CHAPITRE 4 : LES PREMIERS NEPHITES DANS LEUR ENVIRONNEMENT

 

Si nous admettons que le cadre géographique et culturel exposé dans nos précédents chapitres est fondé, nous pouvons maintenant y situer des événements. Dorénavant, à l’exception du chapitre cinq, nous suivrons plus ou moins l’ordre du récit du Livre de Mormon, en mettant les acteurs et les événements à leur place pour voir comment la connaissance de la géographie et de la culture éclaire le vieux livre d’une lumière nouvelle.

 

Léhi et son groupe lancèrent leur navire dans l’océan Indien depuis la côte méridionale de la péninsule arabique [1]. Les vents les transportèrent sans aucun doute sur les mêmes itinéraires maritimes que les navires arabes, chinois et portugais utilisèrent plus tard, touchant l’Inde et en fin de compte la péninsule malaise. À partir de là, le navire de Néphi se faufila vraisemblablement entre les îles du Pacifique occidental pour se lancer ensuite en haute mer au nord de l’équateur, pour débarquer à environ 14° de latitude nord. Néphi ne nous laisse, dans le Livre de Mormon, aucun renseignement sur l’itinéraire parcouru et ne nous dit pas non plus en termes modernes où ils ont abordé. Mais quand nous analysons les déclarations du Livre de Mormon sur la géographie et les événements, le « pays du premier héritage » ne peut se situer que sur la côte occidentale (Pacifique) de l’Amérique Centrale (1 Néphi 18:23; Alma 22:28; voir le chapitre 1).

 

En 75 av. J.-C., les Néphites distinguaient trois secteurs le long du bord occidental du pays situé du côté du sud, tous « dans les régions frontières près du bord de la mer ». Il s’agit, du sud au nord : (1) « à l’ouest dans le pays de Néphi, à l’endroit du premier héritage de leurs pères », (2) « à l’ouest, dans le pays de Néphi » et (3) « à l’ouest du pays de Zarahemla » (Alma 22:28). Quand ils s’échappèrent de la première de ces zones par crainte des frères aînés, Néphi et son groupe voyagèrent « de nombreux jours » et aboutirent à un endroit auquel ils donnèrent le nom de leur chef, Néphi. Ils n’étaient toujours pas loin de la côte (2 Néphi 5:7-8). Nous en déduisons que la ville de Néphi n’était pas directement à l’intérieur des terres par rapport au premier lieu de débarquement (s’ils avaient voyagé « de nombreux jours » directement vers l’intérieur des terres, ils auraient abouti loin de la mer ; j’en déduis qu’ils ont dû se diriger vers le nord le long de la bande côtière et sont ensuite entrés dans l’intérieur des terres). Le seul alignement géographique qui permet d’accommoder 2 Néphi 5 et Alma 22 est quelque chose qui est proche de ce que l’on voit sur la carte 5. Le chapitre 1 a donné les raisons pour lesquelles la vallée du Guatemala contenait probablement la ville de Néphi ; la partie la plus méridionale de la côte Pacifique du Guatemala ou du Salvador, qui se trouve à côté, est très vraisemblablement l’endroit où le groupe de Léhi a débarqué et a créé sa première colonie.

 

Tandis qu’elle se trouvait dans cette première région côtière, la colonie d’émigrants a planté des semences, qu’elle avait apportées de Jérusalem. Celles-ci ont prospéré, nous rapporte Néphi (1 Néphi 18:24), mais que leur est-il arrivé plus tard ? L’expérience des pionniers donne à penser qu’un premier succès pour une culture d’importation ne signifie pas nécessairement qu’elle restera vigoureuse. Les plantes prospères ne produisent pas toujours de la bonne semence. L’évêque Diego de Landa utilise, dans le Yucatan du XVIe siècle, des termes très semblables à ceux de Néphi : « Nous les avons mis au travail [c’est-à-dire les Indiens] pour cultiver du millet [européen] et il pousse merveilleusement bien et est un bon aliment [2]. » Pourtant, près de quatre siècles plus tard, quand les botanistes de l’institution Carnegie ont examiné l’inventaire végétal de la région, ils n’ont trouvé aucune trace du millet pour lequel Landa avait été si enthousiaste [3].

 

On ne nous dit pas ce qui est arrivé plus tard aux plants provenant des semences que le groupe de Léhi a transportées sur l’océan, mais dès 130 av. J.-C., le maïs – plante originaire d’Amérique – était devenu la culture principale au pays de Néphi. Mosiah 7:22 et 9:9 mentionnent tous les deux cette culture pour la première fois dans l’alimentation des Zénifites, et les Lamanites du voisinage voulaient principalement du maïs (verset 14). Le maïs est une plante qui est si totalement dépendante de l’homme qu’elle ne pousse pas à l’état sauvage. Depuis qu’on s’est mis à le cultiver, des millénaires avant l’arrivée des Néphites, il a fallu qu’il soit entretenu par des mains humaines et transmis de génération en génération. Nous ne savons pas qui a enseigné aux descendants de Léhi à cultiver le maïs, ni qui leur a donné la semence. Bien entendu, le peuple de Zénif – les cultivateurs de maïs de Mosiah 9 – venait de Zarahemla, mais où ceux-là avaient-ils pu se le procurer ? La source évidente en termes du Livre de Mormon a dû être les survivants jarédites.

 

Que pouvons-nous dire des conditions de vie au pays du premier héritage ? La plaine côtière où Léhi a pu débarquer était inconfortablement chaude et humide. Ce climat favorisait la croissance rapide des cultures, mais le temps devait être déplaisant pour les colonisateurs. Les Néphites ne tardèrent pas à s’enfuir vers les hauteurs du pays de Néphi, où l’élévation permettait de vivre plus confortablement. D’après l’histoire telle que Néphi la raconte, les Lamanites restés en bas dans les plaines chaudes étaient des chasseurs nomades, sanguinaires, presque nus et paresseux (2 Néphi 5:24; Énos v. 20). Les conditions de vie dans cet environnement peuvent expliquer certaines de ces caractéristiques. Bien des siècles plus tard, les Espagnols parlaient en termes semblables des natifs de la même région. Le manuscrit de Tomas Medel, qui date d’environ 1550 de notre ère, juste une génération après l’arrivée des premiers Espagnols dans la région, signale que les Indiens de la côte Pacifique du Guatemala « passaient leur vie entière nus comme des vers [4] ». Cette pratique devait  être une réaction sensée au climat accablant. A la fin du XVIIe siècle, le prêtre catholique Fuentes y Guzman opposait « la lassitude et la paresse » de ces mêmes habitants des plaines à l’énergie des habitants des plateaux [5]. Pour ce qui était d’assurer leur subsistance, l’enchevêtrement de forêts et de marécages le long de la côte elle-même a pu être trop difficile à cultiver efficacement pour les nouveaux venus lamanites, puisqu’ils n’ont pas pu trouver immédiatement le secret de la culture en cet endroit. (Il se peut qu’eux ou leurs ancêtres n’aient même pas été cultivateurs en Palestine.) Cela a pu être la chose économiquement intelligente à faire que de chasser et de cueillir la nourriture naturelle abondante dans les estuaires, tandis qu’une fois de plus, la chaleur humide peut rendre compréhensible leur manque d’énergie.

 

LE PAYS DE NEPHI

 

L’endroit où le groupe de Néphi s’installa était très certainement la vallée du Guatemala ou, comme ils l’ont appelé, le pays de Néphi. La ligne de partage des eaux du continent traverse la vallée ; la Guatemala City actuelle est l’ancienne ville de Néphi (Kaminaljuyu) à une hauteur d’environ 1.500 mètres. D’un côté de la ville, l’eau s’écoule vers l’est et les Caraïbes, de l’autre côté, elle coule vers le Pacifique. C’est la vallée la plus grande est la plus productive des plateaux du Guatemala. Le climat est célèbre : printanier et tempéré, avec des pluies et des bourrasques froides occasionnelles seulement – un endroit merveilleux à coloniser [6]. Le cours d’eau qui arrose la vallée en direction du sud-ouest constitue un passage entre les montagnes qui ne pouvait qu’inviter le groupe de Néphi à « monter » tandis qu’ils longeaient les plaines dans leur fuite.

 

Deux raisons importantes ressortent pour lesquelles la vallée du Guatemala doit être considérée comme le pays de Néphi originel. La première est que le site de Kaminaljuyu a été pendant de nombreux siècles le centre culturel dominant de toute la région des plateaux du Guatemala, l’endroit le plus important à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. La grande taille (au moins 2,5 km²) et les constructions impressionnantes de Kaminaljuyu soulignent son importance clef et celle de la vallée. On décrit le pays de Néphi dans le Livre de Mormon comme dominant au même degré parmi ses voisins. Une deuxième grande raison de considérer que Néphi se trouvait là est que les coutumes, les détails du terrain et la datation des vestiges archéologiques correspondent de près à ce qui est décrit dans le Livre de Mormon. Nous examinerons certains de ces traits plus tard.

 

Installé dans cet environnement, le groupe de Néphi se mit à reproduire certains aspects de la civilisation tels qu’il se les rappelait du pays de Jérusalem. Néphi attribue à l’inspiration divine de l’avoir aidé à s’attaquer aux problèmes que rencontrait la colonie. Il y eut certains aspects de la vie israélite qu’il laissa sans regret s’éteindre, parce qu’il les considérait comme mauvais (2 Néphi 25:1-2, 6). Il transmit toute la connaissance pratique qu’il était capable de transmettre. La métallurgie et le soin des animaux sont mentionnés dans cet héritage technologique (tous deux feront l’objet d’une étude séparée au chapitre 7). Mais étant donné qu’un certain nombre de déclarations sont faites à propos du temple construit sous la direction de Néphi, voyons ce que les sources non scripturaires peuvent nous dire sur sa nature probable.

 

Leur premier temple fut construit « à la manière du temple de Salomon » (2 Néphi 5:16), un édifice que Néphi lui-même avait vu de nombreuses fois à Jérusalem, car le vieux bâtiment était toujours debout quand Léhi et sa famille quittèrent le pays de Juda. Comment ce temple américain a-t-il été construit ? Différemment, dans certains détails, de ses modèles du Vieux Monde, nous assure Néphi (2 Néphi 5:16). Les Néphites utilisaient des matériaux différents, de sorte que les techniques de construction ne pouvaient pas être les mêmes que dans le modèle palestinien. Donc quand Néphi dit que « le genre de construction » était le même qu’à Jérusalem, tout ce qu’il pouvait vouloir dire, c’est qu’il était construit sur ce modèle-là. Quel était ce modèle et quelle était sa fonction ?

 

Le temple de Salomon avait été construit sur une plate-forme de sorte que les gens montaient littéralement pour s’y rendre. À l’intérieur, il y avait des salles distinctes de caractère sacré différent. A l’extérieur du bâtiment proprement dit, il y avait une cour ou esplanade entourée d’un mur. C’était là que l’on offrait les sacrifices, sur des autels munis de marches ou constitués de terrasses. Les niveaux de la structure de l’autel représentaient les couches de l’univers telles que les Israélites et les autres peuples du Proche-Orient les concevaient [7]. Le bâtiment du temple était orienté de telle façon que le soleil levant au moment de l’équinoxe (le 21 mars ou le 21 septembre) envoyait ses tout premiers rayons – considérés comme « la gloire du Seigneur » – à travers les portes du temple, que l’on ouvrait à cette occasion, directement jusque dans la partie la plus sainte [8]. D’une manière générale, c’étaient ces mêmes éléments qui caractérisaient les complexes des temples mésoaméricains. Le bâtiment sacré, qui était le temple proprement dit, était de taille modeste, tandis l’esplanade recevait une plus grande attention. Torquemada, un des premiers prêtres espagnols du Nouveau Monde, comparait le plan des temples mexicains à celui du temple de Salomon et un savant moderne est d’accord avec lui [9].

 

Le site de la ville de Néphi est aujourd’hui à ce point couvert de bâtiments et dépouillé par l’expansion de Guatemala City que nous n’en apprendrons probablement jamais beaucoup plus sur l’ancienne ville que l’aperçu que nous en ont déjà donné les recherches archéologiques limitées qui ont eu lieu. Nous n’avons aucun espoir de retrouver des preuves concrètes du temple originel de Néphi lui-même, mais nous pouvons nous attendre à ce que le modèle constitue un précédent qui pourrait être répété longtemps après. Les détails du temple de Salomon qui ont frappé Torquemada pourraient tirer leur origine de ce que Néphi et son peuple ont introduit il y a plus de 2500 ans.

 

Les six siècles qui ont suivi la mort de Néphi et de son frère Jacob sont à peine esquissés dans le Livre de Mormon. Ni l’Écriture ni l’archéologie ne nous en disent beaucoup sur la façon dont la vie se passait à l’époque, mais l’université de l’État de Pennsylvanie a examiné, à la fin des années 1960, certains vestiges de l’occupation de Kaminaljuyu datant du IIIe au VIe siècle av. J.-C., la période que les livres d’Énos et d’Omni mentionnent si brièvement. À l’époque, la colonie était déjà de bonne taille. Les chercheurs l’interprètent comme ayant été occupé par plusieurs groupes ou lignées apparentés (notez Jacob 1:13), dont chacun vivait dans un certain secteur du site [10]. La zone centrale sacrée de l’époque semble avoir été constituée par des rangées de grands tumulus funéraires. C’était probablement là que les anciens des groupes apparentés étaient enterrés et honorés [11]. Cette coutume correspond fondamentalement à la façon dont les dirigeants honorés des groupes apparentés étaient traités chez les Israélites de Palestine quand ils mouraient [12]. Il est possible que pendant les siècles de guerres et de « roideur de cou » qui suivirent la mort de Néphi et de Jacob (Énos vv. 22-24), le temple originel ait été abandonné comme centre de pratique religieuse, tandis que l’accent se reportait sur les rites funéraires des patriarches du groupe. En tout cas, on n’entend plus parler du temple entre l’époque de Jacob et celle où les Zénifites occupent de nouveau le pays, plus de 400 ans plus tard (Jacob 1:17; Mosiah 11:10, 12; comparez avec Alma 10:2).

 

Vers 275 av. J.-C., la « partie la plus méchante des Néphites » avait été détruite, apparemment dans des guerres contre les Lamanites (Omni vv. 5-7), tandis que les Lamanites avaient, semble-t-il, prospéré, du moins numériquement parlant. La raison pour laquelle les Lamanites ont pu devenir « extrêmement plus nombreux » que les Néphites (Jarom v. 6) a été abordée au chapitre 2. Les Néphites se décrivent comme tout à fait civilisés (Jarom v. 8) et devaient donc être logiquement plus nombreux que les Lamanites. Presque invariablement, les cultivateurs sédentaires – les Néphites – atteignaient un niveau de population beaucoup plus élevé qu’une population constituée de chasseurs. Alors, d’où venaient tous ces Lamanites ?

 

La réponse peut être que les Lamanites du groupe d’émigrants originels ont dominé une population native déjà dispersée dans le pays à l’arrivée de Léhi. Aux yeux des Néphites, ces populations assujetties devaient être traitées de la même manière que les Lamanites originels, même si certaines différences physiques ou culturelles étaient visibles entre eux. « Maudite sera la postérité de celui qui se mêle à leur postérité: car ils seront maudits de la même malédiction. Et le Seigneur le dit, et cela fut fait » (2 Néphi 5:23). On a l’impression d’avoir affaire ici à un fait déjà accompli historiquement plutôt qu’à un simple avertissement à l’intention de Néphites futurs. L’ambition débridée de Laman et de Lémuel de gouverner a dû les pousser à essayer de dominer non seulement les Néphites (2 Néphi 5:3, 14) mais quiconque d’autre pouvait se trouver dans les environs.

 

Les saints des derniers jours ne sont pas habitués à l’idée que d’autres peuples que les descendants immédiats de Léhi étaient sur les lieux des événements du Livre de Mormon. Des éléments abondants provenant des études archéologiques et linguistiques nous assurent que de telles populations étaient effectivement présentes, par conséquent nous devons comprendre comment le récit du Livre de Mormon intègre cette réalité. Nous avons vu précédemment que le Livre de Mormon était l’histoire de la lignée des descendants de Néphi. Il ne prétend pas être – et, de toute évidence, n’est pas – une histoire au sens moderne du terme ; il ne prétend jamais donner un tableau systématique de « ce qui est arrivé » dans toute sa région géographique. Les annales des lignées mésoaméricaines natives d’une date postérieure procèdent de la même façon – interprétant les peuples et les événements du point de vue de ceux qui, dans chaque lignée, tenaient l’histoire de l’élite [13]. Certaines lignées nobles ambitieuses allaient de lieu en lieu à la recherche de populations locales à soumettre. C’était le cas des groupes de Teotihuacanos, « Toltèques », Cuicatèques, Mixtèques et autres. Si la chance leur était favorable et que le pouvoir était à leur portée, le peuple assujetti trouvait souvent intéressant de « suivre le guide » en modifiant leur propre généalogie, en subordonnant leur tradition originelle et en réécrivant leur histoire pour qu’elle devienne conforme, là où c’était possible, à la version officielle des gouvernants. (On trouve dans certains cercles des États-Unis cette tendance compréhensible dans le phénomène des « ancêtres arrivés sur le Mayflower »). Une étude citée précédemment a montré qu’une histoire traditionnelle de l’ouest du Mexique, qui prétendait donner l’origine du peuple tarascan, ne correspondait pas aux faits archéologiques ; la population de base était là longtemps avant l’arrivée du groupe dont la tradition prétendait que l’histoire avait commencé à son arrivée [14]. De même, la célèbre traditions maorie prétendant avoir été la première à coloniser la Nouvelle-Zélande, il y a des siècles, par l’arrivée d’un groupe de pirogues, est, on le sait maintenant, une version simpliste ; d’autres populations étaient déjà là. N’ayant apparemment aucune importance aux yeux des nouveaux venus plus puissants, les natifs étaient ignorés dans les traditions [15]. C’est ainsi que la date de 753 av. J.-C. pour la fondation de Rome, bien connue des écoliers, est victime du même phénomène. « Les découvertes archéologiques les plus récentes montrent qu’il y avait une confédération prospère de villes de langue latine, dont Rome faisait partie, au moins 200 ans avant cela », nous dit-on. L’archéologue classique John Ward Perkins a mis directement le doigt sur le problème que l’on rencontre lorsque l’on se trouve devant ce genre « d’histoire » : « Les vieilles théories étaient trop simples [16]. » C’est, semble-t-il, aussi le cas de la théorie entretenue par beaucoup de saints des derniers jours que les civilisations indiennes ont commencé à zéro dans un pays vierge vers 600 av. J.-C.. Les souverains de la lignée, mais pas nécessairement tous leurs sujets, considéraient le débarquement de Léhi comme une date clef.

 

L’étude des langues et de l’archéologie nous assure qu’il y avait des habitants sur les côtes du Guatemala peu après 600 av. J.-C., mais leur nombre a dû être bas. Le fait que la tradition olmèque (apparentée aux Jarédites) était à ce moment-là dans les derniers stades de la désintégration signifie que les survivants qui vivaient dans la région où Léhi a débarqué étaient sans doute désorganisés et ne risquaient pas de contester l’arrivée de nouveaux venus mystérieux. L’ambition de Laman et de Lémuel (nous pourrions les comparer à Cortez) a très bien pu rendre les émigrants dominants et amener les populations locales à transformer leurs conceptions pour qu’elles cadrent avec l’histoire racontée par les gouvernants immigrants, mettant ainsi de fait les nouveaux venus à la place des anciens chefs olmèques qu’ils avaient servis. L’expansion numérique rapide des Lamanites, qui se reflète dans le récit néphite, devait forcément devoir davantage à un scénario tel que celui-ci qu’à une expansion biologique et à une efflorescence écologique spectaculaires peu probables de la part de Laman, Lémuel et compagnie.

 

DE NEPHI A ZARAHEMLA

 

Les troubles internes et les attaques lamanites obligèrent finalement la tradition prophétique chez les Néphites à  rechercher une nouvelle patrie. Tout comme Néphi avait précédemment dû échapper à ses ennemis de la première colonie sur la côte, vers 210 av. J.-C., Mosiah, « averti par le Seigneur qu’il devait s’enfuir du pays de Néphi… quitt[a] le pays et entr[a] dans le désert » (Omni vv. 12-13). Son peuple et lui furent divinement guidés « jusqu’au moment où ils descendirent au pays qui est appelé le pays de Zarahemla » (Omni vv. 12-13). En fonction de la géographie que nous avons élaborée au chapitre 1, Mosiah descendit des plateaux du Guatemala dans le bassin du fleuve Sidon. « Et ils découvrirent un peuple qui était appelé le peuple de Zarahemla… au moment où Mosiah les découvrit, ils étaient devenus extrêmement nombreux » (Omni vv. 14-17) – du moins par comparaison avec le groupe de Mosiah.

 

« Le peuple de Zarahemla » semble avoir reçu son nom de son chef, qui signala à Mosiah que ses ancêtres étaient arrivés de la région méditerranéenne par bateau et qu’il était descendant de « Mulek », fils de Sédécias, dernier des rois juifs d’avant l’exil. Le voyage aboutit tout d’abord au pays situé du côté du nord, puis se poursuivit vers le sud [17]. Ils s’installèrent probablement sur le site de la côte est qui devait être appelé plus tard « ville de Mulek » (notez Alma 8:7). « Et ils étaient venus de là et étaient montés dans le désert du sud » (Alma 22:31), où Mosiah les rencontra plus tard. Des factions avaient guerroyé entre elles ; Zarahemla était maintenant chef d’un des groupes (Omni v. 17). Si la ville de Zarahemla lui doit son nom (à lui ou à son père), son groupe n’était probablement pas à cet endroit-là depuis longtemps, bien qu’il ait pu vivre depuis un certain temps dans les environs immédiats.

 

Ces voyageurs méditerranéens ont probablement fait ce que les Lamanites ont fait, c’est-à-dire utiliser les techniques et la connaissance supérieures qu’ils avaient apportées pour s’assurer la domination sur les survivants locaux de la civilisation précédente. Lorsque Mosiah est arrivé jusqu’à eux, ils devaient représenter un mélange de caractéristiques dans lesquelles les traits mésoaméricains prédominaient sur la culture israélite qu’ils avaient conservée, comme l’implique Omni v. 17. La stèle 3 de La Venta (site qui remplit les conditions pour être la ville de Mulek) représente la rencontre entre un dirigeant local et un chef immigrant dont les traits du visage rappellent tout à fait ceux d’un habitant de la Terre sainte. En tous cas, des archéologues éminents ont interprété la scène dans ce sens [18]. Se pourrait-il que Mulek soit représenté dans une scène d’accueil cérémoniel auprès des natifs ? La date de la stèle 3 est incertaine, mais selon les meilleures estimations des archéologues, elle se situe au VIe siècle av. J.-C., l’époque où le groupe de Mulek a dû débarquer [19]. D’autres données confortent la possibilité que des voyageurs venus de la Méditerranée orientale (des « Phéniciens ») ont atteint La Venta [20].

 

On se rend mieux compte de ce que Mosiah a découvert lorsque l’on regarde de près le cadre géographique de la ville et les environs immédiats de Zarahemla. Pour ce faire, nous faisons un bond dans le temps pour examiner un événement révélateur parmi les Néphites quelque 110 ans après l’arrivée de Mosiah à Zarahemla. Un certain Amlici essayait à ce moment-là de renverser la structure politique néphite des « juges » afin de se faire proclamer monarque (Alma 2:1-8). Il s’ensuivit une bataille du côté est du fleuve Sidon. (Voir carte 7.)

 

Amlici et ses partisans furent chassés par la majorité néphite du premier champ de bataille au sud et à l’est vers la vallée de Gédéon située plus en hauteur. Pendant la nuit, les Amlicites levèrent secrètement le camp, descendirent jusqu’au fleuve plus en amont et le traversèrent. Là, ils firent leur jonction avec une grande armée lamanite dont il avait été convenu qu’elle descendrait du pays de Néphi pour attaquer Zarahemla. Mises au courant par leurs espions de la tournure que prenaient les événements, les forces néphites quittèrent en hâte Gédéon et se dirigèrent vers le fleuve pour intercepter les envahisseurs avant que, comme le craignaient les Néphites, ils ne prennent possession de la ville (voir Alma 2:25). Nous pouvons nous les imaginer se précipiter sur le chemin le plus direct jusqu’au dernier des gués praticables sur le fleuve où ils pouvaient arrêter les ennemis. Juste au moment où ils traversaient le fleuve, les attaquants lamanites-amlicites, « presque aussi nombreux, pour ainsi dire, que le sable de la mer » (verset 27), se heurtèrent à eux sur la rive ouest. Combattant vigoureusement, les Néphites l’emportèrent, dispersant leurs adversaires et en tuant beaucoup.

 

Cette histoire nous fournit des renseignements précieux sur la géographie locale. La ville de Zarahemla était du côté est du fleuve et se trouvait probablement au bord (Alma 2:15, 25-27). Alma baptisa plus tard le peuple du pays de Zarahemla dans le fleuve Sidon (Alma 4:4; 6:1-2, 7), ce qui confirme le fait que la ville et sa zone d’occupation voisine s’étendaient le long du fleuve et en étaient toutes proches. Cette idée est considérablement renforcée par ce qui arriva l’année qui suivit la question amlicite. Un manque de nourriture au pays de Zarahemla fut imputé à « la perte de ses champs de grain qui avaient été foulés aux pieds et détruits par les Lamanites » pendant la bataille et la fuite (Alma 4:2). Apparemment, les terres agricoles les plus productives était concentrées immédiatement à côté du fleuve, un peu en amont de la ville.

 

Le récit de la bataille souligne l’étroitesse du pays de Zarahemla, tant du point de vue territorial que du point de vue population, au commencement du Ier siècle av. J.-C. Un pays étendu n’aurait guère souffert de la famine à cause de la petite superficie qui pouvait être piétinée par des hommes au combat et en fuite. Plus d’un siècle auparavant, l’échelle était encore plus limitée.

 

Ce que le groupe de Mosiah avait rencontré était de toute évidence une petite unité socio-politique centrée sur une ville importante avec des villages extérieurs qui en dépendaient pour le commerce, l’administration et le culte. La population y était non seulement numériquement réduite mais aussi politiquement peu évoluée, car Zarahemla ne prétendait même pas au titre de roi. (Les tâches proprement dites du gouvernement étaient alors légères, car, des années après une croissance supplémentaire, le roi Benjamin avait le temps d’assurer son propre entretien par l’agriculture tout en s’acquittant des tâches du gouvernement (Mosiah 2:14). Il est clair que la royauté, à l’époque, consistait essentiellement en une présence symbolique plutôt qu’en des fonctions nombreuses.) Les résidents locaux reconnurent rapidement que Mosiah, un parfait inconnu qui les avait trouvés par hasard, devienne leur roi (Omni vv. 14, 19). Comment cet homme et son groupe d’intrus ont-ils pu rencontrer un accueil aussi cordial et ensuite s’installer aussi facilement dans un créneau politique dominant dans la société ? Une partie de la réponse doit résider dans les qualifications supérieures qu’avait Mosiah pour être roi. Les peuples anciens voulaient que leurs rois aient des lettres de créance valables. L’approbation d’une population sujette était, bien entendu, une sorte de lettre de créance, mais s’il n’y avait pas d’autres considérations, la position du souverain serait suspecte. Un roi devait réellement tirer son autorité d’une ligne royale dont la légitimité ne faisait pas de doute. Il semblerait que Zarahemla n’avait qu’un lien faible avec la royauté.

 

Il est vrai que Mulek, un ancêtre lointain, avait été fils de Sédécias (Hélaman 6:10; 8:21), mais Sédécias avait été tout au plus un roi fantoche mis sur le trône de Juda par les Babyloniens (2 Rois 24:7) et rapidement déposé par eux pour rébellion (2 Rois 25:6-7). En outre, dans la mémoire juive, il était responsable, sinon à l’origine, du désastre national de l’exil babylonien [21]. Entre-temps, il y avait eu des querelles entre les ancêtres de Zarahemla après leur débarquement, et il se peut que les prétentions à la royauté par son lignage aient été ternies. D’autre part, Mosiah descendait d’une lignée reconnue de rois plus immédiats, les « Néphis » (Jacob 1:11; Mosiah 25:13 ). Le niveau de civilisation était apparemment plus élevé à Néphi, d’où venait Mosiah, et le degré de culture plus élevé était probablement perceptible. On sait qu’il savait lire et écrire et possédait des volumes d’annales impressionnants. Ces deux caractéristiques devaient lui conférer du pouvoir aux yeux des  Zarahemlaïtes naïfs. Les objets sacrés mystérieux qu’il possédait – l’épée de Laban et le Liahona (Mosiah 1:16) – ont dû renforcer encore sa position. Enfin, je suppose que sur la base de ce qui commençait à se passer économiquement et culturellement, comme les événements ultérieurs allaient le montrer, la population locale avait entamé une période de croissance où elle était heureuse à l’idée d’avoir un roi véritable, justement vers l’époque où Mosiah est apparu.

 

Nous avons présenté précédemment des éléments en faveur de l’identification de la dépression centrale de l’état actuel du Chiapas (Mexique) avec le pays de Zarahemla. Le fleuve Grijalva (Rio de Chiapas), qui traverse cette large vallée, est le seul candidat plausible pour le fleuve Sidon. Le long de la rive ouest du fleuve doit se trouver l’ancienne ville de Zarahemla. Comme nous venons de le voir, le Livre de Mormon laisse fortement entendre que la région de peuplement dépendant immédiatement de la ville de Zarahemla était située en amont et en aval du fleuve et concentrée sur la rive ouest. Exactement de la manière indiquée, la terre la mieux arrosée et la plus fertile le long du Grijalva supérieur était limitée à une bande étroite, de moins de 800 m de large, de part et d’autre du fleuve, mais essentiellement du côté occidental ou sud. Les sources du fleuve commencent de l’autre côté de la frontière du Guatemala dans des montagnes escarpées. Zarahemla se situant dans la vallée supérieure du fleuve, elle serait suffisamment proche de cette bande de désert montagneux pour que des envahisseurs venus du sud puissent surgir presque à l’improviste près de la ville, comme le premier chapitre d’Hélaman nous pousse à nous y attendre.

 

Le plus grand site archéologique du Grijalva supérieur ayant une situation appropriée pour se qualifier pour être Zarahemla est Santa Rosa. La BYU-New World Archaeological Foundation y a fait quelques fouilles en 1956 et en 1958. (Aucun des participants n’envisageait un lien quelconque entre les ruines et une localité du Livre de Mormon. En fait, la plus grande partie du travail a été effectuée par des archéologues non mormons.) En 1974, le site était inondé par le lac de retenue de près de 110 kilomètres du barrage d’Angostura. Nous allons aborder ci-après quelques-unes des découvertes faites sur le site, mais examinons tout d’abord l’emplacement général de la région de Santa Rosa.

 

Les recherches linguistiques nous disent que le Grijalva supérieur se trouvait au point de jonction de deux grandes régions où existaient des populations installées depuis longtemps avec leur langue propre. Il y a quelque deux mille ans, les langues mayas s’étendaient très probablement sur une grande partie du Guatemala jusqu’aux environs de la bande de désert montagneuse qui sépare les plateaux de ce pays de la vallée du fleuve Grijalva [22]. En aval, depuis les environs de Chiapa de Corzo et en allant vers le nord et l’ouest, il y avait des populations parlant les dialectes zoqué ; et dans l’isthme proprement dit, se trouvait la langue mixé étroitement apparentée. Les deux blocs, les populations de langue maya du côté guatémaltèque et les groupes utilisant les langues de la famille mixé-zoquéenne du côté isthmien de Santa Rosa, étaient là depuis longtemps. Le mixé-zoquéen ancestral s’est révélé être la langue probable des Olmèque de la côte du Golfe, tandis que les populations de langue maya étaient vraisemblablement dans les monts Cuchumatanes du Guatemala bien avant 1000 av. J.-C. [23]. (On n’a cependant pas de preuve que les langues mayas aient été parlées jusqu’à l’époque postérieure au Livre de Mormon dans les régions des plateaux guatémaltèques méridionaux qui sont le meilleur endroit pour situer les peuplements néphites et lamanites [24].) Mais aucun des groupes linguistiques majeurs ne semble avoir été installé sur le haut Grijalva, en tout cas pas avant une époque avancée de notre ère. Cette zone intermédiaire semble avoir été une frontière linguistique. Le peuple de Zarahemla était entré dans la région venant de la côte du Golfe en passant par des terres occupées depuis des siècles par des populations de langue zoqué. Il est vraisemblable que ses sujets locaux parlaient, à l’époque de Mosiah, une langue semblable au zoquéen. Mosiah et son groupe, venant de la direction opposée, étaient parmi les premiers d’une longue série de groupes qui, au cours du millénaire suivant, sont peu à peu descendus du Guatemala dans cette vallée.

La séquence archéologique à Santa Rosa est intéressante en fonction de ce que dit le Livre de Mormon, bien que les découvertes resteront toujours incomplètes parce que le site est maintenant inondé. De grandes constructions publiques sous la forme de ce qui semble avoir été des tumulus de fondation de « temples » ou de « palais » ont commencé à petite échelle vers 300 av. J.-C. [25]. Cela coïncide avec l’augmentation de population qui a créé la « ville » de Zarahemla que le groupe de Mosiah allait rencontrer quelques générations plus tard. L’endroit n’a pas dépassé la taille d’une localité modeste au cours de l’époque où Mosiah, Benjamin, son fils, et Mosiah II ont régné. Vers 100 av. J.-C., on constate une accélération dans la prospérité de la ville et un grand nombre d’édifices publics importants sont érigés. Cet état de choses continuera pendant un siècle environ [26]. À l’exception du site de Chiapa de Corzo, loin en aval, Santa Rosa va devenir la « ville » la plus grande et la plus importante du bassin du Grijalva juste au moment où le Livre de Mormon nous montre que Zarahemla devient un centre régional.

 

Un fait remarquable relatif à la forme qu’a prise ce peuplement a été dégagé dans les fouilles effectuées par la New World Archaeological Foundation. L’archéologue Donald Brockington, qui a participé aux fouilles d’une partie du plus grand tumulus en forme de pyramide au centre de Santa Rosa, a constaté que dans cette structure, construite au cours du premier siècle av. J.-C., une couche de gravier avait été déposée, qui avait ensuite été stuquée pour constituer le socle sur lequel on avait poursuivi la construction du tumulus. Le gravier de base était de deux espèces tout à fait différentes et avait, de toute évidence, été apporté là de deux sources. La ligne séparant les deux types de gravier était méticuleusement droite et orientée approximativement dans un sens est-ouest, divisant la structure exactement en deux. En outre, les habitants du site vivaient dans deux zones de forme ovale séparées l’une de l’autre par une zone cérémonielle orientée le long de cette même ligne. Brockington en a conclu que le gravier avait été déposé par deux groupes sociaux (et peut-être linguistiques) distincts, qui occupaient le site et qui semblaient avoir établi entre eux des relations définies par des dispositions rituelles et politiques officielles [27]. Se peut-il que ces deux groupes aient été le peuple de Zarahemla et le peuple de Néphi ? Mosiah 25:4 soutient cette possibilité : « Et maintenant, tout le peuple de Néphi était assemblé, et aussi tout le peuple de Zarahemla, et ils étaient assemblés en deux groupes. » En outre, les « Églises » qu’Alma a organisées (Alma 25:19-21) étaient probablement basées sur des unités ethniques/résidentielles. Si deux peuples distincts ont effectivement vécu dans des sections séparées à l’intérieur de la ville, ces dispositions correspondraient aux pratiques mésoaméricaine postérieures [28].

 

On trouve d’autres informations sur l’ampleur et le peuplement de Zarahemla dans l’histoire de la réunion cérémonielle de la population convoquée par Benjamin, fils de Mosiah. Benjamin fait un certain jour savoir à son peuple qu’il doit se rendre au temple le lendemain (Mosiah 1:10, 18 ; comparez avec 3 Néphi 17:3; 19:1-3). Si l’on estime le temps qu’il faudrait pour envoyer des messagers et rassembler la foule, il est peu probable qu’il y en ait qui soient venus d’une distance supérieure à 30 kilomètres. (C’était encore à peu près l’étendue du pays immédiat de Zarahemla plus tard au moment de la bataille amlicite.) Le nombre de personnes qui ont assisté à l’assemblée de Benjamin était un peu plus grand que ce qui pouvait être reçu « dans les murs du temple », et vraisemblablement l’esplanade ou cour sacrée (Mosiah 2:7). Au départ, le roi avait supposé que l’endroit serait suffisamment grand pour recevoir la foule, de sorte qu’il pourrait lui parler directement, mais le groupe est avéré trop grand pour écouter le vieux souverain. (À l’âge de 70 ans, John Wesley pouvait prêcher en plein air à 20 000 personnes en Angleterre, ce qui permet de penser que le nombre des personnes assemblées à Zarahemla était peut-être un peu plus grand.) L’étendue du pays plus le nombre de personnes assemblées donne à penser qu’à l’époque de Benjamin, vers 125 av. J.-C., la population centrée sur Zarahemla était de l’ordre de 25 000 âmes, dont beaucoup habitaient dans des villages près de la zone de peuplement, particulièrement le long du fleuve.

 

Une zone de peuplement aussi petite pourrait-elle raisonnablement être qualifiée de ville ? Étant donné que ce que nous appelons maintenant ville est constitué de régions urbaines contenant des millions d’habitants, nous nous attendrons peut-être à ce que les centres d’autrefois soient plus grands qu’ils ne l’étaient en réalité. Le terme ville semble avoir eu une signification précise et officielle chez les Néphites et n’était pas directement lié au nombre d’habitants d’une zone de peuplement. L’histoire d’Alma et de son groupe nous le montre bien. Ils n’étaient que 450 environ (Mosiah 18:35) quand ils s’enfuirent dans le désert pour échapper au roi Noé. Ils arrivèrent dans une vallée qui, de toute évidence, n’était pas occupée à l’époque ; ils s’y arrêtèrent et lui donnèrent le nom d’Hélam. Les nouveaux venus « commencèrent à cultiver le sol, et commencèrent à construire des bâtiments » (verset 5). Ensuite, une fois que les activités pionnières de base furent terminées, « ils construisirent une ville qu’ils appelèrent la ville d’Hélam » (versets 19-20). Nous avons ici la fondation volontaire d’une ville instantanée. Sa création était autre chose que le simple fait de peupler la vallée. Il n’a pas pu se passer plus d’une décennie entre leur arrivée et la fondation de ce qui fut appelé la ville, de sorte qu’ils n’étaient toujours que quelques centaines. De plus, le fait de fonder la ville n’a pas ajouté à la population ; les seuls habitants étaient ceux qui étaient déjà là. Étant donné qu’une grande population n’aurait pas pu être la raison pour laquelle l’endroit a été qualifié de ville, que signifiait le terme ?

 

Cette question de savoir ce qui constitue une ville tourmente également les experts. Dans une controverse récente entre deux anthropologues, le Dr Smith conteste la définition du mot ville donnée par le Dr Crumley. Si l’on utilise ce terme, prétend-il, il faudrait qualifier le site de San Jose Mogote, dans l’état d’Oaxaca (Mexique), de ville dès la période de 1300 à 800 av. J.-C., ce qui, selon Smith, ne va pas du tout. Crumley répond que, selon sa définition, San Jose Mogote aurait effectivement été une ville comparable, dans sa fonction, aux villes antiques dont les populations étaient aussi peu importantes, mais dont beaucoup conviennent qu’elles doivent être qualifiées de villes. (Soit dit entre parenthèses, San Jose Mogote s’avère être le site archéologique le plus impressionnant de cette période dans la vallée d’Oaxaca, que je considère être probablement le pays de Moron des Jarédites. Le récit jarédite ne parle nulle part d’une ville de Moron, de sorte que le point de vue de Smith et celui de Crumley conviennent tous deux dans le cas du Livre de Mormon.)

 

Le mot hébreu traduit par « ville » avait la signification fondamentale de « centre de temple ». Des études récentes ont montré que les centres américains antiques étaient soigneusement disposés de telle sorte que les édifices et les monuments de pierre étaient alignés sur les points où le soleil et la lune se levaient et se couchaient lors des solstices et des équinoxes et ils étaient également orientés vers des repères bien visibles du paysage [29]. C’était également une pratique établie de longue date dans le Vieux Monde. (Voir note 8.) Il est maintenant clair qu’un centre de temple officiel devait être délibérément planifié, pas créé simplement au petit bonheur (choix dû au hasard ou accident historique). La religion ou une vision du monde était certainement au cœur de la fondation des « villes ». Le groupe d’Alma a pris naissance à cause de ses croyances religieuses. Alma avait précédemment été prêtre sous le roi Noé et a servi ensuite son propre groupe en tant que prêtre (voir Mosiah 17:1-2). Étant l’un des prêtres du roi Noé, il avait vraisemblablement participé à la planification des « tours » ou tumulus pyramidaux de temples que le roi avait érigés (Mosiah 11:12-13). Lorsque la ville d’Hélam fut construite sous la direction d’Alma, les constructeurs ont du être guidés par les fondements de la pratique religieuse néphite. Nous pouvons être raisonnablement sûrs que leur ville – et toutes les autres villes néphites – méritait partiellement le titre par le fait qu’elle possédait une enceinte cérémonielle centrée sur un temple officiellement consacré, qui annonçait que la collectivité était une entité politique importante. Une ville, selon la terminologie du Livre de Mormon, devait avoir un certain statut d’autorité, mais elle ne devait pas nécessairement devenir une métropole ni même contenir un nombre donné d’habitants.

 

L’histoire d’Hélam nous apprend aussi quelque chose sur la forme des peuplements. Un groupe armé de Lamanites poursuivit le peuple de Limhi lorsque celui-ci s’enfuit du pays de Néphi, onze ans après le départ du groupe d’Alma. Les poursuivants se perdirent et tombèrent par hasard sur Hélam. Le peuple d’Alma, « au pays d’Hélam, oui, dans la ville d’Hélam, tandis qu’il cultivait le pays alentour » vit les forces lamanites entrer dans sa vallée. « Les frères d’Alma s’enfuirent de leurs champs, et se rassemblèrent dans la ville d’Hélam » (Mosiah 23:25-26). Notez la formulation bizarre ; elle semble confondre « pays » et « ville ». Elle a l’air de dire que les champs étaient dans la ville, de sorte que la ville n’aurait pas été peuplée de manière compacte. Ensuite, mise en état d’alerte, la population courut rejoindre son chef religieux « dans la ville », ce qui doit maintenant désigner l’enceinte cérémonielle. C’est probablement dans le centre sacré qu’il lui parla, parce qu’en tant que grand prêtre, il lui donna immédiatement des conseils spirituels et pria en sa faveur (versets 27-28).

 

La forme de peuplement que l’on voit à Hélam ressemble à ce que nous savons être caractéristique de beaucoup de centres cérémoniels du sud de la Mésoamérique, particulièrement sur les hauteurs guatémaltèques où Hélam se trouvait. L’unité de peuplement mésoaméricaine qui correspond logiquement à ce que le Livre de Mormon appelle un « pays » (centré sur une seule ville) consistait en la région habitée par toute la population qui se rassemblait, pour le culte, le commerce et l’administration civile, dans un centre de temple central. Nous savons que dans la région des plaines mayas, l’étendue habituelle d’un pays local correspondait à une journée de voyage aller ou retour par rapport au centre et l’échelle était probablement essentiellement la même ailleurs. (Cette étendue d’un seul jour s’accorde avec ce que nous avons vu dans le cas de l’assemblée de Benjamin à Zarahemla.) Les champs étaient souvent parsemés de maisons et un nombre considérable de résidents permanents dans le centre même étaient des fonctionnaires religieux [30]. Le type de peuplement que l’on trouve à Hélam est clairement conforme à cette pratique mésoaméricaine.

 

Ce que nous avons vu concernant la population de la Zarahemla de Benjamin nous avertit que l’endroit n’était pas un grand centre de population, bien qu’elle ait été de bonne taille pour l’époque. C’était le centre politico-religieux clef d’une région contenant quelques dizaines de milliers de personnes ; il n’y a cependant aucune indication à l’époque de Mosiah 1er ou de son fils Benjamin (vers 225-125 av. J.-C.) que c’était un centre administratif contrôlant des villes secondaires. Santa Rosa avait, à l’époque, les mêmes caractéristiques.

 

Puisque nous avons fait allusion à la grande assemblée du roi Benjamin, le moment est peut-être venu de poser une question spéciale sur la culture. Les sujets de Benjamin qui se réunirent pour l’écouter « dressèrent leurs tentes autour du temple, chaque homme ayant la porte de sa tente tournée vers le temple, afin de pouvoir rester dans leurs tentes et entendre les paroles que le roi Benjamin leur dirait » (Mosiah 2:6). En quoi consistait une « tente » néphite ? La foule était-elle assise dans de longs abris comme les Arabes ? Le terme tente est utilisé 64 fois dans le Livre de Mormon, de sorte que la question mérite qu’on s’y arrête.

 

Les traducteurs bibliques ont habituellement rendu la racine hébraïque ‘hl par le mot « tente » ; le mot a cependant un large éventail de significations possibles. Il désignait parfois des tentes au sens plein du terme comme celles utilisées par les nomades du désert de l’Asie du sud-ouest ; mais pour des semi-nomades comme Abraham, Isaac et Jacob, le terme pouvait également signifier « hutte » aussi bien que « tente » [31]. Dans l’usage ultérieur, lorsque les Israélites sont devenus sédentaires, habitants de villages ou de villes, ces significations ont connu une extension supplémentaire. Par exemple, dans Psaumes 132:3 et Proverbes 7:17, le mot apparenté ‘ohel signifie « baldaquin (au-dessus d’un lit) », tandis que dans le Nouveau Testament, Jean 1:4 dit littéralement « il a planté sa tente parmi nous » pour communiquer la pensée « il a vécu parmi nous ». Dans un récit hittite, le Dieu Elkunirsha vit dans une « tente » faite en bois [32]. Dans les écrits du sud de l’Arabie de l’époque de Léhi et aussi en arabe classique, des langues étroitement apparentées à l’hébreu, la racine désignait la « famille » ou la « tribu » aussi bien qu’une tente. Dans la langue sémitique apparentée des Babyloniens, un mot de la même racine signifiait « ville », « village », « domaine », « unité sociale » et faisait même partie du mot désignant un lit. Un équivalent égyptien pouvait se lire « hutte, tente en poil de chameau, camp [33] ». De plus, Hugh Nibley nous rappelle que « dans tout le monde antique… la population devait passer dans des tentes la période de la grande fête nationale du Nouvel An [34] ». Mais pour cette occasion, les Israélites en sont venus à utiliser des cabanes de fortune faites de branchages, étant donné que de moins en moins de ceux d’entre eux qui étaient citadins possédaient de véritables tentes. Les Néphites, bien entendu, vivaient habituellement dans des bâtiments permanents (voir, par exemple, Mosiah 6:3). Les fidèles d’Alma « dressèrent leurs tentes » après s’être enfuis à Hélam, mais ensuite ils « commencèrent à construire des bâtiments » (Mosiah 23:5). Les forces militaires en mouvement sont décrites comme utilisant des tentes (Alma 51:32, 34 ; 58:25), mais il est presque incroyable que l’armée lamanite tout entière mentionnée dans Alma 51 ait porté des tentes repliables sur le dos à travers un territoire tropical à des centaines de kilomètres du pays de Néphi. Il est beaucoup plus vraisemblable qu’ils érigeaient des abris de broussailles ou d’autres matériaux qu’ils pouvaient trouver dans le voisinage, en donnant à ces abris ou à d’autres abris temporaires le nom traditionnel désignant la tente. Dans certains endroits de la Mésoamérique, les cultivateurs se font encore des abris simples de broussailles quand ils passent la nuit dans leurs champs au moment le plus occupé de la saison de travail, et, à l’époque de la conquête espagnole, Bernal Diaz a signalé que les soldats de leurs alliés indiens « construisent leurs huttes » quand ils sont en campagne [35]. Donc, quand nous lisons que les sujets de Benjamin étaient assis dans leurs tentes à écouter son sermon, nous devons nous dire qu’ils se trouvaient peut-être dans des abris passablement différents de ce qui nous vient à l’esprit lorsque nous entendons le mot « tente ».

 

DISSIDENTS

 

Nous lisons qu’à partir de l’époque de Benjamin, il y eut, parmi les Néphites, des « querelles » et des « dissidences » (Paroles de Mormon v. 16). Cette agitation sociale continua à un haut niveau au cours du siècle et demi qui suivit. On ne nous en donne jamais clairement les causes, mais les résultats sont évidents : les mécontents ou bien essayaient de remodeler fondamentalement la société néphite (voir, par exemple, Alma 2:2-4; 3 Néphi 7:2, 6-7), ou alors ils s’en allaient pour essayer de réaliser leurs objectifs ailleurs (comme dans Alma 46:4-6, 10, 29; 3 Néphi 7:12-13). On peut distinguer deux causes probables à ces problèmes. L’une d’elles était l’insuffisance de terres cultivables. Nous lisons dans un cas : « Il y en avait un grand nombre qui désiraient posséder le pays de leur héritage [celui que leurs pères avaient possédé autrefois] » qui était le pays de Néphi (Omni v. 27). On peut y voir le résultat d’une insuffisance de terres désirables à Zarahemla. Un incident qui se produisit ultérieurement est plus clair. Dans les pays côtiers de Morianton et de Léhi, une « vive querelle » se produisit à propos de terres que l’on se disputait. Des groupes prirent la direction du pays situé du côté du nord, où ils pensaient qu’il y avait des terres en plus grande abondance (Alma 50:25-26, 29). Les émigrations à grande échelle qui se produisirent un peu plus tard, lorsque la population eut encore augmenté, étaient clairement motivées par le désir de nouvelles terres à peupler (Alma 63:4 ; Hélaman 3:3-12).

 

Les luttes pour le pouvoir causèrent encore plus de dissensions que les terres. Alma 51 raconte une histoire bien connue que nous lisons à beaucoup d’autres endroits : « Or, ceux qui étaient en faveur des rois étaient des gens de haute naissance, et ils cherchaient à être rois; et ils étaient soutenus par ceux qui cherchaient le pouvoir et l’autorité sur le peuple » (v. 8). Plus tard, Giddianhi, chef de la « bande secrète » de perturbateurs, révèle dans une lettre au chef néphite Lachonéus ce que ses dissidents recherchent : « J’espère que vous livrerez vos terres et vos possessions sans effusion de sang, afin que ce peuple qui est le mien, qui a fait dissidence à cause de la méchanceté que vous avez manifestée en lui refusant ses droits au gouvernement, puisse recouvrer ses droits et son gouvernement » (3 Néphi 3:10). Il ne s’agit pas ici d’une querelle pour des terres uniquement, « de quoi subsister » (3 Néphi 6:3), ni même de biens matériels seulement, mais de pouvoir. Il est question maintenant de « droits », parce qu’ils sont considérés comme des moyens d’obtenir le pouvoir. Ce thème ne cesse de revenir dans cette partie du Livre de Mormon [36]. Certains des dissidents étaient sans aucun doute de simples aventuriers (comme le « roi » Jacob, 3 Néphi 7:9-10), mais d’autres ont pu être des descendants légitimes du vieux chef Zarahemla, dont la lignée avait été perdante dans le transfert de pouvoir lorsque Mosiah était devenu roi. Ensuite, à l’époque des juges, lorsque la monarchie eut été complètement abolie, divers descendants des anciens rois, Mosiah, Benjamin et Mosiah le Jeune, estimèrent vraisemblablement que leurs origines nobles leur donnaient droit à des privilèges spéciaux.

 

Le droit de gouverner était le sujet de querelle principal dans les affaires néphites. Giddianhi, le brigand, en est un exemple, comme le montre son insistance insolente auprès de Lachonéus, gouverneur néphite, que les « droits du gouvernement » avaient été injustement enlevés à ceux qui lui étaient loyaux (3 Néphi 3:10). Le thème est constamment répété : le dissident Ammoron se plaint de ce que Néphi a dépouillé ses frères de « leur droit au gouvernement, alors qu’il leur appartenait de droit » (Alma 54:17) ; les guerres menées par les dissidents parmi les Néphites et les Lamanites avaient pour but d’assujettir les Néphites à leur autorité (voir Alma 54:20) ; Amalickiah désirait devenir roi et lui et ses partisans voulaient le pouvoir (voir Alma 46:4) ; la bande de Gadianton désirait « des postes de pouvoir et d’autorité parmi le peuple » (Hélaman 2:5) ; Moroni étaient furieux contre les rebelles « qui ont le désir d’usurper le pouvoir et l’autorité » (Alma 62:27) ; la société secrète obtint « la direction exclusive du gouvernement » (Hélaman 6:39).

 

Ces dominateurs étaient censés détenir l’autorité en vertu de leur situation comme chefs des principales lignées. En fin de compte, ces traditions venaient, bien entendu, du Vieux Monde, mais le Néphi originel fut le premier à suivre la pratique dans la terre promise américaine, lorsqu’il accepta la demande de son peuple d’être son roi (2 Néphi 5:18). Avant sa mort, il oignit son successeur. Par la suite, chacun des rois porta le titre « Néphi » ( Jacob 1:11). La lignée fondée par le Néphi originel continua de détenir la charte et les emblèmes sacrés du gouvernement sur les descendants de Léhi, ce qui est précisément la raison pour laquelle les rivaux essayèrent d’exterminer la lignée. La lignée néphite resta puissante jusqu’au 4e siècle apr. J.-C., lorsque Mormon en devint le dernier chef (Mormon 1:5; 2:1-2). Selon toute vraisemblance, il était l’aîné des hommes de la branche aînée de la lignée, sinon il n’aurait pas été installé aussi facilement, à l’âge de quinze ans, au poste de direction crucial des armées de son groupe, indépendamment des qualités charismatiques qu’il apportait à la fonction.

 

Les ambitieux ne recherchaient pas le pouvoir uniquement pour le pouvoir. C’était le moyen d’accéder à des satisfactions plus terre à terre : Giddianhi était au moins aussi préoccupé de « possessions » et de « tous [ses] biens » que de « droits » et de souveraineté (3 Néphi 3:2-12) ; le groupe secret dirigé par Gadianton et ses successeurs était constitué de « brigands » et de « pillards » (Hélaman 2:10; 6:18) qui « mett[aient] leur cœur dans leurs richesses » (Hélaman 6:17); l’accusation que les prêtres « se gorg[eaient] des travaux » du peuple (Alma 30:27-28, 31-32) n’était pas sans justification, comme nous l’avons vu; en outre, que les élites de la société « possédaient » des villes, des terres, des troupeaux et des populations (Alma 8:7; 52:13 et suiv.; comparez avec 51:8, 20; 53:2) et ainsi de suite. Tout ceci concorde, point par point, avec notre tableau de la souveraineté mésoaméricaine, par exemple, celle des caciques cuicatèques ou chefs locaux du Mexique central [37].

 

Les peuples mésoaméricains mélangeaient de manière inextricable ce que nous considérons comme deux aspects distincts de la vie : « la religion » et « la politique ». La religion était intimement liée à la totalité de la vie, y compris « les querelles » entre les groupes du Livre de Mormon. Alma le Jeune, à son époque, n’était pas simplement un incroyant, mais un « idolâtre » instruit et beau parleur (Mosiah 27:8). Il ne se contentait pas d’inciter les gens à quitter l’église de son père pour devenir incroyants, il les entraînait dans un culte concurrent. D’autres personnages religieux s’opposèrent aussi aux prophètes, notamment Shérem, Korihor et Amulon et ses prêtres. Chose caractéristique, ils utilisaient des questions de religion pour s’assurer des partisans qui les rendraient puissants, qu’il y eût ou non des divergences sincères dans leurs idées religieuses. On nous parle d’une manière particulièrement détaillée d’un groupe dissident d’origine non précisée, les Amalékites, qui vivaient parmi les Lamanites au pays de Néphi. Ils croyaient en Dieu, avaient des « synagogues », étaient membres de « l’ordre (sacerdotal) de Néhor » et étaient des gens instruits (Alma chapitres 21-24). Il n’y eut jamais qu’un membre de ce groupe qui fut converti par les missionnaires néphites. Il y avait, de toute évidence, des différences de croyances fortes et fondamentales qui les séparaient des Néphites orthodoxes, bien qu’ils semblent avoir eu leur propre orthodoxie (Alma 21:5-6). D’autres groupes encore se rebellaient contre l’Évangile et l’ordre cérémoniel purs et simples enseignés par Benjamin (Paroles de Mormon v. 17) et les exigences tout aussi rigoureuses fixées par Alma (Mosiah 26:1-6), notamment les célèbres Zoramites (Alma 31:8-25).

 

Aussi limitées que soient nos données sur l’organisation de la religion mésoaméricaine, nous n’en sommes pas moins capables d’y trouver les mêmes problèmes que ceux qui apparaissent dans le Livre de Mormon. Quand un peuple mésoaméricain était conquis, cela signifiait habituellement deux choses : que les impôts étaient payés aux nouveaux percepteurs et qu’un nouvel ensemble de pratiques religieuses était imposé à la population assujettie (comparer avec Alma 24:11; Moroni 1:3). Tant que l’on se pliait aux nouvelles exigences rituelles, on pouvait conserver les vieilles façons de faire. Les gouvernants pouvaient être extrêmement durs à l’égard des idées religieuses opposées, pas tellement pour des questions de doctrine ou de pratique, mais à cause du pouvoir politique qui était validé par la religion. Le fait que les visages et les symboles figurant sur les monuments de pierre des cultures anciennes ont été si souvent écrasés montre le lien. Un savant a dit : « Comment savons-nous que [la religion mésoaméricaine] n’avait pas des branches semblables, disons, au catholicisme, au protestantisme ou à d’autres religions chrétiennes ? Dans ce cas, il ne serait pas extraordinaire du tout que l’on ait détruit les monuments ayant une connotation religieuse [38]. » Le lien entre les questions religieuses et les questions politiques est illustré dans le Livre de Mormon dans Alma 43:47, 44:7, 46:7-24 et Mormon 8:7-10, par exemple. Nous voyons donc que les dissensions sur des questions de croyance, aussi bien que les conflits concernant le droit de gouverner, avec, pour résultat, des guerres dévastatrices, étaient un mécanisme qui était commun aux cultures mésoaméricaines [39] et aux populations du Livre de Mormon.

 

Notre examen des sources de dissidence nous ramène aux détails géographiques d’une des histoires principales du Livre de Mormon. Un groupe conduit par Zénif s’approche du pays de Néphi pour « posséder le pays » (Mosiah 9:3). L’itinéraire qu’il emprunte a été et sera utilisé par de nombreux autres groupes avant et après. De Zarahemla il menait aussi rapidement que possible hors de la dépression chaude et humide le long du fleuve Sidon vers Gédéon, une vallée dans les montagnes. Cet itinéraire préféré traversait Gédéon (Alma 17:1) en direction du sud en passant devant Manti. (Mais rien ne dit que les voyageurs traversaient la ville de Manti proprement dite.) Ensuite, il montait de nouveau pour traverser les montagnes de la bande de désert. Mais il y avait plus d’un chemin que l’on pouvait suivre et certains itinéraires étaient plus ardus que d’autres (Alma 17:7-9, puis 5; Mosiah 7:4). Au-delà de la bande de désert la plus difficile à travers les plateaux de Néphi jusqu’à la ville de Léhi-Néphi, le chemin était encore accidenté et les groupes pouvaient se perdre (Mosiah 23:30).

 

Quand nous examinons la géographie mésoaméricaine entre le Chiapas central et la vallée du Guatemala, il s’en dégage un tableau parallèle à ce que nous venons de décrire. Les mouvements vers l’amont et vers l’aval près du grand fleuve ont toujours été limités par un terrain difficile, en particulier par la présence d’affluents du Grijalva qui ont découpé des gorges difficiles à traverser. Des falaises près du fleuve et de petites collines sur le sol de la vallée compliquent encore plus la route. Le chemin de loin le plus courant pour contourner ces obstacles est de monter et de traverser les plateaux du Chiapas. Les voyageurs avancent plus vite dans ces vallées plates et plus fraîches que traverse aujourd’hui l’autoroute inter-américaine. Il y a de bonnes raisons de penser que les déplacements des groupes du Livre de Mormon passant par Gédéon ont suivi le même chemin. La route néphite partait de la vallée de Gédéon et redescendait vers le pays de Manti le long du fleuve (Alma 17:1), comme l’autoroute d’aujourd’hui et comme le camino real de la période coloniale espagnole. Les deux routes traversaient la vallée de Comitan (vraisemblablement Gédéon) et descendaient la vallée à la tête du fleuve Grijalva, correspondant à la région de Manti. À partir de cet endroit, le chemin traditionnel montait par la partie la plus facile à traverser du massif ou plateau des Cuchumatanes. La surface en était de nouveau relativement plate et le climat et l’approvisionnement en eau étaient bien plus désirables que sur les autres itinéraires traversant les gorges arides et étroites des rivières (où les missionnaires ont pu aller – Alma 17:5). Une fois à l’intérieur du Guatemala, les voyageurs expérimentés s’en tenaient à quelques itinéraires bien connus où l’on était sûr de trouver des points d’eau. Les voyages dans ces hautes terres étaient particulièrement délicats parce que les cours d’eau découpent des gouffres abrupts. McBryde décrit le problème de manière frappante : « Les canyons immensément profonds sont souvent tellement à pic que le voyageur non averti risque de tomber dessus tout à fait à l’improviste. Les bâtiments blancs d’un village, luisants sous le soleil éclatant au-delà des sapins, peuvent donner l’impression de ne se trouver qu’à deux ou trois kilomètres, apparemment juste devant soi. Pourtant, 100 mètres plus loin on constatera que les arbres les plus proches se trouvent au bord d’un abîme étroit [40]. » Par conséquent, les déplacements dans les hautes terres du Guatemala/Néphi doivent se limiter à quelques itinéraires sûrs, sinon le voyageur aura des ennuis (Mosiah 23:30, 35). Dans toute la région, les pistes ont tendance à se cantonner aux élévations ondoyantes les moins touchées par l’érosion ; la route principale suit toujours de près la ligne de partage des eaux.

 

AUTRES DETAILS SUR NEPHI

 

Juste au nord-ouest de la vallée du Guatemala se trouve une colline bien visible mais en pente douce s’élevant de quelques centaines de mètres au-dessus de la gorge qui se trouve juste à côté. Cette élévation se situe dans une position telle que quiconque venant du nord-ouest s’y rendra tout droit pour avoir une vue sur la vallée. Au sommet de cette colline se trouvent les vestiges d’un site archéologique, dont un édifice en forme de pyramide, appelé Alux par l’archéologue Edwin Shook, le premier à le signaler [41]. Aucune étude des ruines n’a été faite, de sorte qu’on ne peut pas donner de date pour sa construction ; mais si elle est comme beaucoup d’autres sites de la région, il s’avérera qu’elle a été utilisée pendant un temps prolongé, probablement à partir de la période préclassique tardive (derniers siècles av. J.-C.), c’est-à-dire quand le roi Noé « fit construire une grande tour sur la colline au nord du pays de Shilom » (Mosiah 11:13). La construction découverte par Shook est parfaitement placée pour avoir pu être cette tour même. Ammon et son groupe s’arrêtèrent aussi à cet endroit pour jeter un coup d’œil avant de descendre vers la ville de Léhi-Néphi (Mosiah 7:5, 16).

 

Dans la vallée du Guatemala, les distances et la topographie correspondent de manière frappante aux détails géographiques du Livre de Mormon. Le pays de Néphi, au sens étroit du terme, a dû consister en l’étage supérieur de la vallée occupé aujourd’hui par Guatemala City et ses faubourgs (voir carte 6). Il était centré sur la ville tentaculaire antique que les archéologues ont appelée Kaminaljuyu (« collines des morts »). Les quinze kilomètres carrés de la vallée supérieure se trouvent à une hauteur allant de 1400 à 1600 mètres. Le pays de Shilom, niveau inférieur de la vallée, devait se trouver entre le sinueux Rio Villalobos et le côté nord du lac Amatitlan. San Antonio Frutal, le deuxième plus grand site de la vallée, se trouve dans cette zone plate à une hauteur de 1300 mètres. Les « tumulus énormes » que l’on y trouve datent partiellement des temps av. J.-C., bien que les vestiges les plus importants datent du début du classique, vers la fin de l’époque du Livre de Mormon [42]. Elle occupe une situation par rapport à la ville de Néphi, à onze ou douze kilomètres de là, qui correspond impeccablement à ce que dit le Livre de Mormon au sujet de ces deux localités. Cette région de Shilom est à peu près de moitié aussi étendue que la partie de la vallée où se trouve Néphi. La colline dont nous avons parlé précédemment se trouvait vers le nord-ouest (selon notre façon de nous orienter aujourd’hui) par rapport à San Antonio Frutal ; le Livre de Mormon (Mosiah 7:16) appelle cette direction le « nord ».

 

Un pays local tout à fait différent, c’était Shemlon. La région d’Amatitlan répond aux conditions requises pour être cet endroit autour de la ville moderne de ce nom et le bord sud voisin du lac Amatitlan. Elle se trouve 500 mètres plus bas que Néphi et est nettement plus bas que notre pays de Shilom. La région de Shilom se termine par une falaise abrupte au pied de laquelle se trouve le grand lac Amatitlan, qui a une longueur d’environ 10 kilomètres. Sa rive sud est peuplée depuis des millénaires. Trois sites au moins remontent à l’époque zénifite/lamanite et il y en a probablement d’autres dans le voisinage. Géographiquement et culturellement parlant, la région d’Amatitlan était étroitement liée à la région des contreforts, une vingtaine de kilomètres plus bas vers la côte. Là, un certain nombre de sites remontant aux premiers siècles av. J.-C. attestent d’une population substantielle, probablement de « Lamanites », dont les vestiges suggèrent, pour des raisons de style, qu’ils descendaient de survivants olmèques. C’est une chose à laquelle on pourrait tout à fait s’attendre si l’on tient compte de ce qui a été dit précédemment à propos des Lamanites de la côte, que Néphi et son groupe avaient laissés derrière eux. Plus tard, les souverains lamanites montèrent, eux aussi, en terrain plus élevé derrière les Néphites, où Shemlon devint leur bastion, mais ce pays était lié géographiquement et culturellement aux régions des plaines fréquentées par des populations plus anciennes.

 

Il est clair que Shemlon était la base lamanite à l’époque de Zénif, de Noé et de Limhi ; les attaques menées contre les Zénifites gouvernés par ces hommes venaient toujours de Shemlon ou passaient par là. Quand il accueillit Zénif et son peuple à leur arrivée de Zarahemla, le roi lamanite était disposé à faire partir ses propres colons de Néphi et de Shilom et à les ramener à Shemlon dans l’espoir d’exploiter les Néphites revenus au pays (Mosiah 9:6-7, 10, 12) ; mais les conflits se révélèrent inévitables. La première escarmouche entre les deux groupes se produisit quand les Lamanites attaquèrent certains du peuple de Zénif « qui abreuvait et paissait ses troupeaux, et cultivait ses terres... au sud du pays de Shilom » (verset 14). Les Lamanites montèrent (voir Mosiah 10:6) de Shemlon. Par la suite, Zénif, s’attendant à une nouvelle attaque, mit des sentinelles à la frontière Shemlon/Shilom. En temps voulu, les Lamanites revinrent, mais cette fois-ci, ils n’essayèrent pas de traverser Shilom en se dirigeant vers Néphi. Au lieu de cela, « ils montèrent sur le nord du pays de Shilom » (verset 8), dans l’espoir de contourner Shilom par l’ouest, de déborder les sentinelles zénifites et de frapper Néphi à l’improviste. Zénif et ses hommes savaient que quelque chose se tramait, ayant été alertés par les guetteurs qu’ils avaient posté à des endroits dominant Shemlon. Quand ils découvrirent la marche de l’ennemi, ils « mont[èrent] » sur les collines et combattirent les Lamanites au nord de Shilom avant que les attaquants aient pu faire le tour et descendre dans Néphi proprement dit (Mosiah 10:10).

 

Si nous supposons que la ville de Léhi/Néphi était Kaminaljuyu, dans la Guatemala City actuelle, les détails géographiques de tous ces événements s’adaptent parfaitement. Shemlon serait l’accès, par le bord du lac, à la vallée du Guatemala, par laquelle les forces venant de la région verdoyante des contreforts ont dû approcher de la ville. L’attrait de Shemlon pour les élites lamanites était sans doute dû à son climat, nettement plus chaud qu’à Kaminaljuyu (500 mètres plus haut), sans être aussi étouffant que les plaines voisines, la vieille base lamanite. La frontière entre Shilom et Shemlon était de toute évidence la falaise abrupte surplombant le lac et la sinueuse rivière Villalobos. Près de la rivière, les braconniers lamanites pouvaient avoir aisément accès aux troupeaux néphites, tandis que la falaise devait être un endroit idéal pour les sentinelles de Zénif. Le terrain montueux au « nord de Shilom », où les forces lamanites essayèrent de déborder les défenseurs néphites, est exactement ce que l’histoire requiert. La cohérence de la géographie peut être vérifiée sur la carte 8.

 

Avec ce cadre géographique, nous pouvons également voir comment le roi Noé a pu se tenir sur la tour-pyramide qu’il avait construite à la ville de Néphi et avoir une vue de Shilom, de Shemlon et des régions environnantes (Mosiah 11:12). Shemlon devait être vaguement visible en contrebas à moins de 30 km de là. Par conséquent, lorsque Gédéon, furieux, pourchassa Noé jusqu’au sommet de cette tour, ils purent tous les deux apercevoir une armée lamanite montant de Shemlon vers eux (Mosiah 19:5-9).

 

La mention de la tour de Noé nécessite une explication car, comme pour la tente, le mot pourrait être trompeur pour les lecteurs ayant une culture européenne. Une tour, en Mésoamérique et selon le Livre de Mormon, était beaucoup plus qu’un édifice vertical du haut duquel on pouvait voir de loin. Les concepts que cela implique remontent à la Mésopotamie et datent sans doute d’avant 3200 av. J.-C. La « grande tour » dont parle le premier chapitre du livre d’Éther était le même édifice dont la destruction est racontée dans Genèse 11 et est appelée habituellement « la tour de Babel », bien que personne ne sache quel est l’édifice en ruines qui aurait été celui dont parlaient les Jarédites. C’était une plate-forme géante avec des côtés en pente et en forme de marches, appelée en babyIonien (akkadien) ziqquratu (ziggourat). On les considérait comme des montagnes artificielles au sommet desquelles la divinité pouvait demeurer ou descendre pour visiter les hommes dans une intimité sacrée [43]. La ziggourat représentait aussi les rapports entre les cieux, la terre et le monde inférieur, car la couche supérieure représentait le plus haut niveau de la création au-dessus de la terre et les autres couches représentaient les cieux multiples auxquels on croyait. Aux environs de 2000 av. J.-C., la tour sacrée de la ville mésopotamienne méridionale d’Ur avait 25 mètres de haut. Quatorze siècles plus tard, quand Léhi quitta Jérusalem, la célèbre ziggourat de Nebucadnetsar à Babylone avait plus de 80 mètres de haut [44].

 

Ces édifices massifs avaient une importance à la fois religieuse et politique, comme on peut le voir dans Alma 46:36, 48:1 et 51:20. En ce qui concerne la dimension religieuse, par exemple, le professeur A. Wiercinski a récemment montré que la plus grande ziggourat babylonienne, les pyramides égyptiennes et les deux pyramides de Teotihuacan, au Mexique, contiennent toutes des informations inattendues dans leurs dimensions. Il s’avère qu’elles sont une espèce de représentation codée, numérique, des relations de temps et d’espace du soleil, de la lune et des étoiles et de leur mouvement. Ces « montagnes cosmiques » des anciens semblent avoir été des sortes de modèles mathématiques des dimensions de l’univers [45].

 

En termes politiques et civiques, la tour-pyramide représentait la grandeur et l’importance d’une collectivité. En fait, c’est la présence de ce genre d’édifice qui a sans doute été l’élément le plus essentiel d’une « ville », comme nous l’avons expliqué plus haut. La célèbre pyramide du soleil à Teotihuacan a été érigée jusqu’à une hauteur de plus de 60 mètres au IIe siècle de notre ère [46], une espèce de publicité spectaculaire désignant la ville comme étant le plus grand centre mésoaméricain de son époque. Par conséquent, les tours de Noé ont dû avoir une grande importance politique pour lui, ses prêtres, son peuple et les Lamanites et cela en plus de leur signification incontestablement sacrée.

 

À l’époque de l’Ancien Testament, les Israélites et les nations environnantes construisaient et utilisaient ce genre d’élévations saintes. Les « hauts lieux » (bamoth) cananéens auxquels les Israélites récidivistes ont eu recours furent sévèrement condamnés par les prophètes (par exemple dans Ézéchiel 43:7). Les archéologues savent maintenant que ces structures étaient des plates-formes de terre ressemblant tout à fait à celles que l’on trouve par milliers en Mésoamérique. Dans la pensée israélite, elles représentaient des montagnes ou des collines exactement comme ailleurs au Proche-Orient. On considérait que c’était là-dessus que les pouvoirs célestes étaient particulièrement accessibles ; c’était un point de contact divin, « le nombril de la terre [47] ». Le monde inférieur (qui n’était pas nécessairement conçu comme étant l’enfer) était, pensait-on, accessible à ce même « axe du monde ». Les adorateurs de Baal de Canaan croyaient que El, père des dieux, demeurait à Aphaca, un endroit situé sur la côte où une montagne se dresse immédiatement au-dessus d’une immense caverne. Ainsi donc, leur grande divinité était non seulement rattachée à la montagne, mais vivait également dans « un environnement aqueux et souterrain [48] ». Voilà qui paraît parfaitement mésoaméricain. On a récemment découvert que la pyramide du soleil à Teotihuacan a été construite au-dessus d’une caverne et d’une source ayant une importance sacrée évidente [49].

 

Tout cela peut paraître parfaitement païen, mais le culte sur les hauteurs était orthodoxe en Israël s’il était pratiqué correctement. On pense à l’expérience de Moïse sur le Sinaï, ainsi qu’à la vision de Néphi sur une montagne (1 Néphi 11:1). Le temple dont Ézéchiel a eu la vision était « sur une montagne très élevée » ( Ézéchiel 40-5). Un des noms hébraïques de Dieu était Sur, « montagne » (par exemple, 1 Samuel 2:2 dit littéralement : « Il n’y a pas de montagne comme notre Dieu »). Le chapitre 32 de Deutéronome utilise à huit reprises ce nom pour la Divinité [50]. Chez les Néphites, nous constatons, comme nous pouvons nous y attendre, que les montagnes ont une importance sacrée. Néhor fut transporté « sur le sommet de la colline de Manti... entre les cieux et la terre » pour être exécuté (Alma 1:15). Le prophète Néphi monta sur sa tour privée dans son jardin afin, dit-il, « de déverser [s]on âme à [s]on Dieu » (Hélaman 7:10, 14) ; pour lui une tour était un endroit spécial pour prier, et comme le sommet de colline naturel, elle était considérée comme étant « entre le ciel et la terre ». Les Zoramites rendaient aussi le culte dans « un lieu au centre de leur synagogue, un lieu pour se tenir debout, qui dominait de beaucoup la tête » (Alma 31:13) Alma prêcha aux pauvres d’entre les Zoramites « sur la colline Onidah » (Alma 32:4). Il est clair que les montagnes naturelles et artificielles avaient une importance semblable dans le Livre de Mormon, au Proche-Orient et en Mésoamérique.

 

Il peut sembler étrange à des lecteurs modernes, habitués à considérer les flèches étroites et élancées des châteaux et des cathédrales comme des « tours », que les rédacteurs du Livre de Mormon aient qualifié de « tours » des tumulus ou ziggourats massifs. Mais quand les envahisseurs espagnols ont vu les plates-formes des temples mésoaméricains, ils les ont immédiatement appelées torres, « tours [51] », de sorte que ce qui doit être le critère principal est la hauteur et pas la forme.

 

Notre coup d’œil sur l’environnement des Zénifites révèle que non seulement ils occupaient un territoire restreint, mais que leur nombre était également limité. Après tout, si le groupe originel de Zénif avait été très grand, le roi lamanite ne lui aurait jamais permis d’entrer sur son territoire (voir Omni vv. 28-29). Les problèmes commencèrent une fois que leur nombre se fut suffisamment accru pour que la menace qu’ils représentaient le mette mal à l’aise (Mosiah 9:11). Les comptes-rendus sur les pertes nous donnent des indices sur la taille extrêmement réduite de la population. Le nombre des victimes que les Zénifites signalent lors de leur premier combat contre les Lamanites (279 contre 3043 morts ennemis – Mosiah 9:18-19) révèlent que mille ou deux mille Zénifites seulement étaient impliqués, bien que de toute évidence leurs adversaires étaient beaucoup plus nombreux. On retrouve à l’époque de Noé la même disparité ou pire encore ; ils se vantaient que « leurs cinquante pouvaient [devaient?] tenir tête à des milliers de Lamanites » (Mosiah 11:19). Lorsque les 450 âmes d’Alma s’enfuirent dans le désert, leur départ diminua les forces armées de Noé, les laissant « petites, ayant été réduites » (Mosiah 19:2). Les défaites ultérieures par les Lamanites réduisirent encore davantage le nombre d’hommes armés (Mosiah 21:8-9, 17), de sorte que lorsque Ammon et son groupe arrivèrent de Zarahemla à la recherche de la colonie, cette poignée de personnes était blottie nerveusement dans la ville principale, Léhi/Néphi, osant à peine sortir (versets 18, 23). Finalement, quand le peuple s’enfuit, le récit donne de nouveau l’impression qu’il était peu nombreux plutôt que de compter par milliers (Mosiah 22:11).

 

La description de l’itinéraire que Gédéon propose à Limhi (« passage de derrière » « mur de derrière », « nous contournerons le pays de Shilom » – voir Mosiah 22:6, 8) reste trop vague pour nous permettre de le comparer à un chemin bien précis, mais la carte 8 montre un itinéraire raisonnable.

 

LES EAUX DE MORMON

 

Alma avait fait partie du gouvernement du roi Noé, mais il se rebella quand il fut ému par la prédication du martyr Abinadi. Poursuivant en privé l’enseignement commencé par celui-ci, Alma réunit son propre groupe de croyants. Noé ne voulait pas tolérer la moindre contestation à l’égard de ses prêtres soutenus par l’État, de sorte que les dissidents d’Alma durent rester clandestins. Les eaux de Mormon « dans les régions frontières du pays » de Néphi (Mosiah 18:4, 31) étaient leur lieu de rendez-vous. L’endroit devait être suffisamment éloigné de la ville de Néphi pour que les informations sur ce qui se passait ne parviennent pas rapidement à la cour de Noé. Les événements ont montré que Mormon se trouve entre Zarahemla et Néphi. Nous le savons parce que lorsque vint le moment où il dut s’enfuir, le groupe d’Alma se mit en route de Mormon vers Zarahemla avec une bonne avance sur l’armée de Noé lancée à sa poursuite. À Mormon, Alma fut informé de l’approche de l’armée après qu’elle se fut mise en route, et cependant le peuple eut encore le temps de faire ses paquets et de s’échapper sans encombre dans la direction de Zarahemla (Mosiah 18:34). Il semble que deux jours de voyage ordinaire ou environ un jour et demi sous pression suffisent pour la distance entre Néphi et Mormon.

 

La situation de Néphi par rapport à Mormon devient plus claire lorsque nous examinons la géographie des plateaux du Guatemala. La ville de Néphi étant à Kaminaljuyu (Guatemala City), la seule étendue d’eau dans la direction de Zarahemla qui pourrait jouer le rôle des eaux de Mormon était le lac Atitlan. Il mesure environ 14 km sur 6. Il y a deux raisons pour lesquelles un grand lac seulement ferait l’affaire pour constituer « les eaux » du Livre de Mormon : (1) il s’avère que plus tard la même étendue d’eau allait monter suffisamment pour submerger la ville de Jérusalem (3 Néphi 9:7), centre lamanite construit après le départ d’Alma et (2) il était « au loin, touchant les régions frontières de Mormon » (Alma 21:1), ce qui veut dire que les deux endroits étaient séparés d’une petite distance. Les distances et les directions qui rattachent Néphi, Mormon et Jérusalem sont appropriées si les deux derniers endroits se trouvaient sur le lac Atitlan. Néphi à Kaminaljuyu serait à environ 65 kilomètres à vol d’oiseau du lac Atitlan.

 

Il faut se rappeler l’éloge lyrique qui a été fait de Mormon pour son « eau pure » (Mosiah 18:5, 30). Le lieu de peuplement suivant choisi par Alma se distinguait de nouveau par son « eau pure » (Mosiah 23:4). Cette expression peut avoir plus de signification que ne pourrait le penser une personne non avertie. En Mésoamérique, l’eau était un symbole extrêmement puissant. Ce qui venait de l’intérieur de la terre était particulièrement sacré. Les hommes descendaient, à des fins cérémonielles, dans des cavernes pour remplir des récipients de ce liquide qu’ils considéraient comme non souillé [52]. La pratique avait trait à la notion de l’existence d’une vaste mer d’eau fraîche sous la surface de la terre. À certains endroits, comme à une montagne/pyramide artificielle, le monde supérieur et le monde d’en dessous étaient particulièrement accessibles, cette eau avait la capacité de jaillir.

 

À la plus massive de toutes les pyramides mésoaméricaines, à Cholula, dans l’état mexicain de Puebla, les prêtres natifs devant affronter une défaite imminente face aux hommes de Cortez pratiquèrent une ouverture dans le flanc de l’édifice, s’attendant à ce que de l’eau en sorte, comme leur croyance les incitait à s’y attendre [53]. Le temple de Jérusalem était également considéré comme se trouvant au-dessus d’un abîme rempli d’eau, empêchant le contenu d’en jaillir. Ézéchiel a eu la vision d’une époque où des eaux vives sortiraient d’en dessous du temple pour arroser une Sion millénaire (Ézéchiel 47:1, 7-9, 12) [54]. Là où elle coulait, des arbres fleuriraient dans les terres arides près de Jérusalem (pensez ici au symbolisme de la « forêt » située à côté des « eaux de Mormon » dans la formule lyrique d’Alma).

 

L’idée des eaux souterraines apparaît fréquemment à d’autres endroits de l’Ancien Testament et, bien entendu, dans tout le Proche-Orient ancien. Les prêtres de Noé – dont Alma avait fait partie – s’intéressaient énormément à l’interprétation de l’Ancien Testament, particulièrement en ce qui concerne les montagnes ; ils interrogèrent Abinadi à ce sujet (Mosiah 12:19-25). Ils avaient construit au moins deux montagnes artificielles [55]. Plus tard, ils usèrent de leur influence pour que Jérusalem, qui devait son nom à la ville sainte du Vieux Monde, soit construite à côté d’une étendue d’eau impressionnante (Alma 21:1-2). De toute évidence, Alma avait été imprégné dans son éducation par cette version du symbolisme sacré. Il n’y avait rien de fondamentalement non orthodoxe à ce sujet, car l’Ancien Testament était déjà rempli de ces idées. Mais il précisait qu’il fallait que cela soit interprété correctement, de sorte que lorsque son groupe arriva à Hélam, « un pays très beau et très agréable, pays d’eau pure » (Mosiah 23:4), il est vraisemblable qu’Alma vit dans cette caractéristique une manifestation de la main de Dieu. Les peuples mésoaméricains auraient été tout à fait d’accord, car ils entretenaient ce même complexe d’idées sur le caractère sacré de l’eau venant d’en dessous de la terre.

 

LE PAYS D’HELAM

 

La région vers laquelle le peuple d’Alma s’enfuit après avoir quitté Mormon doit obligatoirement être située dans la direction générale de Zarahemla, mais une piste parallèle doit aller plus ou moins dans la même direction également. Cela, nous le savons à cause de ce qui se produisit lorsque le peuple du roi Limhi échappa à la domination lamanite onze ans après la fuite d’Alma. Limhi voyagea par un autre chemin que le peuple d’Alma et arriva à Zarahemla sans l’avoir rencontré à Hélam. Néanmoins les Lamanites qui poursuivaient Limhi prirent quelque part une mauvaise direction et perdirent la piste de Limhi (Mosiah 22:16). Les Lamanites rencontrèrent les Amulonites, qui venaient de s’installer (les anciens prêtres de Noé qui s’étaient installés dans le désert), mais même eux ne savaient pas exactement où se trouvait la ville de Léhi/Néphi ! Plus tard, les poursuivants rencontrèrent par hasard le peuple d’Alma, mais finalement ce dernier s’échappa de nouveau et partit dans la direction de Zarahemla. Une journée de fuite l’amena dans une vallée à laquelle il donna le nom d’Alma. Averti par le Seigneur qu’il devait poursuivre rapidement son chemin, il partit de la vallée pour continuer vers Zarahemla. Les Lamanites abandonnèrent la poursuite quand ils arrivèrent à cet endroit-là, certainement parce qu’ils voyaient bien qu’ils entraient dans un territoire qui leur était totalement étranger (Mosiah 24:20-24).

 

La carte 9 montre un emplacement plausible pour Hélam par rapport aux autres endroits mentionnés dans le récit. Les montées et les descentes, « les eaux », les itinéraires bien connus et même la présence ou l’absence de vestiges archéologiques aux bons endroits au bon moment, tout correspond. La disposition géographique qui semble la plus logique situe Hélam dans la vallée bien arrosée du Rio Blanco et la vallée d’Alma autour de Huehuetenango. Au-delà de ce point, les voyageurs se dirigeant vers le nord et vers l’ouest, comme l’armée lamanite pourchassant Alma, traversent visiblement un seuil – une véritable ligne de partage des eaux – séparant les plateaux orientés vers la vallée du Guatemala/Néphi du terrain qui commence à descendre vers le bassin hydrographique du Grijalva au Chiapas/Zarahemla.

 

Une autre disposition géographique pourrait également faire l’affaire. Le fait qu’il y a deux endroits qui peuvent convenir pour être le pays d’Hélam doit nous alerter au fait que nous n’avons pas localisé avec une certitude absolue nos autres sites pour les événements du Livre de Mormon ; mais tout ce que nous cherchons pour le moment, c’est au moins un cadre plausible. Plus tard, les informations accumulées pourront permettre un jugement définitif. L’autre possibilité situe Hélam autour de Malacatancito (sur la carte 9, celui de gauche des deux sites possibles indiqués), où un site archéologique de l’époque néphite se trouve juste à côté de l’origine du Rio San Juan, là où il « jaillit d’une ouverture à la base des monts Cuchumatanes [56] ». Ceci pourrait être « l’eau pure » qui a impressionné Alma. La petite vallée que l’on trouve ici pourrait faire un Hélam confortable. La même vallée d’Alma fait toujours l’affaire, puisqu’elle n’est qu’à un jour de là. Cette deuxième corrélation serait vraisemblable, si Limhi et son groupe, s’attendant à être poursuivis, avaient semé les Lamanites en prenant l’itinéraire oriental. C’est une piste dont Ammon et ses compagnons ont pu découvrir l’existence en montant vers Néphi peu de temps auparavant et sur laquelle ils ont alors guidé Limhi (il n’était jamais passé par le désert puisqu’il était né à Néphi). Ces deux pistes traversant le Guatemala étaient bien connues et souvent utilisées à l’époque précolombienne et à l’époque coloniale espagnole.

 

APERCUS DE LA CULTURE MESOAMERICAINE CHEZ LES ZENIFITES

 

Il y a un certain nombre de traits de la vie des Zénifites et de leurs voisins Hélamites, à la fin du IIe siècle av. J.-C., qui reçoivent un éclairage supplémentaire lorsque l’on connaît les caractéristiques culturelles et géographiques de la Mésoamérique méridionale.

 

Le prophète Abinadi avertit Noé et ses prêtres au nom du Seigneur : « Et il arrivera que j’enverrai la grêle au milieu de lui, et elle le frappera; et il sera aussi frappé par le vent d’orient; et les insectes infesteront aussi son pays et dévoreront son grain. Et il sera frappé d’une grande peste; et tout cela, je le ferai à cause de ses iniquités et de ses abominations » (Mosiah 12:6-7) L’Écriture ne parle pas de l’accomplissement de cette prophétie, mais la menace se révèle valable sur la scène guatémaltèque où elle semble avoir été prononcée. La situation prédite est formulée de manière à indiquer qu’elle se situait dans le domaine du potentiel reconnu de la nature, et cependant elle était si rare que les auditeurs ne considéreraient pas normalement pareille combinaison de calamités comme une possibilité sérieuse. Il arrive que, dans des circonstances peu fréquentes, le haut Guatemala souffre justement des conditions prophétisées. Ce qu’Abinadi voulait dire, c’est que Dieu ferait en sorte que ces phénomènes rares se produisent simultanément à titre de châtiment inhabituel de la perversion grossière des Zénifites.

 

Le géographe F. W. McBryde explique que certaines situations météorologiques causent un vent du nord ou du nord-est extrêmement desséchant. (Il faut se souvenir que « l’est », chez les peuples précolombiens des plateaux du Guatemala, coïncidait avec ce qui est sur nos cartes actuelles le nord ou le nord-est.) Ces vents anormaux du nord retiennent du côté Pacifique l’air humide qui s’écoule normalement tous les jours dans les vallées des plateaux. Il en résulte que le processus normal des averses vivifiantes est bouleversé. Le risque d’incendie s’accroît dans ces conditions inhabituelles et les bourrasques desséchantes atteignent une vitesse pouvant aller jusqu’à 55 km/heure. De fortes tempêtes de grêle accompagnent occasionnellement ces vents (de mars à mai inclus) lorsque le déferlement puissant d’air sec converge le long de la côte avec l’air humide du Pacifique, formant d’énormes têtes de cumulonimbus générateurs de grêle, qui sont poussées vers l’intérieur des terres au-dessus du vent du nord (« d’orient ») [57]. C’est ainsi qu’une période de « vent d’orient » pourrait causer des problèmes météorologiques désastreux au Guatemala/Néphi, exactement comme le prophète les décrit.

 

Il les avertit également que des insectes viendraient attaquer les cultures. Les sauterelles migratrices causent périodiquement de grandes destructions de maïs dans la péninsule du Yucatan et sur les plateaux du Guatemala [58]. La vallée intérieure sèche de la rivière Motagua, située à 25 kilomètres seulement à « l’est » de notre Néphi, avait un climat qui était particulièrement favorable à ces insectes. Les vents secs du nord pouvaient pousser les nuées de sauterelles sur les quelques kilomètres qui les séparaient des champs des Zénifites. Les Annales des Cakchiquels, une des histoires traditionnelles des plateaux, mentionnent deux invasions de sauterelles peu avant la conquête espagnole et il a dû y en avoir beaucoup plus [59]. On sait que dans les temps historiques, le manque de nourriture provoqué par des conditions climatiques destructrices et des invasions de sauterelles a été une cause de malnutrition et de maladies [60]. Comme Abinadi l’a prédit, la combinaison de vents, de grêle, d’insectes et de famine, qui, a première vue, paraît assez arbitraire, se révèle être parfaitement possible lorsque notre géographie est correcte. Elle pouvait se produire et pouvait être dévastatrice si le Seigneur décidait de la déclencher.

 

Les cultures des Zénifites nous intéressent à plusieurs égards. Comme nous l’avons noté, le maïs semble avoir été la nourriture principale. C’est à cela que nous nous attendrions dans la plupart des endroits de la Mésoamérique. Mais le « blé » et l’ « orge » mentionnés comme faisant partie de leurs cultures sont une autre histoire. Les botanistes d’aujourd’hui croient que le blé a été introduit dans le Nouveau Monde par les Espagnols. Je ne connais qu’une preuve formelle du contraire, bien qu’il y ait des indices qui justifient un examen plus attentif [61]. Il y a maintenant du blé qui pousse au Guatemala, mais uniquement à des hauteurs plus élevées que notre Néphi [62]. Il est possible que les Néphites aient apporté des semences et les aient cultivées pendant un certain temps, et que le blé ait disparu des cultures par après, un phénomène qui n’est pas rare dans l’expérience des groupes migrateurs. Mais le « problème » est peut-être une affaire de méthode scientifique plutôt que de ce que le Livre de Mormon dit. En 1982, par exemple, de l’orge apparemment domestiqué a été trouvé en Arizona, première occurrence précolombienne en Amérique [63]. Le fait qu’une culture aussi importante ait pu échapper aussi longtemps aux archéologues justifie la pensée que l’on pourrait également trouver du blé dans les sites antiques.

 

Il y a une autre possibilité, c’est que des grains comestibles, que la plupart d’entre nous ne connaissent pas, aient été appelés « blé » ou « orge ». L’amarante, considérée comme un grain du Vieux Monde, était cultivée et utilisée au Mexique au moment où les Espagnols sont arrivés. Le botaniste Jonathan Sauer pensait que son origine était américaine, mais il remarque également qu’elle était répandue dans le Vieux Monde à l’époque précolombienne. Une chose frappante, c’était qu’on l’utilisait de la même façon sur les deux continents (on faisait sauter les grains et on les mangeait comme du « pop-corn » lors de fêtes spéciales) ; les ressemblances ont fait dire à certains spécialistes que la semence d’amarante a été transportée dans les temps anciens de l’autre côté de l’océan [64]. Il n’est pas impossible que le mot traduit par « blé » dans le Livre de Mormon ait en réalité été l’amarante.

 

Il y a deux autres plantes bizarres qui sont mentionnées dans Mosiah 9:9 parmi celles que cultivaient les Zénifites : le « shéum » et le « néas ». On a récemment constaté que le premier de ces deux mots correspondait « avec précision à l’akkadien s(h)e’um, ‘orge’ (assyrien ancien ‘blé’), le nom de céréale le plus courant dans la Mésopotamie ancienne [65] ». La consonance du nom indique que c’était probablement un terme jarédite. Ce mot typiquement sémitique du nord avait tout à fait sa place dans les environs de la « vallée de Nimrod », au nord de la Mésopotamie, où les Jarédites firent halte et rassemblèrent des semences avant d’entreprendre leur long voyage vers l’Amérique (Éther 2:1, 3). (Soit dit en passant, la forme du mot, tel que le Livre de Mormon l’utilise, remonte au troisième millénaire av. J.-C., lorsque les Jarédites quittèrent le Proche-Orient. Plus tard, il aurait été prononcé et écrit différemment.) Apparemment le scribe néphite n’a pas pu lui trouver un nom de semence équivalent dans sa langue, pas plus que Joseph Smith quand il a mis le texte en anglais. La plante et son nom ont certainement été transmis aux Néphites/Zénifites par des survivants de la Première Tradition, au même titre que le maïs lui-même. Étant donné que les mots orge et shéum sont utilisés tous les deux dans le même verset (Mosiah 9:9), nous savons qu’il s’agit de deux grains différents, mais il nous est impossible de dire maintenant ce qu’a pu être exactement le « shéum » dans nos termes botaniques. Peut-être était-ce cela l’amarante ?

 

Les haricots étaient une partie importante du régime alimentaire mésoaméricain ; le fait que le mot hébreu pol, « haricot [66] » correspond aussi étroitement aux termes maya désignant le haricot, comme bul ou bol [67], nous dit que les recherches linguistiques sur les noms de plantes devraient se poursuivre énergiquement et soigneusement. Il ne suffira plus d’aller farfouiller dans les lexiques, comme cela se fait d’une manière si caractéristique dans les recherches sur le Livre de Mormon. Un autre candidat pour une étude de ce genre est, bien entendu, « néas » (Mosiah 9:9). Sur la base du nom, on peut se risquer à dire que c’est peut-être du tabac (comparer avec le mam maya ma’s) [68], mais si la plante a été mentionnée à cause de son importance pratique dans le régime alimentaire, il est possible qu’il s’agisse de l’avocat. (« L’avocat constituait probablement la source principale de graisse pour les Indiens du Mexique et de l’Amérique Centrale précolombiens, jouant le même rôle que l’olive dans le Vieux Monde [69]. »)

 

Le « vin » et les « vignes » dans le pays du roi Noé (Mosiah 11:15) peuvent s’expliquer clairement, pour autant que l’on soit attentif aux questions linguistiques. Ces termes paraissent embarrassants à première vue, étant donné que l’on ne faisait pas le vin avec du raisin dans le Nouveau Monde. (Il existait certaines formes de raisin, mais nous ne savons pas si on les utilisait pour la nourriture ou la boisson [70].) Cependant, le Livre de Mormon ne dit nulle part qu’il y avait du « raisin », seulement des « vignes ». Les Espagnols appelaient « vignobles » les plantations de maguey (agave) avec lequel on fait le pulque [71]. Et les premiers Européens à arriver en Mésoamérique décrivent diverses sortes de « vin » : un fait avec des bananes au Guatemala du XVIIIe siècle, un autre avec des ananas dans les Antilles, du vin de palme avec le tronc du palmier coyol (fabriqué depuis Veracruz jusqu’au Costa Rica) et le balche de la région maya, avec une écorce d’arbre fermentée [72]. Il est clair que Noé, le buveur de « vin » du livre de Mosiah, a pu boire un autre alcool que le jus de la treille.

 

On découvre une autre bouffée d’air mésoaméricain dans une expression utilisée par Zénif. Il écrit : « Ils se battaient comme des dragons » (Mosiah 20:11 ; aussi Alma 43:44). À quelle sorte de « dragons » pensait-il ? Il faisait probablement allusion au crocodile ou au caïman. Il y a un certain nombre de raisons de le penser. Un observateur de la période coloniale décrit ces sauriens comme ceci : « Très féroces et très craints... Certains des caïmans mesurent de six à neuf mètres et davantage… et recouverts d’écailles que les balles de mousquet ne peuvent pas percer. Leur queue est très puissante et très dangereuse ; leur gueule est énorme, avec trois rangées de dents redoutables [73]. » Mais ce « dragon » était bien plus qu’un élément dangereux du monde naturel. Dans la mythologie mésoaméricaine, on pensait qu’une créature gigantesque en forme de crocodile flottait sur la supposée mer souterraine. Son dos était la surface de la terre et ses liens avec la terre et avec les eaux le rattachaient symboliquement à la productivité et à la fertilité. Ce « monstre de la terre » apparaît régulièrement à la base des inscriptions d’Izapa (à la frontière du Chiapas et du Guatemala), dans les anciennes sculptures mayas et même dans l’art olmèque ; l’idée est donc très ancienne et fondamentale [74]. L’art maya représentait un aspect de cet être par un simple symbole d’une mâchoire [75]. (Soit dit entre parenthèses, le nom Léhi signifie « pommette » ou peut-être « mâchoire ». Le fait de pouvoir dire que l’on descendait de « Mâchoire », Léhi, devait être de nature à impressionner les Mésoaméricains.) Le Livre de Mormon et le cadre culturel proche-oriental dont il est issu représentent de la même manière un monstre apparenté au crocodile. 2 Néphi 9:9-10, 19, 26 représente « le diable » comme un dragon ou un monstre demeurant sous la surface de la terre. Les Israélites avaient en commun avec leurs voisins du Proche-Orient l’idée et l’image de cet être comme symbole du chaos et du mal. Le nom de la créature dans l’Ancien Testament est parfois « Léviathan [76] ». Son dos écailleux formait les crêtes et les collines de la surface de la terre. Les « hauts lieux », où les anciens habitants de la Palestine rendaient le culte, tiraient leur nom d’une racine qui signifiait « dos d’un animal [77] ». La créature de mer – le chaos – avait, pensait-on, été vaincue par Jéhovah dans un combat épique ancien (Ésaïe 27:1; 51:9; Psaumes 74:13-14). C’est certainement le dragon dont il est question dans 2 Néphi 9:9 et le « vieux serpent » de Mosiah 16:3. Le sujet tout entier des dragons, des monstres et des serpents est de toute évidence trop complexe pour que nous puissions faire autre chose que l’effleurer ici. Nous pouvons en tout cas noter deux choses concernant l’imagerie du dragon de Zénif  :  (1) elle avait une signification puissante pour ses auditeurs et était plus qu’une simple tournure littéraire et (2) le complexe d’idées est représenté non seulement dans le Livre de Mormon mais aussi en Palestine et en Mésoamérique.

 

L’intention du chapitre 4 a été de démontrer que la première partie du Livre de Mormon s’intègre d’une manière plausible et crédible dans une zone précise de la Mésoamérique à une époque déterminée. Ses peuples écrivaient, pensaient, parlaient, croyaient et agissaient d’une manière qui était tout à fait courante dans la région. Les mouvements de ses populations peuvent être portés sur une carte entre des lieux réels ayant les caractéristiques que l’ouvrage décrit. Une fois que ce fait est établi, nous pouvons puiser dans la documentation mésoaméricaine et proche-orientale pour ajouter du relief et de la profondeur à notre lecture du Livre de Mormon. C’est un peu ce que nous avons fait ici. Nous aurions pu rassembler beaucoup plus d’informations sur ces points, mais nous en avons sans doute présenté suffisamment pour ouvrir la voie.

 

Je n’ai prétendu nulle part qu’il fallait identifier des peuples particuliers du Livre de Mormon à des sites, à des structures ou à des vestiges déterminés. Dans certains cas, la correspondance entre les spécifications de l’Écriture et les faits externes me semble avoir dépassé la simple plausibilité pour atteindre le niveau de la probabilité. Comme on dit chez nous : si la chaussure vous va, portez-la. Pourtant en ce moment notre situation est en gros semblable à ce que le professeur Bright dit à propos des études bibliques : « En dépit de toute la lumière qui a été projetée sur l’ère patriarcale, en dépit de tout ce qui a été fait pour confirmer l’antiquité et l’authenticité de la tradition, l’archéologie n’a pas prouvé que l’histoire des patriarches s’est passée comme la Bible la raconte… En même temps – et ceci doit être dit avec la même insistance – aucun élément de preuve n’est apparu pour contredire quoi que ce soit dans la tradition. On peut y croire ou ne pas y croire comme on le juge bon, mais on manque de preuves dans un sens comme dans l’autre [78]. » Cependant, poursuit Bright, l’archéologie a fourni « un parfum de probabilité » aux récits patriarcaux. Il reste tant de choses à faire sur le Livre de Mormon dans son cadre qu’un « parfum de probabilité » concernant l’environnement des premiers Néphites est le maximum que nous osons faire en ce moment, mais en fin de compte, Bright et moi, nous parlons tous les deux du même genre d’effort. En attendant, Mosiah, Benjamin, Zénif et Alma peuvent être davantage perçus comme des personnes réelles là où ils n’avaient précédemment qu’une seule dimension, parce que leur vie se situe dans un cadre crédible dont les détails sont abondants.

 

 

NOTES

 

[1] 1 Néphi 17:1-8; 18:8; Lynn et Hope Hilton, In Search of Lehi's Trail, Salt Lake City, Deseret Book, 1976, pp. 105-115.

[2] A. M. Tozzer, dir. de publ., Landa's Relacion de las Cosas de Yucatan, HUPM 18, 1941, p. 196.

[3] Id.

[4] Felix W. McBryde, Cultural and Historical Geography of Southwest Guatemala, SISA 4, 1945, p. 148.

[5] Id., p. 33. Medel écrit aussi que les Indiens des régions plus chaudes avaient une peau plus sombre que ceux des plateaux, qui n’avaient pas l’air très différents des Espagnols. Cité dans McBryde, p. 9. Il est possible que la « marque » de la peau sombre mise sur les Lamanites soit en partie due au fait que les tout premiers d’entre eux se sont mariés au sein de populations vivant déjà sur place.

[6]  À propos de la région Guatemala/Néphi, A. C. et A. P. Maudslay disent dans A Glimpse at Guatemala, Londres, 1899, p. 24: « Le climat semblait absolument parfait, et le ciel d’un bleu brillant, le soleil éclatant, caché occasionnellement par les nuages floconneux que l’on associe aux alizés, la température janais trop élevée ni trop basse, et la fraîcheuse délicieuse de l’air agité par une brise légère, tout cela produisait en moi une euphorie que je n’aurais jamais cru connaître dans un pays tropical. Cela a l’air trop beau pour être vrai, mais ce n’est pas une description exagérée du climat. »

[7]  G. E. Wright, « In the Days of Israel's Glory », dans Everyday Life in Bible Times, Washington, National Geographic Society, 1967, pp. 20-27; Roland de Vaux, Ancient Israel: Its Life and Institutions, Londres, McGraw-Hill, 1961, pp. 274-75, 282-87, 313-25; Ézéchiel 43:1-17.

[8]  F. J. Hollis, The Sun-Cult and the Temple at Jerusalem: Myth and Ritual Londres, 1933; Julius Morgenstern, The Fire upon the Altar, Chicago, Quadrangle, 1963.

[9]  Laurette Sejourne, « El Templo Prehispanico », Cuadernos Americanos 149, novembre-décembre 1966, p. 143, citant Torquemada et donnant sa propre vision tout au long de l’article.

[10]  Joseph W. Michels, « Political Organization at Kaminaljuyu: Its Implications for Interpreting Teotihuacan Influence », dans Teotihuacan and Kaminaljuyu: A Study in Prehistoric Culture Contact, dir. de publ. William T. Sanders et Joseph W. Michels, State University, Pennsylvania, Pennsylvania State University Press, 1977, pp. 451-67. Michels va un peu trop loin dans l’exploitation de ses éléments de preuve, mais son idée générale est bien étayée.

[11]  William T. Sanders, « The Settlement Pattern Test Trenches », dans Kaminaljuyu Project-1968 Season. Part 1. The Excavations. PSUO 2 1969, p. 165.

[12]  Voir les références dans mon article « The Significance of an Apparent Relationship between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Man Across the Sea, dir. de publ. Carroll L. Riley etc., Austin, University of Texas Press, 1971, pp. 229-230.

[13]  Lawrence H. Feldman, « Tollan in Central, Mexico, The Geography of Economic Specialization », Katunob 8, no. 3, février 1973, p. 3.

[14]  Marie K. Freddolino, « An Investigation into the 'Pre-Tarascan' Cultures of Zacapu, Michoacan, Mexico », thèse de doct., université de Yale, 1973.

[15]  Richard A. Shutler, Jr., et Mary E. Shutler, Oceanic Prehistory Menlo Park, Cummings, 1975, p. 86; D. R. Simmons, The Great New Zealand Myth: A Study of the Discovery and Origin Tradition of the Maori, Wellington, A. H. et A. W. Reed, 1976.

[16]  « When Was Rome Really Built? » Christian Science Monitor, 10 mars 1976, p. 6. On trouvera d’autres esquisses historiques rapides, cette fois sur l’Afrique, dans I. G. Cunnison, History on the Luapala, Londres, Oxford University Press, 1951.

[17]  On trouvera des rapports évocateurs entre le voyage mulékite et les traditions mésoaméricaines dans mon article « The Twig of the Cedar », Improvement Era 60,1957, 330 et suivantes, réimprimé sous le titre « Bible Prophecies of the Mulekites » dans A Book of Mormon Treasury, Salt Lake City, Bookcraft, 1959, pp. 229-237.

[18]  On trouvera un traitement intéressant de la Stèle 3 dans Miguel Covarrubias, Indian Art of Mexico and Central America, New York, Knopf, 1957, p. 77. Il y a une reconstitution de la scène par un dessinateur dans Michael D. Coe, America's First Civilization: Discovering the Olmec, New York, American Heritage Publishing Co. et Smithsonian Institution, 1968, p. 59. Tatiana Prouskouriakoff écrit à propos de la scène: « Cela implique que ces personnages représentent deux groupes de persnnes radicalement distincts et on a l’impression que le groupe de l’étranger barbu a fini par prendre l’ascendant et a finalement effacé le portrait du souveain natif. » « Olmec and Maya Art: Problems of Their Stylistic Relation », dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, dir. de publ. Elizabeth Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1968, p. 122.

[19]  John L. Sorenson, « A Mesoamerican Chronology: April 1977 », Katunob, 9 février 1977, pp. 41-55.

[20]  La documentation « phénicienne » se trouve dans le livre de Constance Irwin, Fair Gods and Stone Faces, New York, St. Martin's Press, 1963, pp. 171-175.

[21]  Le passage de 2 Rois 25:7: « Les fils de Sédécias furent égorgés en sa présence » pose de toute évidence un problème au regard de l'affirmation du Livre de Mormon que Mulek était un fils survivant. La seule raison possible, que j'ai donnée dans l'article de l'Improvement Era cité plus haut, ainsi qu'en plusieurs endroits par Sidney Sperry, est que Mulek devait être un bébé que des loyalistes auraient sauvé de la mort. Sédécias n'avait que trente-deux ans quand il fut déposé (2 Chroniques 36:11) et, bien entendu, il avait plus d'une épouse, à la manière des rois juifs, de sorte que tous ses enfants devaient être jeunes et que plus d'un devait être un bébé que l'on pouvait cacher. De nouvelles informations donnent à penser que Mulek est peut-être effectivement mentionné ailleurs. Voir « Is Mulek Mentioned in the Bible? » Foundation for Ancient Research and Mormon Studies Update juin 1984, p. 1.

[22]  Terrence Kaufman, « Archaeological and Linguistic Correlations in Mayaland and Associated Areas of Meso-America », World Archaeology 8, 1976, p. 104; Gareth W. Lowe, « The Mixe-Zoque as Competing Neighbors of the Early Maya », dans The Origins of Maya Civilization, dir. de publ. Richard W. Adams, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1977, pp. 199-201.

[23]  Lyle Campbell et Terrence Kaufman, « A Linguistic Look at the Olmecs », American Antiquity 41, 1976, pp. 80-88.

[24]  Donald L. Brockington, The Ceramic History of Santa Rosa, Chiapas, Mexico, NWAF 23, 1967, p. 68; Gareth W. Lowe, Thomas A. Lee, Jr., et Eduardo Martinez Espinosa, Izapa: An Introduction to the Ruins and Monuments, NWAF 31, 1982, pp. 10-15.

[25]  Id. A. Delgado, Archaeological Research at Santa Rosa, Chiapas, NWAF 17, 1965, pp. 3, 79.

[26]  Brockington, Ceramic History, pp. 60-61. Cf. Structuralisme Levi-Straussien ?

[27]  Rene Millon, The Teotihuacan Map, vol. 1, Austin, University of Texas Press, 1973, p. 40; John Paddock, Problemas Comunes de la Linguistica y la Arqueologia en Oaxaca, INAH, Centro Regional de Oaxaca, Serie Conferencias 4, 1976, pp. 1, 7.

[28]  M. E. Smith, « State Systems of Settlement: Response to Crumley »; et C. L. Crumley, « Reply to Smith », American Anthropologist 79, 1977, pp. 903-906 et 906-908, respectivement. On trouvera des détails concernant la taille de San Jose Mogote dans Marcus C. Hiver, « Differential Patterns of Community Growth in Oaxaca », dans The Early Mesoamerican Village, dir. de publ. Kent V. Flannery, New York, Academic Press, 1976, pp. 237-243.

[29]  Anthony F. Aveni, Archaeoastronomy in Precolumbian America, Austin, University of Texas Press, 1975; idem, Native American Astronomy, Austin, University of Texas Press, 1977; Ray A. Williamson, dir. de publ., Archaeoastronomy in the Americas, Ballena Press Anthropological Papers no. 22 Los Altos, Californie, Ballena Press, 1981.

[30]  W. R. Bullard, Jr., « Settlement Patterns and Social Structure in the Southern Maya Lowlands During the Classic Period », Actas y Memorias, 35a Congreso Internacional de Americanistas, Mexico, 1962, vol. 1, Mexico, 1964, pp. 279-287; Stephan F. De Borhegyi, « Settlement Patterns in the Guatemalan Highlands: Past and Present », dans Prehistoric Settlement Patterns in the New World, dir. de publ. Gordon R. Willey, Viking Fund Publications in Anthropology, no. 23, New York, 1956, pp. 101-106. Même si ce tableau est incontestablement idéalisé et quelque peu inexact, il représente malgré tout probablement un fait fréquent, si pas typique. On trouvera une critique de la notion de « centre cérémoniel » dans Marshall Becker, « Priests, Peasants, and Ceremonial Centers: The Intellectual History of a Model », dans Maya Archaeology and Ethnohistory, dir. de publ. Norman Hammond et Gordon R. Willey, Austin, University of Texas Press, 1979, pp. 3-20.

[31]  K. Koch, « ohel », dans Theological Dictionary of the Old Testament, dir. de publ. G. J. Botterweck et H. Ringgren, Grand Rapids, Eerdmans, 1974, pp. 119-120.

[32]  A. Haldar, Who Were the Amorites? Leiden, Brill, 1971, p. 52.

[33]  A. Rothkoff, « Tabernacle », Encyclopaedia Judaica 15, 1972, p. 679.

[34]  Hugh Nibley, An Approach to the Book of Mormon, Salt Lake City, The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1957, pp. 207-209.

[35]  Bernal Diaz del Castillo, The Bernal Diaz Chronicles, trad. et publ. par Albert Idell, Garden City, New York, Doubleday, 1956, p. 133.

[36]  Hugh Nibley, Since Cumorah, Salt Lake City, Deseret Book, 1967, p. 398.

[37]  Eva Hunt, « Irrigation and the Socio-Political Organization of Cuicatec Cadcazgos », dans The Prehistory of the Tehuacan Valley, vol. 4: Chronology and Irrigation, dir. de publ. Frederick Johnson, Austin, University of Texas Press, 1972, pp. 201-230, donne un excellent éclairage sur la structure et la fonction de la souveraineté en Mésoamérique précolombienne.

[38] Les commentaires d’Ignacio Bernal dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1975, pp. 72-77, étendent le traitement à la destruction des monuments.

[39]  Comparer avec le traitement dans G. R. Willey et D. B. Shimkin, « The Maya Collapse: A Summary View », dans The Classic Maya Collapse, dir. de publ. T. P. Culbert, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1973, pp. 484-486.

[40]  McBryde, Cultural and Historical Geography, pp. 6-7.

[41]  Edward M. Shook, « Lugares Arqueologicos del Altiplano Meridional Central de Guatemala », Antropologia e Historia de Guatemala 4, no. 2, juin 1952, p. 5.

[42]  Id., p. 26.

[43]  Richard J. Clifford, The Cosmic Mountain in Canaan and the Old Testament, Cambridge, Harvard University Press, 1972; William F. Albright, « The High Place in Ancient Palestine », Supplements to Vetus Testamentum, Leiden, Brill, 1957, pp. 242-258; A. Parrot, Ziggurats et Tour de Babel, Paris, 1949.

[44]  Jacquetta Hawkes, The First Great Civilizations, New York, Knopf, 1973, p. 122.

[45]  Andrzej Wiercinski, « Pyramids and Ziggurats as the Architectonic Representations of the Archetype of the Cosmic Mountain », Katunob 10, septembre 1977, pp. 69-111.

[46]  Millon, The Teotihuacan Map, vol. 1, figure 17b.

[47]  Albright, « The High Place »; R. de Vaux, Ancient Israel, pp. 284-285.

[48]  Clifford, Cosmic Mountain, pp. 49-50.

[49]  Doris Heyden, « An Interpretation of the Cave Underneath the Pyramid of the Sun in Teotihuacan, Mexico », American Antiquity 40, 1975, pp. 131-147.

[50]  William F. Albright, Yahweh and the Gods of Canaan: A Historical Analysis of Two Contrasting Faiths, Garden City, New York, Doubleday, 1968, p. 24.

[51]  Bernal Diaz, Chronicles, p. 151.

[52]  J. E. S. Thompson, « The Role of Caves in Maya Culture », Museum fur Volkerkunde in Hamburg, Mitteilungen 25, 1959, pp. 122-129; idem, Maya History and Religion, Norman, Oklahoma University Press, 1970, p. 184.

[53]  Les références sont dans mon article « The Significance of an Apparent Relationship Between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Man Across the Sea, dir. de publ. Carroll L. Riley etc., Austin, University of Texas Press, 1971, p. 227. Voir aussi Heyden, « An Interpretation », p. 141.

[54]  W. R. Farmer, « The Geography of Ezekiel's River of Life », Biblical Archaeologist 19, 1956, pp. 17-22; Ben Zion Luria, « And a Fountain Shall Come Forth from the House of the Lord », Dor le Dor 10, no. 1, 1981, pp. 48-58.

[55]  Notez le lien entre « ce temple » et « cette montagne » quand le Seigneur parlé à Néphi à Zarahemla (Hélaman 10:8-9), ce qui peut être un reflet d’un aspect des idées qui avaient cours chez les Néphites.

[56]  Ledyard Smith, Archaeological Reconnaissance in Central Guatemala, CIWP 608, 1955, p. 11.

[57]  Felix W. McBryde, « Studies in Guatemalan Meteorology I,  The Climates of Southwest Guatemala », American Meteorological Society Bulletin 23, 1942, pp. 259-260; idem, « Studies in Guatemalan Meteorology II, Weather Types in Southwest Guatemala », American Meteorological Society Bulletin 23, 1942, pp. 400, 402.

[58]  George C. Shattuck, The Peninsula of Yucatan: Medical, Biological, Meteorological and Sociological Studies, CIWP 432, 1933, p. 22.

[59]  Daniel G. Brinton, The Annals of the Cakchiquels, Philadelphia, 1885, pp. 167, 192.

[60]  Shattuck, Peninsula of Yucatan, p. 22.

[61]  Par exemple, G. N. Collins et C. B. Doyle, « Notes on Southern Mexico », National Geographic Magazine 22, 1911, p. 315, ont découvert, au cours d’un voyage botanique pour le département d’agriculture des Etats-Unis, une variété de blé qui poussait dans les collines au-dessus de San Cristobal Las Casas, Chiapas, dont ils ont supposé que « c’est probablement une variété que l’on cultive ici depuis des temps très reculés. »

[62]  McBryde, Cultural and Historical Geography, p. 27.

[63]  Daniel B. Adams, « Last Ditch Archaeology », Science 83, décembre 1983, p. 32. L’espèce est une orge originaire d’Amérique inconnue jusqu’ici des botanistes comme variété cultivée (correspondance personnelle, archéologue de l’Arizona State University).

[64]  Jonathan D. Sauer, « The Grain Amaranths: A Survey of Their History and Classification », Missouri Botanical Garden Annals 37, 1950, pp. 561-632. George F. Carter, « Domesticates as Artifacts », dans The Human Mirror: Material and Spatial Images of Man, dir. de publ. Miles Richardson, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1974, pp. 212-213.

[65]  R. F. Smith, « Some 'Neologisms' from the Mormon Canon », dans Conference on the Language of the Mormons, 1973, Provo, BYU Language Research Center, 1973, p. 66.

[66]  Fauna and Flora of the Bible, Londres, United Bible Societies, 1972, p. 97.

[67]  Juan Pio Perez, Diccionario de la Lengua Maya, Merida, 1877, pp. 33-34 (« bul », « buul »); Alfredo Herbruger, Jr., et Eduardo Diaz Barrios, Metodo para Aprender a Hablar, Leer y Escribir la Lengua Cakchiquel, vol. 1, Guatemala, 1956, p. 165 « boloss ».

[68]  Norman A. McQuown, « Indigenous Languages of Native America », American Anthropologist 57, 1955, p. 509.

[69]  McBryde, Cultural and Historical Geography, p. 144.

[70]  Tozzer, Landa's Relacion, p. 198, note 1079.

[71]  Par exemple, Thomas Gage, dans Thomas Gage's Travels in the New World, dir. de publ. J. E. S. Thompson, Norman, University of Oklahoma Press, 1958, p. 76.

[72]  McBrycle, Cultural and Historical Geography, pp. 144-46. Thompson, dir. de publ., Gage's Travels, p. 76. Tozzer, Landa's Relacion, p. 198.

[73]  Diego Garcia de Palacio, Relacion hecha . . . en la que Describe la Provincia de Guatemala, 1576, Squier edition, New York, 1860, p. 25.

[74]  J. E. S. Thompson, Maya Hieroglyphic Writing: Introduction, CIWP 589 1950, pp. 110-111, 274-275; V. Garth Norman, Izapa Sculpture, Part 2: Text, NWAF 30, 1976, pp. 30-36, 225-228, et ailleurs; Jacinto Quirarte, « Tricephalic Units in Olmec, Izapan-Style, and Maya Art », dans The Olmec and Their Neighbors: Essays in Memory of Matthew W. Stirling, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1981, pp. 289-308.

[75]  Thompson, Maya Hieroglyphic Writing, pp. 110-111, 274-275.

[76]  Clifford, Cosmic Mountains, pp. 52-54; Albright, « High Place », pp. 184-85; Howard Wallace, « Leviathan and the Beast in Revelation », dans The Biblical Archaeologist Reader, dir. de publ.. G. Ernest Wright et David Noel Freedman, Chicago, Quadrangle, 1961, pp. 290-298.

[77]  Albright, « High Place », pp. 248-250. De Vaux, Ancient Israel, p. 284.

[78]  John Bright, A History of Israel, Philadelphie, Westminster Press, 1959, p. 67.

 

 

 

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