CHAPITRE 5 : PROBLEME DE CROISSANCE

Nos considérations sur la vie des premiers Néphites ont montré qu’un certain nombre de faits présentés dans le Livre de Mormon correspondent à la scène mésoaméricaine. Quand on poursuit le récit, d’autres correspondances apparaissent. Nous allons examiner l’accroissement de l’étendue et de la puissance de Zarahemla, les expériences d’Alma et l’activité missionnaire des fils de Mosiah.

L’EXPANSION DE ZARAHEMLA

Trois ans après que Benjamin eut annoncé que son fils Mosiah allait devenir roi, les groupes de Limhi et d’Alma arrivèrent séparément à Zarahemla en provenance du pays lamanite. Le nouveau roi convoqua, à ce moment-là, une assemblée de ses sujets, sur le modèle de son père. Ils étaient plus nombreux de plusieurs milliers, étant donné l’arrivée des réfugiés, et la structure sociale était devenue beaucoup plus complexe.

Benjamin avait permis à son peuple de se réunir famille par famille (Mosiah 2:5-6) [1]. Même à ce moment-là, ils avaient dû se séparer de manière informelle en deux groupes car, après tout, ils parlaient des langues différentes (Omni, versets 17-18). Mais dans cette dernière assemblée, les différences sociales et culturelles sont plus explicites. Dans son appel au rassemblement, Mosiah avait disposé le peuple en deux groupes distincts composés des Néphites proprement dits et du peuple de Zarahemla. Après les formalités initiales, Alma, qui venait d’arriver, s’adressa à eux en parlant tour à tour à « de vastes groupes » (Mosiah 25:15). Il y en avait apparemment sept, car immédiatement après il se mit à organiser sept « Églises » ou assemblées (vv. 19-23). Le propre peuple d’Alma venu du pays d’Hélam a dû être l’un de ces groupes. Les Zénifites de Limhi en constituaient certainement un autre. (Il est possible que ces deux groupes aient été unifiés, étant donné que le peuple d’Alma avait jadis été zénifite). Les Néphites résidents venus de tout le pays local de Zarahemla ont dû être suffisamment nombreux et suffisamment dispersés du point de vue résidence ou bien ils différaient suffisamment par les liens familiaux, pour que cela nécessite au moins deux unités de plus. Cela laisserait trois des assemblées pour le peuple de Zarahemla, la partie la plus nombreuse de la population (Mosiah 25:2). Ces groupes se distinguaient les uns des autres par les régions où ils habitaient et ces régions étaient probablement gouvernées sur la base de la lignée.

De toute évidence, le peuple de Mosiah existait dans un cadre social complexe. Les différences linguistiques et culturelles au sein de son royaume étaient grandes. Il s’y trouvait au moins trois traditions : (1) une vieille tradition isthmique véhiculée par le peuple de Zarahemla, (2) la culture néphite apportée par les émigrants originels venus du Guatemala / Néphi sous Mosiah et modifiée plus tard et (3) le modèle zénifite, façonné par de nouvelles influences subies au cours de leur résidence chez les Lamanites au pays de Néphi pendant deux générations. Il est clair que Zarahemla était, à ce moment-là, un creuset ethnique, linguistique et culturel – une zone reliant les parties méridionales de la « terre promise » et la région de la bande étroite.

Une collectivité qui se trouve dans une situation aussi centrale subit, à un certain moment, une période de croissance rapide, profitant des possibilités commerciales qui apparaissent et de l’exploration vigoureuse de nouvelles formes culturelles rendues possibles par des stimuli internes. Il est certain que Zarahemla a connu une croissance rapide à cette époque-là et pendant les quelques décennies qui ont suivi. Les indices de cette croissance sont dispersés dans tous les récits, tant de la vie normale que de conflits graves. « Le peuple commença à être très nombreux, et commença à se disperser au dehors sur la surface de la terre, oui, au nord et au sud, à l’est et à l’ouest, construisant de grandes villes et de gros villages dans toutes les parties du pays » (Mosiah 27:6). Ce langage étend le domaine néphite au-delà du petit territoire le long du fleuve que nous avons entrevu précédemment. Les fils de Mosiah « voyagèrent à travers tout le pays de Zarahemla, et parmi tout le peuple qui était sous le règne du roi Mosiah » (Mosiah 27:35, italiques ajoutés). Ceci nous montre que certains des sujets du roi vivaient maintenant en dehors du territoire immédiat de Zarahemla que son père avait gouverné. La dispersion s’accroissant, il devint impossible de continuer à réunir tout ce peuple. Cela ressort de la façon dont Mosiah procède lorsque surgit le problème de savoir qui le remplacera comme roi. Cette fois, il ne convoque pas de réunion. Il se contente d’envoyer des messagers parmi le peuple, sans doute porteurs d’un message verbal. Mais il va se révéler presque immédiatement nécessaire d’envoyer en outre « une parole écrite » (Mosiah 29:1, 4), peut-être pour que le message soit clair et uniforme. C’est la première fois que nous voyons apparaître clairement l’utilisation de communications écrites à des fins administratives parmi les Néphites. La tâche de gouverner devenait plus complexe et prenait plus de temps. Régner étant devenu une tâche à plein temps, le roi Mosiah ne prétendit pas – ne pouvait probablement pas prétendre – qu’il assurait son entretien personnel par son propre labeur, comme l’avait fait son père.

Le fardeau croissant du gouvernement contribua à persuader Mosiah qu’une réforme dans sa structure était désirable. En conséquence, la monarchie fut abandonnée et un système de « juges » fut installé pour gouverner « dans tout le pays de Zarahemla, parmi tout le peuple qui était appelé les Néphites » (verset 44). Ces termes laissent aussi apparaître une extension, sans aucun doute au-delà de la région locale entourant la capitale.

Neuf ans plus tard à peine, nous voyons Alma, à plusieurs jours de distance, dans la ville d’Ammonihah, alors considérée comme étant « dans les régions frontières du pays [étendu] de Zarahemla » (Alma 25:2). Les dirigeants de l’endroit reconnaissent leur allégeance officielle, quoique minime, au grand juge de la ville de Zarahemla. Les Néphites continuèrent à utiliser le nom « Zarahemla » aussi bien au sens restreint du terme que dans son sens large (comparez avec Éther 9:31, où Zarahemla désigne la plus grande partie du pays situé du côté du sud, avec Mormon 1:6, où il est clair qu’elle est plus localisée). De nos jours, nous ne sommes pas plus conséquents lorsque nous utilisons les termes géographiques, comme en témoigne la question de savoir si le terme « l’Amérique » désigne un pays ou un continent. C’est exactement le même problème qui se présente dans les mentions du « pays de Néphi », où l’étiquette est appliquée à une partie d’une vallée (Mosiah 7:7 ; comparez avec les versets 21 et 19:26) ou à un territoire couvrant des centaines de kilomètres d’une mer à l’autre (Alma 22:27). Nous devons bien entendu lire ces termes dans le contexte. Habituellement l’étendue géographique dont il est question est évidente, mais nous pourrions nous laisser induire en erreur en lisant trop vite.

La taille de la population de Zarahemla montre une croissance correspondant à l’expansion. Cela ressort dans les pertes signalées lors des guerres. Nos premières données numériques se présentent aux environs de 90 av. J.-C., au cours de la bataille dans laquelle les dissidents Amlicites subissent 12 532 pertes et les Néphites loyalistes 6562 (Alma 2:19). Tous ces gens étaient, politiquement parlant, des « Néphites » ; le récit ne parle pas du tout de Lamanites. Il est raisonnable de penser qu’il n’y eut pas plus de la moitié des combattants qui furent tués, ce qui signifie que les combats impliquaient au moins 40 000 guerriers et peut-être un peu plus. Diverses études sur les guerres anciennes suggèrent la façon de déduire la population totale de ce chiffre. Le taux que l’on croit habituellement être d’application est d’un guerrier pour environ cinq habitants. En utilisant ce chiffre, nous pouvons en conclure que la population totale de ceux « qui étaient appelés Néphites » était de 200 000 ou davantage.

Un passage utile concernant la population lamanite de cette même époque apparaît dans Mosiah 25:2-3, où nous apprenons que toute la population sous gouvernement néphite était moins de la moitié des Lamanites. Si l’estimation faite ci-dessus pour les Néphites est correcte, cela met la population lamanite à plus de 400 000 âmes. Les comptes-rendus de pertes ultérieures confirment partiellement de tels chiffres. Un peu après l’affaire des Amlicites, une attaque lamanite contre les Néphites eut pour résultat la mort de « milliers et de dizaines de milliers » ; on ne nous dit cependant pas combien d’entre eux étaient Lamanites et combien étaient Néphites. Quoi qu’il en soit, le réservoir d’hommes des Lamanites ne s’était certainement pas encore vidé en dépit des morts précédentes au combat. Une décennie après le conflit amlicite, nous obtenons d’autres données encore. Alma 28:2 dit que « des dizaines de milliers de Lamanites furent tués et dispersés au loin ». L’auteur n’avait pas utilisé l’expression « dizaines de milliers » lorsque les quelques 20 000 Amlicites et Néphites avaient été tués, de sorte que le terme doit signifier ici beaucoup plus que cela – au moins 30 000 morts lamanites. Il semble qu’il faille envisager une armée d’invasion de l’ordre de 75 000 hommes. Le taux actuel de 1 pour 5 donne un chiffre de 375 000 âmes pour la population totale du pays d’origine, mais c’est probablement trop bas. (Les Lamanites ont opéré à des centaines de kilomètres de chez eux, ce qui amène à la conclusion qu’un peu moins d’un sur cinq étaient mobilisés. Il devait y avoir d’autres personnes au pays pour assurer leur ravitaillement dans une expédition de longue durée telle que le suggère la géographie dans ce cas.) Si l’on utilise, au lieu de cela, le taux de un sur six, la population lamanite totale dont provenait l’armée devait être de l’ordre de 450 000 âmes. Aussi brute que doive être notre estimation par manque de renseignements détaillés dans le texte (et si l’on concède que les rapports néphites concernant les pertes lamanites étaient exagérés), l’importance des populations néphite et lamanite que nous avons calculée relève probablement de cette taille.

Examinons maintenant Mosiah 25:2-3 sous un angle différent. Il signale moins de Néphites proprement dits que de ceux qui appartiennent au groupe ethnique et culturel appelé « le peuple de Zarahemla ». Les Néphites descendants de Léhi – y compris le peuple d’Alma et de Limhi – devaient raisonnablement constituer 40 % du total de 200 000, si l’on se base sur ce que le texte dit. Cela pourrait signifier que les Néphites proprement dits comptaient quelque 80 000 âmes. Ce petit exercice sert à mettre l’accent sur la disparité existant entre le noyau néphite de la population et le vaste nombre de Lamanites que les historiens ne cessent de mettre en évidence. D’un point de vue réaliste aussi bien que psychologique, les Lamanites étaient un ennemi redoutable.

Nous parlons de populations de taille importante. Quelle preuve avons-nous de ce que des populations aussi nombreuses vivaient dans le sud de la Mésoamérique aux environs de 100 av. J.-C. ? On ne peut pas répondre de manière directe à cette question. Lorsque l’on veut calculer des populations anciennes, cela suscite de vifs débats parmi les experts. Les archéologues regardent les vestiges physiques, puis ils ont tendance à supposer que ce qu’ils ont découvert et compté jusqu’à présent représente toute la population qui existait. Les historiens et les démographes utilisent d’autres données et jugent souvent le nombre des habitants anciens comme étant beaucoup plus nombreux. Même lorsque deux experts disposent des mêmes renseignements, leur jugement personnel débouche sur des estimations différentes [2]. Nous savons que vers l’époque où les annales néphites signalent les guerres et les pertes dont nous venons de parler, la population de Kaminaljuyu (la ville dont nous pensons qu’elle est Néphi, le centre lamanite) était vraisemblablement à son apogée. Par exemple, ceux qui ont fait les fouilles dans les tombes du tumulus E-III-3 ont calculé que les débris grattés sur la surface voisine et empilés pour constituer rien que cet immense tumulus contenaient des fragments de poterie appartenant à un demi-million de vases. Sur cette base on en a déduit l’existence d’une population s’élevant à des dizaines de milliers de personnes sur ce site avant la construction du tumulus vers 50 av. J.-C. [3]. Des traditions rapportent que certaines populations des plateaux du Guatemala, avant l’époque de la conquête espagnole, ont combattu avec des armées de 60 000, 80 000 et jusqu’à 200 000 hommes dans un seul camp et cela, pendant des décennies d’affilée [4]. Il ne fait donc aucun doute que le pays que nous appelons Néphi était capable de supporter l’ampleur des populations et des armées qu’elles entretenaient, et que le Livre de Mormon indique pour les Lamanites. La seule question à laquelle la suite des recherches pourra mieux répondre est : ce nombre était-il effectivement là au moment même où l’affirment les livres de Mosiah et d’Alma ?

L’affaire Amlici comporte, en plus du nombre des pertes, plusieurs implications géographiques intéressantes. Premièrement, il y a la question du territoire d’origine des rebelles. Amlici voulait être roi. Il était rusé et malin, disciple de Néhor, le prêtre professionnel au nom jarédite. Il y a fort à parier que ce qui attirait une population importante vers Amlici était le fait qu’il était descendant du vieux chef Zarahemla. Il a très bien pu être un privilégié qui voulait l’autorité royale pour augmenter un pouvoir qu’il possédait déjà (Alma 2:1-2 ; comparez avec 51:8). Il s’était certainement assuré une base politique solide avant de faire son coup. Ses principaux partisans étaient géographiquement distincts des Néphites loyalistes de Zarahemla, car ces Amlicites « se rassemblèrent » et ensuite « montèrent sur la colline Amnihu, qui était à l’est du fleuve Sidon, qui passait devant le pays de Zarahemla » (versets 9, 15). Comme nous l’avons déjà vu, dans la bataille qui s’ensuivit, les Amlicites s’enfuirent vers la vallée de Gédéon, pour redescendre ensuite afin de traverser le Sidon et de se joindre à une grande armée lamanite qui descendait le long de la rive ouest du fleuve (voir carte 7). Il est clair qu’Amlici avait pris, avec les Lamanites, des dispositions selon lesquelles ses partisans et lui devaient éloigner l’armée néphite de la ville de Zarahemla à un moment crucial pour rendre possible l’invasion des forces lamanites, qui n’avaient pas été repérées. Mais où était le repaire des rebelles où ils « se rassemblèrent » et d’où ils « montèrent » ? On ne nous le dit pas, mais nous pouvons le savoir par déduction. Ils ne sont certainement pas venus de l’amont du fleuve. S’ils avaient vécu là, ils auraient tout simplement fait leur jonction avec les forces lamanites au moment où elles traversaient leur territoire. Il n’y a rien dans le récit néphite qui permette de croire à l’existence de populations importantes à l’écart de la zone du fleuve, que ce soit par rapport à la rive gauche ou à la rive droite. Mais il y avait de la place en aval. La section du fleuve en aval est rarement mentionnée dans le Livre de Mormon. Elle l’est une fois, à l’occasion d’une attaque ultérieure menée par un certain Coriantumr. À ce moment-là, les Lamanites s’emparent de Zarahemla sans crier gare et poussent vers le cours inférieur du fleuve à travers « les parties les plus capitales du pays » (Hélaman 1:27).

La géographie que nous suivons fait coïncider cette région avec la partie inférieure de la dépression centrale du Chiapas, où les populations de langue zoquéenne avaient longtemps vécu [5]. Elles étaient dans le pays longtemps avant l’arrivée des Néphites. Leurs ancêtres avaient été les porteurs de la culture olmèque à l’époque des Jarédites. Nous avons tout lieu de croire qu’ils étaient fondamentalement de la même souche que les partisans populaires du chef Zarahemla. Leurs dirigeants avaient dû perdre beaucoup de pouvoir et d’avantages quand les intrus néphites s’étaient emparés du pouvoir à l’époque de Mosiah 1er. À l’époque que nous considérons maintenant, l’expansion du pouvoir de l’élite néphite dans toute la vallée a pu inciter cette « noblesse » à vouloir récupérer la souveraineté pour quelqu’un appartenant à l’un de ses lignages. C’est la base logique sur laquelle quelqu’un comme Amlici a probablement démarré. Les diverses populations sous la domination néphite étaient tellement divisées géographiquement par le fleuve et par les « déserts » et si diversifiées linguistiquement et culturellement que les « dissensions » et les luttes pour le pouvoir parmi les groupes localisés, comme celui créé par Amlici, continuèrent longtemps à défier les « Néphis », la lignée dominante descendant du roi originel Néphi. Les indications que l’on trouve au Chiapas donnent à penser que la région de Santa Rosa / Zarahemla a pu être en conflit avec la région située en aval. Le site de Chiapa de Corzo, la plus grande ville de toute la dépression centrale à cette époque-là et le cœur de ce secteur en aval, était plus grand et plus prospère que Santa Rosa. On ne doit donc pas s’étonner qu’il ait pu se rebeller contre une suzeraineté située en amont. En outre, à cette époque (le IIe siècle av. J.-C.), Chiapa de Corzo entretenait des liens culturels évidents avec les populations de langue maya du sud, c’est-à-dire du pays lamanite en termes de notre Livre de Mormon [6]. Une alliance entre les Amlicites basés dans la région de Chiapa de Corzo et les Lamanites à Néphi (les plateaux du Guatemala) a dû créer une tenaille, mettant la pression sur le centre néphite. Bien entendu, nous ne pouvons pas dire avec certitude que cette configuration géographique correspond à la réalité des choses. Personne encore n’en connaît suffisamment pour en être sûr, mais il a pu très raisonnablement en être ainsi.

LE TOUR DE PREDICATION D’ALMA

Une chose qui jette une lumière supplémentaire sur le panorama de l’influence croissante de Zarahemla, c’est l’histoire de la mission de prédication d’Alma (Alma 5 à 15). Il commença ses efforts à Zarahemla même, parmi les sept assemblées. De là il traversa le fleuve vers l’est et monta jusqu’à la vallée de Gédéon, où une ville néphite avait été fondée après la bataille amlicite (Alma 6:7).

Il est facile de localiser sur notre carte la première étape du voyage d’Alma. Comme nous l’avons déjà vu, Gédéon se trouvait dans les hautes terres à l’est de la vallée du Sidon. Selon notre corrélation géographique, la vallée de Comitan est l’endroit où se trouvait vraisemblablement Gédéon. Une autre possibilité, mais moins probable, est la région de Tedopisca-Amatenango. (Un relevé archéologique de ces plateaux a révélé que ces régions ont été colonisées pour la première fois, mais seulement en un petit nombre d’endroits, aux environs du premier siècle av. J.-C., l’époque d’Alma [7]. Cela s’harmonise avec le Livre de Mormon, qui ignore quasiment les plateaux situés à l’est du pays de Zarahemla, à l’exception de Gédéon.)

La deuxième étape de son tour de prédication conduisit le grand prêtre néphite à Mélek, près du désert de l’ouest. Si l’on se base sur plusieurs passages qui mentionnent cet endroit, il devait se trouver à une certaine distance de Zarahemla (Alma 8:3; 45:18). Au bord occidental de la dépression centrale du Chiapas, il y a une région de colonisation majeure qui se détache. Son nom, la Frailesca, provient du fait que les frères de l’ordre religieux des Dominicains de l’Église catholique contrôlait ce territoire productif à l’époque coloniale espagnole. Près de Villa Flores, le centre de la région, il y a un site de ruines impressionnantes aujourd’hui appelé Vera Cruz II. C’est la plus grande zone de peuplement de toute la zone occidentale, qui date de la fin du IIe siècle av. J.-C. quand Alma a fait son voyage [8]. (Toutefois, le Livre de Mormon ne parle nulle part d’une ville de Mélek, par conséquent il ne faut pas s’attendre à trouver un grand centre.) Un itinéraire de base reliait directement Santa Rosa / Zarahemla à cette région de Frailesca / Mélek. Les vallées voisines, qui composent ensemble la zone occidentale, ont dû constituer « toutes les régions frontières du pays qui était au bord du désert », dont la population va s’attrouper pour écouter Alma prêcher (Alma 8:5). (Voir carte 10.)

 


Le chemin pris par Alma au départ de Mélek passait « au nord », parallèlement au désert montagneux situé à sa gauche. Au-delà se trouvait une étroite bande côtière. Pendant ses trois jours de voyage, il semble n’avoir traversé aucune zone de peuplement valant d’être mentionnée. Comme il était entre-temps devenu un homme d’un certain âge, nous devons considérer qu’il n’a pas fait en trois jours plus de 80 à 90 kilomètres [9]. En partant de la Frailesca, pareil voyage a dû le mener au site archéologique de Mirador, centre régional majeur du Chiapas occidental depuis l’époque jarédite jusqu’après la disparition des Néphites. Ces trente grands tumulus forment une concentration impressionnante dans une région d’environ 400 m de part et d’autre. Cet endroit est suffisamment important pour justifier l’orgueil des Ammonihahites à son propos (Alma 9:4). Ses liens culturels avec la région de Zarahemla / Santa Rosa étaient évidents bien que pas étroits, le même genre de relations qu’implique la réaction hostile et défensive du peuple d’Ammonihah vis-à-vis du message d’Alma (Alma 8:11-12).

Mirador était la clef d’une zone géographique distincte, la vallée de Jiquipilas-Cintalapa. Cette zone plus ou moins plate est le prolongement le plus grand vers le nord-ouest de la dépression centrale et est donc la route principale reliant le Chiapas à l’isthme de Tehuantepec. La ville se trouve dans le bas de la vallée, juste avant que le cours d’eau qui arrose la vallée entre dans une gorge profonde pour rejoindre le Grijalva/Sidon. Immédiatement à l’est de Mirador, la route vers l’intérieur du pays s’élève de manière spectaculaire de presque 750 mètres vers un plateau intermédiaire, de sorte que le site semble être dans une espèce de « cuvette » [10]. On peut faire un rapprochement avec ce qui est dit à propos d’Ammonihah, à savoir que Alma et Amulek, son nouveau compagnon, « sortirent pour passer au pays de Sidom » (Alma 15:1; italiques ajoutés). Le texte dit aussi que plus personne « n’entra » dans cet endroit a (Alma 16:11). Il y a peu de cadres topographiques où de pareilles expressions auraient pu être plus à propos.

Les fouilles effectuées à Mirador ont révélé que l’endroit était un centre important à l’époque d’Alma. Une tombe contenait les reste de deux anciens livres ou codex en papier d’écorce. Ce sont les seuls livres que l’on puisse qualifier de tels qui aient été récupérés jusqu’à présent dans les fouilles mésoaméricaines. (En dépit de nombreuses consultations avec d’éminents techniciens spécialistes, le personnel de la BYU-New World Archaeological Foundation, qui a creusé à l’endroit du site, n’a pu trouver aucun moyen de séparer les pages collées des volumes ; un fragment permettait d’entrevoir, d’une façon cruellement tentante, la présence de glyphes [11].) D’après leur cadre archéologique, ils remontent à 450 apr. J.-C. environ, de sorte que cette découverte n’a pas de portée directe sur le Livre de Mormon, mais elle nous rappelle de manière frappante les livres, certainement du même type, qui existaient à Ammonihah du temps d’Alma. Les prêtres néhorites de l’endroit, dans leur désir de vengeance, brûlèrent non seulement les femmes et les enfants des hommes qui avaient cru en la prédication d’Alma, mais « ils firent aussi apporter leurs annales, qui contenaient les Saintes Écritures, et les jetèrent aussi au feu, afin qu’elles fussent brûlées et détruites par le feu » (Alma 14:8). Il y eut aussi d’autres événements notables qui se produisirent à Ammonihah : deux grands discours par Alma et Amulek, leur emprisonnement et leur délivrance miraculeuse, la destruction soudaine de l’endroit par les Lamanites, qui transformèrent le site en « Désolation des Néhors » et la construction ultérieure de fortifications autour de la ville, lesquelles déjouèrent une nouvelle attaque lamanite (Alma 49:1-4).

La cohérence des renseignements géographiques donnés par le Livre de Mormon est confirmée par le récit des attaques lancées contre Ammonihah. Vers 80 av. J.-C., juste après la visite d’Alma, « les armées des Lamanites étaient entrées par le côté du désert, dans les régions frontières du pays, dans la ville d’Ammonihah » (Alma 16:2) et la détruisirent. Neuf ans plus tard, ils entrèrent par la même route, s’attendant à un butin facile dans la ville partiellement reconstruite (Alma 49:1-3). Il est clair que dans les deux cas, l’armée lamanite était partie du pays de Néphi et avait voyagé vers le nord le long de la bande côtière de désert « à l’ouest du pays de Zarahemla » (Alma 22:28) ; il semble que les Néphites n’ont jamais défendu cette zone. (Il est probable qu’ils ne l’ont même jamais occupée sérieusement, car leurs annales ne mentionnent aucune zone de peuplement, aucun événement ; voir la carte 10). Quand les assaillants furent allés suffisamment loin en direction du nord, ils « passèrent dans les régions frontières du pays de Zarahemla, et tombèrent sur le peuple qui était au pays d’Ammonihah » (Alma 25:2). L’expression « passèrent » est tout à fait correcte, car ils durent traverser la chaîne de montagnes du désert de l’ouest à partir de la côte pour arriver à Ammonihah, la première grande ville qu’ils rencontrèrent sur la route principale. La chaîne de montagnes de la Sierra Madre occidentale est visible à l’horizon depuis Mirador (comparez avec la carte 10). Il serait difficile de trouver une meilleure correspondance entre le texte et le terrain.

L’une de ces attaques permet de situer une autre ville, Noé, par rapport à Ammonihah. Lorsque L’ennemi marcha pour la deuxième fois contre Ammonihah, il eut la mauvaise surprise de découvrir que le capitaine en chef Moroni avait fortifié l’endroit (Alma 49:4). Voyant leurs projets déjoués là-bas, ils poussèrent plus loin à l’intérieur des terres (v. 12) jusqu’à Noé. L’attaque précédente avait déferlé sur Ammonihah et s’était poursuivie suffisamment loin au-delà pour capturer des prisonniers « autour des régions frontières de Noé » (Alma 16:3). Moroni devina que Noé serait de nouveau leur seconde cible, et il avait raison. Ces deux incidents montrent que Noé était la ville suivante quand on venait de l’ouest et que l’on dépassait Ammonihah en direction des « parties capitales » le long du fleuve. Le candidat qui remplit logiquement ces conditions est Ocozocuautla, un grand site archéologique près de la localité actuelle portant ce nom. Comme Mirador, il se trouve près de la grande route moderne, qui est parallèle à l’itinéraire d’autrefois. Cette zone de peuplement a également été examinée par la BUY-NWAF. Les résultats montrent un autre centre très impressionnant qui connaissait un succès modeste vers l’époque où les Lamanites attaquèrent [12].

Lors de sa tournée de prédication, Alma partit d’abord d’Ammonihah en direction d’une autre ville, Aaron (Alma 8:13). Il n’est pas question, à ce moment-là, de Noé. De toute évidence, Aaron se situait dans une direction un peu différente. Il est vraisemblable qu’Alma suivit tout d’abord la route en direction d’Ocozocuautla / Noé, mais bifurqua vers Aaron avant d’arriver à Noé. Cependant, plus tard, quand Amulek et lui « sortirent » de la vallée d’Ammonihah et traversèrent les hauteurs intermédiaires en direction de Sidom, ils durent traverser Noé (voir la carte 10).

Alma n’atteignit jamais la ville d’Aaron lors de son voyage. Tandis qu’il était en chemin, un ange lui commanda de faire demi-tour et d’enseigner de nouveau à Ammonihah. Mais notre vision de la géographie néphite globale est éclaircie par l’examen de la position d’Aaron. (Ce sujet a été traité brièvement au chapitre 1). Selon Alma 50:14, la région administrée depuis Aaron confinait au territoire de Néphihah, bien que cette dernière fût en bas dans les plaines de l’est (Alma 50:14 ; 59:5). Nous voyons ainsi qu’Aaron se rattache à la fois à Ammonihah, au nord et à l’ouest de Zarahemla, et à Néphihah, à la limite orientale et méridionale du territoire contrôlé par Zarahemla. Il y a au moins une reconstitution de la géographie du Livre de Mormon, faite il y a quelques années, qui trouvait ces mentions d’Aaron inconciliables, concluant qu’il devait exister deux Aaron. Ce n’est pas le cas, semble-t-il. Comme nous l’avons vu au chapitre 1, avec Ammonihah près du désert de l’ouest et Néphihah dans les plaines de l’est, Aaron, associé aux deux, devait se trouver à peu près à mi-chemin entre les mers.

Dans la partie nord-ouest de l’état du Chiapas que nous considérons, un site ancien dominait le secteur central du pays: c’était San Isidro. Il se trouve sur le cours moyen du fleuve Grijalva. La BYU-NWAF a fait des fouilles dans le site juste avant que les eaux du barrage de Nezahualcoyotl ne l’inondent il y a quelques années. On a constaté que San Isidro était la clef économique et politique de toute la zone du Grijalva moyen et le plus grand site sur le fleuve en aval de Chiapa de Corzo [13]. Une personne partant de Mirador / Ammonihah vers les plaines de l’est devrait tout naturellement traverser cette ville en voyageant sur ou près du grand fleuve par l’enchevêtrement de collines qui sépare la dépression centrale des plaines. La route de Mirador vers la côte est suivait une direction telle que le voyageur ne passait pas par Ocozocuautla, comme Alma semble l’avoir fait tout d’abord. La disposition d’ensemble des distances, de la topographie et des cours d’eau dans laquelle se situe San Isidro fournit une solution parfaite au « problème » d’Aaron. Soit dit en passant, les fouilles de San Isidro ont montré qu’elle n’était pas occupée au cours du premier siècle av. J.-C., la période qui suivit l’époque d’Alma. Cela expliquerait pourquoi nous n’entendons plus parler de cet endroit pendant la période des guerres et des émigrations traitée plus tard dans les livres d’Alma et d’Hélaman [14].

Sidom, où Alma se rendit après Ammonihah, était apparemment le centre d’une région plus peuplée qu’Ammonihah et Noé. Aucun arrière-pays n’est mentionné pour ces deux dernières. Par contre, à Sidom, ceux qui répondirent à l’enseignement d’Alma et qui s’affilièrent à son église « furent nombreux; car ils accouraient de toute la région autour de Sidom et étaient baptisés » (Alma 15:14). Sidom se trouvait certainement sur le grand fleuve, le Sidon. Le lien entre les noms doit être significatif ; le baptême est spécialement lié à cet endroit et les exigences d’un ensemble géographique le situent là-bas. Le site archéologique impressionnant de Chiapa de Corzo semble être Sidom. Au cours de plusieurs périodes anciennes, elle a été la plus grande ville du Chiapas, avec beaucoup de petites villes et de villages dépendants dans son réseau immédiat. Elle a dû être une cible riche et cruciale pour Coriantumr, le chef lamanite, puisque sa zone et elle constituaient la partie « la plus capitale » de tout le bassin du fleuve (Hélaman 1:27). Étant le lieu de rencontre du commerce et le centre cérémoniel de la partie inférieure tout entière de la dépression centrale, elle devait aussi être l’endroit logique vers lequel gravitaient des réfugiés d’Ammonihah comme Alma et Amulek (Alma 15:1). Un autre indice intéressant du rapport entre Sidom et Chiapa de Corzo se trouve dans les noms. Au moment de la conquête espagnole, le nom donné à Chiapa par les Indiens tzeltal du voisinage était zactan, « chaux blanche ». Le mot sémitique sidon pourrait venir de sid, chaux [15]. La possibilité d’un lien linguistique réclame une étude plus approfondie.

Chiapa de Corzo était presque certainement occupée depuis au moins mille av. J.-C. par des populations parlant une forme de la langue zoque. Il devait être inhabituel de trouver de vrais Néphites, descendants littéraux de Néphi I, dans ces deux endroits. (À noter que la première chose que Amulek dit à Alma à Ammonihah, c’est : « Je suis Néphite » (Alma 8:20, comparez avec 10:2-3). De toute évidence, la plupart des gens de là-bas n’auraient pas dit une chose pareille, sinon il aurait été absurde de sa part de commencer de cette façon.) Si j’ai raison de dire qu’Amlici et ses forces provenaient de cette région, il y a une certaine ironie dans le succès de la prédication d’Alma à Sidom. Il était, bien entendu, Néphite authentique de par sa naissance et son éducation, quelqu’un du genre de ceux qu’Amlici avait essayé de renverser. Voilà maintenant qu’il entre et qu’il a un puissant effet sur les croyances et des pratiques religieuses, amenant beaucoup de gens au style de vie de (Santa Rosa) Zarahemla.

Lorsqu’il parvient à Sidom, Alma a accompli les deux-tiers de son tour de la dépression centrale et est prêt à rentrer chez lui. (Une supposition raisonnable expliquant pourquoi il n’est jamais allé jusqu’à Aaron est que les événements de Lamoni et de Sidom avaient pris tout le temps qu’il s’était donné pour son tour, peut-être déterminé par l’approche du mauvais temps saisonnier.) Accompagné d’Amulek, Alma quitte Sidom et « passe » à la ville de Zarahemla (Alma 15:18). Aucun centre de population important n’est mentionné en route. Dans le Livre de Mormon, l’expression « passa » désignait de manière plausible le passage par une élévation en chemin. La route classique et raisonnable, depuis Sidom/Chiapa de Corzo, comportait un passage par les plateaux, à l’est plutôt que le long du fleuve. L’itinéraire par les hauteurs garantissait une plus grande facilité de déplacement et beaucoup plus de fraîcheur. Un trajet le long du fleuve aurait été interrompu par des falaises et des ravins ou serait passé par la gorge difficilement praticable d’Angostura. De plus, le climat chaud au fond de la vallée encaissée aurait causé de l’inconfort. Une fois de plus, la grande route moderne, qui recherche l’itinéraire le plus facile, est parallèle à l’ancien chemin passant par les plateaux. Alma et Amulek ont dû monter depuis Chiapa de Corzo jusqu’à une hauteur de deux mille mètres, autour de San Cristobal de Las Casas, une région dont les recherches archéologiques montrent qu’elle n’était colonisée que peu ou prou à leur époque [16]. Ils devaient alors continuer par la vallée de Teopisca avant de descendre jusqu’au fleuve juste en aval de Zarahemla. La carte 10 montre l’itinéraire vraisemblable, probablement celui-là même qu’Amlici et son armée rebelle avaient emprunté précédemment pour atteindre la colline Amnihu.

Tout ce que le Livre de Mormon dit à propos du cadre dans lequel s’est déroulé le voyage d’Alma s’intègre de manière cohérente dans ce schéma géographique. C’est également vrai pour les dates d’occupation des sites anciens mentionnés, dans la mesure où les renseignements dont nous disposons actuellement nous permettent de le vérifier. En outre, certains parallèles sociaux et culturels ressortent de l’histoire. Nous allons maintenant examiner leur cohérence.

TENDANCES DANS LA STRUCTURE SOCIALE NEPHITE

L’expansion croissante de l’influence de Zarahemla réclamait et produisit des changements importants dans un mode de vie hérité d’une époque plus simple. Le roi Benjamin aurait été choqué de voir le rôle joué par les hommes de loi rémunérés ; pourtant ces spécialistes avaient une place reconnue dans la société quand Alma visita Ammonihah (Alma 10:1 ; 11:20). La structure de l’administration gouvernementale devait également grandir avec l’accroissement de la population et des distances. Benjamin semble ne même pas avoir eu un personnel minimum, mais un ensemble de fonctionnaires servait nécessairement Mosiah, son successeur (Mosiah 29:1, 4). Le personnel du gouvernement s’ accrut énormément au cours de la génération suivante, car Moroni fait ressortir dans ses plaintes à Pahoran, pendant la guerre contre Amalickiah, que le nombre des fonctionnaires gouvernementaux était grand (Alma 60:7-8,11, 21-22, 33). Un siècle plus tard, le texte dit d’une manière encore plus explicite qu’il y avait « beaucoup d’officiers » (3 Néphi 6:11).

La différenciation dans les spécialistes du gouvernement s’accompagna de l’apparition de prêtres professionnels. Dès le commencement du règne des juges néphites, Néhor, le prototype du prédicateur-pour-le-profit, était exécuté dans l’espoir d’éradiquer « les intrigues de prêtres », mais cela n’arrêta pas la tendance ; « il y en avait beaucoup qui… s’en allaient, prêchant de fausses doctrines… par amour de la richesse et des honneurs » (Alma 1:16). Et selon toute vraisemblance, l’évolution technique et sociale indiquée dans Alma 1:29 et Hélaman 6:11 stimulait l’apparition de rôles spéciaux à plein temps tels que les artisans et les marchands. À la fin du premier quart de siècle apr. J.-C., nous dit-on, il y avait « beaucoup de marchands » (3 Néphi 6:11).

La différenciation sociale qui se produisit à cette époque était due en partie à l’importance croissante des prêtres. Le cas des Zoramites est clair : leurs chefs religieux, qui faisaient partie de la couche riche de la société, exploitaient systématiquement la population laïque (Alma 31:23-32:5). Les prêtres de Noé chez les Zénifites avaient procédé de la même façon deux générations plus tôt (Mosiah 11:3-6). Les prêtres qui vinrent plus tard recherchèrent à de multiples reprises de nouvelles personnes à exploiter (Mosiah 23:25, 29-39; 24:1, 8-9; Alma 25:4-5). La professionnalisation du rôle du prêtre avait été proposée par Néhor immédiatement avant le problème amlicite et plus tard « l’ordre de Néhor » acquit de la popularité (Alma1:1, 3, 12, 16; 14:16; 16:11; 24:28). Amlici lui-même, qui voulait être roi des Néphites, croyait apparemment aux principes à la base du culte de Néhor, « homme très rusé, oui, un sage selon la sagesse du monde » (Alma 2:1). Les prêtres néphites furent accusés par Korihor, un dissident portant un nom jarédite, ce qui suggère un rapport avec une tradition ancienne d’exploitation du peuple (Alma 30:23). Ce n’était pas justifié dans ce cas, mais le fait que pareille accusation ait pu le rendre populaire (verset 18) signifie que certains prêtres devaient avoir l’habitude de rechercher le pouvoir et la richesse (Mosiah 27:3-5 implique que les accusations avaient un fondement). Il se peut que les principaux délinquants aient été essentiellement les prêtres « officiels » de la vieille école attachés au trône. Ceux-là n’avaient rien à voir avec l’Église d’Alma (Mosiah 27:1). Ils avaient certainement quelque chose à voir avec les rites sacrificatoires accomplis sous la loi de Moïse en rapport avec l’institution de la royauté (Mosiah 2:3 ; notez la « cérémonie » non spécifiée de Mosiah 19:24). Il était connu que les prêtres de l’époque de l’Ancien Testament se remplissaient les poches grâce à leurs fonctions.

Le pouvoir des prêtres résidait en partie dans leur connaissance supérieure. Leur maîtrise du cérémoniel et des livres qu’ils conservaient leur permettait d’être les associés et de faire partie de « la structure du pouvoir ». Cette association devait avoir tendance à les amener à partager avec l’élite gouvernante l’ambition de dominer la société à leurs propres fins (comparer avec Mosiah 11:3-11).

Les prêtres amulonites et amalékites jouèrent d’une manière flagrante le rôle du pouvoir chez les Lamanites, profitant de leur situation cruciale d’experts en connaissance ésotérique (Mosiah 24:1, 4-8). Avant leur conversion, Alma le Jeune et les fils du roi Mosiah étaient d’une espèce semblable : fils de la classe privilégiée, riches, instruits et religieux de nom. Alma « devint un homme très méchant et idolâtre. Et c’était un homme aux nombreuses paroles, et il disait beaucoup de flatteries au peuple » (Mosiah 27:8 ; italiques ajoutés). Tout cela montre à quel point le rôle de dirigeant religieux ou de prêtre était capital à cette période de la société néphite et lamanite. Tout ce qui a été dit ci-dessus à propos des fonctions et des abus du sacerdoce pourrait être dit, et l’a probablement été, dans la littérature spécialisée concernant le rôle du prêtre en Mésoamérique [17].

Les Néphites de l’époque d’Alma s’étaient engagés dans une évolution sociale qui allait se révéler désastreuse. Cependant, la spécialisation dans les compétences était moins importante pour la direction que les Néphites avaient prise que l’apparition des différences de classe. Même dans « l’Église », Alma « vit une grande inégalité parmi le peuple, les uns s’exaltant dans leur orgueil, méprisant les autres, tournant le dos aux nécessiteux, et aux nus » (Alma 4:12). Ce processus, au fil des années, produisit des classes sociales authentiques. Leur apparition est particulièrement claire chez les Zoramites, où « la classe pauvre » se plaignait de ce que les prêtres et les riches, avec « leurs habits somptueux, et leurs annelets, et leurs bracelets, et leurs ornements d’or, et toutes leurs choses précieuses » (Alma 31:28) l’avaient exclue des lieux de culte (Alma32:2-5). À mesure que la tendance prenait forme, le peuple « commença à se distinguer par rangs, selon leur richesse et leurs possibilités de s’instruire » (3 Néphi 6:12). Finalement, « il se produisit une grande inégalité dans tout le pays » (3 Néphi 6:14).

Cette évolution ne s’était pas produite du jour au lendemain. Un processus lent et inexorable avait été à l’origine de la situation, qui atteignit son point culminant juste avant l’avènement du Christ. Il y eut, à ce moment-là, un répit, dû, sans aucun doute, à l’effet de nivellement de la grande destruction et au fait que l’Évangile du Christ fut accepté par l’ensemble de la population. Cependant, après un intervalle, le processus recommença. Quelques générations plus tard, la population croissante se sépara de nouveau selon le rang et la richesse, « et ils commencèrent à être divisés en classes » (4 Néphi v. 26). Ce processus s’amplifia jusqu’à l’extermination des Néphites et se poursuivit par après parmi les groupes survivants.

Bien entendu, le Livre de Mormon n’est pas une histoire de la société. Nous voyons, dans la société, certaines grandes évolutions se manifester dans des descriptions ou des indicateurs occasionnels dans l’Écriture, comme ceux que j’ai cités, mais il est difficile d’avoir une vue d’ensemble. Nous pourrions dire, comme les prophètes, que le peuple désirait la méchanceté, mais cela semble être davantage une description qu’une explication. Quels furent les facteurs immédiats qui contribuèrent à pousser les Néphites dans la direction fatale à laquelle ils se révélèrent incapables de résister ? Ce que l’on a appris sur la vie mésoaméricaine jette de la lumière sur ce qui s’est probablement passé dans la société néphite.

La situation géographique en Mésoamérique favorisait certaines orientations de l’évolution sociale et politique. Un facteur clef était que les régions agricoles les plus fertiles étaient petites et séparées des autres bonnes régions ; c’est pour cette raison qu’il n’apparut pas de grandes nations habitant de manière continuelle de vastes étendues de territoire, comme ce fut le cas en Eurasie. Chaque région locale avait sa combinaison propre de température, de sol, d’eau, de plantes, de saisons et ainsi de suite. Ainsi, l’agriculture, sur laquelle était basée la vie sociale et la culture d’une localité donnée, différait considérablement d’une région à l’autre. Une longue adaptation avait amené chaque groupe local à s’intégrer efficacement à son cadre naturel propre et avait donné naissance à des coutumes et à des modes de pensée respectifs différents. La Mésoamérique était plus une mosaïque de régions – quasiment un archipel d’îlots culturels au milieu d’un océan de déserts – qu’une civilisation harmonieusement intégrée.

La fragmentation eut un certain nombre d’effets cumulatifs. Tout d’abord, les ressources en terres étant limitées dans chaque région, l’augmentation de la population pouvait conduire à des conflits, les non-nantis atteignant la limite que pouvaient supporter les terres qui leur étaient accessibles. Deuxièmement, ces petites zones de peuplement n’avaient normalement pas besoin de grandes structures politiques et ne pouvaient pas non plus les soutenir. Le gouvernement était habituellement entre les mains d’une lignée dominante, souvent d’origine extérieure (elle pouvait être plus objective dans les querelles locales mineures). Les souverains étaient, bien entendu, censés fournir certains services administratifs à la population locale (comme arbitrer les querelles et organiser la défense). Leur domination était ancrée dans la tradition religieuse qui justifiait leur droit de gouverner.

Le fait que la culture et la nature étaient une mosaïque signifiait aussi que l’on ne pouvait se procurer certaines ressources très estimées, comme les pierres de jadéite vertes et les plumes précieuses, qu’en parcourant une certaine distance. Cela stimulait le commerce. Cependant, du fait que les centres étaient séparés par de longues distances, pareil commerce exigeait un investissement important. Ceux qui étaient capables de l’organiser et de le dominer étaient les lignées de l’élite, les riches devenant donc plus riches. Le commerce avait souvent une importance tellement grande qu’il freinait la tendance à la guerre entre les régions, parce que les élites entretenaient des relations diplomatiques avec leurs homologues dans d’autres pays pour protéger leurs marchands. Il y avait donc une tendance à la création de réseaux d’élites, transcendant les frontières locales, dont les membres « se caressaient mutuellement dans le sens du poil ».

Cela ne veut pas dire que la vie était froidement matérialiste. Presque tous les aspects de la vie du groupe étaient teintés de religion. En ce temps-là, la technologie était tellement incapable de surmonter les problèmes naturels difficiles et imprévisibles que tous les peuples mésoaméricains, en fait tous les peuples anciens, estimaient qu’ils devaient reconnaître qu’ils dépendaient de la puissance divine et cultiver son intervention en leur faveur. Cette préoccupation se manifestait habituellement sous la forme de cérémonies publiques complexes dont étaient chargés les nombreux prêtres. Il est évident que cette esquisse est une version extrêmement simpliste des réalités variées de la vie mésoaméricaine [18], mais, comme une parabole, elle est quand même utile comme moyen didactique.

Sous l’action de ces forces contraignantes que constituaient la géographie et la culture, les lignées et les dirigeants dominants apparaissaient et tombaient régulièrement. En dessous de ce flux et reflux, une population de base continuait à vivre discrètement. Les gens du commun n’avaient du respect pour les prêtres et les souverains que quand ils ne pouvaient pas échapper à leur nécessité. L’ « histoire » mésoaméricaine est constituée par les annales complexes, et qui ne sont toujours pas unifiées, des élites luttant entre elles pour obtenir le pouvoir et la gloire. Ces épisodes à rebondissements étaient projetés sur une toile de fond constituée par le mode de vie quasi immuable du peuple.

Le modèle général, si caractéristique de la Mésoamérique, se développa chez les Néphite de part et d’autre de l’époque d’Alma. Certains croyants estiment que scruter l’Écriture pour détecter ces facteurs sociaux parmi ses populations est la manifestation d’un détachement déplacé. L’Écriture, demandent-ils, n’est-elle pas un livre religieux ? C’est vrai, mais la religion n’est pas une catégorie étrangère à la vie telle qu’on la vit. La page de titre du Livre de Mormon, écrite par Moroni, nous montre à quel point son message est lié à l’histoire sociale néphite. 4 Néphi et Mormon soulignent cette idée : les Néphites, à qui s’offraient des possibilités nobles, se livrèrent maintes et maintes fois à des compromissions, parce que le peuple succombait aux forces sociales et culturelles qui s’exerçaient sur lui dans le cadre dans lequel il se trouvait. Au lieu d’être ce qu’il aurait pu être, un peuple de Dieu, il se laissa devenir un simple peuple mésoaméricain. Son expérience peut être un avertissement pour nous, saints des derniers jours, concernant notre vulnérabilité face aux pressions sociales et culturelles visant à nous américaniser, à nous européaniser ou à nous « adapter » autrement encore à notre environnement de la même manière fatale.

Les données archéologiques provenant du Chiapas dans le sud du Mexique, où nous pensons que se trouvait Zarahemla, indiquent clairement un accroissement des distinctions sociales au cours de cette période s’étendant de 125 à 75 av. J.-C.. Une tombe datant de cette époque à Chiapa de Corzo contenait trente-cinq vases de céramique importés, dont certains provenant d’endroits distants de 1 000 kilomètres, d’Oaxaca, du sud de Veracruz, du Guatemala et du Salvador. Seule une personne riche et socialement importante aurait pu disposer des ressources représentées par cette cachette somptueuse. Toutes les tombes antérieures n’avaient contenu que des offrandes locales modestes [18]. Ce n’est là qu’une preuve concrète du processus de changement social que nous voyons se produire tant selon le Livre de Mormon que selon les sources de renseignements extérieures.

On peut observer un niveau plus intime de la société de l’époque d’Alma en examinant la façon dont celui-ci se présente dans les collectivités auxquelles il rend visite, comme le montre sa situation à Ammonihah. Lors de sa première visite, le prophète semble n’avoir eu aucun contact personnel, ce qui peut expliquer qu’on les ait envoyés promener, lui et son message. S’il avait eu des parents proches dans la ville, il serait certainement allé les trouver. Par contre, à son retour, il peut au moins localiser un homme de sa lignée. C’est Amulek, un membre influent de l’élite locale d’Ammonihah chez qui un ange l’envoie. Grâce à cette introduction, Alma ne tarde pas à rencontrer un certain succès. Il est probable que beaucoup de ses convertis comptaient parmi la « parenté » d’Amulek (Alma 10:4, 11-12; 14:1). La nature de la parenté d’Alma et d’Amulek vaut d’être notée. Comme mentionné précédemment, lorsque Alma va le trouver, Amulek dit de lui-même qu’il est « Néphite » (Alma 8:20). « Je suis Amulek... descendant de Néphi », dit-il dans Alma 10:2-3. Mosiah 17:2 donne le lignage d’Alma en des termes identiques. Nous constatons ainsi de ce qu’ils veulent dire tous les deux, c’est qu’ils appartiennent au même lignage. Une pratique maya de l’époque de la conquête espagnole révèle que le même principe régissait la manière de s’entendre en territoire étranger : « Quand quelqu’un se trouve dans une région étrangère et dans le besoin, il a recours à ceux de son nom [et de sa parenté] ; et s’il y en a, ils le reçoivent et le traitent en toute gentillesse [19]. » L’expérience missionnaire dans beaucoup de pays a appris aux saints des derniers jours qu’Alma avait plus de chances de réussir une fois qu’il avait pris contact avec une personne qui lui faisait confiance et pouvait servir d’intermédiaire entre lui et les personnes locales. Amulek remplissait parfaitement ce besoin. Plusieurs bases de confiance rattachaient les deux hommes : ils appartenaient tous les deux à la classe socialement privilégiée (Alma 10:4; 15:16, 18; Mosiah 29:42) ; tous deux étaient membres de la lignée de Néphi et tous deux croyaient également à la même religion (Alma 8:20, 29). Avec l’aide d’Amulek, il se créa un noyau de soutien ou du moins de tolérance, car Alma travailla via le réseau de parenté étendue d’Amulek. Nous pouvons supposer que le prophète néphite procéda de la même manière à Mélek et à Sidom. Dans une société du genre décrit dans le Livre de Mormon, comme dans les groupes mésoaméricains en général, les liens sociaux se créaient essentiellement grâce aux relations de famille. Seuls les plus infortunés du Mexique ancien étaient privés d’une « grande parenté, et beaucoup d’amis » (3 Néphi 7:4). Le commerce et l’émigration étaient normalement facilités par les relations personnelles. La diffusion d’idées religieuses ou de tout autre aspect de la culture passait aussi principalement par les réseaux d’influence de ce genre. En fait, la structure de la société, tant du Livre de Mormon que de la Mésoamérique, se composait, à certains moments, de pas grand-chose de plus que des liens de parenté qui avaient été élaborés.

Nous voyons deux tendances sociales décrites dans les sources mésoaméricaines et dans l’Écriture. Au niveau fondamental, la continuité est manifeste, basée sur la structure locale, écologiquement unie, des relations sociales qui donnaient la primauté à la parenté et au voisinage. En même temps, des hommes ambitieux, puissants et prestigieux essayaient constamment d’augmenter leurs avantages face à l’inertie des institutions populaires. Ils réussissaient souvent mais finissaient par attirer le désastre sur le système social instable qu’ils avaient créé.

UN COUP D'OEIL EN DIRECTION DU NORD

Le fait qu’Alma s’intéressait à Ammonihah et à Aaron, que l’on aurait cru loin au nord de Zarahemla à l’époque de son père, est une indication d’un intérêt nouveau pour le nord. Il n’allait pas tarder à trouver son point culminant dans des émigrations néphites majeures vers le pays situé du côté du nord en passant par « l’étroite bande ». Après avoir quitté Néphi pour Zarahemla, les survivants du groupe d’explorateurs de Limhi, qui avaient visité le champ de bataille jarédite final juste avant 125 av. J.-C., racontèrent certainement maintes et maintes fois leur histoire. Les ancêtres du chef Zarahemla avaient à coup sûr transmis leur propre récit traditionnel concernant le nord, où leurs fondateurs avaient abordé avant d’arriver à Zarahemla (Alma 22:30-32). Ils avaient également rencontré Coriantumr, le dernier souverain jarédite survivant, au nord de l’étroite bande (Omni v. 21). La transmission de noms jarédites tels que Morianton, Néhor, Korihor et Coriantumr (même Moroni signifie « qui provient de Moron [20] ») et la transmission du maïs, que nous avons déjà relevée, sont des témoignages supplémentaires de ce que les descendants de Mulek avaient absorbé des éléments culturels et génétiques provenant de l’ère jarédite. La plus grande partie de ce courant d’influence a dû s’exercer sur les Néphites par l’intermédiaire du peuple de Zarahemla. Lorsque Limhi apporta les vingt-quatre plaques d’or d’Éther à Zarahemla, Mosiah estima qu’il était urgent de les traduire « à cause de la grande anxiété de son peuple; car il désirait, au-delà de toute mesure, être informé sur ces gens qui avaient été détruits » (Mosiah 28:11-12, 17-18). Quelques années plus tard seulement, le commandant en chef Moroni exprimait une vive préoccupation à l’égard des Jarédites détruits, qu’il appelait ses « frères », dans le pays situé du côté du nord (Alma 46:22, 17). Et lorsque Morianton, six ans plus tard, voulut coloniser le pays situé du côté du nord, Moroni et lui en savaient déjà beaucoup sur le pays (Alma 50:29, 32).

La présente étude a touché à plusieurs aspects de la structure sociale révélée dans les annales de l’époque d’Alma dans le Livre de Mormon. Le résultat est triple : (1) La société néphite était engagée dans une expansion importante par son étendue géographique et sa complexité. (2) Derrière les changements spectaculaires, il y avait une continuité sociale. (3) La société dans le Livre de Mormon aux environs de 100 av. J.-C. s’accorde fondamentalement avec ce que nous savons de la Mésoamérique ; la géographie et la culture de cette région mettent en lumière, de nombreuses façons, les peuples de l’Écriture.

CONTRASTES CULTURELS

Nous avons dégagé un certain nombre de ressemblances intéressantes entre l’organisation sociale du Livre de Mormon et celle de la Mésoamérique. Nous voyons également des manières traditionnelles de concevoir le monde ou de l’interpréter, qui semblent rattacher les annales scripturaires aux cultures mésoaméricaines.

Deux traditions religieuses apparaissent parmi les descendants de Léhi, tout comme parmi les Israélites de Palestine. Dans le cas de ces derniers, les prophètes enseignaient une religion moralement exigeante, austère et idéaliste. Elle exigeait l’adhésion à des rites, à des croyances et à des règles de conduite spécifiques, et cependant elle n’était pas dotée d’un cérémoniel important. Sa rivale constante, je la qualifie de « naturaliste ». Elle aussi, elle visait à une sorte de salut par l’obéissance tribale. Les prophètes en ont amené certains dans le peuple d’Israël à des vérités ennoblissantes beaucoup plus élevées que le niveau de leurs voisins. Le rival principal de leur système peut être appelé le baalisme, essentiellement un ensemble de pratiques et de croyances religieuses qui sont passées des Cananéens aux Israélites. Le but principal et effectif du culte de Baal était le même que celui des autres systèmes religieux naturalistes du monde : il cherchait à contrôler la nature au profit de l’homme en ayant recours à des principes assimilés à la magie. À un certain niveau, ce genre de religion était toujours localisé, chaque région ayant sa propre version du culte. Une version cérémoniellement plus spectaculaire était soutenue par les gens qui dominaient la vie nationale, « l’establishment ». Les monuments et les objets ayant une signification cérémonielle religieuse qui ont survécu depuis la Palestine et l’époque de l’Ancien Testament ont été essentiellement des produits du baalisme cérémoniel [21].

Il y avait un niveau encore plus intime et plus fondamental de culte qui était lié au rituel orienté sur la nature du culte de Baal, qui consistait principalement à rendre hommage aux ancêtres et à observer les rites de passage : naissance, accès à l’âge adulte, mariage, mort. La sorcellerie et les guérisons chamanistes appartenaient au même complexe. Une grande partie de cette activité semi-religieuse se faisait de manière non officielle dans les groupes de familles, de personnes apparentées et de voisins [22].

Ces diverses versions publiques et privées de la religion cananéenne étaient reliées entre elles par une vision unifiée du monde et de ce que sont l’homme, la nature et les cieux. La plupart des gens du Proche-Orient du temps de Léhi avaient en commun une connaissance de base des concepts et des symboles couramment utilisés pour communiquer cette vision du monde. (De même qu’aujourd’hui, les gens les gens « modernes » de par le monde ont tendance à entretenir une conception commune du monde centrée sur une science mécanique, une rationalité et un matérialisme mal compris, même s’ils diffèrent sur certains détails tels que le « socialisme » ou le « capitalisme ».) La mer originelle, la divinité, dont on pensait qu’elle se trouvait sur une montagne, qui contrôlait la pluie et la sécheresse, les mouvements du soleil et de la lune expliqués de manière mythologique, le réveil rituel de la végétation au printemps et ainsi de suite – toutes ces idées qui étaient au cœur de la pensée du Proche-Orient étaient ordonnées et expliquées en un tableau d’ensemble fondamentalement commun à l’esprit de tous les habitants de la Palestine, Israélites ou Cananéens.

La tradition des prophètes s’opposait au baalisme. La dévotion de l’Israël ancien pour la tradition naturaliste apparut au mont Sinaï, où se manifestèrent la danse, le veau d’or et d’autres expressions rituelles et idées religieuses de Canaan et d’Égypte. Moïse et les autres prophètes combattirent ce système de pensée plus grossier, en essayant d’élever le peuple à un niveau de compréhension plus élevé que le milieu culturel de son époque. Le thème principal de l’histoire religieuse d’Israël est l’interaction entre les prophètes, avec leur vision élevée, et les tendances récidivistes du gros de la population israélite.

La même situation existait dans la terre promise d’Amérique. En plus de ce que les descendants de Léhi apportaient, le pays connaissait un système religieux qui avait de grandes ressemblances avec celui des Cananéens. Les idéaux et le comportement religieux entretenus par la population mésoaméricaine permanente devaient correspondre aux éléments naturalistes et baalistes existant dans l’esprit et la vie des membres des groupes de Léhi et de Mulek qui étaient moins fidèles. Cette vision contraire du monde défiait constamment les prophètes, qui faisaient de leur mieux pour élever leur peuple à un culte se situant au niveau de l’Évangile. Les spécialistes des cultures mésoaméricaines ont identifié des éléments de croyance et de pratique qui sont le reflet d’une vision mésoaméricaine du monde semblable à celle des Cananéens du Vieux Monde et d’ailleurs de beaucoup d’autres endroits du monde [23]. Les Néphites – nous entendons par là la totalité de la population ethniquement complexe dominée par la lignée de Néphi – ne cessait de dériver vers ce substrat de vision magique du monde. Les Alma, Néphi et Mormon parmi eux essayèrent avec vaillance d’élever cette masse hétérogène de population à une vision plus noble de l’homme et de la création, mais ce n’est que rarement qu’ils y réussirent pendant une période prolongée.

Les prophètes de l’Ancien Testament utilisaient le langage symbolique de la vision baaliste du monde comme véhicule pour instruire le peuple (« selon leur langage », comme le dit Doctrine et Alliances 1:24; l’enseignement doit commencer là où se situe l’esprit des gens, pas là où nous voudrions qu’il soit). Les prophètes l’on fait à toutes les époques sans se formaliser, car le langage symbolique est nécessaire, particulièrement quand il s’agit de parler du monde invisible, et pourquoi ne pas utiliser un langage que les gens connaissent déjà ? C’est ainsi que l’Ancien Testament est plein d’allusions à des montagnes sacrées, au grand abîme, à des colombes, à des serpents, que sais-je encore, qu’il utilise pour parler de Jéhovah et de principes. C’est exactement le même phénomène que l’on voit dans le Livre de Mormon. Néphi enseigne que le Christ est le Rédempteur, en le désignant par un grand symbole sacré de la Mésoamérique (et de l’Ancien Testament), le serpent que l’on a élevé et qui est bénéfique [24] (Hélaman 8:13-16; Alma 33:19-22; Jean 3:14; Nombres 21:9).

Quand il donne aux Zoramites une leçon de foi en parlant de l’arbre de vie qui germe dans le cœur (Alma 32:28-43 ), Alma utilise une imagerie religieuse mésoaméricaine [25]. Comme nous l’avons déjà vu, les idées de l’eau pure et de la mer primordiale sous la surface de la terre avaient été employées, une génération auparavant, comme langage d’enseignement religieux par le père d’Alma. La tradition ou la culture peuvent être utilisées en bien comme en mal, pour enseigner l’Évangile ou le baalisme. Les symboles culturels en usage chez les Néphites et les Lamanites peuvent nous paraître aussi étranges que ceux de l’Apocalypse. Mais dans les deux cas, les symboles ne sont que des instruments, pas la substance. La représentation du serpent peut être utilisée aussi bien par des prophètes respectables que par des prêtres enténébrés. Nous pouvons nous attendre à ce que les idées et les formulations néphites s’intègrent dans le contexte mésoaméricain. Néanmoins, des concepts ou des symboles isolés ne peuvent pas nous fournir la structure dans laquelle ils trouvaient leur sens. Le Livre de Mormon nous montre cette structure – une version assez pure de la tradition prophétique. Dans les sources natives qui ont survécu, nous trouvons des aperçus de la tradition naturaliste.

LA MISSION DES FILS DE MOSIAH

L’histoire de la prédication des fils du roi Mosiah et de leurs amis chez les Lamanites au pays de Néphi fournit des renseignements supplémentaires sur la disposition des territoires et les points de repère naturels. Une fois de plus il s’avère possible d’intégrer ces éléments scripturaires d’une manière cohérente et plausible dans le décor guatémaltèque. Nous voyons aussi que l’évolution sociale et culturelle chez les Lamanites était en parallèle avec ce qui se passait à Zarahemla. Les caractéristiques culturelles, historiques et géographiques que l’Écriture nous donne concernant les Néphites du premier siècle av. J.-C. correspondent une fois de plus à ce qui se passait alors en Mésoamérique.

Les missionnaires montèrent au pays de Néphi en suivant un itinéraire dont certains membres du peuple d’Alma ou de Limhi leur avaient probablement parlé. (Voir carte 11.) Mais quand on raconte, on ne transmet pas forcément des détails suffisants sur ce qui se passe. Dans ce cas-ci, le voyage se révéla être plus difficile que les voyages précédents (Alma 17:7-9). Le groupe finit par s’arrêter à une croisée de chemins, qui était un point de repère naturel, où ils savaient qu’ils allaient devoir se séparer pour se rendre vers diverses destinations à l’intérieur du pays de Néphi. L’endroit en question se trouvait « dans les régions frontières du pays des Lamanites » (Alma 17:13-18). De là Ammon se rendit directement au pays d’Ismaël et Aaron prit la direction de la ville de Jérusalem, tandis que d’autres membres du groupe allaient se retrouver dans un endroit appelé Ani-Anti. Aucun de ces endroits n’est mentionné dans les descriptions précédentes du pays. Ils avaient probablement tous été colonisés systématiquement, du moins par les populations du Livre de Mormon, au cours de la période qui suivit le départ des groupes de Limhi et d’Alma une génération auparavant. Très vraisemblablement, la croisée de chemins où les frères se séparèrent, est Los Encuentros. C’est aujourd’hui un carrefour de grandes routes modernes comme c’était autrefois un point de rencontre antique de sentiers venant de quatre directions.


À Ismaël, Ammon devint serviteur du roi local, Lamoni, qu’il convertit d’une manière remarquable (Alma 17:20-19:36). En compagnie de Lamoni, il se mit à descendre au pays de Middoni, où ses frères avaient été emprisonnés (Alma 20:7). En chemin, ils rencontrèrent le père de Lamoni, roi de tout le pays de Néphi. Il s’ensuivit un duel à l’issue duquel Ammon obtint du vieux monarque que Lamoni devienne un souverain indépendant de lui. Lamoni et Ammon poursuivirent ensuite leur chemin vers Middoni.

Lorsque le groupe missionnaire originel se sépara, Aaron se rendit directement dans un pays appelé Jérusalem « au loin, touchant les régions frontières de [ce que Alma appelait] Mormon » (Alma 21:1). Des dissidents néphites avait amené les Lamanites à y bâtir « une grande ville ». (L’endroit avait été fondé peu de temps auparavant ; nous avons ici un nouveau cas où le statut de « grande ville » ne désignait pas la durée ni la grandeur d’une zone de peuplement, mais sa conception et sa disposition.)

Nous avons vu précédemment que Mormon trouve parfaitement sa place près de l’extrémité orientale du lac Atitlan, le plus près de la ville de Léhi-Néphi (plus précisément à Panajachel ou tout près) [26]. Jérusalem correspond au sens du texte d’Alma 21:1-2 si elle se trouvait de l’autre côté du lac, ce qui la situerait quand même « près des régions frontières » de Mormon. L’endroit le plus vraisemblable se trouve près de Santiago Atitlan, tout au bout de l’extrémité sud-ouest du lac Atitlan [27]. Le lac était « manifestement déifié » dans la pensée des natifs ; les indiens du XVIe siècle considéraient le lac Atitlan comme étant sans fond, rappel des grandes eaux souterraines sans fond sur lesquelles on pensait que flottait le monstre terrestre mésoaméricain (équivalent du tannin ou léviathan hébreu) [28]. Des cônes volcaniques impressionnants se dressent de part et d’autre de Santiago Atitlan, complétant le lien entre montagne et « abîme ». Cette Jérusalem avait visiblement reçu son nom de la ville des Juifs. Les symboles associés à la Jérusalem du Vieux Monde – « l’abîme », les pics, les eaux à « l’orient » et d’autres éléments cosmologiques – étaient utilisés par les prophètes de l’Ancien Testament comme Ésaïe [29], qui intéressaient tellement ces Néphites dissidents (Mosiah 12:20-26). Les fondateurs qui choisirent ce site devaient avoir ces symboles à l’esprit.

Sur toute la longueur du bord du lac, l’endroit le plus favorable pour une ville se situe sur le terrain plat assez étendu qui entoure Santiago Atitlan. Le commerce par bateau sur le lac (une source de richesse pour une collectivité – comparez avec Mosiah 24:5-7) est concentré sur cette région pour de bonnes raisons géographiques, comme l’explique McBryde [30]. L’endroit était également proche des régions principales de population lamanite, qui n’étaient qu’à quelques kilomètres plus bas dans la zone de piémont chaude mais riche du point de vue agricole. Les ruines et les monuments indiquent qu’il existait des traditions religieuses et artistiques évoluées dans cette région de contreforts à la fin de l’époque d’avant Jésus-Christ [31]. La région de Jérusalem est virtuellement une extension du piémont jusqu’au joli bord du lac. Il ne fait pas de doute que la nouvelle ville représentait des concepts symboliques et de colonisation auxquels les prêtres amalékites et lamanites s’étaient déjà habitués dans la zone plus basse et plus chaude.

Il faut se rappeler que cette Jérusalem fut recouverte par les eaux à l’époque de la crucifixion du Sauveur (3 Néphi 9:7). Or le niveau du lac Atitlan a changé de manière spectaculaire – des différences de hauteur allant jusqu’à 18 m à l’époque historique et jusqu’à 5 m en une seule année – ce qui permet de comprendre qu’une ville située sur ce bord de lac pouvait être submergée brusquement [32]. C’est ainsi que plusieurs raisons intéressantes et plausibles nous amènent à situer Jérusalem à cet endroit.

Ayant échoué dans sa prédication dans la nouvelle ville, Aaron « passa » (Alma 21:11) dans un village appelé Ani-Anti. Il est probable que « passa » signifie qu’il traversa le pied du volcan Toliman ; le chemin normal de Santiago Atitlan au village suivant passe sur ces coulées de lave. À Ani-Anti, il rencontra certains de ses compagnons, qui étaient arrivés par un autre itinéraire. Ils avaient dû prendre l’autre chemin autour du lac par rapport à l’endroit d’où ils s’étaient dispersés, en passant par la vieille région de « Mormon » où Alma s’était caché. San Lucas Toliman, à l’extrémité sud-est du lac, correspond aux conditions requises pour être Ani-Anti.

Aaron et ses compagnons se rendirent ensuite au pays de Middoni, où Ammon et le roi Lamoni les trouvèrent plus tard en prison (Alma 20:30 ; 21:12). Les détails géographiques donnés dans le Livre de Mormon concernant Middoni s’expliquent parfaitement bien si celle-ci se trouvait dans la vallée d’Antigua, la pittoresque capitale coloniale du Guatemala. Ici deux des cônes volcaniques les plus impressionnants du pays encadrent une vallée étroite mais luxuriante, étroitement liée, dans son histoire culturelle, à la région voisine de Néphi. Des éruptions et des tremblements de terre dévastateurs ont périodiquement frappé l’endroit. Il n’y a eu, jusqu’à présent, que des recherches archéologiques non officielles dans cette vallée. Des vestiges abondants témoignent d’une population importante à l’époque du Livre de Mormon, même si l’on n’a encore découvert aucune ruine majeure (il se pourrait très bien qu’il y en ait une sous une couche épaisse de cendres volcaniques [33]). Soit dit en passant, aucune ville n’est mentionnée par l’Écriture au pays de Middoni, uniquement le « pays ».

Le pays appelé Ismaël, où Ammon avait trouvé Lamoni, s’adapte à la région de Chimaltenango. Cela en fait une première étape logique pour le missionnaire néphite après sa séparation d’avec ses frères ; l’endroit est sur la route normale, en allant vers Néphi ou en en revenant, que les Zénifites, Alma et d’autres avaient suivie à des époques précédentes.

Nous pouvons détecter une configuration d’ensemble intéressante de ces pays lamanites lorsque nous lisons le récapitulatif des Lamanites convertis et non convertis dans Alma 23:9-12 (comparez avec 25:13). Les convertis étaient concentrés autour de Léhi-Néphi, la ville principale de toute la région depuis le temps de l’ancêtre Néphi. Cette ville, nous l’avons vu, se trouvait très vraisemblablement sur le territoire de l’actuelle Guatemala City. Shilom et Shemlon étaient dans la même vallée. Ismaël était séparé de Léhi-Néphi par un plateau intermédiaire modeste, le Madian d’Alma 24:5, un point de rendez-vous logique. Si l’on place Madian dans cette région (Sacatepequez), elle répond à tous les critères. D’Ismaël, Ammon et Lamoni ont dû effectivement « descendre » de manière conséquente vers Antigua / Middoni (Alma 20:7). Les villes de Lémuel et de Shimnilom sont mentionnées dans un contexte qui permet de penser qu’elles se trouvaient au voisinage de Léhi-Néphi, mais elles ne sont citées, l’une et l’autre, qu’au passage, de sorte que nous ne pouvons pas les situer avec certitude. L’une d’elles ou les deux ont pu se trouver près de Canchon ou dans la vallée de Pinula, où l’on trouve des ruines datant de la période considérée, immédiatement à l’est de la vallée du Guatemala [34].

Chose intéressante, tout cet ensemble de pays convertis constitue une « région symbiotique » – un territoire écologiquement unifié, dont l’économie avait naturellement tendance à être intégrée. Cela peut contribuer à expliquer pourquoi les Lamanites de tout ce secteur en arrivèrent à agir en bloc sous le roi lamanite converti à Léhi-Néphi, la ville principale.

Les régions non converties se trouvaient « au pays d’Amulon, et aussi au pays d’Hélam, et… au pays de Jérusalem, en bref, dans tout le pays alentour » (Alma 24:1). Il est très vraisemblable que les régions « alentour » comprenaient la région très peuplée des contreforts. Là, dans des sites tels que Monte Alto et El Baul, on trouve dans les vestiges archéologiques une continuité considérable par rapport à la vieille tradition olmèque/jarédite [35]. La présence d’une tradition culturelle différente a pu rendre ces endroits particulièrement résistants au prosélytisme.

Je pense qu’il y avait une raison pratique pour que les dirigeants des régions périphériques s’opposent aux missionnaires et au roi converti. Son peuple Anti-Néphi-Léhi avait décidé d’entrer « en relations » avec les Néphites de Zarahemla (Alma 23:18) par l’intermédiaire des missionnaires néphites. Si l’on interprète la situation en termes mésoaméricains, cela amène à l’hypothèse suivante : Si une collaboration politique, économique et religieuse devait se produire entre le peuple du roi et les Néphites de Zarahemla, les ambitions de pouvoir et de richesse des dirigeants amalickiahites et amulonites seraient menacées. Les conservateurs se trouveraient alors en présence d’un rival puissant, qui perturberait le réseau commercial guatémaltèque méridional [36] (Mosiah 24:7). S’il y avait des liens directs entre la région des plateaux et la patrie néphite, cela laisserait la région amalékite-amulonite concurrente sur la touche [37]. Bien que cette idée ne soit que supposition, elle est parfaitement mésoaméricaine et elle permet aussi d’expliquer des événements du Livre de Mormon.

Les Lamanites, qui étaient irrités par l’influence des missionnaires, finirent par agresser les convertis en dépit du fait qu’ils étaient leurs frères ethniques. Ils « montèrent », armés, vers le cœur de la région de Néphi « dans le but de faire périr le roi » (Alma 24:20). L’armée assoiffés de vengeance vint probablement de la zone des contreforts le long de la route d’attaque normale en montant par Shemlon / Amatitlan.

LA ROYAUTE CHEZ LES LAMANITES

Les pays où les fils de Mosiah travaillèrent étaient limités à une partie restreinte des plateaux ; pourtant, la description géographique du royaume gouverné par le roi des Lamanites parle de régions s’étendant de la mer de l’est à la mer de l’ouest (Alma 22).

Tout d’abord le livre nous propose une séquence chronologique. Le domaine lamanite le plus ancien était, à strictement parler, sur la côte ouest. De là les Lamanites exercèrent une pression sur les premiers Néphites autour de la ville de Néphi et finirent par s’emparer de cette zone. À la fin de la période zénifite, vers 125 av. J.-C., la domination lamanite s’était étendue jusqu’à Hélam et Amulon. Plus tard encore, pendant la période missionnaire, Jérusalem, au bord du lac, et d’autres régions périphériques avaient été colonisées. Le point culminant de l’expansion est signalé aux environs de 80 av. J.-C., quand Alma 22:27 nous apprend que le roi lamanite exerçait une espèce de souveraineté sur des populations situées dans des régions touchant « même à la mer, à l’est et à l’ouest ». Le tableau que l’archéologie et les sources historiques nous permettent de peindre à cette époque suggère la façon dont la souveraineté a pu fonctionner, mais ne nous donne pas d’indication positive de ce que pareille domination ait réellement existé en 80 av. J.-C. Ainsi donc, une certaine ressemblance culturelle et linguistique est évidente dans presque toutes les régions depuis la côte pacifique du Guatemala jusqu’au golfe de Campeche [38] (la mer de l’est et la mer de l’ouest du Livre de Mormon).

Le fait que le roi ait gouverné à distance signifie que son règne n’a pas pu être basé sur un appareil coercitif. En temps de crise, il ne pouvait même pas contrôler les populations des plateaux proches de sa capitale. Par exemple, Lamoni, son fils et vassal local, lui opposa un refus alors qu’il avait une idée bien arrêtée sur un certain sujet, malgré le fait que le fils « craignait de l’offenser » (Alma 20:11 ; comparez avec 24:2). Le « gouvernement », tel que nous le concevons, était limité, en ce temps-là, par des facteurs tels que le manque de communications régulières, l’insuffisance de tenue de registres et d’une mauvaise élaboration des procédures administratives. Au lieu d’envoyer des subordonnés pour exiger des comptes de Lamoni, le roi fit le voyage seul et combattit Ammon personnellement. Nous n’avons aucune indication qu’il y ait eu avec lui ne serait-ce que des serviteurs. Le rôle gouvernemental du grand roi consistait essentiellement à conférer des lettres de créance à des chefs ou « rois » subalternes comme son fils (Mosiah 24:2 ; Alma 20:9). En retour, ces dirigeants locaux lui étaient effectivement liés, et la manière probablement la plus visible dont ils l’étaient, c’était par un système de tribut (l’équivalent partiel de la taxation à l’époque moderne). Il était facile de revendiquer le titre de roi (voir Alma 2:9;47:6; 3 Néphi 7:9), mais les pouvoirs du souverain étaient pour le moins limités ; Mosiah 20:25 souligne à quel point. Ces dirigeants étaient en réalité des « chefs », selon le jargon des sciences sociales d’aujourd’hui, car il leur manquait la structure et les pouvoirs contraignants caractéristiques d’un véritable gouvernement d’état [39]. Leur force était spécialement consolidée par les symboles entourant la fonction de roi. Le rituel, les mythes et l’attirail sacré conféraient à un « roi » légitime, aux yeux du peuple, un degré et une qualité de pouvoir qu’aucune armée, à elle seule, ne pouvait produire. Ce serait cependant une erreur de trop minimiser l’institution monarchique lamanite. Par exemple, l’une des deux seules utilisations du terme « palais » dans le Livre de Mormon se produit en relation avec le roi lamanite et son fils Lamoni. (Apparemment Zarahemla n’a jamais eu de « palais » méritant ce nom.) Le simple fait que ce terme existe indique qu’il y avait un concept important de la royauté [40], même si la pratique a pu être déficiente. S’il y a un endroit de la Mésoamérique méridionale qui a pu être le siège d’un roi avec un palais, jouissant d’un pouvoir de principe s’étendant d’une mer à l’autre, ce devait être Kaminaljuyu ou Néphi. À l’époque dont nous parlons, c’était clairement le site le plus important de toute la région depuis Campeche jusqu’au Salvador.

La meilleure analyse de ce qui se passait sur les plateaux du Guatemala, à l’époque considérée dans les livres de Mosiah et d’Alma, est celle faite par le professeur David Freidel de la Southern Methodist University. Il considère qu’il est clair « que la vie sociale et l’art public ont atteint un point culminant pendant la période préclassique tardive (300 av. J.-C. - 100 apr. J.-C.) » [41]. Pendant le reste de l’histoire précolombienne, la région a été balkanisée en fragments politiques qui ne sont plus jamais parvenus ne serait-ce qu’au niveau limité d’unité que connaissait la Mésoamérique il y a 1900 ans [42]. Les symboles de la souveraineté et du culte représentés dans l’art public sont remarquablement abondants et variés à Kaminaljuyu. « Apparemment, des sculpteurs provenant de nombreuses localités résidaient et travaillaient dans ce centre cosmopolite. » De plus, « la riche variété de sculptures découvertes à Kaminaljuyu » indique sans aucun doute « une interaction importante entre entités politiques [43]. » L’absence d’une « idéologie et d’une religion commune » donne à penser qu’il n’existait pas de structure politique unique et stable pour servir de lien entre les groupes ou tribus séparés. « Le maintien de chaque [unité politique] était basé sur un statut d’apparentement mais séparé et égal. » Néanmoins le professeur Freidel détecte « l’ébauche du développement d’une élite régionale » s’identifiant comme une entité sociale coiffant tout le reste, qui assurait une certaine unité [44]. Cette évolution sur les plateaux, centrée à Kaminaljuyu, ne tarda pas à susciter des effets semblables dans les plaines au nord à « l’est ». Par la suite, les plateaux furent la source probable des symboles qui devinrent populaires dans les plaines et la source permanente d’une imagerie nouvelle [45].

Une lecture soigneuse du Livre de Mormon confirme ce que nous venons de voir. Néphi/Kaminaljuyu était le centre culturel dominant qui servait de modèle aux cultures localisées environnantes, mais son histoire politique est en dents de scie : au début, des « Néphis » régnant comme rois à une petite échelle, puis dislocation, délabrement de la ville (Mosiah 9:7-8) pendant une occupation lamanite superficielle, reprise en mains par les Zénifites, ensuite souveraineté lamanite assez lâche, suivie d’un intermède Anti-Néphi-Léhi sous influence néphite et ainsi de suite. À l’époque où les missionnaires néphites étaient là-bas (Alma 17-22, vers 90 av. J.-C.), un « roi de tout le pays » politiquement faible unit de manière charismatique le pays étendu de Néphi (Guatemala). Les idées et les symboles (par exemple, le « Grand Esprit » d’Alma 18-19) ainsi que les liens d’amitié et de parenté (Alma 20:4, 9) plutôt que les liens administratifs officiels, étaient les attaches qui assuraient la cohésion de la scène politique « balkanisée ». En outre, on nous dit que des idées essentielles sont sorties du centre de Néphi situé sur les plateaux pour stimuler l’évolution politique dans les plaines (comme dans Alma 25:5-11; 43:4-7).

Une chose qui nous précise davantage encore l’image que nous pouvons nous faire de la souveraineté lamanite est le verbe utilisé dans Mosiah 24:2 : « Le roi des Lamanites avait désigné des rois sur tous ces pays. » C’est là quelque chose de très mésoaméricain. Des traditions qui remontent jusqu’à 700 apr. J.-C. nous montrent des rois locaux recevant leur mandat pour régner au nom d’un souverain central qui se trouve à « Tulan » . Divers centres ont été reconnus à diverses époques comme étant des « Tulans », mais il y avait une chose qui était toujours exigée : les candidats souverains locaux devaient obtenir une « franchise » légitime de la part du Tulan principal de l’époque. « À Tulan... ils recevaient leur pouvoir et leur souveraineté », dit le Popol Vuh . Le Tulan le plus célèbre a été la métropole de Teotihuacan. La pratique de déléguer des chartes de royauté locale est peut-être venue de là et a commencé quelques siècles apr. J.-C. Cependant la coutume a pu être plus ancienne encore. Jacinto Quirarte a démontré qu’un groupe particulier de symboles artistiques, que l’on avait longtemps considéré comme étant au centre de la culture de Teotihuacan, était en réalité apparu pour la première fois à Izapa, au Chiapas, ou à Kaminaljuyu, dès le premier siècle av. J.-C. [46].C’est précisément l’époque où gouvernait le roi lamanite que nous avons décrit. La situation de Teotihuacan en tant que « Tulan », centre de la souveraineté, aurait-il eu un précédent guatémaltèque ? Si la ville royale de Léhi-Néphi remplissait alors les fonctions de Tulan, et si elle avait le pouvoir de désigner des souverains locaux dans tous les territoires qui s’étendaient d’une mer à l’autre, le récit du Livre de Mormon prend un relief nouveau. Au lieu que le règne étendu du roi soit une anomalie, un problème que nous ne pouvons pas gérer, l’Écriture devient un indice de ce qu’une institution mésoaméricaine extrêmement importante existait un peu plus tôt que ne l’ont découvert les spécialistes [47].

Les archéologues objecteront que la diversité de l’art local et des vestiges locaux est trop grande pour que soit possible une interaction politique de l’espèce que nous venons de décrire. Toutefois, dans la période qui a précédé immédiatement la période préhispanique au Guatemala, les variations locales dans les styles des céramiques et des objets masquent ce que les histoires de lignée nous disent avoir été une unité politique assez large et réelle [48]. L’inverse est également vrai : les styles traversaient souvent les frontières ethniques, politiques et linguistiques. De toute évidence, les critères permettant de déterminer les interactions politiques en se basant sur vestiges matériels sont toujours incertains.

L’épopée du groupe missionnaire prit fin sur un nouveau retrait, dirigé par les Néphites, hors des plateaux du Guatemala / Néphi. Les Lamanites convertis « quittèrent le pays… et arrivèrent [par le massif de Cuchumatanes] près des régions frontières du pays » de Zarahemla (Alma 27:14). Ils y campèrent, un peu plus haut que Manti, tandis que leurs guides néphites les devançaient à Zarahemla pour se rendre compte de la réception qui les attendait. En chemin, les fils de Mosiah rencontrèrent leur vieil ami Alma, qui était parti de Gédéon pour se rendre à Manti. Ils se racontèrent sur place quatorze années de joie et de souffrances (Alma 17:1-27). Ils se rendirent alors tous, Alma, le grand prêtre, y compris, à Zarahemla. En fin de compte, les nouvelles dans la capitale furent bonnes. Les Anti-Néphi-Léhis ou peuple d’Ammon, comme on finit par les appeler, reçurent un pays à eux, Jershon. Mis au courant, ils traversèrent Gédéon (la vallée de Comitan) en longeant la route des hauteurs et descendirent vers leur nouvelle patrie près de la mer de l’est sans jamais apercevoir Zarahemla elle-même.

RENCONTRE A MI-CHEMIN AVEC L’ARCHEOLOGUE

La section du Livre de Mormon dont nous venons de traiter soulève plusieurs points qui ont trait aux vestiges matériels que les archéologues examinent. Il est parfois difficile de saisir le sens de leurs découvertes par rapport au texte de l’Écriture. Quelques comparaisons supplémentaires entre le matériel archéologique et le matériel textuel pourraient aiguiser notre sensibilité à l’égard des problèmes méthodologiques que cela implique et souligner le besoin d’être prudent lorsque l’on traite des deux types de données.

Deux textiles mentionnés dans le Livre de Mormon (Alma 4:6) sont le lin et la soie. Aucun de ces deux textiles, tels que nous les connaissons, n’existait en Mésoamérique à l’arrivée des Espagnols. Ce peut être un problème purement linguistique. Le redoutable Bernal Diaz, qui accompagnait Cortez lors de la première vague de la conquête, décrit des vêtements mexicains natifs fait de « henequen, qui ressemble au lin [49] ». La fibre du maguey, qui sert à la fabrication du henequen, ressemble fort à la fibre du lin utilisé pour fabriquer les tissus européens. Les conquérants ont également signalé plusieurs espèces de « soie ». Une espèce était filée à partir du duvet du ventre des lapins. Le père Motolinia signale aussi la présence d’un ver à soie sauvage ; il pensait cependant que les Indiens ne se servaient pas des cocons. Mais d’autres informations signalent que l’on filait et tissait de la soie sauvage dans certaines régions de la Mésoamérique. Un autre type provenait de la cosse du ceiba [50]. Nous ne découvrirons sans doute jamais de vestiges de ces tissus, mais en tous cas l’utilisation des mots dans le Livre de Mormon ne pose plus de problèmes.

L’ « argent » d’Alma 11 est une autre histoire. Ce serait agréable de pouvoir dire que le problème a été résolu, mais ce n’est pas le cas. Hugh Nibley a donné une introduction sensée à ce sujet difficile : « Qu’est-ce que l’argent? » en ce qui concerne le Moyen-Orient [51]. Mais la question reste : Se servait-on d’argent en Mésoamérique, pays du Livre de Mormon ? Il n’existe pas de données auxquelles on puisse se fier qui montrent que l’on ait utilisé des pièces de monnaie dans le Nouveau Monde précolombien en dépit de découvertes rares, qui laissent perplexe, de pièces provenant du Vieux Monde [52]. Mais il n’est pas nécessaire que l’argent ait la forme de pièces de monnaie. Ce peut être un moyen convenu en unités standard utilisé comme mesure publique de valeur. On connaissait plusieurs espèces d’argent, dans ce sens-là, en Mésoamérique. La plus courante étaient la fève de cacao, dont l’utilisation a continué au moins jusqu’il y a cinquante ans. (Les gens pouvaient alors littéralement boire leur argent sous forme de cacao !) [53]. Le système mentionné dans le livre d’Alma est calqué sur la pratique israélite d’avant l’exil babylonien, en ce sens que les unités monétaires utilisées (comme le sicle) étaient des unités de poids en métal plutôt que des pièces standardisées. Il semble que l’usage de pièces frappées ne soit entré en vigueur en Palestine qu’après le départ de Léhi. Il est certain que les unités monétaires citées dans Alma 11 étaient des poids de valeur proportionnelle. Les recherches ont également montré récemment que le fait de rattacher des mesures de grain à des valeurs de métal précieux, à la manière d’Alma 11:4-19, était une pratique égyptienne [54]. Nous ne pouvons pas dire s’il y a eu de l’argent pesé en Mésoamérique. Aucune étude sérieuse de l’usage de l’agent dans cet endroit n’a jamais été entreprise. Comme je l’explique en détail au chapitre 7, le sujet tout entier des métaux en Mésoamérique, à l’époque du Livre de Mormon, demande beaucoup plus de recherches pour que l’on puisse combler les lacunes importantes de nos connaissances. La métallurgie sud-américaine est beaucoup mieux comprise que celle du Mexique et du Guatemala, et cependant des découvertes surprenantes se produisent même dans cette région « bien connue ». Tout récemment, une tombe contenant 12 000 pièces d’ « argent » métal (bien que n’étant pas des pièces de monnaie comme telles) a été trouvée en Équateur, confirmant pour la première fois le fait que certains sud-américains anciens ont eu l’idée d’accumuler une fortune à l’aide d’unités métalliques de richesse plus ou moins standard [55]. Une découverte aussi surprenante en Mésoamérique pourrait changer les idées limitées que nous avons aujourd’hui.

Il y a un autre aspect de la culture ancienne qui mérite également d’être éclairci sur la base de l’archéologie. Le Livre de Mormon mentionne trois types de lieux de culte. Les temples, les sanctuaires et les synagogues. Ces lieux de culte devraient avoir laissé des vestiges. Nous avons examiné brièvement les temples au chapitre précédent, mais pas les deux autres types. Un sanctuaire est habituellement considéré comme un édifice érigé dans un endroit révéré où des personnes et des familles peuvent rendre le culte à n’importe quel moment. En Palestine, Béthel était un endroit de ce genre, utilisé au moins depuis l’époque où Abraham y avait rendu le culte (Genèse 12:8; 28:16-22) jusqu’au temps de Léhi (2 Rois 23:15). Les Israélites qui se sont rendus en Amérique ont certainement suivi la pratique de désigner des sanctuaires et d’y rendre le culte. Certains de ceux-ci ont dû exister dans des maisons ou dans des localités résidentielles ; il était attendu de ceux qui croyaient en Dieu qu’ils invoquent son nom et confessent leurs péchés devant lui et qu’ils veillent et prient continuellement (voir Alma 15:17 ; 17:4). Aujourd’hui, dans de nombreux endroits de la Mésoamérique, les natifs entretiennent toujours la coutume précolombienne de consacrer un coin de la maison à des rituels quotidiens discrets. Les sommets des collines ont également servi, et servent encore, de sanctuaires où des personnes laissent des offrandes. Les trous d’eau et les lacs sont également des lieux du culte fréquents [56]. Les monuments de pierre précolombiens eux-mêmes sont considérés comme sacrés aujourd’hui dans beaucoup de localités. Les gens s’y rendent pour confesser leurs péchés et prier pour obtenir le pardon [57]. Les sanctuaires lamanites et néphites ont pu revêtir l’une quelconque de ces formes.

À ce propos, nous devrions retourner au traitement que nous avons fait précédemment de la religion prophétique par opposition à la religion baaliste. Le culte dirigé par les prophètes réduisait systématiquement, sans les exclure, les objets et les lieux sacrés. Ses préoccupations principales étaient les résultats spirituels plutôt le cadre matériel. Le mobilier religieux que les archéologues ont récupéré en Palestine semble découler essentiellement de la tradition non prophétique. Dans la terre promise d’Amérique, nous devrions pouvoir nous attendre à une distinction semblable. Les écritures et les peintures ésotérique de la Mésoamérique ancienne avaient presque toutes une signification religieuse, pense-t-on, mais elles n’avaient probablement que peu ou pas de place dans le culte de Benjamin ou d’Alma. Bien entendu, avant sa conversion, Alma le Jeune avait été idolâtre (Mosiah 27:8) comme son père avant lui (Mosiah 11:7; 17:2). Les visiteurs des musées de Mésoamérique ou de grands sites comme Teotihuacan peuvent voir de nombreux vestiges de ce culte d’un genre inférieur, mais nous ne devons pas espérer rattacher directement ces objets à la religion des prophètes néphites. Il est donc intéressant que l’art religieux monumental soit essentiellement absent dans les régions du Chiapas que j’associe à la présence néphite au cours de l’époque du Livre de Mormon. Par contre, les lieux essentiellement habités par les Lamanites, selon cette interprétation géographique, fournissent beaucoup d’images religieuses, en particulier à l’époque où le Livre de Mormon nous dit que les pratiques religieuses étaient décadentes [62].

Qu’étaient les synagogues ? Elles sont mentionnées aussi bien chez les Néphites que chez les Lamanites sous l’influence de Néphites dissidents (Alma 21:4-5; 32:1-12; Hélaman 3:9,14; Moroni 7:1). Ont-elles pu laisser des ruines qui auraient pu être découvertes ? À première vue, l’idée même semble poser un problème au Livre de Mormon. Beaucoup d’historiens ont affirmé qu’il n’y a eu de synagogues chez les Juifs que longtemps après que Léhi ait quitté la Palestine. Il y a cependant maintenant un autre groupe d’experts qui affirme que la synagogue était antérieure au départ de Léhi. Ils proposent que quand il a fait sa grande réforme du culte juif pour en balayer les intrusions païennes, le roi Josias a fermé les vieux sanctuaires (2 Rois 23). « La centralisation du culte à Jérusalem à partir de 621 av. J.-C., qui refusait à beaucoup de Juifs une part dans le culte du temple, a dû inévitablement conduire à la création de lieux d’assemblée non sacrificiels [63] » – donc de synagogues. Ainsi donc le concept, en tout cas, de la synagogue a pu exister pendant une génération à l’époque où commence 1 Néphi. Plus tard, les synagogues ont servi de centres communautaires ouverts à quiconque voulait rendre le culte ou parler (comparer avec Alma 26:29). Selon le talmud babylonien, la synagogue juive était normalement orientée vers Jérusalem et se trouvait également à l’endroit le plus élevé de la localité et près d’un point d’eau [64]. Une synagogue n’était pas nécessairement un bâtiment ; ce pouvait être un simple enclos.

Il existe, dans les sites de la Mésoamérique ancienne, des structures à des fins apparemment sacrées, qui répondent à la plupart des critères talmudiques. Il faudrait qu’un chercheur ambitieux fasse des comparaisons détaillées. Cette étude devrait examiner soigneusement les noms aussi bien que les ruines. Le concept de synagogue est difficile à distinguer des termes apparentés utilisés dans le Livre de Mormon. Les « églises » établies par Alma à Zarahemla et aussi « l’assemblée » des Lamanites (Alma 21:16) avaient apparemment une fonction parallèle à celle de la synagogue. Il y a plusieurs termes de l’Ancien Testament qui signifient « assemblée » ou lieu de réunion d’un tel groupe, les termes se chevauchant dans la traduction. L’un de ces mots a été traduit par « synagogue », mais anciennement des mots tels que synagogue, ekklesia, kenishta et ‘eda étaient traduits librement comme s’ils étaient équivalents [65]. Il se peut donc que nous constations que ce qui distinguait une synagogue d’une église locale dans la conception néphite était si subtil que nous ne pourrons pas les distinguer sur la base de leurs vestiges.

Des autels sont mentionnés deux fois dans le Livre de Mormon (Alma 15:17 ; 17:4). Ils devraient pouvoir être identifiables dans les vestiges archéologiques. En fait, l’utilisation mésoaméricaine de l’autel accompagné d’une stèle provient apparemment de la côte Pacifique du Guatemala [66]. Peut-être s’avérera-t-il que ce complexe se rattache à celui qui était utilisé dans la Palestine israélite de l’époque de Léhi, où une stèle commémorative (massebah) était érigée pour une personne décédée dans un « haut lieu » ou tumulus sacré où l’on offrait des sacrifices ; car « chaque bamoth [haut lieu ou tumulus sacré] devait avoir son autel [67] ». Le complexe stèle-autel-tumulus sacré est bien entendu caractéristique de la Seconde Tradition mésoaméricaine.

Une autre construction qui apparaît dans les vestiges du passé est ce que le Livre de Mormon appelle « sépulcre ». La reine lamanite demande à Ammon si Lamoni, son époux inconscient, doit être enterré dans l’un de ceux-ci, « qu’ils avaient fait dans le but d’enterrer leurs morts » (Alma 19:1, 5). À Kaminaljuyu on a dégagé des tombes, de cette époque précisément, qui nous donnent une bonne idée de ce à quoi rassemblait probablement un « sépulcre » lamanite. La Tombe I dans le Tumulus E-III-3 contenait les restes d’une personne hautement honorée. La tombe avait été creusée dans le sommet de la montagne artificielle, la plus grande plate-forme de terre de la ville morte. Des terrasses ou bancs avaient été laissés le long des parois du trou pratiqué dans le remblai d’argile. Le cadavre richement habillé y avait été transporté sur une civière, certainement accompagné d’une procession importante de pleureuses (comparez avec Alma 18:43). Une fois que la civière portant le cadavre, tête tournée vers le sud, a été soigneusement placée au centre de la chambre funèbre, un mobilier et du matériel riches, devant être utilisés dans la vie après la mort, ont été placés sur et autour du corps. Une fois la cérémonie terminée, un toit plat en bois a été construit et recouvert de remblais d’argile. (Le bois a fini par pourrir, sur quoi on a ajouté de l’argile pour remplir le creux et rendre la surface lisse au sommet. Plus tard encore, des pilleurs de tombes ont creusé à la recherche d’ornements précieux.) Dans une deuxième tombe dans le même tumulus, on a trouvé trois squelettes en plus du squelette principal. Leur état et leur position donnent à penser qu’ils avaient été sacrifiés pour accompagner le dirigeant décédé. C’étaient peut-être des esclaves [68] (comparer avec Mosiah 7:15; Alma 17:28; 27:8).

Nous voyons des situations où les découvertes archéologiques peuvent avoir un point de contact direct avec ce que dit le Livre de Mormon. Rencontrer l’archéologue à mi-chemin est probablement une bonne idée, mais il aura peut-être besoin d’aller encore plus loin dans son travail si l’on veut que celui-ci soit suffisamment significatif pour éclairer correctement le texte.
 

NOTES

 

1. John Tvedtnes a traité des éléments qui montrent que l’assemblée et la cérémonie dirigées par Benjamin étaient une version de la fête israélite des Tabernacles: « The Nephite Feast of Tabernacles », dans Tinkling Cymbals: Essays in Honor of Hugh Nibley, édité et publié à titre privé par John W. Welch, Los Angeles, 1978. Disponible sous forme de Preliminary Report TVE-78 auprès de la Foundation for Ancient Research and Mormon Studies, P.O. Box 7113, University Station, Provo, Utah 84602.
2. Henry F. Dobyns, « Estimating Aboriginal American Population: An Appraisal of Techniques with a New Hemispheric Estimate », Current Anthropology 7 octobre 1966, pp. 395-416, avec des commentaires faits par d’autres; William A. Haviland, « A New Population Estimate for Tikal, Guatemala », American Antiquity 34, 1969, pp. 429-433; E. B. Kurjack, Prehistoric Lowland Maya Community and Social Organization: A Case Study at Dzibilchaltun, Yucatan, Mexico, MARI 38, 1974, pp. ix-xi, 5-9, 15-17, 23-27, 94-98.
3. S. F. de Borhegyi, Archaeological Synthesis of the Guatemala Highlands, HMAI 3, 1e partie, 1965, p. 13; mais, compte tenu d’informations plus récentes, il prolonge indûment la durée de l’existence d’une population dense.
4. Samuel K. Lothrop, Atitlan, CIWP 444, 1933, pp. 9-14.
5. Gareth W. Lowe, « The Civilizational Consequences of Varying Degrees of Agricultural and Ceramic Dependency within the Basic Ecosystems of Mesoamerica », dans Observations on the Emergence of Civilization in Mesoamerica, dir. de publ. Robert F. Heizer et John A. Graham, UCAR 11 1971, pp. 212-248.
6. Gareth W. Lowe et J. Alden Mason, Archaeological Survey of the Chiapas Coast, Highlands, and Upper Grijalva Basin, HMAI 2, 1e partie, 1965, p. 217.
7. T. Patrick Culbert, The Ceramic History of the Central Highlands of Chiapas, Mexico, NWAF 19, 1965, p. 79.
8. Carlos Navarrete, Archaeological Explorations in the Region of the Frailesca, Chiapas, Mexico, NWAF 7, 1960, pp. 15, 37.
9. Miguel Covarrubias, Mexico South, New York, Knopf, 1947, p. 89, signale qu’un vieil homme du Tabasco a fait en une semaine un voyage aller-retour d’une ville située à une centaine de kilomètres, faisant apparemment à pied près de trente kilomètres par jour.
10. Frederick A. Peterson, Some Ceramics from Mirador, Chiapas, Mexico, NWAF 15 1963, pp. i, xii-xiv, 1-2.
11. Jorge Angulo V., « Un Posible Codice de El Mirador, Chiapas », dans Instituto Nacional de Antropologia e Historia Mexico, Departamento de Prehistoria, Tecnologia, Cuadernos 4, 1970.
12. Pierre Agrinier, Mounds 9 and 10 at Mirador, Chiapas, Mexico, NWAF 39, 1975, pp. 3, 96.
13. Correspondance personnelle reçue d’Andrew McDonald, et rapports non publiés, BYU-NWAF.
14. Thomas A. Lee, Jr., Mound 4 Excavations at San Isidro, Chiapas, Mexico, NWAF 34, 1974, pp. 1-4, 78.
15. Lawrence H. Feldman, Languages of the Chiapas Coast and Interior in the Colonial Period, 1525-1820, UCAR 18, 1973, p. 81.
16. R. F. Smith, correspondance personnelle.
17. Culbert, Ceramic History, p. 79.
18. G. C. Vaillant, The Aztecs of Mexico, Harmondsworth, Penguin Books, 1950, pp. 183, 186; J. E. S. Thompson, Maya History and Religion, Norman, Oklahoma University Press, 1970, p. 168; A. V. Kidder, « Introduction », dans Uaxactun, Guatemala: Excavations of 1931-1937, par A. L. Smith, CIWP 588, 1950, pp. 1-12.
19. On peut compléter ce tableau composite en étudiant des ouvrages faciles à lire tels que Michael D. Coe, Mexico (3e éd.) et The Maya; Muriel P. Weaver, The Aztecs, Maya, and Their Predecessors (2e éd.); et R. E. W. Adams, Prehistoric Mesoamerica. Tous sont instructifs quoique comportant des inexactitudes patentes. La perspective sans doute la plus large, à cause de son incursion dans les temps modernes, est donnée par Eric Wolf, Sons of the Shaking Earth. Cependant, aucun livre existant n’est à jour ni ne propose un tableau dans les termes que j’ai utilisés.
20. Gareth W. Lowe, « Burial Customs at Chiapa de Corzo », dans Archaeological Burials at Chiapa de Corzo and Their Furniture, par Pierre Agrinier, NWAF 16, 1964, pp. 71-72.
21. William A. Haviland, « Principles of Descent in Sixteenth Century Yucatan », Katunob 8, no. 2, décembre 1972, p. 64.
23. En hébreu, comme me l’a fait remarquer John Tvedtnes dans une correspondance persnnelle.
24. Albright, Yahweh, pp. 124-144, 197-199.
25. Id., pp. 142-43, 204-205.
26. Voir mon étude « The Book of Mormon as a Mesoamerican Codex », Society for Early Historic Archaeology, Newsletter and Proceedings 139, 1976, pp. 4-6.
27. Les références portent sur mon étude « The Significance of an Apparent Relationship between the Ancient Near East and Mesoamerica », dans Man Across the Sea, dir. de publ. Carroll J. Riley etc., Austin, University of Texas Press, 1971, pp. 234-235.
28. Sylvanus G. Morley, The Ancient Maya, 2e éd. Stanford, Californie, Stanford University Press, 1947, planche 28.
29. Felix W. McBryde, Cultural and Historical Geography of Southwest Guatemala, SISA 4, 1945, carte 20 et planches 19-23.
30. Id., carte 20, planche 47, p. 179.
31. Id., pp. 132, 168, 179-180.
32. Comparez les symboles frappants d’Ézéchiel 36:1; 43:1-2; 47:1, 2, 7, 12, et 20 avec le site d’Atitlan, en vous rappelant que le lac, comme la mer Morte en Palestine, serait à « l’est » de cette Jérusalem et l’océan à « l’ouest ». Notez aussi Ézéchiel 17 tel que traité dans mon article « The Twig of the Cedar », The Improvement Era 60, mai 1957, pp. 330et suiv. Ésaïe et Jérémie, entre autres, utilisent les mêmes symboles.
33. Id., pp. 97, 99.
34. Voir, par exemple, John A. Graham, « Discoveries at Abaj Takalik, Guatemala », Archaeology 30, mai 1977, pp. 196-197.
35. Lothrop, Atitlan, pp. 60-61, donne les faits concernant un site submergé de cette façon.
36. Stephan de Borhegyi, « The Development of Folk and Complex Cultures in the Southern Maya Area », American Antiquity 21, 1956, pp. 343-356.
37. E. M. Shook, « Lugares Arqueologicos del Altiplano Meridional Central de Guatemala », Antropologia e Historia de Guatemala 4, no. 2, juin 1952, pp. 10-11, 30.
38. Lee A. Parsons, Bilbao, Guatemala: An Archaeological Study of the Pacific Coast Cotzumalhuapa Region, vol. 1, Milwaukee Public Museum Publications in Anthropology 11, 1967; Graham, « Discoveries », pp. 196-197.
39. Concernant l’importance d’un commerce vers Kaminaljuyu et la bande proche de terres basses du Pacifique et la position focale de ces deuxs régions pour le commerce de l’époque dans le sud de la Mésoamérique, voir Lee A. Parsons et Barbara J. Price, « Mesoamerican Trade and Its Role in the Emergence of Civilization », dans Observations on the Emergence of Civilization in Mesoamerica, dir. de publ. Robert F. Heizer et John A. Graham, UCAF 11, 1971, pp. 180-95.
40. Gordon R. Willey, T. Patrick Culbert et R. E. W. Adams, dir. de publ, « Maya Lowlands Ceramics: A Report from the 1965 Guatemala City Conference », American Antiquity 32, 1967, pp. 298-300; Graham, « Discoveries. »
41. William T. Sanders et Barbara J. Price, Mesoamerica: The Evolution of a Civilization, New York, Random House, 1968, pp. 42-44.
42. Les références concernant l’idée mésoaméricaine se trouvent dans mon étude « Apparent Relationship », pp. 239-240.
'43. David A. Freidel, « Civilization as a State of Mind: The Cultural Evolution of the Lowland Maya », dans The Transition to Statehood in the New World, dir. de publ. Grant D. Jones et Robert R. Kautz, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 191. Comparer avec Lee A. Parsons, « Post-Olmec Stone Sculpture: The Olmec-Izapan Transition on the South Pacific Coast and Highlands », dans The Olmec and Their Neighbors: Essays in Memory of Matthew W. Stirling, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1981, p. 257.
44. Freidel, « State of Mind », pp. 191, 204.
45. Id., p. 200.
46. Id., p. 204.
47. Id., pp. 198, 223.
48. Robert M. Carmack, Toltec Influence on the Postclassic Culture History of Highland Guatemala, MARI 26 1970, p. 72; Lawrence H. Feldman, « Tollan in Central Mexico », Katunob 8, no. 3, février 1973, pp. 1-6.
49. Carmack, Toltec Influence, pp. 72-73.
50. Jacinto Quirarte, Izapan and Mayan Traits in Teotihuacan III Pottery, UCAR 18, 1973, pp. 11-30. Sa chronologie peut maintenant être spécifiée avec plus de précision, les comparaisons entre Izapa et Kaminaljuyu se situant dans la première moitié du premier siècle av. J.-C.ou peut-être un peu plus tôt.
51. Je crois que Mosiah 1er n’a eu aucun mal à se faire accepter comme roi du peuple de Zarahemla (Omni 1:19) en partie parce qu’il venait avec des lettres de créance manifestes (Omni 1:14; Mosiah 1:16), du « Tulan » de Néphi/Kaminaljuyu. Milton R. Hunter et Thomas Stuart Ferguson, dans Ancient America and the Book of Mormon, Oakland, Kolob Book, 1950, pp. 149-157, tentent de rattacher « Tulan » à d’anciens centres néphites, mais pas à la « ville de Néphi ».
52. Robert Wauchope, Protohistoric Pottery of the Guatemala Highlands, in Monographs and Papers in Maya Archaeology, dir. de publ. W. R. Bullard, Jr., HUPM 61, 2e partie, 1970, pp. 237-238. Comparer avec H. E. D. Pollock, « Introduction », dans Mayapan, Yucatan, Mexico, H. E. D. Pollock, etc., CIWP 619, 1962, p. 13.
53. A. P. Maudslay, trad. et dir. de publ.., Bernal Diaz del Castillo: The Discovery and Conquest of Mexico, 1517-1521, New York, Farrar, Straus et Cudahy, 1956, p. 24.
54. I. W. Johnson, « Basketry and Textiles », HMAI 10, 1e partie, 1971, p. 312. Matthew Wallrath dans Excavations in the Tehuantepec Region, Mexico, American Philosophical Society Transactions, n.s. 57, 2e partie, 1967, p. 12, note que l’on recueillait et filait de la soie sauvage dans la région de l’isthme et que le tissu avait une très grande valeur. Clavigero signale aussi que les Indiens mexicains tissaient la fibre de la cosse du ceiba et en faisaient un tissu « aussi doux et délicat, peut-être plus encore que la soie ». C. Cullen, dir. de publ., The History of Mexico, vol. 1, Philadelphie, Thomas Dobson, 1817, p. 41. Comparer avec A. M. Tozzer, dir. de publ., Landa's Relacion de las Cosas de Yucatan, HUPM 18, 1941, p. 201, 205 et J. E. S. Thompson, dir. de publ., Thomas Gage's Travels in the New World, Norman, University of Oklahoma Press, 1958, p. 149.
55. Hugh Nibley, Since Cumorah, Salt Lake City, Deseret Book, 1967, pp. 255 et suiv.
56. Jeremiah F. Epstein, « Pre-Columbian Old World Coins in America: An Examination of the Evidence », Current Anthropology 21, 1980, pp. 1-20.
57. McBryde, Cultural and Historical Geography, pp. 33, 72, 84.
58. Weights and Measures in the Time of Mosiah II, Foundation for Ancient Research and Mormon Studies, Preliminary Report STF-83 Provo, Utah, 1983.
59. Handbook of Latin American Studies 37, Social Sciences, 1976, p.70, résumant une brochure publiée en Equateur en 1975. C’était du numéraire en cuivre, chaque pièce ayant la forme d’une tête de hache.
60. Evon Z. Vogt, The Zinacantecos of, Mexico, A Modern Maya Way of Life, New York, Holt, Rinehart, Winston, 1970, p. 98; Tozzer, Landa's Relacion, pp. 182-184.
61. Robert Ritzenthaler, Recent Monument Worship in Lowland Guatemala, MARI 28, 1967, pp. 107-111, surtout la figure 7.
62. Suzanne W. Miles, Sculpture of the Guatemala-Chiapas Highlands and Pacific Slopes, and Associated Hieroglyphs, HMAl 3, 1e partie, 1965, pp. 237-275. Comparer avec le commentaire de T. Proskouriakoff dans Dumbarton Oaks Conference on the Olmec, dir. de publ. Elizabeth P. Benson, Washington, Dumbarton Oaks, 1968, p. 176; elle contredit la conception habituelle que les « idoles » étaient abondantes.
63. William F. Albright et C. S. Mann, Matthew, New York, Doubleday, Anchor Books, 1971, CLIII; I. Levy, The Synagogue: Its History and Function, Londres, Valentine, Mitchell, 1964, pp. 7-14.
64. Megilla 4, 23; Berakot 11; Shabbat 1, 11.
65. Jack Finegan, Light from the Ancient Past, 2e éd. Princeton, Princeton University Press, 1956, pp. 289-291; John A. Tvedtnes, The Church of the Old Testament, Salt Lake City, Deseret Book, 1967, pp. 24-25.
66. La définition d’autel n’est pas claire. Nous trouvons parfois, dans des oeuvres artistiques, de grandes pierres parfois appelées autels et servant de sièges (« trônes »?) pour les dignitaires. Jacinto Quirarte, « Terrestrial/Celestial Polymorphs as Narrative Frames in the Art of Izapa and Palenque », dans Pre-Columbian Art History: Selected Readings, dir. de publ. Alana Cordy-Collins et Jean Stern, Palo Alto, Peck Publications, 1977, p. 53, dit: « Le complexe stèle-autelnest aussi originaire d’Izapa. » On peut voir la distribution des « autels » à Izapa dans Susanna M. Ekholm, Mound 30A and the Early Preclassic Ceramic Sequence of Izapa, Chiapas, Mexico, NWAF 25, 1969, pp. 2, 5, 17.
67. William F. Albright, « The High Place in Ancient Palestine », dans Supplements to Vetus Testamentum, Leiden, Brill, 1957, pp. 247-248, 250-257; Roland de Vaux, Ancient Israel: Its Life and Institutions, Londres, McGraw-Hill, 1961, pp. 284-287.
68. E. M. Shook et A. V. Kidder, Mound E-III-3, Kaminaljuyu, Guatemala, ClWP 596, 1952, pp. 56-64.

 

 

 

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