CHAPITRE 4 : LES PREMIERS NEPHITES DANS LEUR ENVIRONNEMENT
Si nous admettons que le cadre géographique et culturel exposé dans nos précédents chapitres est fondé, nous pouvons maintenant y situer des événements. Dorénavant, à lexception du chapitre cinq, nous suivrons plus ou moins lordre du récit du Livre de Mormon, en mettant les acteurs et les événements à leur place pour voir comment la connaissance de la géographie et de la culture éclaire le vieux livre dune lumière nouvelle.
Léhi et son groupe lancèrent leur navire dans locéan Indien depuis la côte méridionale de la péninsule arabique [1]. Les vents les transportèrent sans aucun doute sur les mêmes itinéraires maritimes que les navires arabes, chinois et portugais utilisèrent plus tard, touchant lInde et en fin de compte la péninsule malaise. À partir de là, le navire de Néphi se faufila vraisemblablement entre les îles du Pacifique occidental pour se lancer ensuite en haute mer au nord de léquateur, pour débarquer à environ 14° de latitude nord. Néphi ne nous laisse, dans le Livre de Mormon, aucun renseignement sur litinéraire parcouru et ne nous dit pas non plus en termes modernes où ils ont abordé. Mais quand nous analysons les déclarations du Livre de Mormon sur la géographie et les événements, le « pays du premier héritage » ne peut se situer que sur la côte occidentale (Pacifique) de lAmérique Centrale (1 Néphi 18:23; Alma 22:28; voir le chapitre 1).
En 75 av. J.-C., les Néphites distinguaient trois secteurs le long du bord occidental du pays situé du côté du sud, tous « dans les régions frontières près du bord de la mer ». Il sagit, du sud au nord : (1) « à louest dans le pays de Néphi, à lendroit du premier héritage de leurs pères », (2) « à louest, dans le pays de Néphi » et (3) « à louest du pays de Zarahemla » (Alma 22:28). Quand ils séchappèrent de la première de ces zones par crainte des frères aînés, Néphi et son groupe voyagèrent « de nombreux jours » et aboutirent à un endroit auquel ils donnèrent le nom de leur chef, Néphi. Ils nétaient toujours pas loin de la côte (2 Néphi 5:7-8). Nous en déduisons que la ville de Néphi nétait pas directement à lintérieur des terres par rapport au premier lieu de débarquement (sils avaient voyagé « de nombreux jours » directement vers lintérieur des terres, ils auraient abouti loin de la mer ; jen déduis quils ont dû se diriger vers le nord le long de la bande côtière et sont ensuite entrés dans lintérieur des terres). Le seul alignement géographique qui permet daccommoder 2 Néphi 5 et Alma 22 est quelque chose qui est proche de ce que lon voit sur la carte 5. Le chapitre 1 a donné les raisons pour lesquelles la vallée du Guatemala contenait probablement la ville de Néphi ; la partie la plus méridionale de la côte Pacifique du Guatemala ou du Salvador, qui se trouve à côté, est très vraisemblablement lendroit où le groupe de Léhi a débarqué et a créé sa première colonie.
Tandis quelle se trouvait dans cette première région côtière, la colonie démigrants a planté des semences, quelle avait apportées de Jérusalem. Celles-ci ont prospéré, nous rapporte Néphi (1 Néphi 18:24), mais que leur est-il arrivé plus tard ? Lexpérience des pionniers donne à penser quun premier succès pour une culture dimportation ne signifie pas nécessairement quelle restera vigoureuse. Les plantes prospères ne produisent pas toujours de la bonne semence. Lévêque Diego de Landa utilise, dans le Yucatan du XVIe siècle, des termes très semblables à ceux de Néphi : « Nous les avons mis au travail [cest-à-dire les Indiens] pour cultiver du millet [européen] et il pousse merveilleusement bien et est un bon aliment [2]. » Pourtant, près de quatre siècles plus tard, quand les botanistes de linstitution Carnegie ont examiné linventaire végétal de la région, ils nont trouvé aucune trace du millet pour lequel Landa avait été si enthousiaste [3].
On ne nous dit pas ce qui est arrivé plus tard aux plants provenant des semences que le groupe de Léhi a transportées sur locéan, mais dès 130 av. J.-C., le maïs plante originaire dAmérique était devenu la culture principale au pays de Néphi. Mosiah 7:22 et 9:9 mentionnent tous les deux cette culture pour la première fois dans lalimentation des Zénifites, et les Lamanites du voisinage voulaient principalement du maïs (verset 14). Le maïs est une plante qui est si totalement dépendante de lhomme quelle ne pousse pas à létat sauvage. Depuis quon sest mis à le cultiver, des millénaires avant larrivée des Néphites, il a fallu quil soit entretenu par des mains humaines et transmis de génération en génération. Nous ne savons pas qui a enseigné aux descendants de Léhi à cultiver le maïs, ni qui leur a donné la semence. Bien entendu, le peuple de Zénif les cultivateurs de maïs de Mosiah 9 venait de Zarahemla, mais où ceux-là avaient-ils pu se le procurer ? La source évidente en termes du Livre de Mormon a dû être les survivants jarédites.
Que pouvons-nous dire des conditions de vie au pays du premier héritage ? La plaine côtière où Léhi a pu débarquer était inconfortablement chaude et humide. Ce climat favorisait la croissance rapide des cultures, mais le temps devait être déplaisant pour les colonisateurs. Les Néphites ne tardèrent pas à senfuir vers les hauteurs du pays de Néphi, où lélévation permettait de vivre plus confortablement. Daprès lhistoire telle que Néphi la raconte, les Lamanites restés en bas dans les plaines chaudes étaient des chasseurs nomades, sanguinaires, presque nus et paresseux (2 Néphi 5:24; Énos v. 20). Les conditions de vie dans cet environnement peuvent expliquer certaines de ces caractéristiques. Bien des siècles plus tard, les Espagnols parlaient en termes semblables des natifs de la même région. Le manuscrit de Tomas Medel, qui date denviron 1550 de notre ère, juste une génération après larrivée des premiers Espagnols dans la région, signale que les Indiens de la côte Pacifique du Guatemala « passaient leur vie entière nus comme des vers [4] ». Cette pratique devait être une réaction sensée au climat accablant. A la fin du XVIIe siècle, le prêtre catholique Fuentes y Guzman opposait « la lassitude et la paresse » de ces mêmes habitants des plaines à lénergie des habitants des plateaux [5]. Pour ce qui était dassurer leur subsistance, lenchevêtrement de forêts et de marécages le long de la côte elle-même a pu être trop difficile à cultiver efficacement pour les nouveaux venus lamanites, puisquils nont pas pu trouver immédiatement le secret de la culture en cet endroit. (Il se peut queux ou leurs ancêtres naient même pas été cultivateurs en Palestine.) Cela a pu être la chose économiquement intelligente à faire que de chasser et de cueillir la nourriture naturelle abondante dans les estuaires, tandis quune fois de plus, la chaleur humide peut rendre compréhensible leur manque dénergie.
LE PAYS DE NEPHI
Lendroit où le groupe de Néphi sinstalla était très certainement la vallée du Guatemala ou, comme ils lont appelé, le pays de Néphi. La ligne de partage des eaux du continent traverse la vallée ; la Guatemala City actuelle est lancienne ville de Néphi (Kaminaljuyu) à une hauteur denviron 1.500 mètres. Dun côté de la ville, leau sécoule vers lest et les Caraïbes, de lautre côté, elle coule vers le Pacifique. Cest la vallée la plus grande est la plus productive des plateaux du Guatemala. Le climat est célèbre : printanier et tempéré, avec des pluies et des bourrasques froides occasionnelles seulement un endroit merveilleux à coloniser [6]. Le cours deau qui arrose la vallée en direction du sud-ouest constitue un passage entre les montagnes qui ne pouvait quinviter le groupe de Néphi à « monter » tandis quils longeaient les plaines dans leur fuite.
Deux raisons importantes ressortent pour lesquelles la vallée du Guatemala doit être considérée comme le pays de Néphi originel. La première est que le site de Kaminaljuyu a été pendant de nombreux siècles le centre culturel dominant de toute la région des plateaux du Guatemala, lendroit le plus important à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. La grande taille (au moins 2,5 km²) et les constructions impressionnantes de Kaminaljuyu soulignent son importance clef et celle de la vallée. On décrit le pays de Néphi dans le Livre de Mormon comme dominant au même degré parmi ses voisins. Une deuxième grande raison de considérer que Néphi se trouvait là est que les coutumes, les détails du terrain et la datation des vestiges archéologiques correspondent de près à ce qui est décrit dans le Livre de Mormon. Nous examinerons certains de ces traits plus tard.
Installé dans cet environnement, le groupe de Néphi se mit à reproduire certains aspects de la civilisation tels quil se les rappelait du pays de Jérusalem. Néphi attribue à linspiration divine de lavoir aidé à sattaquer aux problèmes que rencontrait la colonie. Il y eut certains aspects de la vie israélite quil laissa sans regret séteindre, parce quil les considérait comme mauvais (2 Néphi 25:1-2, 6). Il transmit toute la connaissance pratique quil était capable de transmettre. La métallurgie et le soin des animaux sont mentionnés dans cet héritage technologique (tous deux feront lobjet dune étude séparée au chapitre 7). Mais étant donné quun certain nombre de déclarations sont faites à propos du temple construit sous la direction de Néphi, voyons ce que les sources non scripturaires peuvent nous dire sur sa nature probable.
Leur premier temple fut construit « à la manière du temple de Salomon » (2 Néphi 5:16), un édifice que Néphi lui-même avait vu de nombreuses fois à Jérusalem, car le vieux bâtiment était toujours debout quand Léhi et sa famille quittèrent le pays de Juda. Comment ce temple américain a-t-il été construit ? Différemment, dans certains détails, de ses modèles du Vieux Monde, nous assure Néphi (2 Néphi 5:16). Les Néphites utilisaient des matériaux différents, de sorte que les techniques de construction ne pouvaient pas être les mêmes que dans le modèle palestinien. Donc quand Néphi dit que « le genre de construction » était le même quà Jérusalem, tout ce quil pouvait vouloir dire, cest quil était construit sur ce modèle-là. Quel était ce modèle et quelle était sa fonction ?
Le temple de Salomon avait été construit sur une plate-forme de sorte que les gens montaient littéralement pour sy rendre. À lintérieur, il y avait des salles distinctes de caractère sacré différent. A lextérieur du bâtiment proprement dit, il y avait une cour ou esplanade entourée dun mur. Cétait là que lon offrait les sacrifices, sur des autels munis de marches ou constitués de terrasses. Les niveaux de la structure de lautel représentaient les couches de lunivers telles que les Israélites et les autres peuples du Proche-Orient les concevaient [7]. Le bâtiment du temple était orienté de telle façon que le soleil levant au moment de léquinoxe (le 21 mars ou le 21 septembre) envoyait ses tout premiers rayons considérés comme « la gloire du Seigneur » à travers les portes du temple, que lon ouvrait à cette occasion, directement jusque dans la partie la plus sainte [8]. Dune manière générale, cétaient ces mêmes éléments qui caractérisaient les complexes des temples mésoaméricains. Le bâtiment sacré, qui était le temple proprement dit, était de taille modeste, tandis lesplanade recevait une plus grande attention. Torquemada, un des premiers prêtres espagnols du Nouveau Monde, comparait le plan des temples mexicains à celui du temple de Salomon et un savant moderne est daccord avec lui [9].
Le site de la ville de Néphi est aujourdhui à ce point couvert de bâtiments et dépouillé par lexpansion de Guatemala City que nous nen apprendrons probablement jamais beaucoup plus sur lancienne ville que laperçu que nous en ont déjà donné les recherches archéologiques limitées qui ont eu lieu. Nous navons aucun espoir de retrouver des preuves concrètes du temple originel de Néphi lui-même, mais nous pouvons nous attendre à ce que le modèle constitue un précédent qui pourrait être répété longtemps après. Les détails du temple de Salomon qui ont frappé Torquemada pourraient tirer leur origine de ce que Néphi et son peuple ont introduit il y a plus de 2500 ans.
Les six siècles qui ont suivi la mort de Néphi et de son frère Jacob sont à peine esquissés dans le Livre de Mormon. Ni lÉcriture ni larchéologie ne nous en disent beaucoup sur la façon dont la vie se passait à lépoque, mais luniversité de lÉtat de Pennsylvanie a examiné, à la fin des années 1960, certains vestiges de loccupation de Kaminaljuyu datant du IIIe au VIe siècle av. J.-C., la période que les livres dÉnos et dOmni mentionnent si brièvement. À lépoque, la colonie était déjà de bonne taille. Les chercheurs linterprètent comme ayant été occupé par plusieurs groupes ou lignées apparentés (notez Jacob 1:13), dont chacun vivait dans un certain secteur du site [10]. La zone centrale sacrée de lépoque semble avoir été constituée par des rangées de grands tumulus funéraires. Cétait probablement là que les anciens des groupes apparentés étaient enterrés et honorés [11]. Cette coutume correspond fondamentalement à la façon dont les dirigeants honorés des groupes apparentés étaient traités chez les Israélites de Palestine quand ils mouraient [12]. Il est possible que pendant les siècles de guerres et de « roideur de cou » qui suivirent la mort de Néphi et de Jacob (Énos vv. 22-24), le temple originel ait été abandonné comme centre de pratique religieuse, tandis que laccent se reportait sur les rites funéraires des patriarches du groupe. En tout cas, on nentend plus parler du temple entre lépoque de Jacob et celle où les Zénifites occupent de nouveau le pays, plus de 400 ans plus tard (Jacob 1:17; Mosiah 11:10, 12; comparez avec Alma 10:2).
Vers 275 av. J.-C., la « partie la plus méchante des Néphites » avait été détruite, apparemment dans des guerres contre les Lamanites (Omni vv. 5-7), tandis que les Lamanites avaient, semble-t-il, prospéré, du moins numériquement parlant. La raison pour laquelle les Lamanites ont pu devenir « extrêmement plus nombreux » que les Néphites (Jarom v. 6) a été abordée au chapitre 2. Les Néphites se décrivent comme tout à fait civilisés (Jarom v. 8) et devaient donc être logiquement plus nombreux que les Lamanites. Presque invariablement, les cultivateurs sédentaires les Néphites atteignaient un niveau de population beaucoup plus élevé quune population constituée de chasseurs. Alors, doù venaient tous ces Lamanites ?
La réponse peut être que les Lamanites du groupe démigrants originels ont dominé une population native déjà dispersée dans le pays à larrivée de Léhi. Aux yeux des Néphites, ces populations assujetties devaient être traitées de la même manière que les Lamanites originels, même si certaines différences physiques ou culturelles étaient visibles entre eux. « Maudite sera la postérité de celui qui se mêle à leur postérité: car ils seront maudits de la même malédiction. Et le Seigneur le dit, et cela fut fait » (2 Néphi 5:23). On a limpression davoir affaire ici à un fait déjà accompli historiquement plutôt quà un simple avertissement à lintention de Néphites futurs. Lambition débridée de Laman et de Lémuel de gouverner a dû les pousser à essayer de dominer non seulement les Néphites (2 Néphi 5:3, 14) mais quiconque dautre pouvait se trouver dans les environs.
Les saints des derniers jours ne sont pas habitués à lidée que dautres peuples que les descendants immédiats de Léhi étaient sur les lieux des événements du Livre de Mormon. Des éléments abondants provenant des études archéologiques et linguistiques nous assurent que de telles populations étaient effectivement présentes, par conséquent nous devons comprendre comment le récit du Livre de Mormon intègre cette réalité. Nous avons vu précédemment que le Livre de Mormon était lhistoire de la lignée des descendants de Néphi. Il ne prétend pas être et, de toute évidence, nest pas une histoire au sens moderne du terme ; il ne prétend jamais donner un tableau systématique de « ce qui est arrivé » dans toute sa région géographique. Les annales des lignées mésoaméricaines natives dune date postérieure procèdent de la même façon interprétant les peuples et les événements du point de vue de ceux qui, dans chaque lignée, tenaient lhistoire de lélite [13]. Certaines lignées nobles ambitieuses allaient de lieu en lieu à la recherche de populations locales à soumettre. Cétait le cas des groupes de Teotihuacanos, « Toltèques », Cuicatèques, Mixtèques et autres. Si la chance leur était favorable et que le pouvoir était à leur portée, le peuple assujetti trouvait souvent intéressant de « suivre le guide » en modifiant leur propre généalogie, en subordonnant leur tradition originelle et en réécrivant leur histoire pour quelle devienne conforme, là où cétait possible, à la version officielle des gouvernants. (On trouve dans certains cercles des États-Unis cette tendance compréhensible dans le phénomène des « ancêtres arrivés sur le Mayflower »). Une étude citée précédemment a montré quune histoire traditionnelle de louest du Mexique, qui prétendait donner lorigine du peuple tarascan, ne correspondait pas aux faits archéologiques ; la population de base était là longtemps avant larrivée du groupe dont la tradition prétendait que lhistoire avait commencé à son arrivée [14]. De même, la célèbre traditions maorie prétendant avoir été la première à coloniser la Nouvelle-Zélande, il y a des siècles, par larrivée dun groupe de pirogues, est, on le sait maintenant, une version simpliste ; dautres populations étaient déjà là. Nayant apparemment aucune importance aux yeux des nouveaux venus plus puissants, les natifs étaient ignorés dans les traditions [15]. Cest ainsi que la date de 753 av. J.-C. pour la fondation de Rome, bien connue des écoliers, est victime du même phénomène. « Les découvertes archéologiques les plus récentes montrent quil y avait une confédération prospère de villes de langue latine, dont Rome faisait partie, au moins 200 ans avant cela », nous dit-on. Larchéologue classique John Ward Perkins a mis directement le doigt sur le problème que lon rencontre lorsque lon se trouve devant ce genre « dhistoire » : « Les vieilles théories étaient trop simples [16]. » Cest, semble-t-il, aussi le cas de la théorie entretenue par beaucoup de saints des derniers jours que les civilisations indiennes ont commencé à zéro dans un pays vierge vers 600 av. J.-C.. Les souverains de la lignée, mais pas nécessairement tous leurs sujets, considéraient le débarquement de Léhi comme une date clef.
Létude des langues et de larchéologie nous assure quil y avait des habitants sur les côtes du Guatemala peu après 600 av. J.-C., mais leur nombre a dû être bas. Le fait que la tradition olmèque (apparentée aux Jarédites) était à ce moment-là dans les derniers stades de la désintégration signifie que les survivants qui vivaient dans la région où Léhi a débarqué étaient sans doute désorganisés et ne risquaient pas de contester larrivée de nouveaux venus mystérieux. Lambition de Laman et de Lémuel (nous pourrions les comparer à Cortez) a très bien pu rendre les émigrants dominants et amener les populations locales à transformer leurs conceptions pour quelles cadrent avec lhistoire racontée par les gouvernants immigrants, mettant ainsi de fait les nouveaux venus à la place des anciens chefs olmèques quils avaient servis. Lexpansion numérique rapide des Lamanites, qui se reflète dans le récit néphite, devait forcément devoir davantage à un scénario tel que celui-ci quà une expansion biologique et à une efflorescence écologique spectaculaires peu probables de la part de Laman, Lémuel et compagnie.
DE NEPHI A ZARAHEMLA
Les troubles internes et les attaques lamanites obligèrent finalement la tradition prophétique chez les Néphites à rechercher une nouvelle patrie. Tout comme Néphi avait précédemment dû échapper à ses ennemis de la première colonie sur la côte, vers 210 av. J.-C., Mosiah, « averti par le Seigneur quil devait senfuir du pays de Néphi quitt[a] le pays et entr[a] dans le désert » (Omni vv. 12-13). Son peuple et lui furent divinement guidés « jusquau moment où ils descendirent au pays qui est appelé le pays de Zarahemla » (Omni vv. 12-13). En fonction de la géographie que nous avons élaborée au chapitre 1, Mosiah descendit des plateaux du Guatemala dans le bassin du fleuve Sidon. « Et ils découvrirent un peuple qui était appelé le peuple de Zarahemla au moment où Mosiah les découvrit, ils étaient devenus extrêmement nombreux » (Omni vv. 14-17) du moins par comparaison avec le groupe de Mosiah.
« Le peuple de Zarahemla » semble avoir reçu son nom de son chef, qui signala à Mosiah que ses ancêtres étaient arrivés de la région méditerranéenne par bateau et quil était descendant de « Mulek », fils de Sédécias, dernier des rois juifs davant lexil. Le voyage aboutit tout dabord au pays situé du côté du nord, puis se poursuivit vers le sud [17]. Ils sinstallèrent probablement sur le site de la côte est qui devait être appelé plus tard « ville de Mulek » (notez Alma 8:7). « Et ils étaient venus de là et étaient montés dans le désert du sud » (Alma 22:31), où Mosiah les rencontra plus tard. Des factions avaient guerroyé entre elles ; Zarahemla était maintenant chef dun des groupes (Omni v. 17). Si la ville de Zarahemla lui doit son nom (à lui ou à son père), son groupe nétait probablement pas à cet endroit-là depuis longtemps, bien quil ait pu vivre depuis un certain temps dans les environs immédiats.
Ces voyageurs méditerranéens ont probablement fait ce que les Lamanites ont fait, cest-à-dire utiliser les techniques et la connaissance supérieures quils avaient apportées pour sassurer la domination sur les survivants locaux de la civilisation précédente. Lorsque Mosiah est arrivé jusquà eux, ils devaient représenter un mélange de caractéristiques dans lesquelles les traits mésoaméricains prédominaient sur la culture israélite quils avaient conservée, comme limplique Omni v. 17. La stèle 3 de La Venta (site qui remplit les conditions pour être la ville de Mulek) représente la rencontre entre un dirigeant local et un chef immigrant dont les traits du visage rappellent tout à fait ceux dun habitant de la Terre sainte. En tous cas, des archéologues éminents ont interprété la scène dans ce sens [18]. Se pourrait-il que Mulek soit représenté dans une scène daccueil cérémoniel auprès des natifs ? La date de la stèle 3 est incertaine, mais selon les meilleures estimations des archéologues, elle se situe au VIe siècle av. J.-C., lépoque où le groupe de Mulek a dû débarquer [19]. Dautres données confortent la possibilité que des voyageurs venus de la Méditerranée orientale (des « Phéniciens ») ont atteint La Venta [20].
On se rend mieux compte de ce que Mosiah a découvert lorsque lon regarde de près le cadre géographique de la ville et les environs immédiats de Zarahemla. Pour ce faire, nous faisons un bond dans le temps pour examiner un événement révélateur parmi les Néphites quelque 110 ans après larrivée de Mosiah à Zarahemla. Un certain Amlici essayait à ce moment-là de renverser la structure politique néphite des « juges » afin de se faire proclamer monarque (Alma 2:1-8). Il sensuivit une bataille du côté est du fleuve Sidon. (Voir carte 7.)
Amlici et ses partisans furent chassés par la majorité néphite du premier champ de bataille au sud et à lest vers la vallée de Gédéon située plus en hauteur. Pendant la nuit, les Amlicites levèrent secrètement le camp, descendirent jusquau fleuve plus en amont et le traversèrent. Là, ils firent leur jonction avec une grande armée lamanite dont il avait été convenu quelle descendrait du pays de Néphi pour attaquer Zarahemla. Mises au courant par leurs espions de la tournure que prenaient les événements, les forces néphites quittèrent en hâte Gédéon et se dirigèrent vers le fleuve pour intercepter les envahisseurs avant que, comme le craignaient les Néphites, ils ne prennent possession de la ville (voir Alma 2:25). Nous pouvons nous les imaginer se précipiter sur le chemin le plus direct jusquau dernier des gués praticables sur le fleuve où ils pouvaient arrêter les ennemis. Juste au moment où ils traversaient le fleuve, les attaquants lamanites-amlicites, « presque aussi nombreux, pour ainsi dire, que le sable de la mer » (verset 27), se heurtèrent à eux sur la rive ouest. Combattant vigoureusement, les Néphites lemportèrent, dispersant leurs adversaires et en tuant beaucoup.
Cette histoire nous fournit des renseignements précieux sur la géographie locale. La ville de Zarahemla était du côté est du fleuve et se trouvait probablement au bord (Alma 2:15, 25-27). Alma baptisa plus tard le peuple du pays de Zarahemla dans le fleuve Sidon (Alma 4:4; 6:1-2, 7), ce qui confirme le fait que la ville et sa zone doccupation voisine sétendaient le long du fleuve et en étaient toutes proches. Cette idée est considérablement renforcée par ce qui arriva lannée qui suivit la question amlicite. Un manque de nourriture au pays de Zarahemla fut imputé à « la perte de ses champs de grain qui avaient été foulés aux pieds et détruits par les Lamanites » pendant la bataille et la fuite (Alma 4:2). Apparemment, les terres agricoles les plus productives était concentrées immédiatement à côté du fleuve, un peu en amont de la ville.
Le récit de la bataille souligne létroitesse du pays de Zarahemla, tant du point de vue territorial que du point de vue population, au commencement du Ier siècle av. J.-C. Un pays étendu naurait guère souffert de la famine à cause de la petite superficie qui pouvait être piétinée par des hommes au combat et en fuite. Plus dun siècle auparavant, léchelle était encore plus limitée.
Ce que le groupe de Mosiah avait rencontré était de toute évidence une petite unité socio-politique centrée sur une ville importante avec des villages extérieurs qui en dépendaient pour le commerce, ladministration et le culte. La population y était non seulement numériquement réduite mais aussi politiquement peu évoluée, car Zarahemla ne prétendait même pas au titre de roi. (Les tâches proprement dites du gouvernement étaient alors légères, car, des années après une croissance supplémentaire, le roi Benjamin avait le temps dassurer son propre entretien par lagriculture tout en sacquittant des tâches du gouvernement (Mosiah 2:14). Il est clair que la royauté, à lépoque, consistait essentiellement en une présence symbolique plutôt quen des fonctions nombreuses.) Les résidents locaux reconnurent rapidement que Mosiah, un parfait inconnu qui les avait trouvés par hasard, devienne leur roi (Omni vv. 14, 19). Comment cet homme et son groupe dintrus ont-ils pu rencontrer un accueil aussi cordial et ensuite sinstaller aussi facilement dans un créneau politique dominant dans la société ? Une partie de la réponse doit résider dans les qualifications supérieures quavait Mosiah pour être roi. Les peuples anciens voulaient que leurs rois aient des lettres de créance valables. Lapprobation dune population sujette était, bien entendu, une sorte de lettre de créance, mais sil ny avait pas dautres considérations, la position du souverain serait suspecte. Un roi devait réellement tirer son autorité dune ligne royale dont la légitimité ne faisait pas de doute. Il semblerait que Zarahemla navait quun lien faible avec la royauté.
Il est vrai que Mulek, un ancêtre lointain, avait été fils de Sédécias (Hélaman 6:10; 8:21), mais Sédécias avait été tout au plus un roi fantoche mis sur le trône de Juda par les Babyloniens (2 Rois 24:7) et rapidement déposé par eux pour rébellion (2 Rois 25:6-7). En outre, dans la mémoire juive, il était responsable, sinon à lorigine, du désastre national de lexil babylonien [21]. Entre-temps, il y avait eu des querelles entre les ancêtres de Zarahemla après leur débarquement, et il se peut que les prétentions à la royauté par son lignage aient été ternies. Dautre part, Mosiah descendait dune lignée reconnue de rois plus immédiats, les « Néphis » (Jacob 1:11; Mosiah 25:13 ). Le niveau de civilisation était apparemment plus élevé à Néphi, doù venait Mosiah, et le degré de culture plus élevé était probablement perceptible. On sait quil savait lire et écrire et possédait des volumes dannales impressionnants. Ces deux caractéristiques devaient lui conférer du pouvoir aux yeux des Zarahemlaïtes naïfs. Les objets sacrés mystérieux quil possédait lépée de Laban et le Liahona (Mosiah 1:16) ont dû renforcer encore sa position. Enfin, je suppose que sur la base de ce qui commençait à se passer économiquement et culturellement, comme les événements ultérieurs allaient le montrer, la population locale avait entamé une période de croissance où elle était heureuse à lidée davoir un roi véritable, justement vers lépoque où Mosiah est apparu.
Nous avons présenté précédemment des éléments en faveur de lidentification de la dépression centrale de létat actuel du Chiapas (Mexique) avec le pays de Zarahemla. Le fleuve Grijalva (Rio de Chiapas), qui traverse cette large vallée, est le seul candidat plausible pour le fleuve Sidon. Le long de la rive ouest du fleuve doit se trouver lancienne ville de Zarahemla. Comme nous venons de le voir, le Livre de Mormon laisse fortement entendre que la région de peuplement dépendant immédiatement de la ville de Zarahemla était située en amont et en aval du fleuve et concentrée sur la rive ouest. Exactement de la manière indiquée, la terre la mieux arrosée et la plus fertile le long du Grijalva supérieur était limitée à une bande étroite, de moins de 800 m de large, de part et dautre du fleuve, mais essentiellement du côté occidental ou sud. Les sources du fleuve commencent de lautre côté de la frontière du Guatemala dans des montagnes escarpées. Zarahemla se situant dans la vallée supérieure du fleuve, elle serait suffisamment proche de cette bande de désert montagneux pour que des envahisseurs venus du sud puissent surgir presque à limproviste près de la ville, comme le premier chapitre dHélaman nous pousse à nous y attendre.
Le plus grand site archéologique du Grijalva supérieur ayant une situation appropriée pour se qualifier pour être Zarahemla est Santa Rosa. La BYU-New World Archaeological Foundation y a fait quelques fouilles en 1956 et en 1958. (Aucun des participants nenvisageait un lien quelconque entre les ruines et une localité du Livre de Mormon. En fait, la plus grande partie du travail a été effectuée par des archéologues non mormons.) En 1974, le site était inondé par le lac de retenue de près de 110 kilomètres du barrage dAngostura. Nous allons aborder ci-après quelques-unes des découvertes faites sur le site, mais examinons tout dabord lemplacement général de la région de Santa Rosa.
Les recherches linguistiques nous disent que le Grijalva supérieur se trouvait au point de jonction de deux grandes régions où existaient des populations installées depuis longtemps avec leur langue propre. Il y a quelque deux mille ans, les langues mayas sétendaient très probablement sur une grande partie du Guatemala jusquaux environs de la bande de désert montagneuse qui sépare les plateaux de ce pays de la vallée du fleuve Grijalva [22]. En aval, depuis les environs de Chiapa de Corzo et en allant vers le nord et louest, il y avait des populations parlant les dialectes zoqué ; et dans listhme proprement dit, se trouvait la langue mixé étroitement apparentée. Les deux blocs, les populations de langue maya du côté guatémaltèque et les groupes utilisant les langues de la famille mixé-zoquéenne du côté isthmien de Santa Rosa, étaient là depuis longtemps. Le mixé-zoquéen ancestral sest révélé être la langue probable des Olmèque de la côte du Golfe, tandis que les populations de langue maya étaient vraisemblablement dans les monts Cuchumatanes du Guatemala bien avant 1000 av. J.-C. [23]. (On na cependant pas de preuve que les langues mayas aient été parlées jusquà lépoque postérieure au Livre de Mormon dans les régions des plateaux guatémaltèques méridionaux qui sont le meilleur endroit pour situer les peuplements néphites et lamanites [24].) Mais aucun des groupes linguistiques majeurs ne semble avoir été installé sur le haut Grijalva, en tout cas pas avant une époque avancée de notre ère. Cette zone intermédiaire semble avoir été une frontière linguistique. Le peuple de Zarahemla était entré dans la région venant de la côte du Golfe en passant par des terres occupées depuis des siècles par des populations de langue zoqué. Il est vraisemblable que ses sujets locaux parlaient, à lépoque de Mosiah, une langue semblable au zoquéen. Mosiah et son groupe, venant de la direction opposée, étaient parmi les premiers dune longue série de groupes qui, au cours du millénaire suivant, sont peu à peu descendus du Guatemala dans cette vallée. La séquence archéologique à Santa Rosa est intéressante en fonction de ce que dit le Livre de Mormon, bien que les découvertes resteront toujours incomplètes parce que le site est maintenant inondé. De grandes constructions publiques sous la forme de ce qui semble avoir été des tumulus de fondation de « temples » ou de « palais » ont commencé à petite échelle vers 300 av. J.-C. [25]. Cela coïncide avec laugmentation de population qui a créé la « ville » de Zarahemla que le groupe de Mosiah allait rencontrer quelques générations plus tard. Lendroit na pas dépassé la taille dune localité modeste au cours de lépoque où Mosiah, Benjamin, son fils, et Mosiah II ont régné. Vers 100 av. J.-C., on constate une accélération dans la prospérité de la ville et un grand nombre dédifices publics importants sont érigés. Cet état de choses continuera pendant un siècle environ [26]. À lexception du site de Chiapa de Corzo, loin en aval, Santa Rosa va devenir la « ville » la plus grande et la plus importante du bassin du Grijalva juste au moment où le Livre de Mormon nous montre que Zarahemla devient un centre régional.
Un fait remarquable relatif à la forme qua prise ce peuplement a été dégagé dans les fouilles effectuées par la New World Archaeological Foundation. Larchéologue Donald Brockington, qui a participé aux fouilles dune partie du plus grand tumulus en forme de pyramide au centre de Santa Rosa, a constaté que dans cette structure, construite au cours du premier siècle av. J.-C., une couche de gravier avait été déposée, qui avait ensuite été stuquée pour constituer le socle sur lequel on avait poursuivi la construction du tumulus. Le gravier de base était de deux espèces tout à fait différentes et avait, de toute évidence, été apporté là de deux sources. La ligne séparant les deux types de gravier était méticuleusement droite et orientée approximativement dans un sens est-ouest, divisant la structure exactement en deux. En outre, les habitants du site vivaient dans deux zones de forme ovale séparées lune de lautre par une zone cérémonielle orientée le long de cette même ligne. Brockington en a conclu que le gravier avait été déposé par deux groupes sociaux (et peut-être linguistiques) distincts, qui occupaient le site et qui semblaient avoir établi entre eux des relations définies par des dispositions rituelles et politiques officielles [27]. Se peut-il que ces deux groupes aient été le peuple de Zarahemla et le peuple de Néphi ? Mosiah 25:4 soutient cette possibilité : « Et maintenant, tout le peuple de Néphi était assemblé, et aussi tout le peuple de Zarahemla, et ils étaient assemblés en deux groupes. » En outre, les « Églises » quAlma a organisées (Alma 25:19-21) étaient probablement basées sur des unités ethniques/résidentielles. Si deux peuples distincts ont effectivement vécu dans des sections séparées à lintérieur de la ville, ces dispositions correspondraient aux pratiques mésoaméricaine postérieures [28].
On trouve dautres informations sur lampleur et le peuplement de Zarahemla dans lhistoire de la réunion cérémonielle de la population convoquée par Benjamin, fils de Mosiah. Benjamin fait un certain jour savoir à son peuple quil doit se rendre au temple le lendemain (Mosiah 1:10, 18 ; comparez avec 3 Néphi 17:3; 19:1-3). Si lon estime le temps quil faudrait pour envoyer des messagers et rassembler la foule, il est peu probable quil y en ait qui soient venus dune distance supérieure à 30 kilomètres. (Cétait encore à peu près létendue du pays immédiat de Zarahemla plus tard au moment de la bataille amlicite.) Le nombre de personnes qui ont assisté à lassemblée de Benjamin était un peu plus grand que ce qui pouvait être reçu « dans les murs du temple », et vraisemblablement lesplanade ou cour sacrée (Mosiah 2:7). Au départ, le roi avait supposé que lendroit serait suffisamment grand pour recevoir la foule, de sorte quil pourrait lui parler directement, mais le groupe est avéré trop grand pour écouter le vieux souverain. (À lâge de 70 ans, John Wesley pouvait prêcher en plein air à 20 000 personnes en Angleterre, ce qui permet de penser que le nombre des personnes assemblées à Zarahemla était peut-être un peu plus grand.) Létendue du pays plus le nombre de personnes assemblées donne à penser quà lépoque de Benjamin, vers 125 av. J.-C., la population centrée sur Zarahemla était de lordre de 25 000 âmes, dont beaucoup habitaient dans des villages près de la zone de peuplement, particulièrement le long du fleuve.
Une zone de peuplement aussi petite pourrait-elle raisonnablement être qualifiée de ville ? Étant donné que ce que nous appelons maintenant ville est constitué de régions urbaines contenant des millions dhabitants, nous nous attendrons peut-être à ce que les centres dautrefois soient plus grands quils ne létaient en réalité. Le terme ville semble avoir eu une signification précise et officielle chez les Néphites et nétait pas directement lié au nombre dhabitants dune zone de peuplement. Lhistoire dAlma et de son groupe nous le montre bien. Ils nétaient que 450 environ (Mosiah 18:35) quand ils senfuirent dans le désert pour échapper au roi Noé. Ils arrivèrent dans une vallée qui, de toute évidence, nétait pas occupée à lépoque ; ils sy arrêtèrent et lui donnèrent le nom dHélam. Les nouveaux venus « commencèrent à cultiver le sol, et commencèrent à construire des bâtiments » (verset 5). Ensuite, une fois que les activités pionnières de base furent terminées, « ils construisirent une ville quils appelèrent la ville dHélam » (versets 19-20). Nous avons ici la fondation volontaire dune ville instantanée. Sa création était autre chose que le simple fait de peupler la vallée. Il na pas pu se passer plus dune décennie entre leur arrivée et la fondation de ce qui fut appelé la ville, de sorte quils nétaient toujours que quelques centaines. De plus, le fait de fonder la ville na pas ajouté à la population ; les seuls habitants étaient ceux qui étaient déjà là. Étant donné quune grande population naurait pas pu être la raison pour laquelle lendroit a été qualifié de ville, que signifiait le terme ?
Cette question de savoir ce qui constitue une ville tourmente également les experts. Dans une controverse récente entre deux anthropologues, le Dr Smith conteste la définition du mot ville donnée par le Dr Crumley. Si lon utilise ce terme, prétend-il, il faudrait qualifier le site de San Jose Mogote, dans létat dOaxaca (Mexique), de ville dès la période de 1300 à 800 av. J.-C., ce qui, selon Smith, ne va pas du tout. Crumley répond que, selon sa définition, San Jose Mogote aurait effectivement été une ville comparable, dans sa fonction, aux villes antiques dont les populations étaient aussi peu importantes, mais dont beaucoup conviennent quelles doivent être qualifiées de villes. (Soit dit entre parenthèses, San Jose Mogote savère être le site archéologique le plus impressionnant de cette période dans la vallée dOaxaca, que je considère être probablement le pays de Moron des Jarédites. Le récit jarédite ne parle nulle part dune ville de Moron, de sorte que le point de vue de Smith et celui de Crumley conviennent tous deux dans le cas du Livre de Mormon.)
Le mot hébreu traduit par « ville » avait la signification fondamentale de « centre de temple ». Des études récentes ont montré que les centres américains antiques étaient soigneusement disposés de telle sorte que les édifices et les monuments de pierre étaient alignés sur les points où le soleil et la lune se levaient et se couchaient lors des solstices et des équinoxes et ils étaient également orientés vers des repères bien visibles du paysage [29]. Cétait également une pratique établie de longue date dans le Vieux Monde. (Voir note 8.) Il est maintenant clair quun centre de temple officiel devait être délibérément planifié, pas créé simplement au petit bonheur (choix dû au hasard ou accident historique). La religion ou une vision du monde était certainement au cur de la fondation des « villes ». Le groupe dAlma a pris naissance à cause de ses croyances religieuses. Alma avait précédemment été prêtre sous le roi Noé et a servi ensuite son propre groupe en tant que prêtre (voir Mosiah 17:1-2). Étant lun des prêtres du roi Noé, il avait vraisemblablement participé à la planification des « tours » ou tumulus pyramidaux de temples que le roi avait érigés (Mosiah 11:12-13). Lorsque la ville dHélam fut construite sous la direction dAlma, les constructeurs ont du être guidés par les fondements de la pratique religieuse néphite. Nous pouvons être raisonnablement sûrs que leur ville et toutes les autres villes néphites méritait partiellement le titre par le fait quelle possédait une enceinte cérémonielle centrée sur un temple officiellement consacré, qui annonçait que la collectivité était une entité politique importante. Une ville, selon la terminologie du Livre de Mormon, devait avoir un certain statut dautorité, mais elle ne devait pas nécessairement devenir une métropole ni même contenir un nombre donné dhabitants.
Lhistoire dHélam nous apprend aussi quelque chose sur la forme des peuplements. Un groupe armé de Lamanites poursuivit le peuple de Limhi lorsque celui-ci senfuit du pays de Néphi, onze ans après le départ du groupe dAlma. Les poursuivants se perdirent et tombèrent par hasard sur Hélam. Le peuple dAlma, « au pays dHélam, oui, dans la ville dHélam, tandis quil cultivait le pays alentour » vit les forces lamanites entrer dans sa vallée. « Les frères dAlma senfuirent de leurs champs, et se rassemblèrent dans la ville dHélam » (Mosiah 23:25-26). Notez la formulation bizarre ; elle semble confondre « pays » et « ville ». Elle a lair de dire que les champs étaient dans la ville, de sorte que la ville naurait pas été peuplée de manière compacte. Ensuite, mise en état dalerte, la population courut rejoindre son chef religieux « dans la ville », ce qui doit maintenant désigner lenceinte cérémonielle. Cest probablement dans le centre sacré quil lui parla, parce quen tant que grand prêtre, il lui donna immédiatement des conseils spirituels et pria en sa faveur (versets 27-28).
La forme de peuplement que lon voit à Hélam ressemble à ce que nous savons être caractéristique de beaucoup de centres cérémoniels du sud de la Mésoamérique, particulièrement sur les hauteurs guatémaltèques où Hélam se trouvait. Lunité de peuplement mésoaméricaine qui correspond logiquement à ce que le Livre de Mormon appelle un « pays » (centré sur une seule ville) consistait en la région habitée par toute la population qui se rassemblait, pour le culte, le commerce et ladministration civile, dans un centre de temple central. Nous savons que dans la région des plaines mayas, létendue habituelle dun pays local correspondait à une journée de voyage aller ou retour par rapport au centre et léchelle était probablement essentiellement la même ailleurs. (Cette étendue dun seul jour saccorde avec ce que nous avons vu dans le cas de lassemblée de Benjamin à Zarahemla.) Les champs étaient souvent parsemés de maisons et un nombre considérable de résidents permanents dans le centre même étaient des fonctionnaires religieux [30]. Le type de peuplement que lon trouve à Hélam est clairement conforme à cette pratique mésoaméricaine.
Ce que nous avons vu concernant la population de la Zarahemla de Benjamin nous avertit que lendroit nétait pas un grand centre de population, bien quelle ait été de bonne taille pour lépoque. Cétait le centre politico-religieux clef dune région contenant quelques dizaines de milliers de personnes ; il ny a cependant aucune indication à lépoque de Mosiah 1er ou de son fils Benjamin (vers 225-125 av. J.-C.) que cétait un centre administratif contrôlant des villes secondaires. Santa Rosa avait, à lépoque, les mêmes caractéristiques.
Puisque nous avons fait allusion à la grande assemblée du roi Benjamin, le moment est peut-être venu de poser une question spéciale sur la culture. Les sujets de Benjamin qui se réunirent pour lécouter « dressèrent leurs tentes autour du temple, chaque homme ayant la porte de sa tente tournée vers le temple, afin de pouvoir rester dans leurs tentes et entendre les paroles que le roi Benjamin leur dirait » (Mosiah 2:6). En quoi consistait une « tente » néphite ? La foule était-elle assise dans de longs abris comme les Arabes ? Le terme tente est utilisé 64 fois dans le Livre de Mormon, de sorte que la question mérite quon sy arrête.
Les traducteurs bibliques ont habituellement rendu la racine hébraïque hl par le mot « tente » ; le mot a cependant un large éventail de significations possibles. Il désignait parfois des tentes au sens plein du terme comme celles utilisées par les nomades du désert de lAsie du sud-ouest ; mais pour des semi-nomades comme Abraham, Isaac et Jacob, le terme pouvait également signifier « hutte » aussi bien que « tente » [31]. Dans lusage ultérieur, lorsque les Israélites sont devenus sédentaires, habitants de villages ou de villes, ces significations ont connu une extension supplémentaire. Par exemple, dans Psaumes 132:3 et Proverbes 7:17, le mot apparenté ohel signifie « baldaquin (au-dessus dun lit) », tandis que dans le Nouveau Testament, Jean 1:4 dit littéralement « il a planté sa tente parmi nous » pour communiquer la pensée « il a vécu parmi nous ». Dans un récit hittite, le Dieu Elkunirsha vit dans une « tente » faite en bois [32]. Dans les écrits du sud de lArabie de lépoque de Léhi et aussi en arabe classique, des langues étroitement apparentées à lhébreu, la racine désignait la « famille » ou la « tribu » aussi bien quune tente. Dans la langue sémitique apparentée des Babyloniens, un mot de la même racine signifiait « ville », « village », « domaine », « unité sociale » et faisait même partie du mot désignant un lit. Un équivalent égyptien pouvait se lire « hutte, tente en poil de chameau, camp [33] ». De plus, Hugh Nibley nous rappelle que « dans tout le monde antique la population devait passer dans des tentes la période de la grande fête nationale du Nouvel An [34] ». Mais pour cette occasion, les Israélites en sont venus à utiliser des cabanes de fortune faites de branchages, étant donné que de moins en moins de ceux dentre eux qui étaient citadins possédaient de véritables tentes. Les Néphites, bien entendu, vivaient habituellement dans des bâtiments permanents (voir, par exemple, Mosiah 6:3). Les fidèles dAlma « dressèrent leurs tentes » après sêtre enfuis à Hélam, mais ensuite ils « commencèrent à construire des bâtiments » (Mosiah 23:5). Les forces militaires en mouvement sont décrites comme utilisant des tentes (Alma 51:32, 34 ; 58:25), mais il est presque incroyable que larmée lamanite tout entière mentionnée dans Alma 51 ait porté des tentes repliables sur le dos à travers un territoire tropical à des centaines de kilomètres du pays de Néphi. Il est beaucoup plus vraisemblable quils érigeaient des abris de broussailles ou dautres matériaux quils pouvaient trouver dans le voisinage, en donnant à ces abris ou à dautres abris temporaires le nom traditionnel désignant la tente. Dans certains endroits de la Mésoamérique, les cultivateurs se font encore des abris simples de broussailles quand ils passent la nuit dans leurs champs au moment le plus occupé de la saison de travail, et, à lépoque de la conquête espagnole, Bernal Diaz a signalé que les soldats de leurs alliés indiens « construisent leurs huttes » quand ils sont en campagne [35]. Donc, quand nous lisons que les sujets de Benjamin étaient assis dans leurs tentes à écouter son sermon, nous devons nous dire quils se trouvaient peut-être dans des abris passablement différents de ce qui nous vient à lesprit lorsque nous entendons le mot « tente ».
DISSIDENTS
Nous lisons quà partir de lépoque de Benjamin, il y eut, parmi les Néphites, des « querelles » et des « dissidences » (Paroles de Mormon v. 16). Cette agitation sociale continua à un haut niveau au cours du siècle et demi qui suivit. On ne nous en donne jamais clairement les causes, mais les résultats sont évidents : les mécontents ou bien essayaient de remodeler fondamentalement la société néphite (voir, par exemple, Alma 2:2-4; 3 Néphi 7:2, 6-7), ou alors ils sen allaient pour essayer de réaliser leurs objectifs ailleurs (comme dans Alma 46:4-6, 10, 29; 3 Néphi 7:12-13). On peut distinguer deux causes probables à ces problèmes. Lune delles était linsuffisance de terres cultivables. Nous lisons dans un cas : « Il y en avait un grand nombre qui désiraient posséder le pays de leur héritage [celui que leurs pères avaient possédé autrefois] » qui était le pays de Néphi (Omni v. 27). On peut y voir le résultat dune insuffisance de terres désirables à Zarahemla. Un incident qui se produisit ultérieurement est plus clair. Dans les pays côtiers de Morianton et de Léhi, une « vive querelle » se produisit à propos de terres que lon se disputait. Des groupes prirent la direction du pays situé du côté du nord, où ils pensaient quil y avait des terres en plus grande abondance (Alma 50:25-26, 29). Les émigrations à grande échelle qui se produisirent un peu plus tard, lorsque la population eut encore augmenté, étaient clairement motivées par le désir de nouvelles terres à peupler (Alma 63:4 ; Hélaman 3:3-12).
Les luttes pour le pouvoir causèrent encore plus de dissensions que les terres. Alma 51 raconte une histoire bien connue que nous lisons à beaucoup dautres endroits : « Or, ceux qui étaient en faveur des rois étaient des gens de haute naissance, et ils cherchaient à être rois; et ils étaient soutenus par ceux qui cherchaient le pouvoir et lautorité sur le peuple » (v. 8). Plus tard, Giddianhi, chef de la « bande secrète » de perturbateurs, révèle dans une lettre au chef néphite Lachonéus ce que ses dissidents recherchent : « Jespère que vous livrerez vos terres et vos possessions sans effusion de sang, afin que ce peuple qui est le mien, qui a fait dissidence à cause de la méchanceté que vous avez manifestée en lui refusant ses droits au gouvernement, puisse recouvrer ses droits et son gouvernement » (3 Néphi 3:10). Il ne sagit pas ici dune querelle pour des terres uniquement, « de quoi subsister » (3 Néphi 6:3), ni même de biens matériels seulement, mais de pouvoir. Il est question maintenant de « droits », parce quils sont considérés comme des moyens dobtenir le pouvoir. Ce thème ne cesse de revenir dans cette partie du Livre de Mormon [36]. Certains des dissidents étaient sans aucun doute de simples aventuriers (comme le « roi » Jacob, 3 Néphi 7:9-10), mais dautres ont pu être des descendants légitimes du vieux chef Zarahemla, dont la lignée avait été perdante dans le transfert de pouvoir lorsque Mosiah était devenu roi. Ensuite, à lépoque des juges, lorsque la monarchie eut été complètement abolie, divers descendants des anciens rois, Mosiah, Benjamin et Mosiah le Jeune, estimèrent vraisemblablement que leurs origines nobles leur donnaient droit à des privilèges spéciaux.
Le droit de gouverner était le sujet de querelle principal dans les affaires néphites. Giddianhi, le brigand, en est un exemple, comme le montre son insistance insolente auprès de Lachonéus, gouverneur néphite, que les « droits du gouvernement » avaient été injustement enlevés à ceux qui lui étaient loyaux (3 Néphi 3:10). Le thème est constamment répété : le dissident Ammoron se plaint de ce que Néphi a dépouillé ses frères de « leur droit au gouvernement, alors quil leur appartenait de droit » (Alma 54:17) ; les guerres menées par les dissidents parmi les Néphites et les Lamanites avaient pour but dassujettir les Néphites à leur autorité (voir Alma 54:20) ; Amalickiah désirait devenir roi et lui et ses partisans voulaient le pouvoir (voir Alma 46:4) ; la bande de Gadianton désirait « des postes de pouvoir et dautorité parmi le peuple » (Hélaman 2:5) ; Moroni étaient furieux contre les rebelles « qui ont le désir dusurper le pouvoir et lautorité » (Alma 62:27) ; la société secrète obtint « la direction exclusive du gouvernement » (Hélaman 6:39).
Ces dominateurs étaient censés détenir lautorité en vertu de leur situation comme chefs des principales lignées. En fin de compte, ces traditions venaient, bien entendu, du Vieux Monde, mais le Néphi originel fut le premier à suivre la pratique dans la terre promise américaine, lorsquil accepta la demande de son peuple dêtre son roi (2 Néphi 5:18). Avant sa mort, il oignit son successeur. Par la suite, chacun des rois porta le titre « Néphi » ( Jacob 1:11). La lignée fondée par le Néphi originel continua de détenir la charte et les emblèmes sacrés du gouvernement sur les descendants de Léhi, ce qui est précisément la raison pour laquelle les rivaux essayèrent dexterminer la lignée. La lignée néphite resta puissante jusquau 4e siècle apr. J.-C., lorsque Mormon en devint le dernier chef (Mormon 1:5; 2:1-2). Selon toute vraisemblance, il était laîné des hommes de la branche aînée de la lignée, sinon il naurait pas été installé aussi facilement, à lâge de quinze ans, au poste de direction crucial des armées de son groupe, indépendamment des qualités charismatiques quil apportait à la fonction.
Les ambitieux ne recherchaient pas le pouvoir uniquement pour le pouvoir. Cétait le moyen daccéder à des satisfactions plus terre à terre : Giddianhi était au moins aussi préoccupé de « possessions » et de « tous [ses] biens » que de « droits » et de souveraineté (3 Néphi 3:2-12) ; le groupe secret dirigé par Gadianton et ses successeurs était constitué de « brigands » et de « pillards » (Hélaman 2:10; 6:18) qui « mett[aient] leur cur dans leurs richesses » (Hélaman 6:17); laccusation que les prêtres « se gorg[eaient] des travaux » du peuple (Alma 30:27-28, 31-32) nétait pas sans justification, comme nous lavons vu; en outre, que les élites de la société « possédaient » des villes, des terres, des troupeaux et des populations (Alma 8:7; 52:13 et suiv.; comparez avec 51:8, 20; 53:2) et ainsi de suite. Tout ceci concorde, point par point, avec notre tableau de la souveraineté mésoaméricaine, par exemple, celle des caciques cuicatèques ou chefs locaux du Mexique central [37].
Les peuples mésoaméricains mélangeaient de manière inextricable ce que nous considérons comme deux aspects distincts de la vie : « la religion » et « la politique ». La religion était intimement liée à la totalité de la vie, y compris « les querelles » entre les groupes du Livre de Mormon. Alma le Jeune, à son époque, nétait pas simplement un incroyant, mais un « idolâtre » instruit et beau parleur (Mosiah 27:8). Il ne se contentait pas dinciter les gens à quitter léglise de son père pour devenir incroyants, il les entraînait dans un culte concurrent. Dautres personnages religieux sopposèrent aussi aux prophètes, notamment Shérem, Korihor et Amulon et ses prêtres. Chose caractéristique, ils utilisaient des questions de religion pour sassurer des partisans qui les rendraient puissants, quil y eût ou non des divergences sincères dans leurs idées religieuses. On nous parle dune manière particulièrement détaillée dun groupe dissident dorigine non précisée, les Amalékites, qui vivaient parmi les Lamanites au pays de Néphi. Ils croyaient en Dieu, avaient des « synagogues », étaient membres de « lordre (sacerdotal) de Néhor » et étaient des gens instruits (Alma chapitres 21-24). Il ny eut jamais quun membre de ce groupe qui fut converti par les missionnaires néphites. Il y avait, de toute évidence, des différences de croyances fortes et fondamentales qui les séparaient des Néphites orthodoxes, bien quils semblent avoir eu leur propre orthodoxie (Alma 21:5-6). Dautres groupes encore se rebellaient contre lÉvangile et lordre cérémoniel purs et simples enseignés par Benjamin (Paroles de Mormon v. 17) et les exigences tout aussi rigoureuses fixées par Alma (Mosiah 26:1-6), notamment les célèbres Zoramites (Alma 31:8-25).
Aussi limitées que soient nos données sur lorganisation de la religion mésoaméricaine, nous nen sommes pas moins capables dy trouver les mêmes problèmes que ceux qui apparaissent dans le Livre de Mormon. Quand un peuple mésoaméricain était conquis, cela signifiait habituellement deux choses : que les impôts étaient payés aux nouveaux percepteurs et quun nouvel ensemble de pratiques religieuses était imposé à la population assujettie (comparer avec Alma 24:11; Moroni 1:3). Tant que lon se pliait aux nouvelles exigences rituelles, on pouvait conserver les vieilles façons de faire. Les gouvernants pouvaient être extrêmement durs à légard des idées religieuses opposées, pas tellement pour des questions de doctrine ou de pratique, mais à cause du pouvoir politique qui était validé par la religion. Le fait que les visages et les symboles figurant sur les monuments de pierre des cultures anciennes ont été si souvent écrasés montre le lien. Un savant a dit : « Comment savons-nous que [la religion mésoaméricaine] navait pas des branches semblables, disons, au catholicisme, au protestantisme ou à dautres religions chrétiennes ? Dans ce cas, il ne serait pas extraordinaire du tout que lon ait détruit les monuments ayant une connotation religieuse [38]. » Le lien entre les questions religieuses et les questions politiques est illustré dans le Livre de Mormon dans Alma 43:47, 44:7, 46:7-24 et Mormon 8:7-10, par exemple. Nous voyons donc que les dissensions sur des questions de croyance, aussi bien que les conflits concernant le droit de gouverner, avec, pour résultat, des guerres dévastatrices, étaient un mécanisme qui était commun aux cultures mésoaméricaines [39] et aux populations du Livre de Mormon.
Notre examen des sources de dissidence nous ramène aux détails géographiques dune des histoires principales du Livre de Mormon. Un groupe conduit par Zénif sapproche du pays de Néphi pour « posséder le pays » (Mosiah 9:3). Litinéraire quil emprunte a été et sera utilisé par de nombreux autres groupes avant et après. De Zarahemla il menait aussi rapidement que possible hors de la dépression chaude et humide le long du fleuve Sidon vers Gédéon, une vallée dans les montagnes. Cet itinéraire préféré traversait Gédéon (Alma 17:1) en direction du sud en passant devant Manti. (Mais rien ne dit que les voyageurs traversaient la ville de Manti proprement dite.) Ensuite, il montait de nouveau pour traverser les montagnes de la bande de désert. Mais il y avait plus dun chemin que lon pouvait suivre et certains itinéraires étaient plus ardus que dautres (Alma 17:7-9, puis 5; Mosiah 7:4). Au-delà de la bande de désert la plus difficile à travers les plateaux de Néphi jusquà la ville de Léhi-Néphi, le chemin était encore accidenté et les groupes pouvaient se perdre (Mosiah 23:30).
Quand nous examinons la géographie mésoaméricaine entre le Chiapas central et la vallée du Guatemala, il sen dégage un tableau parallèle à ce que nous venons de décrire. Les mouvements vers lamont et vers laval près du grand fleuve ont toujours été limités par un terrain difficile, en particulier par la présence daffluents du Grijalva qui ont découpé des gorges difficiles à traverser. Des falaises près du fleuve et de petites collines sur le sol de la vallée compliquent encore plus la route. Le chemin de loin le plus courant pour contourner ces obstacles est de monter et de traverser les plateaux du Chiapas. Les voyageurs avancent plus vite dans ces vallées plates et plus fraîches que traverse aujourdhui lautoroute inter-américaine. Il y a de bonnes raisons de penser que les déplacements des groupes du Livre de Mormon passant par Gédéon ont suivi le même chemin. La route néphite partait de la vallée de Gédéon et redescendait vers le pays de Manti le long du fleuve (Alma 17:1), comme lautoroute daujourdhui et comme le camino real de la période coloniale espagnole. Les deux routes traversaient la vallée de Comitan (vraisemblablement Gédéon) et descendaient la vallée à la tête du fleuve Grijalva, correspondant à la région de Manti. À partir de cet endroit, le chemin traditionnel montait par la partie la plus facile à traverser du massif ou plateau des Cuchumatanes. La surface en était de nouveau relativement plate et le climat et lapprovisionnement en eau étaient bien plus désirables que sur les autres itinéraires traversant les gorges arides et étroites des rivières (où les missionnaires ont pu aller Alma 17:5). Une fois à lintérieur du Guatemala, les voyageurs expérimentés sen tenaient à quelques itinéraires bien connus où lon était sûr de trouver des points deau. Les voyages dans ces hautes terres étaient particulièrement délicats parce que les cours deau découpent des gouffres abrupts. McBryde décrit le problème de manière frappante : « Les canyons immensément profonds sont souvent tellement à pic que le voyageur non averti risque de tomber dessus tout à fait à limproviste. Les bâtiments blancs dun village, luisants sous le soleil éclatant au-delà des sapins, peuvent donner limpression de ne se trouver quà deux ou trois kilomètres, apparemment juste devant soi. Pourtant, 100 mètres plus loin on constatera que les arbres les plus proches se trouvent au bord dun abîme étroit [40]. » Par conséquent, les déplacements dans les hautes terres du Guatemala/Néphi doivent se limiter à quelques itinéraires sûrs, sinon le voyageur aura des ennuis (Mosiah 23:30, 35). Dans toute la région, les pistes ont tendance à se cantonner aux élévations ondoyantes les moins touchées par lérosion ; la route principale suit toujours de près la ligne de partage des eaux.
AUTRES DETAILS SUR NEPHI
Juste au nord-ouest de la vallée du Guatemala se trouve une colline bien visible mais en pente douce sélevant de quelques centaines de mètres au-dessus de la gorge qui se trouve juste à côté. Cette élévation se situe dans une position telle que quiconque venant du nord-ouest sy rendra tout droit pour avoir une vue sur la vallée. Au sommet de cette colline se trouvent les vestiges dun site archéologique, dont un édifice en forme de pyramide, appelé Alux par larchéologue Edwin Shook, le premier à le signaler [41]. Aucune étude des ruines na été faite, de sorte quon ne peut pas donner de date pour sa construction ; mais si elle est comme beaucoup dautres sites de la région, il savérera quelle a été utilisée pendant un temps prolongé, probablement à partir de la période préclassique tardive (derniers siècles av. J.-C.), cest-à-dire quand le roi Noé « fit construire une grande tour sur la colline au nord du pays de Shilom » (Mosiah 11:13). La construction découverte par Shook est parfaitement placée pour avoir pu être cette tour même. Ammon et son groupe sarrêtèrent aussi à cet endroit pour jeter un coup dil avant de descendre vers la ville de Léhi-Néphi (Mosiah 7:5, 16).
Dans la vallée du Guatemala, les distances et la topographie correspondent de manière frappante aux détails géographiques du Livre de Mormon. Le pays de Néphi, au sens étroit du terme, a dû consister en létage supérieur de la vallée occupé aujourdhui par Guatemala City et ses faubourgs (voir carte 6). Il était centré sur la ville tentaculaire antique que les archéologues ont appelée Kaminaljuyu (« collines des morts »). Les quinze kilomètres carrés de la vallée supérieure se trouvent à une hauteur allant de 1400 à 1600 mètres. Le pays de Shilom, niveau inférieur de la vallée, devait se trouver entre le sinueux Rio Villalobos et le côté nord du lac Amatitlan. San Antonio Frutal, le deuxième plus grand site de la vallée, se trouve dans cette zone plate à une hauteur de 1300 mètres. Les « tumulus énormes » que lon y trouve datent partiellement des temps av. J.-C., bien que les vestiges les plus importants datent du début du classique, vers la fin de lépoque du Livre de Mormon [42]. Elle occupe une situation par rapport à la ville de Néphi, à onze ou douze kilomètres de là, qui correspond impeccablement à ce que dit le Livre de Mormon au sujet de ces deux localités. Cette région de Shilom est à peu près de moitié aussi étendue que la partie de la vallée où se trouve Néphi. La colline dont nous avons parlé précédemment se trouvait vers le nord-ouest (selon notre façon de nous orienter aujourdhui) par rapport à San Antonio Frutal ; le Livre de Mormon (Mosiah 7:16) appelle cette direction le « nord ».
Un pays local tout à fait différent, cétait Shemlon. La région dAmatitlan répond aux conditions requises pour être cet endroit autour de la ville moderne de ce nom et le bord sud voisin du lac Amatitlan. Elle se trouve 500 mètres plus bas que Néphi et est nettement plus bas que notre pays de Shilom. La région de Shilom se termine par une falaise abrupte au pied de laquelle se trouve le grand lac Amatitlan, qui a une longueur denviron 10 kilomètres. Sa rive sud est peuplée depuis des millénaires. Trois sites au moins remontent à lépoque zénifite/lamanite et il y en a probablement dautres dans le voisinage. Géographiquement et culturellement parlant, la région dAmatitlan était étroitement liée à la région des contreforts, une vingtaine de kilomètres plus bas vers la côte. Là, un certain nombre de sites remontant aux premiers siècles av. J.-C. attestent dune population substantielle, probablement de « Lamanites », dont les vestiges suggèrent, pour des raisons de style, quils descendaient de survivants olmèques. Cest une chose à laquelle on pourrait tout à fait sattendre si lon tient compte de ce qui a été dit précédemment à propos des Lamanites de la côte, que Néphi et son groupe avaient laissés derrière eux. Plus tard, les souverains lamanites montèrent, eux aussi, en terrain plus élevé derrière les Néphites, où Shemlon devint leur bastion, mais ce pays était lié géographiquement et culturellement aux régions des plaines fréquentées par des populations plus anciennes.
Il est clair que Shemlon était la base lamanite à lépoque de Zénif, de Noé et de Limhi ; les attaques menées contre les Zénifites gouvernés par ces hommes venaient toujours de Shemlon ou passaient par là. Quand il accueillit Zénif et son peuple à leur arrivée de Zarahemla, le roi lamanite était disposé à faire partir ses propres colons de Néphi et de Shilom et à les ramener à Shemlon dans lespoir dexploiter les Néphites revenus au pays (Mosiah 9:6-7, 10, 12) ; mais les conflits se révélèrent inévitables. La première escarmouche entre les deux groupes se produisit quand les Lamanites attaquèrent certains du peuple de Zénif « qui abreuvait et paissait ses troupeaux, et cultivait ses terres... au sud du pays de Shilom » (verset 14). Les Lamanites montèrent (voir Mosiah 10:6) de Shemlon. Par la suite, Zénif, sattendant à une nouvelle attaque, mit des sentinelles à la frontière Shemlon/Shilom. En temps voulu, les Lamanites revinrent, mais cette fois-ci, ils nessayèrent pas de traverser Shilom en se dirigeant vers Néphi. Au lieu de cela, « ils montèrent sur le nord du pays de Shilom » (verset 8), dans lespoir de contourner Shilom par louest, de déborder les sentinelles zénifites et de frapper Néphi à limproviste. Zénif et ses hommes savaient que quelque chose se tramait, ayant été alertés par les guetteurs quils avaient posté à des endroits dominant Shemlon. Quand ils découvrirent la marche de lennemi, ils « mont[èrent] » sur les collines et combattirent les Lamanites au nord de Shilom avant que les attaquants aient pu faire le tour et descendre dans Néphi proprement dit (Mosiah 10:10).
Si nous supposons que la ville de Léhi/Néphi était Kaminaljuyu, dans la Guatemala City actuelle, les détails géographiques de tous ces événements sadaptent parfaitement. Shemlon serait laccès, par le bord du lac, à la vallée du Guatemala, par laquelle les forces venant de la région verdoyante des contreforts ont dû approcher de la ville. Lattrait de Shemlon pour les élites lamanites était sans doute dû à son climat, nettement plus chaud quà Kaminaljuyu (500 mètres plus haut), sans être aussi étouffant que les plaines voisines, la vieille base lamanite. La frontière entre Shilom et Shemlon était de toute évidence la falaise abrupte surplombant le lac et la sinueuse rivière Villalobos. Près de la rivière, les braconniers lamanites pouvaient avoir aisément accès aux troupeaux néphites, tandis que la falaise devait être un endroit idéal pour les sentinelles de Zénif. Le terrain montueux au « nord de Shilom », où les forces lamanites essayèrent de déborder les défenseurs néphites, est exactement ce que lhistoire requiert. La cohérence de la géographie peut être vérifiée sur la carte 8.
Avec ce cadre géographique, nous pouvons également voir comment le roi Noé a pu se tenir sur la tour-pyramide quil avait construite à la ville de Néphi et avoir une vue de Shilom, de Shemlon et des régions environnantes (Mosiah 11:12). Shemlon devait être vaguement visible en contrebas à moins de 30 km de là. Par conséquent, lorsque Gédéon, furieux, pourchassa Noé jusquau sommet de cette tour, ils purent tous les deux apercevoir une armée lamanite montant de Shemlon vers eux (Mosiah 19:5-9).
La mention de la tour de Noé nécessite une explication car, comme pour la tente, le mot pourrait être trompeur pour les lecteurs ayant une culture européenne. Une tour, en Mésoamérique et selon le Livre de Mormon, était beaucoup plus quun édifice vertical du haut duquel on pouvait voir de loin. Les concepts que cela implique remontent à la Mésopotamie et datent sans doute davant 3200 av. J.-C. La « grande tour » dont parle le premier chapitre du livre dÉther était le même édifice dont la destruction est racontée dans Genèse 11 et est appelée habituellement « la tour de Babel », bien que personne ne sache quel est lédifice en ruines qui aurait été celui dont parlaient les Jarédites. Cétait une plate-forme géante avec des côtés en pente et en forme de marches, appelée en babyIonien (akkadien) ziqquratu (ziggourat). On les considérait comme des montagnes artificielles au sommet desquelles la divinité pouvait demeurer ou descendre pour visiter les hommes dans une intimité sacrée [43]. La ziggourat représentait aussi les rapports entre les cieux, la terre et le monde inférieur, car la couche supérieure représentait le plus haut niveau de la création au-dessus de la terre et les autres couches représentaient les cieux multiples auxquels on croyait. Aux environs de 2000 av. J.-C., la tour sacrée de la ville mésopotamienne méridionale dUr avait 25 mètres de haut. Quatorze siècles plus tard, quand Léhi quitta Jérusalem, la célèbre ziggourat de Nebucadnetsar à Babylone avait plus de 80 mètres de haut [44].
Ces édifices massifs avaient une importance à la fois religieuse et politique, comme on peut le voir dans Alma 46:36, 48:1 et 51:20. En ce qui concerne la dimension religieuse, par exemple, le professeur A. Wiercinski a récemment montré que la plus grande ziggourat babylonienne, les pyramides égyptiennes et les deux pyramides de Teotihuacan, au Mexique, contiennent toutes des informations inattendues dans leurs dimensions. Il savère quelles sont une espèce de représentation codée, numérique, des relations de temps et despace du soleil, de la lune et des étoiles et de leur mouvement. Ces « montagnes cosmiques » des anciens semblent avoir été des sortes de modèles mathématiques des dimensions de lunivers [45].
En termes politiques et civiques, la tour-pyramide représentait la grandeur et limportance dune collectivité. En fait, cest la présence de ce genre dédifice qui a sans doute été lélément le plus essentiel dune « ville », comme nous lavons expliqué plus haut. La célèbre pyramide du soleil à Teotihuacan a été érigée jusquà une hauteur de plus de 60 mètres au IIe siècle de notre ère [46], une espèce de publicité spectaculaire désignant la ville comme étant le plus grand centre mésoaméricain de son époque. Par conséquent, les tours de Noé ont dû avoir une grande importance politique pour lui, ses prêtres, son peuple et les Lamanites et cela en plus de leur signification incontestablement sacrée.
À lépoque de lAncien Testament, les Israélites et les nations environnantes construisaient et utilisaient ce genre délévations saintes. Les « hauts lieux » (bamoth) cananéens auxquels les Israélites récidivistes ont eu recours furent sévèrement condamnés par les prophètes (par exemple dans Ézéchiel 43:7). Les archéologues savent maintenant que ces structures étaient des plates-formes de terre ressemblant tout à fait à celles que lon trouve par milliers en Mésoamérique. Dans la pensée israélite, elles représentaient des montagnes ou des collines exactement comme ailleurs au Proche-Orient. On considérait que cétait là-dessus que les pouvoirs célestes étaient particulièrement accessibles ; cétait un point de contact divin, « le nombril de la terre [47] ». Le monde inférieur (qui nétait pas nécessairement conçu comme étant lenfer) était, pensait-on, accessible à ce même « axe du monde ». Les adorateurs de Baal de Canaan croyaient que El, père des dieux, demeurait à Aphaca, un endroit situé sur la côte où une montagne se dresse immédiatement au-dessus dune immense caverne. Ainsi donc, leur grande divinité était non seulement rattachée à la montagne, mais vivait également dans « un environnement aqueux et souterrain [48] ». Voilà qui paraît parfaitement mésoaméricain. On a récemment découvert que la pyramide du soleil à Teotihuacan a été construite au-dessus dune caverne et dune source ayant une importance sacrée évidente [49].
Tout cela peut paraître parfaitement païen, mais le culte sur les hauteurs était orthodoxe en Israël sil était pratiqué correctement. On pense à lexpérience de Moïse sur le Sinaï, ainsi quà la vision de Néphi sur une montagne (1 Néphi 11:1). Le temple dont Ézéchiel a eu la vision était « sur une montagne très élevée » ( Ézéchiel 40-5). Un des noms hébraïques de Dieu était Sur, « montagne » (par exemple, 1 Samuel 2:2 dit littéralement : « Il ny a pas de montagne comme notre Dieu »). Le chapitre 32 de Deutéronome utilise à huit reprises ce nom pour la Divinité [50]. Chez les Néphites, nous constatons, comme nous pouvons nous y attendre, que les montagnes ont une importance sacrée. Néhor fut transporté « sur le sommet de la colline de Manti... entre les cieux et la terre » pour être exécuté (Alma 1:15). Le prophète Néphi monta sur sa tour privée dans son jardin afin, dit-il, « de déverser [s]on âme à [s]on Dieu » (Hélaman 7:10, 14) ; pour lui une tour était un endroit spécial pour prier, et comme le sommet de colline naturel, elle était considérée comme étant « entre le ciel et la terre ». Les Zoramites rendaient aussi le culte dans « un lieu au centre de leur synagogue, un lieu pour se tenir debout, qui dominait de beaucoup la tête » (Alma 31:13) Alma prêcha aux pauvres dentre les Zoramites « sur la colline Onidah » (Alma 32:4). Il est clair que les montagnes naturelles et artificielles avaient une importance semblable dans le Livre de Mormon, au Proche-Orient et en Mésoamérique.
Il peut sembler étrange à des lecteurs modernes, habitués à considérer les flèches étroites et élancées des châteaux et des cathédrales comme des « tours », que les rédacteurs du Livre de Mormon aient qualifié de « tours » des tumulus ou ziggourats massifs. Mais quand les envahisseurs espagnols ont vu les plates-formes des temples mésoaméricains, ils les ont immédiatement appelées torres, « tours [51] », de sorte que ce qui doit être le critère principal est la hauteur et pas la forme.
Notre coup dil sur lenvironnement des Zénifites révèle que non seulement ils occupaient un territoire restreint, mais que leur nombre était également limité. Après tout, si le groupe originel de Zénif avait été très grand, le roi lamanite ne lui aurait jamais permis dentrer sur son territoire (voir Omni vv. 28-29). Les problèmes commencèrent une fois que leur nombre se fut suffisamment accru pour que la menace quils représentaient le mette mal à laise (Mosiah 9:11). Les comptes-rendus sur les pertes nous donnent des indices sur la taille extrêmement réduite de la population. Le nombre des victimes que les Zénifites signalent lors de leur premier combat contre les Lamanites (279 contre 3043 morts ennemis Mosiah 9:18-19) révèlent que mille ou deux mille Zénifites seulement étaient impliqués, bien que de toute évidence leurs adversaires étaient beaucoup plus nombreux. On retrouve à lépoque de Noé la même disparité ou pire encore ; ils se vantaient que « leurs cinquante pouvaient [devaient?] tenir tête à des milliers de Lamanites » (Mosiah 11:19). Lorsque les 450 âmes dAlma senfuirent dans le désert, leur départ diminua les forces armées de Noé, les laissant « petites, ayant été réduites » (Mosiah 19:2). Les défaites ultérieures par les Lamanites réduisirent encore davantage le nombre dhommes armés (Mosiah 21:8-9, 17), de sorte que lorsque Ammon et son groupe arrivèrent de Zarahemla à la recherche de la colonie, cette poignée de personnes était blottie nerveusement dans la ville principale, Léhi/Néphi, osant à peine sortir (versets 18, 23). Finalement, quand le peuple senfuit, le récit donne de nouveau limpression quil était peu nombreux plutôt que de compter par milliers (Mosiah 22:11).
La description de litinéraire que Gédéon propose à Limhi (« passage de derrière » « mur de derrière », « nous contournerons le pays de Shilom » voir Mosiah 22:6, 8) reste trop vague pour nous permettre de le comparer à un chemin bien précis, mais la carte 8 montre un itinéraire raisonnable.
LES EAUX DE MORMON
Alma avait fait partie du gouvernement du roi Noé, mais il se rebella quand il fut ému par la prédication du martyr Abinadi. Poursuivant en privé lenseignement commencé par celui-ci, Alma réunit son propre groupe de croyants. Noé ne voulait pas tolérer la moindre contestation à légard de ses prêtres soutenus par lÉtat, de sorte que les dissidents dAlma durent rester clandestins. Les eaux de Mormon « dans les régions frontières du pays » de Néphi (Mosiah 18:4, 31) étaient leur lieu de rendez-vous. Lendroit devait être suffisamment éloigné de la ville de Néphi pour que les informations sur ce qui se passait ne parviennent pas rapidement à la cour de Noé. Les événements ont montré que Mormon se trouve entre Zarahemla et Néphi. Nous le savons parce que lorsque vint le moment où il dut senfuir, le groupe dAlma se mit en route de Mormon vers Zarahemla avec une bonne avance sur larmée de Noé lancée à sa poursuite. À Mormon, Alma fut informé de lapproche de larmée après quelle se fut mise en route, et cependant le peuple eut encore le temps de faire ses paquets et de séchapper sans encombre dans la direction de Zarahemla (Mosiah 18:34). Il semble que deux jours de voyage ordinaire ou environ un jour et demi sous pression suffisent pour la distance entre Néphi et Mormon.
La situation de Néphi par rapport à Mormon devient plus claire lorsque nous examinons la géographie des plateaux du Guatemala. La ville de Néphi étant à Kaminaljuyu (Guatemala City), la seule étendue deau dans la direction de Zarahemla qui pourrait jouer le rôle des eaux de Mormon était le lac Atitlan. Il mesure environ 14 km sur 6. Il y a deux raisons pour lesquelles un grand lac seulement ferait laffaire pour constituer « les eaux » du Livre de Mormon : (1) il savère que plus tard la même étendue deau allait monter suffisamment pour submerger la ville de Jérusalem (3 Néphi 9:7), centre lamanite construit après le départ dAlma et (2) il était « au loin, touchant les régions frontières de Mormon » (Alma 21:1), ce qui veut dire que les deux endroits étaient séparés dune petite distance. Les distances et les directions qui rattachent Néphi, Mormon et Jérusalem sont appropriées si les deux derniers endroits se trouvaient sur le lac Atitlan. Néphi à Kaminaljuyu serait à environ 65 kilomètres à vol doiseau du lac Atitlan.
Il faut se rappeler léloge lyrique qui a été fait de Mormon pour son « eau pure » (Mosiah 18:5, 30). Le lieu de peuplement suivant choisi par Alma se distinguait de nouveau par son « eau pure » (Mosiah 23:4). Cette expression peut avoir plus de signification que ne pourrait le penser une personne non avertie. En Mésoamérique, leau était un symbole extrêmement puissant. Ce qui venait de lintérieur de la terre était particulièrement sacré. Les hommes descendaient, à des fins cérémonielles, dans des cavernes pour remplir des récipients de ce liquide quils considéraient comme non souillé [52]. La pratique avait trait à la notion de lexistence dune vaste mer deau fraîche sous la surface de la terre. À certains endroits, comme à une montagne/pyramide artificielle, le monde supérieur et le monde den dessous étaient particulièrement accessibles, cette eau avait la capacité de jaillir.
À la plus massive de toutes les pyramides mésoaméricaines, à Cholula, dans létat mexicain de Puebla, les prêtres natifs devant affronter une défaite imminente face aux hommes de Cortez pratiquèrent une ouverture dans le flanc de lédifice, sattendant à ce que de leau en sorte, comme leur croyance les incitait à sy attendre [53]. Le temple de Jérusalem était également considéré comme se trouvant au-dessus dun abîme rempli deau, empêchant le contenu den jaillir. Ézéchiel a eu la vision dune époque où des eaux vives sortiraient den dessous du temple pour arroser une Sion millénaire (Ézéchiel 47:1, 7-9, 12) [54]. Là où elle coulait, des arbres fleuriraient dans les terres arides près de Jérusalem (pensez ici au symbolisme de la « forêt » située à côté des « eaux de Mormon » dans la formule lyrique dAlma).
Lidée des eaux souterraines apparaît fréquemment à dautres endroits de lAncien Testament et, bien entendu, dans tout le Proche-Orient ancien. Les prêtres de Noé dont Alma avait fait partie sintéressaient énormément à linterprétation de lAncien Testament, particulièrement en ce qui concerne les montagnes ; ils interrogèrent Abinadi à ce sujet (Mosiah 12:19-25). Ils avaient construit au moins deux montagnes artificielles [55]. Plus tard, ils usèrent de leur influence pour que Jérusalem, qui devait son nom à la ville sainte du Vieux Monde, soit construite à côté dune étendue deau impressionnante (Alma 21:1-2). De toute évidence, Alma avait été imprégné dans son éducation par cette version du symbolisme sacré. Il ny avait rien de fondamentalement non orthodoxe à ce sujet, car lAncien Testament était déjà rempli de ces idées. Mais il précisait quil fallait que cela soit interprété correctement, de sorte que lorsque son groupe arriva à Hélam, « un pays très beau et très agréable, pays deau pure » (Mosiah 23:4), il est vraisemblable quAlma vit dans cette caractéristique une manifestation de la main de Dieu. Les peuples mésoaméricains auraient été tout à fait daccord, car ils entretenaient ce même complexe didées sur le caractère sacré de leau venant den dessous de la terre.
LE PAYS DHELAM
La région vers laquelle le peuple dAlma senfuit après avoir quitté Mormon doit obligatoirement être située dans la direction générale de Zarahemla, mais une piste parallèle doit aller plus ou moins dans la même direction également. Cela, nous le savons à cause de ce qui se produisit lorsque le peuple du roi Limhi échappa à la domination lamanite onze ans après la fuite dAlma. Limhi voyagea par un autre chemin que le peuple dAlma et arriva à Zarahemla sans lavoir rencontré à Hélam. Néanmoins les Lamanites qui poursuivaient Limhi prirent quelque part une mauvaise direction et perdirent la piste de Limhi (Mosiah 22:16). Les Lamanites rencontrèrent les Amulonites, qui venaient de sinstaller (les anciens prêtres de Noé qui sétaient installés dans le désert), mais même eux ne savaient pas exactement où se trouvait la ville de Léhi/Néphi ! Plus tard, les poursuivants rencontrèrent par hasard le peuple dAlma, mais finalement ce dernier séchappa de nouveau et partit dans la direction de Zarahemla. Une journée de fuite lamena dans une vallée à laquelle il donna le nom dAlma. Averti par le Seigneur quil devait poursuivre rapidement son chemin, il partit de la vallée pour continuer vers Zarahemla. Les Lamanites abandonnèrent la poursuite quand ils arrivèrent à cet endroit-là, certainement parce quils voyaient bien quils entraient dans un territoire qui leur était totalement étranger (Mosiah 24:20-24).
La carte 9 montre un emplacement plausible pour Hélam par rapport aux autres endroits mentionnés dans le récit. Les montées et les descentes, « les eaux », les itinéraires bien connus et même la présence ou labsence de vestiges archéologiques aux bons endroits au bon moment, tout correspond. La disposition géographique qui semble la plus logique situe Hélam dans la vallée bien arrosée du Rio Blanco et la vallée dAlma autour de Huehuetenango. Au-delà de ce point, les voyageurs se dirigeant vers le nord et vers louest, comme larmée lamanite pourchassant Alma, traversent visiblement un seuil une véritable ligne de partage des eaux séparant les plateaux orientés vers la vallée du Guatemala/Néphi du terrain qui commence à descendre vers le bassin hydrographique du Grijalva au Chiapas/Zarahemla.
Une autre disposition géographique pourrait également faire laffaire. Le fait quil y a deux endroits qui peuvent convenir pour être le pays dHélam doit nous alerter au fait que nous navons pas localisé avec une certitude absolue nos autres sites pour les événements du Livre de Mormon ; mais tout ce que nous cherchons pour le moment, cest au moins un cadre plausible. Plus tard, les informations accumulées pourront permettre un jugement définitif. Lautre possibilité situe Hélam autour de Malacatancito (sur la carte 9, celui de gauche des deux sites possibles indiqués), où un site archéologique de lépoque néphite se trouve juste à côté de lorigine du Rio San Juan, là où il « jaillit dune ouverture à la base des monts Cuchumatanes [56] ». Ceci pourrait être « leau pure » qui a impressionné Alma. La petite vallée que lon trouve ici pourrait faire un Hélam confortable. La même vallée dAlma fait toujours laffaire, puisquelle nest quà un jour de là. Cette deuxième corrélation serait vraisemblable, si Limhi et son groupe, sattendant à être poursuivis, avaient semé les Lamanites en prenant litinéraire oriental. Cest une piste dont Ammon et ses compagnons ont pu découvrir lexistence en montant vers Néphi peu de temps auparavant et sur laquelle ils ont alors guidé Limhi (il nétait jamais passé par le désert puisquil était né à Néphi). Ces deux pistes traversant le Guatemala étaient bien connues et souvent utilisées à lépoque précolombienne et à lépoque coloniale espagnole.
APERCUS DE LA CULTURE MESOAMERICAINE CHEZ LES ZENIFITES
Il y a un certain nombre de traits de la vie des Zénifites et de leurs voisins Hélamites, à la fin du IIe siècle av. J.-C., qui reçoivent un éclairage supplémentaire lorsque lon connaît les caractéristiques culturelles et géographiques de la Mésoamérique méridionale.
Le prophète Abinadi avertit Noé et ses prêtres au nom du Seigneur : « Et il arrivera que jenverrai la grêle au milieu de lui, et elle le frappera; et il sera aussi frappé par le vent dorient; et les insectes infesteront aussi son pays et dévoreront son grain. Et il sera frappé dune grande peste; et tout cela, je le ferai à cause de ses iniquités et de ses abominations » (Mosiah 12:6-7) LÉcriture ne parle pas de laccomplissement de cette prophétie, mais la menace se révèle valable sur la scène guatémaltèque où elle semble avoir été prononcée. La situation prédite est formulée de manière à indiquer quelle se situait dans le domaine du potentiel reconnu de la nature, et cependant elle était si rare que les auditeurs ne considéreraient pas normalement pareille combinaison de calamités comme une possibilité sérieuse. Il arrive que, dans des circonstances peu fréquentes, le haut Guatemala souffre justement des conditions prophétisées. Ce quAbinadi voulait dire, cest que Dieu ferait en sorte que ces phénomènes rares se produisent simultanément à titre de châtiment inhabituel de la perversion grossière des Zénifites.
Le géographe F. W. McBryde explique que certaines situations météorologiques causent un vent du nord ou du nord-est extrêmement desséchant. (Il faut se souvenir que « lest », chez les peuples précolombiens des plateaux du Guatemala, coïncidait avec ce qui est sur nos cartes actuelles le nord ou le nord-est.) Ces vents anormaux du nord retiennent du côté Pacifique lair humide qui sécoule normalement tous les jours dans les vallées des plateaux. Il en résulte que le processus normal des averses vivifiantes est bouleversé. Le risque dincendie saccroît dans ces conditions inhabituelles et les bourrasques desséchantes atteignent une vitesse pouvant aller jusquà 55 km/heure. De fortes tempêtes de grêle accompagnent occasionnellement ces vents (de mars à mai inclus) lorsque le déferlement puissant dair sec converge le long de la côte avec lair humide du Pacifique, formant dénormes têtes de cumulonimbus générateurs de grêle, qui sont poussées vers lintérieur des terres au-dessus du vent du nord (« dorient ») [57]. Cest ainsi quune période de « vent dorient » pourrait causer des problèmes météorologiques désastreux au Guatemala/Néphi, exactement comme le prophète les décrit.
Il les avertit également que des insectes viendraient attaquer les cultures. Les sauterelles migratrices causent périodiquement de grandes destructions de maïs dans la péninsule du Yucatan et sur les plateaux du Guatemala [58]. La vallée intérieure sèche de la rivière Motagua, située à 25 kilomètres seulement à « lest » de notre Néphi, avait un climat qui était particulièrement favorable à ces insectes. Les vents secs du nord pouvaient pousser les nuées de sauterelles sur les quelques kilomètres qui les séparaient des champs des Zénifites. Les Annales des Cakchiquels, une des histoires traditionnelles des plateaux, mentionnent deux invasions de sauterelles peu avant la conquête espagnole et il a dû y en avoir beaucoup plus [59]. On sait que dans les temps historiques, le manque de nourriture provoqué par des conditions climatiques destructrices et des invasions de sauterelles a été une cause de malnutrition et de maladies [60]. Comme Abinadi la prédit, la combinaison de vents, de grêle, dinsectes et de famine, qui, a première vue, paraît assez arbitraire, se révèle être parfaitement possible lorsque notre géographie est correcte. Elle pouvait se produire et pouvait être dévastatrice si le Seigneur décidait de la déclencher.
Les cultures des Zénifites nous intéressent à plusieurs égards. Comme nous lavons noté, le maïs semble avoir été la nourriture principale. Cest à cela que nous nous attendrions dans la plupart des endroits de la Mésoamérique. Mais le « blé » et l « orge » mentionnés comme faisant partie de leurs cultures sont une autre histoire. Les botanistes daujourdhui croient que le blé a été introduit dans le Nouveau Monde par les Espagnols. Je ne connais quune preuve formelle du contraire, bien quil y ait des indices qui justifient un examen plus attentif [61]. Il y a maintenant du blé qui pousse au Guatemala, mais uniquement à des hauteurs plus élevées que notre Néphi [62]. Il est possible que les Néphites aient apporté des semences et les aient cultivées pendant un certain temps, et que le blé ait disparu des cultures par après, un phénomène qui nest pas rare dans lexpérience des groupes migrateurs. Mais le « problème » est peut-être une affaire de méthode scientifique plutôt que de ce que le Livre de Mormon dit. En 1982, par exemple, de lorge apparemment domestiqué a été trouvé en Arizona, première occurrence précolombienne en Amérique [63]. Le fait quune culture aussi importante ait pu échapper aussi longtemps aux archéologues justifie la pensée que lon pourrait également trouver du blé dans les sites antiques.
Il y a une autre possibilité, cest que des grains comestibles, que la plupart dentre nous ne connaissent pas, aient été appelés « blé » ou « orge ». Lamarante, considérée comme un grain du Vieux Monde, était cultivée et utilisée au Mexique au moment où les Espagnols sont arrivés. Le botaniste Jonathan Sauer pensait que son origine était américaine, mais il remarque également quelle était répandue dans le Vieux Monde à lépoque précolombienne. Une chose frappante, cétait quon lutilisait de la même façon sur les deux continents (on faisait sauter les grains et on les mangeait comme du « pop-corn » lors de fêtes spéciales) ; les ressemblances ont fait dire à certains spécialistes que la semence damarante a été transportée dans les temps anciens de lautre côté de locéan [64]. Il nest pas impossible que le mot traduit par « blé » dans le Livre de Mormon ait en réalité été lamarante.
Il y a deux autres plantes bizarres qui sont mentionnées dans Mosiah 9:9 parmi celles que cultivaient les Zénifites : le « shéum » et le « néas ». On a récemment constaté que le premier de ces deux mots correspondait « avec précision à lakkadien s(h)eum, orge (assyrien ancien blé), le nom de céréale le plus courant dans la Mésopotamie ancienne [65] ». La consonance du nom indique que cétait probablement un terme jarédite. Ce mot typiquement sémitique du nord avait tout à fait sa place dans les environs de la « vallée de Nimrod », au nord de la Mésopotamie, où les Jarédites firent halte et rassemblèrent des semences avant dentreprendre leur long voyage vers lAmérique (Éther 2:1, 3). (Soit dit en passant, la forme du mot, tel que le Livre de Mormon lutilise, remonte au troisième millénaire av. J.-C., lorsque les Jarédites quittèrent le Proche-Orient. Plus tard, il aurait été prononcé et écrit différemment.) Apparemment le scribe néphite na pas pu lui trouver un nom de semence équivalent dans sa langue, pas plus que Joseph Smith quand il a mis le texte en anglais. La plante et son nom ont certainement été transmis aux Néphites/Zénifites par des survivants de la Première Tradition, au même titre que le maïs lui-même. Étant donné que les mots orge et shéum sont utilisés tous les deux dans le même verset (Mosiah 9:9), nous savons quil sagit de deux grains différents, mais il nous est impossible de dire maintenant ce qua pu être exactement le « shéum » dans nos termes botaniques. Peut-être était-ce cela lamarante ?
Les haricots étaient une partie importante du régime alimentaire mésoaméricain ; le fait que le mot hébreu pol, « haricot [66] » correspond aussi étroitement aux termes maya désignant le haricot, comme bul ou bol [67], nous dit que les recherches linguistiques sur les noms de plantes devraient se poursuivre énergiquement et soigneusement. Il ne suffira plus daller farfouiller dans les lexiques, comme cela se fait dune manière si caractéristique dans les recherches sur le Livre de Mormon. Un autre candidat pour une étude de ce genre est, bien entendu, « néas » (Mosiah 9:9). Sur la base du nom, on peut se risquer à dire que cest peut-être du tabac (comparer avec le mam maya mas) [68], mais si la plante a été mentionnée à cause de son importance pratique dans le régime alimentaire, il est possible quil sagisse de lavocat. (« Lavocat constituait probablement la source principale de graisse pour les Indiens du Mexique et de lAmérique Centrale précolombiens, jouant le même rôle que lolive dans le Vieux Monde [69]. »)
Le « vin » et les « vignes » dans le pays du roi Noé (Mosiah 11:15) peuvent sexpliquer clairement, pour autant que lon soit attentif aux questions linguistiques. Ces termes paraissent embarrassants à première vue, étant donné que lon ne faisait pas le vin avec du raisin dans le Nouveau Monde. (Il existait certaines formes de raisin, mais nous ne savons pas si on les utilisait pour la nourriture ou la boisson [70].) Cependant, le Livre de Mormon ne dit nulle part quil y avait du « raisin », seulement des « vignes ». Les Espagnols appelaient « vignobles » les plantations de maguey (agave) avec lequel on fait le pulque [71]. Et les premiers Européens à arriver en Mésoamérique décrivent diverses sortes de « vin » : un fait avec des bananes au Guatemala du XVIIIe siècle, un autre avec des ananas dans les Antilles, du vin de palme avec le tronc du palmier coyol (fabriqué depuis Veracruz jusquau Costa Rica) et le balche de la région maya, avec une écorce darbre fermentée [72]. Il est clair que Noé, le buveur de « vin » du livre de Mosiah, a pu boire un autre alcool que le jus de la treille.
On découvre une autre bouffée dair mésoaméricain dans une expression utilisée par Zénif. Il écrit : « Ils se battaient comme des dragons » (Mosiah 20:11 ; aussi Alma 43:44). À quelle sorte de « dragons » pensait-il ? Il faisait probablement allusion au crocodile ou au caïman. Il y a un certain nombre de raisons de le penser. Un observateur de la période coloniale décrit ces sauriens comme ceci : « Très féroces et très craints... Certains des caïmans mesurent de six à neuf mètres et davantage et recouverts décailles que les balles de mousquet ne peuvent pas percer. Leur queue est très puissante et très dangereuse ; leur gueule est énorme, avec trois rangées de dents redoutables [73]. » Mais ce « dragon » était bien plus quun élément dangereux du monde naturel. Dans la mythologie mésoaméricaine, on pensait quune créature gigantesque en forme de crocodile flottait sur la supposée mer souterraine. Son dos était la surface de la terre et ses liens avec la terre et avec les eaux le rattachaient symboliquement à la productivité et à la fertilité. Ce « monstre de la terre » apparaît régulièrement à la base des inscriptions dIzapa (à la frontière du Chiapas et du Guatemala), dans les anciennes sculptures mayas et même dans lart olmèque ; lidée est donc très ancienne et fondamentale [74]. Lart maya représentait un aspect de cet être par un simple symbole dune mâchoire [75]. (Soit dit entre parenthèses, le nom Léhi signifie « pommette » ou peut-être « mâchoire ». Le fait de pouvoir dire que lon descendait de « Mâchoire », Léhi, devait être de nature à impressionner les Mésoaméricains.) Le Livre de Mormon et le cadre culturel proche-oriental dont il est issu représentent de la même manière un monstre apparenté au crocodile. 2 Néphi 9:9-10, 19, 26 représente « le diable » comme un dragon ou un monstre demeurant sous la surface de la terre. Les Israélites avaient en commun avec leurs voisins du Proche-Orient lidée et limage de cet être comme symbole du chaos et du mal. Le nom de la créature dans lAncien Testament est parfois « Léviathan [76] ». Son dos écailleux formait les crêtes et les collines de la surface de la terre. Les « hauts lieux », où les anciens habitants de la Palestine rendaient le culte, tiraient leur nom dune racine qui signifiait « dos dun animal [77] ». La créature de mer le chaos avait, pensait-on, été vaincue par Jéhovah dans un combat épique ancien (Ésaïe 27:1; 51:9; Psaumes 74:13-14). Cest certainement le dragon dont il est question dans 2 Néphi 9:9 et le « vieux serpent » de Mosiah 16:3. Le sujet tout entier des dragons, des monstres et des serpents est de toute évidence trop complexe pour que nous puissions faire autre chose que leffleurer ici. Nous pouvons en tout cas noter deux choses concernant limagerie du dragon de Zénif : (1) elle avait une signification puissante pour ses auditeurs et était plus quune simple tournure littéraire et (2) le complexe didées est représenté non seulement dans le Livre de Mormon mais aussi en Palestine et en Mésoamérique.
Lintention du chapitre 4 a été de démontrer que la première partie du Livre de Mormon sintègre dune manière plausible et crédible dans une zone précise de la Mésoamérique à une époque déterminée. Ses peuples écrivaient, pensaient, parlaient, croyaient et agissaient dune manière qui était tout à fait courante dans la région. Les mouvements de ses populations peuvent être portés sur une carte entre des lieux réels ayant les caractéristiques que louvrage décrit. Une fois que ce fait est établi, nous pouvons puiser dans la documentation mésoaméricaine et proche-orientale pour ajouter du relief et de la profondeur à notre lecture du Livre de Mormon. Cest un peu ce que nous avons fait ici. Nous aurions pu rassembler beaucoup plus dinformations sur ces points, mais nous en avons sans doute présenté suffisamment pour ouvrir la voie.
Je nai prétendu nulle part quil fallait identifier des peuples particuliers du Livre de Mormon à des sites, à des structures ou à des vestiges déterminés. Dans certains cas, la correspondance entre les spécifications de lÉcriture et les faits externes me semble avoir dépassé la simple plausibilité pour atteindre le niveau de la probabilité. Comme on dit chez nous : si la chaussure vous va, portez-la. Pourtant en ce moment notre situation est en gros semblable à ce que le professeur Bright dit à propos des études bibliques : « En dépit de toute la lumière qui a été projetée sur lère patriarcale, en dépit de tout ce qui a été fait pour confirmer lantiquité et lauthenticité de la tradition, larchéologie na pas prouvé que lhistoire des patriarches sest passée comme la Bible la raconte En même temps et ceci doit être dit avec la même insistance aucun élément de preuve nest apparu pour contredire quoi que ce soit dans la tradition. On peut y croire ou ne pas y croire comme on le juge bon, mais on manque de preuves dans un sens comme dans lautre [78]. » Cependant, poursuit Bright, larchéologie a fourni « un parfum de probabilité » aux récits patriarcaux. Il reste tant de choses à faire sur le Livre de Mormon dans son cadre quun « parfum de probabilité » concernant lenvironnement des premiers Néphites est le maximum que nous osons faire en ce moment, mais en fin de compte, Bright et moi, nous parlons tous les deux du même genre deffort. En attendant, Mosiah, Benjamin, Zénif et Alma peuvent être davantage perçus comme des personnes réelles là où ils navaient précédemment quune seule dimension, parce que leur vie se situe dans un cadre crédible dont les détails sont abondants.
NOTES
[1] 1 Néphi 17:1-8; 18:8; Lynn et Hope Hilton, In Search of Lehi's Trail, Salt Lake City, Deseret Book, 1976, pp. 105-115. [2] A. M. Tozzer, dir. de publ., Landa's Relacion de las Cosas de Yucatan, HUPM 18, 1941, p. 196. [3] Id. [4] Felix W. McBryde, Cultural and Historical Geography of Southwest Guatemala, SISA 4, 1945, p. 148. [5] Id., p. 33. Medel écrit aussi que les Indiens des régions plus chaudes avaient une peau plus sombre que ceux des plateaux, qui navaient pas lair très différents des Espagnols. Cité dans McBryde, p. 9. Il est possible que la « marque » de la peau sombre mise sur les Lamanites soit en partie due au fait que les tout premiers dentre eux se sont mariés au sein de populations vivant déjà sur place. [6] À propos de la région Guatemala/Néphi, A. C. et A. P. Maudslay disent dans A Glimpse at Guatemala, Londres, 1899, p. 24: « Le climat semblait absolument parfait, et le ciel dun bleu brillant, le soleil éclatant, caché occasionnellement par les nuages floconneux que lon associe aux alizés, la température janais trop élevée ni trop basse, et la fraîcheuse délicieuse de lair agité par une brise légère, tout cela produisait en moi une euphorie que je naurais jamais cru connaître dans un pays tropical. Cela a lair trop beau pour être vrai, mais ce nest pas une description exagérée du climat. » [7] G. E. Wright, « In the Days of Israel's Glory », dans Everyday Life in Bible Times, Washington, National Geographic Society, 1967, pp. 20-27; Roland de Vaux, Ancient Israel: Its Life and Institutions, Londres, McGraw-Hill, 1961, pp. 274-75, 282-87, 313-25; Ézéchiel 43:1-17. [8] F. J. Hollis, The Sun-Cult and the Temple at Jerusalem: Myth and Ritual Londres, 1933; Julius Morgenstern, The Fire upon the Altar, Chicago, Quadrangle, 1963. [9] Laurette Sejourne, « El Templo Prehispanico », Cuadernos Americanos 149, novembre-décembre 1966, p. 143, citant Torquemada et donnant sa propre vision tout au long de larticle. [10] Joseph W. Michels, « Political Organization at Kaminaljuyu: Its Implications for Interpreting Teotihuacan Influence », dans Teotihuacan and Kaminaljuyu: A Study in Prehistoric Culture Contact, dir. de publ. William T. Sanders et Joseph W. Michels, State University, Pennsylvania, Pennsylvania State University Press, 1977, pp. 451-67. Michels va un peu trop loin dans lexploitation de ses éléments de preuve, mais son idée générale est bien étayée. [11] William T. Sanders, « The Settlement Pattern Test Trenches », dans Kaminaljuyu Project-1968 Season. Part 1. The Excavations. PSUO 2 1969, p. 165. [12] Voir les références dans mon article « The Significance of an Apparent Relationship between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Man Across the Sea, dir. de publ. Carroll L. Riley etc., Austin, University of Texas Press, 1971, pp. 229-230. [13] Lawrence H. Feldman, « Tollan in Central, Mexico, The Geography of Economic Specialization », Katunob 8, no. 3, février 1973, p. 3. [14] Marie K. Freddolino, « An Investigation into the 'Pre-Tarascan' Cultures of Zacapu, Michoacan, Mexico », thèse de doct., université de Yale, 1973. [15] Richard A. Shutler, Jr., et Mary E. Shutler, Oceanic Prehistory Menlo Park, Cummings, 1975, p. 86; D. R. Simmons, The Great New Zealand Myth: A Study of the Discovery and Origin Tradition of the Maori, Wellington, A. H. et A. W. Reed, 1976. [16] « When Was Rome Really Built? » Christian Science Monitor, 10 mars 1976, p. 6. On trouvera dautres esquisses historiques rapides, cette fois sur lAfrique, dans I. G. Cunnison, History on the Luapala, Londres, Oxford University Press, 1951. [17] On trouvera des rapports évocateurs entre le voyage mulékite et les traditions mésoaméricaines dans mon article « The Twig of the Cedar », Improvement Era 60,1957, 330 et suivantes, réimprimé sous le titre « Bible Prophecies of the Mulekites » dans A Book of Mormon Treasury, Salt Lake City, Bookcraft, 1959, pp. 229-237. [18] On trouvera un traitement intéressant de la Stèle 3 dans Miguel Covarrubias, Indian Art of Mexico and Central America, New York, Knopf, 1957, p. 77. Il y a une reconstitution de la scène par un dessinateur dans Michael D. Coe, America's First Civilization: Discovering the Olmec, New York, American Heritage Publishing Co. et Smithsonian Institution, 1968, p. 59. Tatiana Prouskouriakoff écrit à propos de la scène: « Cela implique que ces personnages représentent deux groupes de persnnes radicalement distincts et on a limpression que le groupe de létranger barbu a fini par prendre lascendant et a finalement effacé le portrait du souveain natif. » « Olmec and Maya Art: Problems of Their Stylistic Relation », dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, dir. de publ. Elizabeth Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1968, p. 122. [19] John L. Sorenson, « A Mesoamerican Chronology: April 1977 », Katunob, 9 février 1977, pp. 41-55. [20] La documentation « phénicienne » se trouve dans le livre de Constance Irwin, Fair Gods and Stone Faces, New York, St. Martin's Press, 1963, pp. 171-175. [21] Le passage de 2 Rois 25:7: « Les fils de Sédécias furent égorgés en sa présence » pose de toute évidence un problème au regard de l'affirmation du Livre de Mormon que Mulek était un fils survivant. La seule raison possible, que j'ai donnée dans l'article de l'Improvement Era cité plus haut, ainsi qu'en plusieurs endroits par Sidney Sperry, est que Mulek devait être un bébé que des loyalistes auraient sauvé de la mort. Sédécias n'avait que trente-deux ans quand il fut déposé (2 Chroniques 36:11) et, bien entendu, il avait plus d'une épouse, à la manière des rois juifs, de sorte que tous ses enfants devaient être jeunes et que plus d'un devait être un bébé que l'on pouvait cacher. De nouvelles informations donnent à penser que Mulek est peut-être effectivement mentionné ailleurs. Voir « Is Mulek Mentioned in the Bible? » Foundation for Ancient Research and Mormon Studies Update juin 1984, p. 1. [22] Terrence Kaufman, « Archaeological and Linguistic Correlations in Mayaland and Associated Areas of Meso-America », World Archaeology 8, 1976, p. 104; Gareth W. Lowe, « The Mixe-Zoque as Competing Neighbors of the Early Maya », dans The Origins of Maya Civilization, dir. de publ. Richard W. Adams, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1977, pp. 199-201. [23] Lyle Campbell et Terrence Kaufman, « A Linguistic Look at the Olmecs », American Antiquity 41, 1976, pp. 80-88. [24] Donald L. Brockington, The Ceramic History of Santa Rosa, Chiapas, Mexico, NWAF 23, 1967, p. 68; Gareth W. Lowe, Thomas A. Lee, Jr., et Eduardo Martinez Espinosa, Izapa: An Introduction to the Ruins and Monuments, NWAF 31, 1982, pp. 10-15. [25] Id. A. Delgado, Archaeological Research at Santa Rosa, Chiapas, NWAF 17, 1965, pp. 3, 79. [26] Brockington, Ceramic History, pp. 60-61. Cf. Structuralisme Levi-Straussien ? [27] Rene Millon, The Teotihuacan Map, vol. 1, Austin, University of Texas Press, 1973, p. 40; John Paddock, Problemas Comunes de la Linguistica y la Arqueologia en Oaxaca, INAH, Centro Regional de Oaxaca, Serie Conferencias 4, 1976, pp. 1, 7. [28] M. E. Smith, « State Systems of Settlement: Response to Crumley »; et C. L. Crumley, « Reply to Smith », American Anthropologist 79, 1977, pp. 903-906 et 906-908, respectivement. On trouvera des détails concernant la taille de San Jose Mogote dans Marcus C. Hiver, « Differential Patterns of Community Growth in Oaxaca », dans The Early Mesoamerican Village, dir. de publ. Kent V. Flannery, New York, Academic Press, 1976, pp. 237-243. [29] Anthony F. Aveni, Archaeoastronomy in Precolumbian America, Austin, University of Texas Press, 1975; idem, Native American Astronomy, Austin, University of Texas Press, 1977; Ray A. Williamson, dir. de publ., Archaeoastronomy in the Americas, Ballena Press Anthropological Papers no. 22 Los Altos, Californie, Ballena Press, 1981. [30] W. R. Bullard, Jr., « Settlement Patterns and Social Structure in the Southern Maya Lowlands During the Classic Period », Actas y Memorias, 35a Congreso Internacional de Americanistas, Mexico, 1962, vol. 1, Mexico, 1964, pp. 279-287; Stephan F. De Borhegyi, « Settlement Patterns in the Guatemalan Highlands: Past and Present », dans Prehistoric Settlement Patterns in the New World, dir. de publ. Gordon R. Willey, Viking Fund Publications in Anthropology, no. 23, New York, 1956, pp. 101-106. Même si ce tableau est incontestablement idéalisé et quelque peu inexact, il représente malgré tout probablement un fait fréquent, si pas typique. On trouvera une critique de la notion de « centre cérémoniel » dans Marshall Becker, « Priests, Peasants, and Ceremonial Centers: The Intellectual History of a Model », dans Maya Archaeology and Ethnohistory, dir. de publ. Norman Hammond et Gordon R. Willey, Austin, University of Texas Press, 1979, pp. 3-20. [31] K. Koch, « ohel », dans Theological Dictionary of the Old Testament, dir. de publ. G. J. Botterweck et H. Ringgren, Grand Rapids, Eerdmans, 1974, pp. 119-120. [32] A. Haldar, Who Were the Amorites? Leiden, Brill, 1971, p. 52. [33] A. Rothkoff, « Tabernacle », Encyclopaedia Judaica 15, 1972, p. 679. [34] Hugh Nibley, An Approach to the Book of Mormon, Salt Lake City, The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1957, pp. 207-209. [35] Bernal Diaz del Castillo, The Bernal Diaz Chronicles, trad. et publ. par Albert Idell, Garden City, New York, Doubleday, 1956, p. 133. [36] Hugh Nibley, Since Cumorah, Salt Lake City, Deseret Book, 1967, p. 398. [37] Eva Hunt, « Irrigation and the Socio-Political Organization of Cuicatec Cadcazgos », dans The Prehistory of the Tehuacan Valley, vol. 4: Chronology and Irrigation, dir. de publ. Frederick Johnson, Austin, University of Texas Press, 1972, pp. 201-230, donne un excellent éclairage sur la structure et la fonction de la souveraineté en Mésoamérique précolombienne. [38] Les commentaires dIgnacio Bernal dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1975, pp. 72-77, étendent le traitement à la destruction des monuments. [39] Comparer avec le traitement dans G. R. Willey et D. B. Shimkin, « The Maya Collapse: A Summary View », dans The Classic Maya Collapse, dir. de publ. T. P. Culbert, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1973, pp. 484-486. [40] McBryde, Cultural and Historical Geography, pp. 6-7. [41] Edward M. Shook, « Lugares Arqueologicos del Altiplano Meridional Central de Guatemala », Antropologia e Historia de Guatemala 4, no. 2, juin 1952, p. 5. [42] Id., p. 26. [43] Richard J. Clifford, The Cosmic Mountain in Canaan and the Old Testament, Cambridge, Harvard University Press, 1972; William F. Albright, « The High Place in Ancient Palestine », Supplements to Vetus Testamentum, Leiden, Brill, 1957, pp. 242-258; A. Parrot, Ziggurats et Tour de Babel, Paris, 1949. [44] Jacquetta Hawkes, The First Great Civilizations, New York, Knopf, 1973, p. 122. [45] Andrzej Wiercinski, « Pyramids and Ziggurats as the Architectonic Representations of the Archetype of the Cosmic Mountain », Katunob 10, septembre 1977, pp. 69-111. [46] Millon, The Teotihuacan Map, vol. 1, figure 17b. [47] Albright, « The High Place »; R. de Vaux, Ancient Israel, pp. 284-285. [48] Clifford, Cosmic Mountain, pp. 49-50. [49] Doris Heyden, « An Interpretation of the Cave Underneath the Pyramid of the Sun in Teotihuacan, Mexico », American Antiquity 40, 1975, pp. 131-147. [50] William F. Albright, Yahweh and the Gods of Canaan: A Historical Analysis of Two Contrasting Faiths, Garden City, New York, Doubleday, 1968, p. 24. [51] Bernal Diaz, Chronicles, p. 151. [52] J. E. S. Thompson, « The Role of Caves in Maya Culture », Museum fur Volkerkunde in Hamburg, Mitteilungen 25, 1959, pp. 122-129; idem, Maya History and Religion, Norman, Oklahoma University Press, 1970, p. 184. [53] Les références sont dans mon article « The Significance of an Apparent Relationship Between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Man Across the Sea, dir. de publ. Carroll L. Riley etc., Austin, University of Texas Press, 1971, p. 227. Voir aussi Heyden, « An Interpretation », p. 141. [54] W. R. Farmer, « The Geography of Ezekiel's River of Life », Biblical Archaeologist 19, 1956, pp. 17-22; Ben Zion Luria, « And a Fountain Shall Come Forth from the House of the Lord », Dor le Dor 10, no. 1, 1981, pp. 48-58. [55] Notez le lien entre « ce temple » et « cette montagne » quand le Seigneur parlé à Néphi à Zarahemla (Hélaman 10:8-9), ce qui peut être un reflet dun aspect des idées qui avaient cours chez les Néphites. [56] Ledyard Smith, Archaeological Reconnaissance in Central Guatemala, CIWP 608, 1955, p. 11. [57] Felix W. McBryde, « Studies in Guatemalan Meteorology I, The Climates of Southwest Guatemala », American Meteorological Society Bulletin 23, 1942, pp. 259-260; idem, « Studies in Guatemalan Meteorology II, Weather Types in Southwest Guatemala », American Meteorological Society Bulletin 23, 1942, pp. 400, 402. [58] George C. Shattuck, The Peninsula of Yucatan: Medical, Biological, Meteorological and Sociological Studies, CIWP 432, 1933, p. 22. [59] Daniel G. Brinton, The Annals of the Cakchiquels, Philadelphia, 1885, pp. 167, 192. [60] Shattuck, Peninsula of Yucatan, p. 22. [61] Par exemple, G. N. Collins et C. B. Doyle, « Notes on Southern Mexico », National Geographic Magazine 22, 1911, p. 315, ont découvert, au cours dun voyage botanique pour le département dagriculture des Etats-Unis, une variété de blé qui poussait dans les collines au-dessus de San Cristobal Las Casas, Chiapas, dont ils ont supposé que « cest probablement une variété que lon cultive ici depuis des temps très reculés. » [62] McBryde, Cultural and Historical Geography, p. 27. [63] Daniel B. Adams, « Last Ditch Archaeology », Science 83, décembre 1983, p. 32. Lespèce est une orge originaire dAmérique inconnue jusquici des botanistes comme variété cultivée (correspondance personnelle, archéologue de lArizona State University). [64] Jonathan D. Sauer, « The Grain Amaranths: A Survey of Their History and Classification », Missouri Botanical Garden Annals 37, 1950, pp. 561-632. George F. Carter, « Domesticates as Artifacts », dans The Human Mirror: Material and Spatial Images of Man, dir. de publ. Miles Richardson, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1974, pp. 212-213. [65] R. F. Smith, « Some 'Neologisms' from the Mormon Canon », dans Conference on the Language of the Mormons, 1973, Provo, BYU Language Research Center, 1973, p. 66. [66] Fauna and Flora of the Bible, Londres, United Bible Societies, 1972, p. 97. [67] Juan Pio Perez, Diccionario de la Lengua Maya, Merida, 1877, pp. 33-34 (« bul », « buul »); Alfredo Herbruger, Jr., et Eduardo Diaz Barrios, Metodo para Aprender a Hablar, Leer y Escribir la Lengua Cakchiquel, vol. 1, Guatemala, 1956, p. 165 « boloss ». [68] Norman A. McQuown, « Indigenous Languages of Native America », American Anthropologist 57, 1955, p. 509. [69] McBryde, Cultural and Historical Geography, p. 144. [70] Tozzer, Landa's Relacion, p. 198, note 1079. [71] Par exemple, Thomas Gage, dans Thomas Gage's Travels in the New World, dir. de publ. J. E. S. Thompson, Norman, University of Oklahoma Press, 1958, p. 76. [72] McBrycle, Cultural and Historical Geography, pp. 144-46. Thompson, dir. de publ., Gage's Travels, p. 76. Tozzer, Landa's Relacion, p. 198. [73] Diego Garcia de Palacio, Relacion hecha . . . en la que Describe la Provincia de Guatemala, 1576, Squier edition, New York, 1860, p. 25. [74] J. E. S. Thompson, Maya Hieroglyphic Writing: Introduction, CIWP 589 1950, pp. 110-111, 274-275; V. Garth Norman, Izapa Sculpture, Part 2: Text, NWAF 30, 1976, pp. 30-36, 225-228, et ailleurs; Jacinto Quirarte, « Tricephalic Units in Olmec, Izapan-Style, and Maya Art », dans The Olmec and Their Neighbors: Essays in Memory of Matthew W. Stirling, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1981, pp. 289-308. [75] Thompson, Maya Hieroglyphic Writing, pp. 110-111, 274-275. [76] Clifford, Cosmic Mountains, pp. 52-54; Albright, « High Place », pp. 184-85; Howard Wallace, « Leviathan and the Beast in Revelation », dans The Biblical Archaeologist Reader, dir. de publ.. G. Ernest Wright et David Noel Freedman, Chicago, Quadrangle, 1961, pp. 290-298. [77] Albright, « High Place », pp. 248-250. De Vaux, Ancient Israel, p. 284. [78] John Bright, A History of Israel, Philadelphie, Westminster Press, 1959, p. 67.
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