christ], et… la partie la plus méchante du peuple devint forte et devint beaucoup plus nombreuse que le peuple de Dieu. Et ils continuaient toujours à s'édifier des Églises et à les orner de toutes sortes de choses précieuses… Lorsque trois cents ans furent passés, le peuple de Néphi et les Lamanites étaient devenus extrêmement méchants, les uns comme les autres. Et… les brigands de Gadianton se répandirent sur toute la surface du pays… Et ils amassaient de l'or et de l'argent en abondance et commerçaient dans toutes sortes de commerces » (4 Néphi 1:24-27, 40-41, 45-46).

Ceci est une formulation très précise de ce que nous savons sur le mouvement puissant vers le mode de vie de l’époque dite classique, qui fut le point culminant de la Seconde Tradition en Mésoamérique. Le premier élan de ce que j’appelle le Classique initial (50-200 apr. J.-C.) déboucha rapidement sur une maturation définitive du modèle, visible au début de la période classique à partir de 200 apr. J.-C. Cette sorte de société riche, influente et hautement autoritaire – dont Teotihuacan est le modèle – apparaît dans les annales de l’archéologie précisément au moment où le Livre de Mormon décrit les changements radicaux cités ci-dessus, de 200 à 300 apr. J.-C. [50].

APOGEE ET DECLIN

La Seconde Tradition atteignit sa vigueur maximale entre 250 et 300 apr. J.-C. Plus tard, apparaissent les indicateurs d'une version plus grande mais pas meilleure de la civilisation ; néanmoins, cette brève période fut unique par son dynamisme, un peu comme Athènes dans la première moitié du Ve siècle av. J.-C. Il y eut une vigueur débordante, une expansion géographique et une exploration des formes et des idées inhérentes aux cultures régionales qui constituaient la Seconde Tradition. L'analyse intéressante que Levey a faite des motifs apparaissant sur les poteries de Teotihuacan confirme ce tableau ; son interprétation voit dans certains motifs décoratifs des indicateurs de ce que les psychologues appellent « le besoin d’accomplir ». Ce facteur va de pair avec la créativité, la croissance et le progrès. Il conclut que c’est précisément au cours du siècle finissant en 300 apr. J.-C. que cette poussée connut son point culminant suivi rapidement d’un déclin brutal [51].

Le symbolisme religieux des peintures murales découvertes dans la grande métropole a également été interprété comme révélateur d’un déclin. On pense que les prêtres ont élaboré une théologie basée sur Quetzalcóatl au-delà de ce que les gens du commun pouvaient saisir et appliquer à leurs besoins religieux fondamentaux [52]. On constate une utilisation plus évidente de drogues hallucinogènes, apparemment par la classe sacerdotale, à mesure que la période classique avance. [53]. Il apparaît maintenant en outre que peu ou pas de bâtiments publics importants ont été érigés après l’année 300, en dépit d’une population qui reste vaste [54]. Dans un sens, il se peut que Teotihuacan ait « vécu sur ses réserves » une fois qu'elle est entrée dans le quatrième siècle. Peu de temps après, des hommes armés commencent à apparaître plus fréquemment dans les arts et on a trouvé, près de Teotihuacan, des preuves matérielles de cannibalisme remontant à 450 apr. J.-C. [55]. Nous sommes apparemment témoins, dans tout cela, de l’érosion progressive de ce qui faisait la civilisation, et du retour de la tradition théocratique à la barbarie.

Le même processus se produisait parmi les populations de langue maya des plaines du Guatemala et du Yucatan. Situées près des régions marginales du développement mésoaméricain, elles furent un peu plus lentes que les autres peuples à parvenir à l’expression complète de la tradition classique. Cela veut dire que le modèle théocratique commença à se désintégrer chez elles peu après avoir atteint sa maturité. Ces groupes, que les savants ont longtemps crus tout à fait pacifiques, sont maintenant perçus d’une manière tout à fait différente. En 1964, Samuel K. Lothrop a fait cette observation: « On a prétendu que les Mayas vivaient dans la paix. Cependant, à partir du début de l'ère classique, on a des représentions de vainqueurs piétinant des captifs et ces scènes, gravées dans la pierre, deviennent plus nombreuses et plus complexes avec le temps [56]. » Douze ans plus tard, de nouvelles découvertes permettaient à Webster d’affirmer beaucoup plus péremptoirement que « il y a eu des guerres dans les plaines mayas à partir du début du Classique (300-550 apr. J.-C.) [57]. Et même cette façon de présenter les choses ne rend pas justice à l’image que nous avons des manifestations militaires dans la vie mésoaméricaine ancienne.

Dans un cadre comme celui-là, nous ne pouvons pas considérer l’extermination des Néphites, vers la fin du IVe siècle apr. J.-C., comme un cas isolé causé par une jalousie ethnique unique. Ce qui se passait, au contraire, à l’époque, c’était « une révolution complète sur toute la surface du pays » (Mormon 2:8). Une fois l’ethnie néphite éteinte, les guerres continuèrent à être « extrêmement féroces » parmi les Lamanites et « les brigands » restants (Moroni 1:2; Mormon 8:8). Néphi avait vu de manière prophétique que les « multitudes » des populations d’après Cumorah (1 Néphi 12:20-21) continueraient à se battre, génération après génération. La bataille « finale » des Néphites n’était finale que du point de vue néphite. A la fin du IVe siècle, les Néphites n’étaient qu’un groupe qui ne se distinguait pas d’une manière particulière d'autres groupes (Mormon 5:15-17; Moroni 9:9-19) si ce n’est peut-être par leur nombre restreint (Mormon 4:17 ; 5:6; 6:8). (De la même manière, les récits des saints des derniers jours ont naturellement tendance à faire de leurs ancêtres pionniers en Utah un élément central de l'histoire de l'Ouest américain, mais quand on voit les choses de plus loin, on constate que c’est un élément modeste, quoique très spectaculaire, d’un vaste courant d’émigration vers l'ouest à travers l'Amérique du Nord – qui n’est pas encore terminé.)

Le commencement de la phase militaire du déclin néphite, telle que décrite dans leurs annales, commença lorsqu’ils furent expulsés de la région de Zarahemla par les Lamanites provenant de la vieille région de Néphi sur les plateaux. Dans la géographie que nous utilisons, cela se manifesterait sous forme d’un dépeuplement visible du centre du Chiapas du début du Classique (vers 350 apr. J.-C.), l’espace libéré étant rempli par des Guatémaltèques venus des plateaux. Le chapitre 8 présentera des données archéologiques détaillées où l’on voit justement se produire cette succession de faits. En résumé, au site de Mirador, qui pourrait être ce que les Néphites appelaient à l’époque soit la ville d’Angola soit une partie du pays de David (Mormon 2:4-5), la structure publique clef représentée par le tumulus 10 fut ravagée par un incendie intense, qui détruisit totalement le bâtiment. Une période d’abandon fut suivie par l’arrivée d’une nouvelle population qui avait des liens culturels avec les plateaux du Guatemala [58]. Ce fut une des manifestations, que l’on peut dater des environs de 350 apr. J.-C. dans les faits archéologiques, de la disparition assez généralisée de la société du début du Classique du centre de Chiapas, suivie d’une colonisation clairsemée par un groupe de successeurs.

Les recherches archéologiques faites dans la région où se produisirent les batailles néphites finales – si l’on suppose que cela c’est passé autour des monts Tuxtla de Veracruz – ne sont pas suffisamment détaillées pour relever des signes de combats. Nous en aurons un jour une vision plus claire ; toutefois, l'histoire était sans aucun doute compliquée, comme toutes les guerres. Alors même que les guerres se poursuivaient, il est évident qu’il y avait une certaine vie normale qui continuait aussi.. Après tout, il fallait planter et moissonner annuellement le maïs et les haricots. Et l’essentiel de ce qui constituait la structure sociale, la connaissance et les valeurs était également enseigné à la jeune génération. Entre 400 et 500 apr. J.-C., des « gros bonnets » ambitieux de Teotihuacan se répandirent de plus en plus dans d’autres régions, prenant en main le contrôle local, dans la mesure où ils le pouvaient, là où ils s’installaient. Ces gens, venus du centre du Mexique, semblent s'être enrichis grâce au tribut des collectivités locales et du commerce de biens de luxe qu'ils favorisaient [59]. En 500 apr. J.-C., ils s'étaient installés dans des endroits clefs dans la région spectaculaire de Tikal, dans les plaines mayas du Guatemala, à Kaminaljuyu et à d'autres endroits, alors même que le niveau de culture et de prospérité dans la mère patrie au centre du Mexique diminuait.

À certains égards, les réalisations culturelles de cette époque du Classique Moyen ont été notables, mais les tensions sociales se sont poursuivies. À Becan, au milieu de la péninsule du Yucatan, des aventuriers de Teotihuacan semblent avoir repris le contrôle aux dirigeants mayas locaux, qui avaient précédemment érigé un mur et un fossé immenses autour de l’endroit pour le fortifier. Les fouilles ont montré des fragments de restes humains dans des débris entourant le site, probablement des restes de batailles [60]. À la même époque, il y avait des guerres et des tensions dans d'autres régions.

Il semble maintenant que le dernier soupir de ce que j'ai appelé la Seconde Tradition s’est produit vers 550 après J.-C. [61]. Vers ce moment-là, tous les grands centres principaux achevaient un passage d’un mode de vie théocratique à un mode de vie profane. Il n’était plus question d’entretenir les formes du vieux cérémonial. Le système de Teotihuacan fut le premier à se désintégrer et c'était comme si l’on ôtait la clef de voûte d’une arche. Et après 534 apr. J.-C. (le dernier monument daté du Classique Moyen), les Mayas, à l'autre extrémité de la Méso-amérique, défiguraient beaucoup de leurs stèles gravées et ne se donnaient plus la peine d’en faire de nouvelles pendant près de soixante-quinze ans [62]. (Voir Fig. 2.)

Figure 2 : Comparaison des événements et des tendances en Mésoamérique et dans le Livre de Mormon, à la fois dans le pays situé du côté du nord (partie ombrée) et le pays situé du côté du sud (partie non ombrée). (Les dates plus anciennes se trouvent en bas, comme elles le seraient dans des vestiges archéologiques ; pour obtenir l’ordre chronologique, il faut donc étudier la carte de bas en haut.)
 

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La nouvelle « demi-tradition » qui sortit des ruines avait franchement des objectifs différents de ceux qu’avait eu la civilisation précédente, même si beaucoup de ses fioritures culturelles ressemblaient aux précédentes. « La glorification personnelle, le culte de la guerre et l'apparition de lignées dynastiques sont les traits de la nouvelle la société naissante des siècles postérieurs à 500 apr. J.-C. », a observé J. Eric Thompson [63]. En vertu de ce nouvel ordre de choses, les questions ayant trait à ce qui était sacré étaient secondaires plutôt que principales. La religion devint un moyen à des fins profanes plutôt qu'une fin en soi. Les prêtres servaient les souverains et leur dynastie; précédemment, il y avait eu au moins l’apparence que les cultes ou « églises » avaient une importance centrale. À la période classique tardive (600-830 apr. J.-C.), les objectifs étaient franchement le prestige, la richesse et la domination par les lignées.

À ce stade, le chemin à parcourir pendant le reste de l'histoire de la Mésoamérique jusqu'à l'arrivée espagnole était clair. Des pratiques barbares telles que les sacrifices humains (comparer avec Mormon 4:15; Moroni 9:8-10) se répandirent. La guerre devint institutionnalisée; en fait, les savants ont parfois qualifié toute la période post-classique de « militariste ». Les « Toltèques » de cette époque étaient un ensemble de peuples dont l’existence s’étendait sur une période de plusieurs siècles, qui cherchaient à hériter des gloires qu'ils voyaient se refléter dans les ruines et les traditions classiques. La plupart du temps, leur méthode consistait à obtenir, auprès d'un centre de pouvoir politique existant, une charte leur permettant d’exploiter une région particulière et les sujets qui y vivaient. Des documents traditionnels, tels que le Popol Vuh du Guatemala, montrent comment le système fonctionnait. (Il n’est pas exagéré de faire une comparaison avec une « famille » mafieuse ayant des « droits territoriaux » sur les rackets d’une ville donnée.) Et cela nous amène en fin de compte aux Aztèques, les derniers des prétendus Toltèques.

Ce que nous avons vu dans ce résumé bien trop bref de ce qui s’est passé en Mésoamérique est que ce que le Livre de Mormon nous dit à propos de l'histoire de la culture, quand nous le lisons soigneusement, concorde avec les lignes principales de la succession des événements en Mésoamérique. À certains moments, la concordance est vraiment frappante. À aucune moment, les deux ne sont sérieusement en conflit, si nous tenons compte du point de vue subjectif qui liait les mains aux scribes qui ont tenu les annales pour la lignée des Néphi.

Il y a un autre point qui est également capital. Les saints des derniers jours ont toujours répété ce que le Livre de Mormon lui-même dit, qu'il s’adresse principalement aux descendants des peuples anciens dont il est l'histoire. Néanmoins, on n’a jamais su clairement comment il fallait faire le lien entre, disons, Néphi dans le désert arabe à une extrémité du temps et l'Indien moderne à l'autre extrémité. Aucun lien historique ou psychologique sérieux ne fonctionne entre les deux si l’on ne peut pas établir une continuité crédible de l’un vers l’autre. Pour y arriver, il faut faire attention aux peuples qui ont occupé l'Amérique et particulièrement la Mésoamérique après la fin du récit du Livre de Mormon. Nous devons nous en préoccuper, car ils sont dans la lignée culturelle et biologique reliant Léhi à ses descendants modernes. Si nous voulons que ces descendants tournent leur cœur vers leurs pères (Malachie 4:6; 3 Néphi 25:6), comment le feront-ils si nous ne les aidons pas à se rattacher à leurs ancêtres de 1600 apr. J.-C., et de 1300 et de 600 ? Les pratiques qui ont été transmises par les traditions mésoaméricaines sont pour certaines personnes un héritage dont il faut se saisir, pas simplement des détails exotiques. Nous qui avons un héritage différent, nous devons combler les lacunes, afin de rattacher le passé réel au présent réel, d’une manière concrète, crédible et authentique et ne pas simplement continuer à inventer des histoires et des spectacles historiques que nous qualifions ensuite de « lamanites ». Si les saints des derniers jours croient que le Livre de Mormon est réel, comme ils le disent, ils doivent traiter le cadre dans lequel il se situe comme une réalité.

NOTES

[01] Michael D. Coe, America's First Civilization: Discovering the Olmec, New York, American Heritage Publishing Co., en collaboration avec la Smithsonian Institution, 1968, p. 12.
[02] Robert S. Harris, « The Indigenous Plants of Latin America », International Review of Vitamin Research 23, 1952, pp. 404-414.
[03] Les opinions varient en ce qui concerne les « dieux ». Ignacio Bernal affirme qu’un grand nombre de ce qu’il considère comme les dieux reconnaissables de la Mésoamérique ultérieure « ont en réalité été inventés dans la vallée d’Oxaca » la région que je propose comme pays de Moron, pourtant Tatiana Proskouriakoff s’oriente dans une autre voie en ce qui concerne les Mayas. « Il y avait probablement beaucoup de petits dieux locaux, mais je pense que l’idée que la civilisation maya avait de nombreux dieux est complètement fausse. Il n’y a jamais de dieux qui sont représentés avant la période post-classique, époque à laquelle il y a une grande prolifération d’idoles. Ni dans la culture de Teotihuacan ni dans celle des Mayas classiques, ni dans aucune des cultures antérieures, il n’y a vraiment ce que l’on pourrait appeler une idole ou un dieu que nous puissions identifier. Ce qu’ils ont, ce sont ces symboles… qui sont combinés et recombinés de diverses façons, pour représenter, je pense, des entités cosmiques. » Elizabeth P. Benson, dir. de publ., Dumbarton Oaks Conference on the Olmec,Washington, Dumbarton Oaks, 1968, pp. 142, 176. Le célèbre mayaniste J. E. S. Thompson a dit: « J’en suis venu à croire que les Mayas de l’époque classique étaient près d’avoir un culte monothéiste, ils avaient un dieu suprême, avec des assistants qui étaient des dieux inférieurs ; mais l’idée d’un dieu unique était très avancée ». Interview à El Heraldo, Mexico, 27 janvier 1972.
[04] George C. Vaillant, The Aztecs of Mexico, Harmondsworth, Penguin Books, 1950, p. 200. C’est une des sources les mieux écrites pour l’étudiant débutant, bien qu’elle soit substantiellement vieillie dans les détails.
[05] Edward E. Calnek, « The Internal Structure of Cities in America; Pre-Columbian Cities: The Case of Tenochtitlan », Actas y Memorias, 34a Congreso Internacional de Americanistas, Lima, 1970, vol. 2 Lima, 1972, pp. 347-358.
[06] William T. Sanders et Barbara J. Price, Mesoamerica: The Evolution of a Civilization, New York, Random House, 1968, pp. 151, 189-193, 209.
[07] Henry F. Dobyns, « Estimating Aboriginal Population: An Appraisal of Techniques with a New Hemispheric Estimate », Current Anthropology 7, 1966, pp. 395-416.
[08] On trouvera une brève mais excellente introduction sur la vie inca dans Luis G. Lumbreras, The Peoples and Cultures of Ancient Peru, Washington, Smithsonian Institution Press, 1976.
[09] On trouvera une introduction brève et assez typique à la préhistoire du continent dans Thomas C. Patterson, America's Past, Glenview, Illinois, Scott Foresman, 1973.
[10] Coe, America's First Civilization, pp. 73-89.
[11] David C. Grove, « The Highland Olmec Manifestation: A Consideration of What It Is and Isn't », dans Mesoamerican Archaeology: New Approaches, dir. de publ. Norman Hammond, Austin, University of Texas Press, 1974, pp. 109-128; Gareth W. Lowe, The Early Preclassic Barra Phase of Altamira, Chiapas, NWAF 38, 1975; Norman Hammond, « The Earliest Maya », Scientific American 236, mars 1977, pp. 116-117.
[12] Une grande partie des ouvrages professionnels actuels utilise une chronologie dépassée ou au moins inexacte. La source publiée la plus détaillée en ce moment est R. E. Taylor et C. W. Meighan, dir. de publ., Chronologies in the New World, New York, Academic Press, 1978, qui comporte une étude de Gareth Lowe sur « Eastern Mesoamerica. » Plus complet et plus cohérent que tout ce qui existe en ce moment – en dépit de quelques problèmes – il y a mon article, « A Mesoamerican Chronology: April 1977 », basé sur un document de travail plus ancien, « Mesoamerican C-14 Dates Revised. » Les deux ont été publiés, sans ma permission, dans Katunob: A Newsletter-Bulletin on Mesoamerican Anthropology 9, no. 4, février 1977. C’est une mise à jour, dans une longue série, de mon article A Chronological Ordering of the Mesoamerican Pre-Classic, MARI 18, 1955, pp. 41-70. Une nouvelle monographie est en préparation.
[13] « The Transpacific Origin of Mesoamerican Civilization: A Preliminary Review of the Evidence and Its Theoretical Implications », American Anthropologist 77, 1975, pp. 1-27.
[14] Betty J. Meggers, « Cultural Development in Latin America: An Interpretative Overview », dans Aboriginal Cultural Development in Latin America: An Interpretative Review, dir. de publ. Betty J. Meggers et Clifford Evans, Smithsonian Miscellaneous Collections 146, no. 1, 1963, pp. 132, 139, comparer avec les pp. 79-80.
[15] C. Evans et J. Meggers. « Transpacific Origin of Valdivia Phase Pottery of Coastal Ecuador », Actas, 36a Congreso Internacional de Americanistas, Sevilla, 1964, vol. 1 Sevilla, 1966, pp. 63-67. Ceux qui contestent leur point de vue estiment que les ressemblances entre les céramiques sont des coïncidences.
[16] Carl L. Hubbs et Gunnar I. Roden, Oceanography and Marine Life along the Pacific Coast of Middle America, HMAI 1, 1964, pp. 148, 154-155.
[17] Paul Tolstoy, « Mesoamerica », dans Prehispanic America, dir. de publ. Shirley Gorenstein, New York, St. Martin's Press, 1974, p. 38.
[18] Voir articles et renvois bibliographiques à leur ouvrage dans Carroll Riley etc., éds., Man Across the Sea: Problems of Pre-Columbian Contacts, Austin, University of Texas Press, 1971. Voir aussi les références dans l’article citées dans la note suivante « Prehistoric Transpacific Contact and the Theory of Culture Change », American Anthropologist 79, 1977, pp. 9-25.
[19] « Prehistoric Transpacific Contact and the Theory of Culture Change », American Anthropologist 79, 1977, pp. 9-25.
[20] « The Significance of an Apparent Relationship between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Riley etc., Man Across the Sea, pp. 219-241, dont traite Schneider à la page 19 de son ouvrage. La même matière a été quelque peu condensée, avec suppression de la documentation dans « Ancient America and the Book of Mormon Revisited », Dialogue 4, 1969, pp. 80-94.
[21] Ceci est considéré comme allant de soi dans presque toute la littérature sur le sujet, mais une documentation convenable à l’appui est rare. De bons exemples : Richard S. MacNeish, « Ancient Mesoamerican Civilization », Science 143, 7 février 1964, pp. 531-545, et Peter T. Furst, « Morning Glory and Mother Goddess at Tepantitla, Teotihuacan: Iconography and Analogy in Pre-Columbian Art », dans Norman Hammond, dir. de publ., Mesoamerican Archaeology: New Approaches, Austin, University of Texas Press, 1974, pp. 187-191.
[22] Henri Frankfort, The Birth of Civilization in the Near East, New York, Doubleday, Anchor Books, 1956, pp. vii et appendice.
[23] Coe, America's First Civilization, idem, « San Lorenzo and the Olmec Civilization », dans Benson, Dumbarton Oaks Conference, pp. 41-78.
[24] Ignacio Bernal, The Olmec World, Berkeley, University of California Press, 1969, p. 195.
[25] Benson, Dumbarton Oaks Conference, p. 39.
[26] Gareth W. Lowe, « The Mixe-Zoque as Competing Neighbors of the Early Lowland Maya », dans The Origins of Maya Civilization, dir. de publ. R. E. W. Adams, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1977, pp. 230-239.
[27] G. C. Vaillant, Excavations at Ticoman, American Museum of Natural History, Anthropological Papers 32, part 2, New York, 1931.
[28] Harold W. McBride, « The Extent of the Chupicuaro Tradition », dans The Natalie Wood Collection of Pre-Columbian Ceramics from Chupicuaro, Guanajuato, Mexico, at UCLA, dir. de publ. J. D. Frierman, Los Angeles, University of California, Los Angeles, Museum and Laboratories of Ethnic Arts and Technology, 1969, pp. 33-49; J. A. Bennyhoff, « Chronology and Periodization », Teotihuacan: Onceava Mesa Redonda, Mexico, Sociedad Mexicana de Antropologia, 1966, pp. 23-24.
[29] Bernal, The Olmec World, p. 112.
[30] Joyce Marcus, « The Origins of Mesoamerican Writing », Annual Review of Anthropology 5, 1976, pp. 35-67. L’idée que l’écriture et le calendrier puissent être d’origine olmèque n’est pas aussi fermement démontrée que veut le faire croire l’enthousiasme de Marcus, mais c’est vraisemblable. Voir tout particulièrement Vincent Malmstrom, « A Reconstruction of the Chronology of Mesoamerican Calendrical Systems », Journal for the History of Astronomy 9, 1978, pp. 105-116.
[31] Pendant une génération, les spécialistes se sont accordés pour dire que la première apparition d’une ziggourat se situait aux environs de 3100 av. J.-C., mais la datation au radiocarbone la fait maintenant remonter à une date antérieure. James Mellaart, « Egyptian and Near Eastern Chronology: A Dilemma? » Antiquity 53, 1979, pp. 6-18; 54, 1980, pp. 225-27.
[32] Toutes les dates jarédites viennent de mon étude « The Years of the Jaredites », lue en 1972 à une conférence sur le Livre de Mormon à BYU mais non publiée jusqu’à ce qu’elle soit rendue accessible sous forme de « Preliminary Report » en 1984 par la Foundation for Ancient Research and Mormon Studies, Provo, Utah.
[33] Hugh Nibley, Lehi in the Desert and the World of the Jaredites, Salt Lake City, Bookcraft, 1952, pp. 238-247.
[34] Mulek, l’ancêtre supposé de Zarahemla, était tenu pour être fils de Sédécias, qui fut roi de Juda jusqu’à sa déportation par les Babyloniens en 586 av. J.-C., tandis qu’il était encore au début de la trentaine. « Mulek » devait être tout au plus un enfant. Nous ne savons pas combien de temps il a fallu à son groupe pour atteindre le Nouveau Monde, mais Omni vv. 15-16 donne à penser qu’il ne lui en a pas fallu beaucoup.
[35] Ce n’est que ces dernières années que l’on a reconnu que la guerre existait dans la Mésoamérique ancienne et son ampleur n’est toujours pas appréciée, même chez la plupart des mésoaméricanistes. Voir en particulier David L. Webster, Defensive Earthworks at Becan, Campeche, Mexico, Implications for Maya Warfare, MARI 41, 1976, pp. 103-113.
[36] Leur voyage transatlantique n’est peut-être pas le seul qui ait eu lieu vers cette époque. Voir Constance Irwin, Fair Gods and Stone Faces, New York, St. Martin's Press, 1963.
[37] Gareth W. Lowe et J. Alden Mason, Archaeological Survey of the Chiapas Coast, Highlands, and Upper Grijalva Basin, HMAI 2, 1965, pp. 217-218. Voir aussi une étude non publiée de Bruce W. Warren, « The Central Depression of Chiapas: Its Role within the Evolution of Mesoamerican Civilization », pp. 20-21, en ma possession.
[38] Concernant Tlapacoya et Tikal, Bruce W. Warren, correspondance personnelle; concernant Altar de Sacrificios, R. E. W. Adams, The Ceramics of Altar de Sacrificios, HUPM 63, no. 1, 1971, p. 147. Voir aussi l’étude de Warren mentionnée à la note 37.
[39] Edwin M. Shook et Alfred V. Kidder, Mound E-III-3, Kaminaljuyu, Guatemala, CIWP 53, 1952, p. 45 et figure 56.
[40] Il y a une certaine continuité dans la conception entre les centres de la fin de la période olmèque (par exemple Izapa et Tzutzuculi) et les centres cérémoniels des époques postérieures, comme l’a montré Andrew J. McDonald dans une étude non publiée. Aucun mésoaméricaniste compétent ne mettrait ce point en doute, d’une manière générale. Mais on peut voir une notion très différente de l’ « enceinte cérémonielle » à Kaminaljuyu, dans la phase « Majadas-Providencia », de 550 à 125 av. J.-C., comportant des tertres funéraires coniques disposés le long d’une « place en forme de rue » jouant le rôle de « centre rituel pour les obsèques d’une élite de la population. » William T. Sanders et Joseph W. Michels, Kaminaljuyu Project-1968 Season. Part 1. The Excavations, PSUO 2, 1969, pp. 165-166. Toutefois, Shook et Proskouriakoff pensent que Sanders et Michels ne voyaient pas les choses correctement et que les anciennes dispositions de Kaminaljuyu ne sont pas particulièrement différentes. Tatiana Proskouriakoff, « Early Architecture and Sculpture in Mesoamerica », dans Observations on the Emergence of Civilization in Mesoamerica, dir. de publ. Robert F. Heizer et John A. Graham, UCAR 11 1971, p. 145.
[41] William T. Sanders, Ceramic Stratigraphy at Santa Cruz, Chiapas, Mexico, NWAF 13, 1961, p. 53; Lowe et Mason, Archaeological Survey, pp. 217-218.
[42] Agustin Delgado, Excavations at Santa Rosa, Chiapas, Mexico, NWAF 17, 1965, pp. 77-78.
[43] À propos du volcanisme près du San Salvador ainsi que la zone de Chalchuapa, Payson D. Sheets, « An Ancient Natural Disaster », Expedition 14, automne 1971, pp. 24-31; R. J. Trotter, « Unravelling a Mayan Mystery », Science News 111, 20 janvier 1977, pp. 74-78; Stanley H. Boggs, Pottery Jars from the Loma del Tacuazin, El Salvador, MARI 28, 1967; Payson D. Sheets, « Preliminary Results of Research in the Zapotitan Basin, El Salvador », Mexicon 1, no. 2, 15 mai 1979, pp. 15-17. La chronologie de l’éruption établie par Sheets manque de cohérence en divers endroits, apparemment parce qu’elle est basée sur trop peu de datations absolues pour être concluante et ce, en dépit de son ton parfois assuré. À propos des indicateurs volcaniques de Tres Zapotes, Michael D. Coe, Archaeological Synthesis of Southern Vera Cruz and Tabasco, HMAI 3, 1965, p. 695. Pour la vallée de Mexico, Rene Millon et James A. Bennyhoff, « A Long Architectural Sequence at Teotihuacan », American Antiquity 26, 1961, pp. 518-519; et « Noticias de los Museos, Pieza del Mes », Boletin INAH Marzo 1968, 51.
[44] L’argumentation est présentée dans mon étude « A Chronological Ordering », pp. 53, 57, avec des renvois à la documentation.
[45] Laurette Sejourne, « El Simbolismo de los Rituales Funerarios en Monte Alban », Revista Mexicana de Estudios Antropologicos 16, 1960, pp. 85-90. Voir aussi note 163.
[46] Exemple: Ignacio Bernal, Archaeological Synthesis of Oaxaca, HMAI, vol. 3, 1965, p. 801.
[47] Millon et Bennyhoff, « Sequence at Teotihuacan. »
[48] Rene Millon, The Teotihuacan Map, vol. 1, Austin, University of Texas Press, 1973, p. 56; Daniel Wolfman, « A Re-evaluation of Mesoamerican Chronology, A.D. 1-1200 » thèse de doct., University of Colorado, 1973, p. 30.
[49] George Kubler, The Iconography of the Art of Teotihuacan, Dumbarton Oaks Studies in Pre-Columbian Art and Archaeology 4, 1967, pp. 12-13.
[50] Mon traitement – plutôt " historique" dans son souci de la succession d'événements précis – n'est pas celui qui est le plus populaire en ce moment. Une bonne partie des écrits d'aujourd'hui sur la Mésoamérique adopte une vision écologique de la culture. Voir, par exemple, l’ouvrage à succès de William T. Sanders et de Barbara J. Price: Mesoamerica: The Evolution of a Civilization, New York, Random House, 1968. Une critique bien faite de la position écologique est le commentaire de ce livre par Paul Tolstoy dans American Anthropologist 71, 1969, pp. 554-558. Leur approche ignore essentiellement les détails historiques, pour entasser les données dans de grandes étapes et les disposer dans un ordre chronologique, afin de montrer un échelonnement (« évolution ») croissant dans la société. C'est comme si des médecins tenaient une comptabilité sur la taille, le poids et l'absorption de calories d'une personne depuis sa prime enfance jusqu'à sa mort et disaient ensuite qu'ils ont fait une biographie. L'approche déterministe évolutionnaire et écologique ignore habituellement les subtilités chronologiques du genre que ceux qui s'intéressent à l'histoire considèrent comme vitales. Sur ce dernier point, voir la critique faite dans American Antiquity 43, janvier 1978, p. 127, par Warwick Bray d’un ouvrage sur la vallée de Mexico influencé par Sanders et Price. Il dit qu'il souffre des mêmes insuffisances, du point de vue historique, que le leur. Il ne faut cependant pas interpréter ces commentaires comme voulant dire que je pense que cette approche n'a aucune valeur. Elle complète, mais ne remplace pas, le traitement détaillé des événements accompagné du relevé soigneux des lieux, des populations et des forces agissant les unes sur les autres et d'une manière chronologique complexe.
[51] Le changement brutal se produit dans le Tlamimilolpa Ancien (200-300 apr. J.-C.). W. T. Levey, « Early Teotihuacan, An Achieving Society », University of the Americas, Mesoamerican Notes 7-8, 1966, p. 52. Comparez avec ce qui est dit des Périodes II et Transition à Monte Alban, qui remplissent à elles deux le troisième siècle: « La puissance et l’individualité intenses de la Période II ont tout naturellement trouvé leur prolongement dans la Première période de Transition, qui lui a succédé. » Et il y a « une monumentalité étonnante dans la conception des urnes » et une « grande force et une grande sensibilité » dans cette « apogée de l’art oaxacan. » F. H. Boos, The Ceramic Sculptures of Ancient Oaxaca, South Brunswick, New Jersey, A. S. Barnes and Co., 1966, p. 23.
[52] Enrique Fiorescano, « La Serpiente Emplumada, Tlaloc y Quetzalcoatl », Cuadernos Americanos 133 no. 2, mars-avril 1964, pp. 121-166.
[53] Furst, « Morning Glory and Mother Goddess », pp. 196-201.
[54] Ignacio Bernal, « Discurso Pronunciado durante la Visita del Sr. Presidente de la Republica a la Zona Arqueologica de San Juan Teotihuacan », Boletin INAH 17 septembre 1964, p. 4. Les arguments avancés par Million et d’autres que les dates au carbone sur lesquelles l’affirmation de Bernal était basée ne sont pas acceptables ont été examinés par Daniel Wolfman dans « A Re-evaluation of Mesoamerican Chronology: A.D. 1-1200 » thèse de doct., University of Colorado, 1973, pp. 35-38, et réfutés pour des raisons convaincantes. En outre, une tentative d’agrandissement de la Pyramide du Soleil après 400 apr. J.-C. n’a eu pour résultat que des fondations incomplètes. Rene Milton, « The Teotihuacan Map », Urbanization at Teotihuacan, Mexico, vol. 1, Austin, University of Texas Press, 1973, légende de la figure 17a.
[55] William T. Sanders, The Cultural Ecology of the Teotihuacan Valley: A Preliminary Report of the Results of the Teotihuacan Valley Project State College, Pennsylvania: Department of Sociology and Anthropology, 1965, pp. 179, 183. La date était vers 450 apr. J.-C.
[56] Samuel K. Lothrop, Treasures of Ancient America, Genève, Editions d'Art Albert Skira, 1964, p. 107.
[57] Webster, Defensive Earthworks, p. 6.
[58] Pierre Agrinier, Mounds 9 and 10 at Mirador, Chiapas, Mexico, NWAF 39, 1975, p. 9.
[59] Ray T. Matheny, « Teotihuacan Influence in the Chenes and Rio Bec Areas of the Yucatan Peninsula, Mexico », dans Las Fronteras de Mesoamerica: Las Memorias de la 14a Mesa Redonda, vol. 2 Mexico, Sociedad Mexicana de Antropologia, 1976.
[60] Joseph W. Ball, The Archaeological Ceramics of Becan, Campeche, Mexico MARI 43, 1977, p. 170.
[61] Voir l’appendice et le tableau de mon étude « A Mesoamerican Chronology, April 1977. »
[62] Gordon R. Willey, « The Classic Maya Hiatus: A Rehearsal for the Collapse? » dans Mesoamerican Archaeology: New Approaches, dir. de publ. Norman Hammond, Austin, University of Texas Press, 1974, pp. 417-430.
[63] Lothrop, Treasures of Ancient America, pp. 96-107; J. E. S. Thompson, Archaeological Synthesis of the Southern Maya Lowlands, HMAI 3, 1965, p. 343.
 

 

 

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