CHAPITRE 6 : UN CADRE POUR LA GUERRE
La seconde moitié du livre dAlma raconte la partie centrale, cruciale, de
lhistoire néphite. À partir dun moment situé peu avant 75 av. J.-C., les
Néphites menèrent par intermittence, pendant treize dures années, une guerre de survie
face à un ennemi rusé et décidé. La guerre faisait partie dun processus par
lequel les Lamanites, menés par Amalickiah et dautres Néphites mécontents et
assoiffés de pouvoir, exerçaient une pression hors de leurs frontières en direction du
nord et à lintérieur du territoire néphite. Ces derniers faillirent être
envahis. Mais il faudra examiner ailleurs la dynamique de cette situation. Ici, nous
allons nous contenter de regarder le conflit dans le seul but déclaircir
dautres aspects géographiques et culturels du cadre dans lequel vivaient les
peuples du Livre de Mormon.
Quand ils arrivèrent au pays de Zarahemla, les Lamanites convertis les
Anti-Néphi-Léhis furent envoyés au pays de Jershon, selon les dispositions
prises par le gouvernement en vue de les protéger dune invasion lamanite
éventuelle. Jershon se trouvait dans une région dune faiblesse cruciale dans les
défenses néphites ; les terres basses à lest avaient besoin dêtre
équipées en garnisons et les Anti-Néphi-Léhis allaient faire laffaire. Bien que
devenus pacifistes, ces anciens Lamanites allaient pouvoir au moins assurer le soutien
logistique des armées néphites de la zone.
En même temps, Alma, le grand prêtre, avec des amis et deux de ses propres fils, se
préoccupaient dune région adjacente, qui posait des problèmes ayant des
implications stratégiques. Le groupe se rendit au pays dAntionum (voir carte 12).
Ils cherchaient à y récupérer un groupe appelé Zoramites, dont la loyauté à la
souveraineté néphite présentait des signes de faiblesse. Antionum était situé « à
lest du pays de Zarahemla, qui bordait presque la mer, qui était au sud du pays de
Jershon, qui bordait aussi le désert au sud, désert qui était rempli de Lamanites »
(Alma 31:3). Si Alma réussissait à ancrer les Zoramites à lintérieur de la
sphère politique et culturelle néphite, cela pourrait éviter la guerre. Les centres de
culture lamanites des plateaux étaient à cette époque en cours dexpansion vers
les plaines, cest-à-dire en direction des Néphites « le désert du sud ». Pour
attaquer les Néphites dans ce secteur, il leur fallait une base et des alliés. Les
Zoramites dAntionum leur offraient les deux. Donc, « les Néphites craignaient
beaucoup que les Zoramites nentrassent en relation avec les Lamanites » (verset 4).
Lallégeance politique et lorthodoxie religieuse étaient étroitement liées,
comme dans tout le monde antique, et le grand prêtre se souciait en premier lieu de la
foi des Zoramites. En arrivant chez eux, Alma fut choqué de constater à quel point les
Zoramites sétaient écartés de lidéal néphite. En dépit dun certain
succès de la prédication « parmi la classe pauvre du peuple » (Alma 32:2), les
missionnaires furent finalement forcés par lélite zoramite de quitter le pays pour
le Jershon néphite. Leurs convertis les suivirent (Alma 35:1-6).
Le fait que le territoire au sud décrit comme étant un « désert » soit « rempli de
Lamanites » nous donne un aperçu intéressant des conceptions néphites relatives au
pays. Il est évident que le sens véritable de « désert » ne résidait pas dans
labsence dhabitants mais dans quelque chose dautre, apparemment la
modification substantielle du paysage quimplique la civilisation. Il est probable
que cette zone méridionale navait précédemment été que peu peuplée, mais que
maintenant, des gens sy installaient pour de bon. Certains de ces colons étaient
des Lamanites qui avaient été chassés de la bande côtière au nord (« le désert de
lest ») par un coup de balai de larmée néphite. Les dirigeants néphites
avaient pris la décision stratégique de prendre le contrôle de ces terres côtières,
quils réclamaient mais quils avaient permis à des squatters lamanites
doccuper (Alma 22:29 ; 50:9). Bien que qualifiée de « lamanite » par les
Néphites, la population installée dans le désert du sud devait en réalité comporter
des restes de peuples plus anciens qui méritaient lappellation principalement parce
quils étaient maintenant gouvernés par un roi lamanite. Ce qui confirme
lexistence dune diversité ethnique, cest la réflexion dAlma que
« beaucoup dentre eux sont nos frères » au pays dAntionum (Alma 31:35 ;
comparez avec 43:13). Les Lamanites des plateaux auraient eu du mal à gouverner
activement dans cette zone chaude et humide. Ils étaient biologiquement adaptés à un
habitat beaucoup plus frais [1]. Cependant, si le roi lamanite suprême portait le titre
« Laman », comme le roi, chez les premiers Néphites, portait le titre « Néphi »
(comparez avec Mosiah 10:6 ; 24:3 ; Jacob 1:11), tous ses sujets devaient être des «
Lamanites », même sils étaient des natifs des plaines [2].
Il ne fallut pas longtemps aux Zoramites pour devenir Lamanites (voir Alma 43:4),
cest-à-dire quils transférèrent leur loyauté au gouvernement lamanite. Ce
qui hâta cette mesure, ce fut la colère que ressentirent les dirigeants zoramites en
voyant la compréhension avec laquelle les Néphites recevaient les réfugiés zoramites
des classes inférieures qui avaient suivi Alma au pays de Jershon. Là-dessus, les
Zoramites « commencèrent à se mêler aux Lamanites » (Alma 35:10). Déjà au moment
où les missionnaires étaient à Antionum, il devait y avoir des échanges réguliers
entre les habitants de ce pays et les Lamanites plus au sud, car Corianton, fils
dAlma, avait pu passer du territoire zoramite « au pays de Siron, parmi les
régions frontières des Lamanites, à la suite de la prostituée Isabel » (Alma 39:3).
Le texte nous dit donc clairement que dans ce secteur du pays, la frontière entre les
Néphites et les Lamanites était fluide. Le transfert de loyauté de ce groupe de
Néphites marginaux quétaient les Zoramites, faisait apparemment partie dun
long processus dexpansion politique et économique de la puissance lamanite dans
lequel la religion ne jouait vraisemblablement quun rôle secondaire.
Le premier affrontement militaire eut lieu près de Jershon. Les Lamanites
labordèrent à partir de leur nouvelle base dAntionum. Les Néphites étaient
écrasés par le nombre (Alma 43:13-14, 21). Quand ils rencontrèrent leurs ennemis «
dans les régions frontières de Jershon », ils étaient protégés, à la grande
consternations de leurs adversaires, par leurs armures individuelles. Craignant
dattaquer face à une tactique aussi inattendue, les armées ennemies quittèrent la
région tout entière, faisant un « détour » dans le désert jusque « près de la
source du fleuve Sidon, afin dentrer au pays de Manti » (verset 22).
Jershon, nous lavons vu, se trouvait dans les plaines de lest, quelque part
entre Abondance et le territoire lamanite. Il y avait, dans les environs, suffisamment de
terrain cultivable pour la subsistance aussi bien des nouveaux colons que pour au moins
une partie de larmée néphite (Alma 43:13 ; mais voir 60:9). Cétait le pays
le plus à lest et au sud que les Néphites pouvaient, à ce moment-là, convertir
en base défensive. Cest là que Moroni, le commandant néphite, fit camper son
quartier-général pour la durée du reste de la guerre (comparez avec Alma 50:31).
(Aucune ville de Jershon nest mentionnée.)
La première escarmouche et le premier repli donnèrent limpression que la menace
contre le front de Jershon avait disparu, mais cela nallait pas se confirmer. La
géographie stratégique rendait inévitable une attaque ultérieure des Lamanites dans la
même région. Leur but principal était de couper la retraite aux Néphites vers le pays
situé du côté du nord en semparant du passage étroit (Alma 50:11, 32 ; 52:9).
Lennemi allait attaquer les défenses néphites partout où ils pensaient avoir le
plus de chances de faire une percée jusquà listhme. Une première attaque le
long de la côte ouest avait eu des résultats décourageants (Alma 16:2-9), ce qui ne les
empêcha pas de réessayer au même endroit, sans plus de succès (Alma 49:1-15). Quoi
quil en soit, les tentatives par la côte ouest étaient dangereuses ;
létroitesse évidente de la bande de désert quils devaient traverser pour
atteindre listhme du côté ouest devait les rendre vulnérables aux attaques
néphites sur leurs arrières autour de Mélek. Les attaques lamanites nallèrent
pas loin non plus par le centre du pays (voir Alma 2:27-35 ; Hélaman 1:15-32). Dès lors,
le secteur est se présentait comme étant le seul front évident. Nous avons vu au
chapitre 1 que la partie de la côte est, contrôlée par les Néphites, était limitée ;
la brièveté de la distance quune attaque lamanite aurait à parcourir pour
atteindre létroite bande de terre représentait donc une tentation irrésistible.
Le peuple dAmmon ne tarda pas à savérer être plus une gêne quune
aide à Jershon. Par conséquent, on lévacua à Mélek, plus à labri (Alma
35:13) dans la partie supérieure du bassin du Sidon. Il a dû probablement se sentir plus
heureux à Mélek, situé à mi-hauteur, que dans le Jershon torride des plaines, car il
provenait des plateaux. Moroni hâta ses préparatifs de défense, chassant les Lamanites
attardés le long de la côte et installant des villes de garnison en utilisant les colons
de la région de Zarahemla (Alma 50:9-11). Certains dentre eux ne furent
probablement pas très enthousiastes quand ils virent dans quelle situation ils se
retrouvaient à leur arrivée (versets 26, 29). La ville de Moroni était quasiment sur la
côte (Alma 62:32 ; 3 Néphi 8:9 ; mais Alma 62:34 donne à penser quil a pu y avoir
un peu de désert entre elle et la mer) et elle était la plus exposée du dispositif
(Alma 50:13). Néphihah était une base encore plus cruciale plus loin à
lintérieur du pays (Alma 50:14 ; 59:8-9). Léhi, Morianton, Omner et Gid étaient
dautres zones de peuplement installées pour renforcer le secteur sud-est et
constituer un tampon pour le quartier-général à Jershon. Dans lensemble, les
Néphites essayaient de tenir une ligne droite allant de la mer vers lintérieur des
terres aussi loin quil y avait le moindre risque dattaque (Alma 50:8).
Lassaut lamanite finit par se produire. Mené par le renégat néphite Amalickiah,
il se lança dabord sur Moroni, puis sur un cordon dautres villes. Les
squatters lamanites, qui avaient été expulsés de la bande côtière lors de la
création des garnisons, ont certainement dû mettre les assaillants au courant de toutes
les pistes et de tous les obstacles. La position de Néphihah à lintérieur des
terres est confirmée par le fait que loffensive passa à côté delle.
Jershon, elle aussi, était suffisamment loin à lintérieur des terres pour être
en sécurité (Alma 43:4, 25 ; comparez avec 50:27), quoique débordé lorsque les
Lamanites se déversèrent vers le nord près de la mer. Le texte signale à ce moment la
prise de Néphihah (Alma 51:24-26), mais cest là une information inexacte si nous
en croyons Alma 59:9-11. Le fait que les rédacteurs aient commis des erreurs ne doit pas
nous surprendre. À la page de titre du Livre de Mormon, Moroni nous met en garde en
disant : « Et maintenant sil y a des fautes, ce sont les erreurs des hommes. »)
La grande quantité dinformations qui sinterpénètrent dans cette partie de
lÉcriture nous permet de rattacher le texte au vécu des Néphites. Tous les
endroits cités peuvent être identifiés avec des localisations géographiques et des
sites archéologiques plausibles. Les raisons pour lesquelles des populations se sont
installées à ces endroits deviennent évidentes et la logique de la campagne
dAmalickiah et de la défense de Moroni devient claire. La carte 12 montre la
localisation la plus raisonnable de chaque pays et ville mentionnés.
Une ligne marquant la limite linguistique et culturelle maya traverse cette région
située au centre et un peu à lest. Cette frontière était apparemment valable à
lépoque de la conquête espagnole, comme elle létait de nombreux siècles
auparavant, à lépoque classique [3]. Même dans les temps olmèques anciens, les
sites de cette culture se trouvaient dun même côté de cette ligne [4]. Une
espèce de frontière écologique devait séparer les territoires situés de part et
dautre de la ligne, empêchant les flux de population et de culture. Quelle
quen ait été la cause, une zone étroite dune trentaine de kilomètres de
large environ semble effectivement avoir constitué, de manière durable, une frontière
ethnique. La zone se situe précisément là où la frontière néphite-lamanite dans le
secteur de la mer de lest sinsère dans la géographie élaborée au chapitre
1.
La région géographique du sud du Mexique, où les défenseurs néphites résistèrent
aux Lamanites, est maintenant appelée la Chontalpa. Arrosée par des cours deau
paresseux, une grande partie de ce terrain plat est trop humide pour permettre une
colonisation, mais ça et là, des endroits situés en hauteur sur des levées de
rivières ou de légères élévations géologiques permettent à des villages
dexister [5]. Le célèbre site de La Venta en est un, situé sur une élévation de
quelques kilomètres carrés au milieu de marécages près du fleuve Tonala. Les
déplacements dans la région côtière se limitent à deux ou trois pistes bien établies
qui suivent en gros une direction nord-ouest/sud-est en terrain plus élevé. Les guerres
entre natifs à lépoque de la conquête espagnole se situaient essentiellement
entre octobre et février. La nourriture était abondante à ce moment-là, et les
inondations saisonnières avaient cessé pour la plupart. Le long de la côte se trouve
une bande de vieilles dunes de plage, couvertes de végétation, ayant une largeur de 3
kilomètres. Elle est suffisamment continue pour que lon puisse sy déplacer
parallèlement à la plage sans être gêné par les marécages situés juste à
lintérieur des terres, où se conjuguent les difficultés causées par le sable, le
vent et les insectes [6].
La zone de Chontalpa est limitée dun côté par le Rio Seco. Jusquà
lépoque coloniale espagnole, le courant principal du fleuve Grijalva atteignait la
mer par le chenal du Seco, mais ensuite le cours deau à haute levée, lors
dun de ses débordements réguliers, sest jeté dans une nouvelle embouchure
loin vers lest, où il coule maintenant [7]. Lancien lit suivait
essentiellement la frontière linguistique et culturelle mentionnée plus haut. Comme le
fait remarquer R. Gadacz: « Beaucoup de cours deau du Tabasco servaient de
frontières provinciales [8]. » Le fleuve est une barrière suffisamment redoutable pour
constituer une ligne de défense logique pour le capitaine Moroni. Moroni et Néphihah
étaient les garnisons-clefs verrouillant cette « ligne des possessions des Lamanites »
(Alma 50:13). Cette disposition géographique explique pourquoi les annales néphites ne
mentionnent jamais le fleuve Sidon sur la côte est, parce que le fleuve lui-même
constituait la frontière au lieu dêtre un accident géographique que les Néphites
devaient traverser.
La ville de Moroni reçut certainement son nom en lhonneur du capitaine néphite de
lépoque, selon la coutume de donner à un pays et à une zone de peuplement le nom
de « celui qui les avait possédés en premier lieu » (Alma 8:7). Tout ce qui est dit à
propos de Moroni sintègre parfaitement si nous supposons quelle se trouvait
près de Laguna Mecoacan, dans laquelle se déversait anciennement le Grijalva/Sidon.
Autre possibilité, elle a pu se trouver sur le site ou près du site de Tupilco, quelques
kilomètres plus loin le long de la côte. Lors de sa reconnaissance archéologique de
cette région, Sisson a trouvé que, dans la période préclassique tardive, comprenant le
moment où Moroni fortifiait cette section, la céramique « à sensation cireuse »,
caractéristique de la région maya, était répandue dans toutes les terres basses du
Guatemala et dans le sud-est du Mexique jusquau côté oriental de Laguna Mecoacan,
où elle sarrêtait. Au-delà de la lagune, frontière ethnique, existait un style
tout à fait différent [9]. En outre, à lépoque de la conquête, un « bloc
économique » unique, coïncidant avec la répartition des langues mayas,
sétendait du Honduras jusquà cette même limite ethnique [10]. Cette
répartition concorde avec ce qui semble avoir été lhabitat des « Lamanites »
des terres basses. Si Moroni a fondé sa nouvelle ville à la limite même près de la
lagune, pareille provocation devait inévitablement inciter les Lamanites à attaquer.
Lautre emplacement possible de Moroni est intéressant pour une raison
supplémentaire. Un site archéologique à Tulpico, tout proche, a été, ces dernières
décennies, englouti dans la mer par des tempêtes violentes sur le Golfe, dont les vagues
martèlent parfois le rivage [11]. Cela nous rappelle que la ville de Moroni «
senfonça dans les profondeurs de la mer » au moment de la grande tempête qui
marqua la crucifixion du Sauveur (3 Néphi 8:9). Le fait que Moroni se situe aux environs
de cet endroit de la côte correspondrait alors au cadre naturel, bien que, naturellement,
les ruines originelles aient été, selon le Livre de Mormon, englouties sous leau
il y a 1900 ans.
La ville de Néphihah, fondée en même temps que Moroni, fait vraisemblablement partie
dun ensemble de sites appartenant au préclassique tardif que Sisson a localisé à
quelques kilomètres à louest de la frontière du Rio Seco. Les « plaines » près
de Néphihah (Alma 62:18) devaient faire partie des vastes savanes anciennement non
cultivables de la Chontalpa. (Bernal Diaz a décrit une des toutes premières batailles
espagnoles sur le continent un peu à lest de cet endroit. Des milliers de guerriers
natifs attendaient pour le combattre dans une « plaine » de ce genre, qui se révéla
être un terrain idéal pour permettre aux chevaux espagnols de manuvrer [12].)
Léhi, Morianton et Moroni semblent avoir été des satellites de Néphihah, centre
(marché ?) régional (Alma 51:24; 59:5; 50:14). Elles se trouvaient toutes les trois plus
près de la côte que Néphihah. Mais Léhi et Morianton ont dû être très proches
lune de lautre, car leurs habitants se disputèrent pour des terres agricoles
presque dès leur installation dans cet endroit, et le groupe de Morianton finit par être
politiquement incorporé à Léhi (Alma 50:25-26, 36). Sisson a localisé des sites
appartenant à la période considérée et situés lun à côté de lautre en
direction de la côte par rapport à notre Néphihah supposée et pourraient être des
vestiges de ces deux petites zones de peuplement [13].
La question des directions, dont nous avons parlé au premier chapitre, est
particulièrement dapplication maintenant. À des endroits du récit, comme Alma
50:13-15, si nous appliquions à la carte le sens que nous donnons aujourdhui aux
termes « nord » et « sud », cela pourrait être source de confusion. Mais si nous
supposons quil sest produit, dans la terminologie néphite, un certain
décalage par rapport aux points cardinaux qui nous sont familiers aujourdhui, peu
importe pourquoi, la situation a du sens. Une note supplémentaire : ce récit a été
écrit par Mormon, longtemps après que les événements se soient produits (notez, par
exemple, le « je » rédactionnel qui apparaît dans Alma 43:3). Les termes indiquant les
directions relèvent de sa conception générale au moment où il écrit alors quil
se trouve dans le pays situé du côté du nord. Selon sa perception des choses, il devait
effectivement considérer la ville de Léhi comme située plus au nord que Moroni (Alma
50:13-15) [14], même sans tenir compte des autres données fournies au chapitre 1 sur les
directions néphites.
Jershon, lunique centre néphite dans lest que les Lamanites nallèrent
même jamais jusquà menacer, devait se trouver nettement plus loin à
lintérieur du pays. La région entourant le site archéologique de San Miguel
(Tabasco) répond aux exigences géographiques pour Jershon. Déjà à lépoque
olmèque, cétait une zone de peuplement importante, quoique dépendante de La
Venta, à une trentaine de kilomètres de là [15]. Une situation qui confirme ceci vaut
dêtre notée : quand ils quittent leur ville pour aller dans la direction du pays
situé du côté du nord, Morianton et son peuple suivent une piste différente de celle
de Téancum. Celui-ci les poursuit avec une armée par un autre itinéraire, dans
lintention de les « devancer » (Alma 50:33). Les pistes et les distances pouvant
permettre à Téancum dêtre informé à Jershon de la fuite de Morianton et de
réussir ensuite à le rattraper sont tout à fait faisables si Jershon est dans les
environs de San Miguel. Il ny a pas beaucoup de choix.
Omner, Gid et Mulek sont des villes dont le nom est également mentionné, toutes dans «
les régions frontières de lest, près du bord de la mer » (Alma 51:26). À
première lecture, ce verset donne limpression que ces endroits ont une importance
égale et quils sont situés dans une belle ligne droite, mais cette description ne
tient pas. Pendant la reprise des villes de garnison par la contre-attaque néphite, Omner
nest pas mentionnée du tout, ayant apparemment été laissée sur le côté et
abandonnée à son triste sort (Alma 55:24-25, 33). De plus, lorsquils entreprennent
beaucoup plus tard une mission de prédication (Hélaman 5:14-15), Néphi et Léhi, son
frère, atteignent Gid et Mulek dans un ordre inverse de ce à quoi on se serait attendu
daprès Alma 51. Cela doit vouloir dire que Gid était à lécart, plus à
lintérieur des terres par rapport à Mulek plutôt qualignée avec les autres
zones de peuplement parallèlement à la côte. Nous savons que Mulek nétait pas
loin de la mer, parce quen la traversant dans la direction dAbondance,
larmée dAmalickiah aboutit sur la plage (Alma 51:32).
Notez que Mulek nétait pas lun des nouveaux centres de garnison (Alma
50:14-15). Il avait déjà une histoire. Le nom Mulek le rattache à lancêtre du
vieux chef Zarahemla, le prince réfugié de Juda (Hélaman 6:10 ; 8:21). Le groupe avec
lequel il arriva après avoir traversé la mer débarqua sur la côte du pays situé du
côté du sud après avoir atteint le pays situé du côté du nord (et y être resté
combien de temps ?) (Hélaman 6:10; Alma 22:36). Étant donné ces éléments, il est
vraisemblable que la ville de Mulek a été le centre le plus ancien de ce groupe de
voyageurs venus de la Méditerranée [16]. Les rapports géographiques et lhistoire
probable de Mulek correspondent au site archéologique impressionnant de La Venta,
lantique centre olmèque, à quelques kilomètres en amont de lembouchure du
fleuve Tonala.
Plusieurs renseignements confirment cette identification. Il y a tout dabord le fait
que lendroit est accessible, par le fleuve, à un groupe arrivant par la mer. Les
recherches archéologiques montrent que La Venta a pu être totalement abandonnée au
moment de larrivée du groupe de Mulek, lui donnant loccasion en or de
sinstaller dans un endroit ayant fait ses preuves [17]. Alma 52:2 insiste sur la
sécurité offerte à une force dinvasion lamanite terrée à lintérieur de
Mulek. Ensuite, dans le récit de la reconquête du site (Alma 52:17-23), le texte
confirme que Mulek était isolée dune manière inhabituelle. Le capitaine Moroni
invite ses ennemis à se battre dans les plaines entre Mulek et Abondance, mais ils
refusent. Il faudra le recours à une ruse pour les inciter à « sortir » de Mulek
(verset 19) et les amener à lendroit où les Néphites finissent par les avoir par
la ruse. La situation de La Venta/Mulek, dans une île entourée de marécages, explique
pourquoi on a pu parler de la sorte et il y avait effectivement des plaines (verset 20)
qui sétendaient jusque près de La Venta et sur une grande partie de lespace
situé entre le fleuve Tonala et Abondance, près du fleuve Coatzacoalcos. Les distances
et le terrain révélés par lopération qui permit finalement aux Néphites de
semparer de Mulek correspondent bien à cette région [18].
Il y a un fait culturel relatif à La Venta/Mulek qui paraît également significatif. Sur
limmense stèle 3 de La Venta est gravée une scène célèbre dans laquelle une
personne de haut rang, dont les traits du visage ont leurs parallèles dans les
populations survivantes de la région de la côte du Golfe ainsi que dans lart
olmèque, fait face à un personnage qui ressemble à un Israélite. Sa barbe et son nez
busqué sont si frappants que certains savants lont surnommé « oncle Sam » [19].
On interprète habituellement cette scène comme étant la représentation de dirigeants
de deux groupes ethniques très différents, dont lun est apparemment « sémitique
», dans une rencontre officielle, comme lont suggéré Tatiana Proskouriakoff et
Ignacio Bernal [20]. Ce que nous voyons là, cest peut-être un dirigeant mulékite
rencontrant le chef local dun groupe de survivants de la débâcle jarédite. Le
monument sur lequel apparaît la scène remonte, autant que nous le sachions, à une
époque très proche de celle où le groupe de Mulek qui a dû débarquer, au VIe siècle
av. J.-C.. Cest à peu près lépoque à laquelle la Première Tradition de la
Mésoamérique connaissait ses derniers jours. On a aussi relevé, dans cette occupation
tardive de La Venta, certains traits culturels que lon a comparés à des éléments
de la Palestine phénicienne-israélite [21]. Considérés dans leur ensemble, ces
éléments indiquent que La Venta est un bon candidat pour la ville de Mulek. Certains
vestiges découverts sur le site datent des environs du premier siècle av. J.-C., ce qui
semble montrer quune population modeste y vivait lorsque Amalickiah lança son
attaque contre Mulek
Où devait se trouver le pays dAntionum ? Cétait une zone dans laquelle
linfluence lamanite se répandait et entrait en collision avec la sphère néphite.
Si nous considérons que la ligne lamanite-néphite est la frontière maya/non-maya près
du fleuve Seco, il semblerait quAntionum se trouvait juste au-delà, du côté maya.
Étant donné quil y avait au moins une colline nommée à Antionum (Alma 32:4),
elle était vraisemblablement située au bord des contreforts des collines plutôt que
dans la plaine nue et inondée plus près de la mer. Aux environs de Teapa ou Pichucalco
(Chiapas) ou même aussi loin en direction de la mer que les environs de Villahermosa, le
cadre correspond aux conditions requises ; on trouve aussi dans le voisinage des vestiges
archéologiques ayant la date voulue. Gareth Lowe situe sa « zone dinteraction
mixé/zoqué/maya », une frontière culturelle sur laquelle il voit un conflit de longue
durée [22], à cet endroit précis (et plus loin sur toute la largeur du sud de la
Mésoamérique, à peu près là où je vois l « étroite bande de désert » du
Livre de Mormon, Alma 22:27). Siron (Alma 39:3), encore plus clairement lamanite, devait
être plus loin en territoire maya, dans les environs de Macuspana, vers Palenque, où
lon trouve également des vestiges culturels ayant lancienneté voulue. Cet
endroit se trouve dans une région de collines jusquà la ligne suivante de partage
des eaux à partir dAntionum, comme le texte lexige.
AMALICKIAH, L'ARCHI-DISSIDENT
Alma 46 raconte que des problèmes se posent une fois de plus à Zarahemla pour des
questions de pouvoir et de privilèges. Le chef des dissidents était Amalickiah, qui
voulait devenir roi des Néphites (verset 3-6). Certaines parties du pays étendu de
Zarahemla étaient davantage affectées par la subversion dAmalickiah que
dautres. Moroni lui-même emporta son « étendard de la liberté » partout dans le
centre du pays vers divers groupes et « envoya » des messages ailleurs, ralliant les
fidèles aux principes de la liberté et du gouvernement par des juges élus (verset 28).
Quand ils virent quils avaient perdu le combat politique, Amalickiah et ses
partisans les plus proches senfuirent de Zarahemla et gagnèrent le pays de Néphi,
pour y recommencer à zéro (versets 29-33).
Selon le scénario classique des dissidents néphites ambitieux, cet homme monta à Néphi
pour exciter le roi des Lamanites à la guerre contre les Néphites (Alma 47:1). Mais
beaucoup de personnes dans la population lamanite navaient aucune envie
dentreprendre une guerre désastreuse de plus parmi la série apparemment sans fin
dans laquelle les Néphites semblaient toujours avoir le dessus. Cette fois, la majorité
des Lamanites rebelles du voisinage de la ville de Néphi senfuit purement et
simplement vers un endroit proche appelé Onidah, « le lieu des armes ».
Il y avait, tout près, un mont Antipas, au sommet duquel ils sassemblèrent après
sêtre armés. Il est clair quOnidah était dans une région accidentée non
loin de la capitale Léhi-Néphi. En Mésoamérique, ce qui constitue « le lieu des armes
» est évident ; ce ne peut guère être autre chose quun affleurement
dobsidienne. Ce verre volcanique était le matériau le plus pratique, le plus
efficace et le moins coûteux pour fabriquer des armes ou des outils tranchants. (Notez
quAlma 49:2 nous apprend que les armes principales des Lamanites étaient « des
flèches et des pierres ».) Le commerce de lobsidienne était, depuis les temps les
plus reculés, la denrée principale du commerce. Certains des itinéraires sur lesquels
il seffectuait avaient jusquà 1.100 km de long.
Il se fait quune des sources les plus abondantes de ce matériau clef est la zone
montueuse appelée El Chayal, à 25 km environ au nord-est de Kaminaljuyú. Il y a, dans
les affleurements dobsidienne dEl Chayal, qui ont des kilomètres de large,
des endroits qui sont virtuellement pavés déclats, où des outils coupants ont
été façonnés par la technique de léclatement. Dès lépoque jarédite,
lobsidienne en provenance dEl Chayal connaissait une exportation considérable
[23]. Voilà pourquoi les malheureux Lamanites, qui sattendaient à devoir combattre
les forces du roi pour ne pas être pressés au service militaire, se rendirent
dabord à Onidah, peut-être El Chayal, pour sarmer, puis se réfugièrent au
sommet dune montagne par mesure de sécurité.
Après une série de manuvres subtiles bien dans son genre, Amalickiah finit sur le
trône, après avoir manipulé les Lamanites hostiles à la guerre, les forces loyales au
roi et le roi lui-même, ce dernier par assassinat (Alma 47:10-19). Finalement
lambitieux ex-Néphite « prit possession » de la « ville principale » et monta
sur le trône. Une fois maître des forces lamanites, Amalickiah essaya tout dabord
de remporter une victoire surprise facile sur les Néphites. Ce fut loffensive sur
la côte ouest contre la ville dAmmonihah, comme nous lavons vu plus haut.
Le « désert » étroit de louest (Alma 22:28), composé dune barrière
montagneuse et dune bande côtière parallèle du côté Pacifique du grand
Zarahemla, navait apparemment jamais été colonisé ni défendu par les Néphites.
La raison en est, vraisemblablement, quil était occupé par une vieille population
résiduelle des temps prénéphites quil était plus facile dignorer que
dexpulser. (Alma 50:11 pourrait laisser entendre que pareille expulsion a eu lieu,
mais ce nest pas clair ; quoi quil en soit, les Néphites ne colonisèrent pas
cet endroit.) Ce nest que dans les extrémités nord et sud que les Néphites
manifestèrent un intérêt marqué. Au sud, il y avait « la ville » dAntiparah,
en passant par le col de montagne et en descendant « dans les régions frontières près
du bord de la mer [de louest] » (Alma 56:31). À lextrémité nord, du moins
au IVe siècle av. J.-C., se trouvait le pays de Josué, que les Néphites occupèrent
lors de leur retraite finale (Mormon 2:6). La zone côtière Pacifique du Chiapas, avec
les montagnes qui lui sont parallèles, est sûrement ce désert de louest. Le grand
centre cérémoniel dIzapa se trouve à lendroit quil faut à
lextrémité sud pour être « la ville qui se trouvait au-delà »
dAntiparah, bien que dautres sites de cette région de Soconusco puissent
également faire laffaire. (Le texte ne dit pas que cétait une ville
néphite. Cet endroit nest mentionné nulle part ailleurs. Il a très bien pu être
un centre de pèlerinage ouvert à divers peuples [24], sa nature sacrée faisant que les
manuvres militaires, telles les incursions des Lamanites sur la côte ouest,
lévitaient). À deux reprises, les Lamanites envoyèrent des armées le long de cet
itinéraire occidental, les deux fois sans succès. Cest à la suite de ces échecs
quAmalickiah décida de lancer lattaque contre lest, dont nous avons
déjà décrit le cadre.
Rappelez-vous la rapidité de cette offensive contre la côte est qui contourna la ligne
de défense des Néphites. Pratiquement avant que les uns et les autres ne se rendent
compte de ce qui était arrivé, les envahisseurs étaient proches de lendroit
crucial quétait Abondance. Plus tard, le mouvement sinversa petit à petit ;
les Néphites grignotèrent le territoire occupé par les Lamanites. Après des années de
combat, laction finale se produisit de manière si soudaine quen quelques
heures le dernier cordon de villes retomba entre les mains des Néphites.
LA GUERRE SUR LE FRONT DU SUD
Se voyant déjoués à lest, où ils furent chassés au moment où ils approchaient
de Jershon en venant dAntionum (Alma 43:18-22), les Lamanites changèrent de cible.
Le deuxième endroit où ils pouvaient espérer faire pression sur les Néphites était la
région de Manti. « Cest pourquoi ils partirent du pays dAntionum, entrèrent
dans le désert et entreprirent leur voyage en faisant un détour dans le désert, au
loin, près de la source du fleuve Sidon, afin dentrer au pays de Manti et de
prendre possession du pays » (verset 22). On nous propose ici un éclaircissement
précieux sur les rapports géographiques : la position relative du territoire de
Jershon-Antionum par rapport à Manti.
Manti était, bien entendu, la zone de peuplement néphite située à lendroit le
plus élevé sur le Sidon. Immédiatement au-delà se trouvaient les sources du Sidon dans
le désert qui séparait le territoire néphite du territoire lamanite. Elle était donc
très près des Lamanites, mais elle navait pas encore été attaquée parce
quelle avait une valeur stratégique limitée par rapport aux terres basses de
lest.
On nous laisse entendre que Manti était loin des « régions frontières près de la mer
de lest ». Les informateurs de Moroni eurent le temps de lui dire dans son camp de
Jershon que les armées lamanites abandonnaient Antionum, sur quoi il envoya des espions
surveiller leurs mouvements. Il envoya simultanément une demande dinformation à
Zarahemla pour quAlma, en sa qualité de prophète, le guide pour savoir dans quelle
direction les ennemis se dirigeaient. La réponse revint de Zarahemla à Jershon ; ensuite
Moroni organisa son armée et fit le long chemin jusquà Manti. Il y a arriva à
temps pour alerter les troupes locales et dresser une embuscade sur le chemin quil
savait que les Lamanites allaient suivre en descendant vers le fleuve, le Sidon, près de
Manti (Alma 43:22-33). Litinéraire suivi par les Lamanites dAntionum à Manti
ou bien était sinueux ou bien était difficile à parcourir, car toutes ces allées et
venues des forces de Moroni ont dû prendre des semaines. Et les forces de Moroni avaient
un chemin beaucoup plus direct et beaucoup plus facile à parcourir de Jershon à Manti
que les agresseurs lamanites.
Cette conception dun long détour dans le désert concorde avec ce que lon
peut déduire dun autre voyage accompli par une armée lamanite. Cest quand
Amalickiah prenait position avec ses forces pour loffensive presque réussie sur le
bord de mer oriental. On signalait déjà la grande armée « entrant dans les régions
frontières du pays » alors que le commandant Moroni navait pas encore reçu du
gouverneur du pays de Zarahemla lautorité de prendre des mesures contre les «
hommes-du-roi » subversifs qui avaient refusé de prendre les armes pour défendre leur
pays (Alma 51:14-16). Il envoya alors son armée attaquer et soumettre la partie du pays
contrôlée par ces chefs dissidents qui « professaient avoir le sang de la noblesse »
(verset 21). (Jai démontré précédemment que cette partie du pays se trouvait
vraisemblablement en aval de Zarahemla et était centrée sur Sidom/Chiapa de Corzo. Il y
a, dans ce site, des indications que la transmission de la phase guanacaste à la phase
horcones, vers 75 av. J.-C., a été marquée par de la violence [25]. Cétait à
peu près au moment où les forces de Moroni marchaient contre les hommes-du-roi « pour
abattre leur orgueil », les dissidents étant « abattus et abaissés jusquà terre
» [versets 17-18]. Toutes ces activités, qui ont dû prendre beaucoup de temps, étaient
en cours au moment où les Lamanites entrèrent « dans les régions frontières » du
pays. Ils ont dû se diriger vers la côte est, vers le pays de Moroni, en empruntant un
itinéraire qui était presque linverse de celui emprunté par larmée
lamanite pour aller à Manti. « Le détour dans le désert » était manifestement une
fameuse distance.
Un coup dil sur la carte 12 montre comment ces laps de temps et ces distances
fonctionnent. Deux itinéraires étaient accessibles aux Lamanites entre Antionum et Manti
; ils pouvaient prendre nimporte lequel des deux. Il y en a un qui coupe à travers
le vaste désert constitué par la forêt vierge du Chiapas, via un réseau de vallées de
jungles. Lautre chemin contourne la région accidentée, va jusquau fleuve
Usumacinta et le remonte. Le deuxième est beaucoup plus long, mais cest une
question de bon sens de choisir celui-là, car il devait y avoir en chemin des zones de
peuplement susceptibles de fournir de lapprovisionnement, et la route était sûre.
Le chemin du désert, bien que réalisable, traversait une des régions les plus
difficiles de toute la Mésoamérique, qui fut essentiellement inoccupée pendant toute la
période dont nous parlons [26]. Le cur de la région est toujours appelé « el
desiertro de los Lacandon » (le désert des Indiens lacandons) [27]. Quel quait
été litinéraire emprunté par larmée lamanite, cela pouvait laisser
suffisamment de temps aux forces de Moroni pour atteindre Manti les premiers.
Il ne fait pas de doute que le commandant néphite et ses hommes suivirent le même chemin
quand ils allèrent plus tard soutenir le grand juge Pahoran. Des dissidents avaient
réaffirmé leurs prétentions au gouvernement et pris le pouvoir à Zarahemla, obligeant
le juge à senfuir (Alma 61:5) Moroni monta de sa base de Jershon vers la région de
San Cristobal Las Casas. Ensuite il dut aller tout droit le long des vallées ouvertes
jusquà Comitan/Gédéon, où Pahoran attendait les secours (Alma 60:30 ; 62:3-4,
6).
Un autre incident qui se produisit lors du retour de Moroni après quil fut allé
aider Pahoran éclaire mieux les itinéraires suivis. Il revenait avec son armée vers le
pays de Néphihah et de Jershon lorsquil tomba sur « un important corps de troupes
dentre les Lamanites », le captura et réquisitionna ses provisions (Alma
62:14-18). De toute évidence, litinéraire en question nétait contrôlé par
aucun des belligérants. Létendue de désert avait pour résultat que leurs
frontières étaient rarement fermes et sûres. (Les observations de Kubler sur le
caractère vague des frontières, note 24, nous éclairent ici.) Lhistoire ne nous
en dit pas assez pour nous permettre de savoir avec précision où la rencontre eut lieu,
mais le bon sens veut que les deux aient utilisé la vallée supérieure du fleuve Teapa
au-dessus de Pichucalco, ou alors, cela a pu être plus près du Sidon, près de ce qui
est aujourdhui Huimanguillo.
Sur le front au sud et à louest de Zarahemla, le conflit sétait enlisé et
la guerre contre Amalickiah nen finissait pas (Alma 53-58). Manti tomba entre les
mains des Lamanites. La ville de Zeezrom fut, elle aussi, prise, bien que, étant donné
quelle nest mentionné quune seule fois, elle ne devait pas avoir une
importance cruciale (Alma 56:14). Plus loin en direction de la mer de louest se
trouvaient Cumeni et Antiparah, deux autres localités prises par les Lamanites. Le pays
de Judéa resta entre les mains néphites, comme un bouchon sous pression sur une
bouteille, empêchant lennemi de descendre directement vers Zarahemla (Alma
(56:15-18, 22-25).
Ces rapports géographiques correspondent à la disposition des lieux dans le sud du
Chiapas. La carte 12 montre un arrangement logique des villes sur ce front. Leur
localisation par rapport au terrain montre comment les événements militaires se sont
produits. Les montagnes de la Sierra Madre constituent une barrière quasiment
infranchissable à une traversée normale entre le bord de mer et la dépression
intérieure tout le long de son extrémité méridionale, à une exception notable près :
un col relie la région des affluents du nord du fleuve Grijalva via la ville de
Motozintla à la bande large et riche de contreforts et de territoire côtier appelée la
Soconusco. Dans la direction opposée par rapport à Motozintla, la vallée étroite
dune rivière descend vers le Grijalva [28].
Antiparah devait se trouver dans le col traversant ces montagnes. Nous voyons pourquoi
lorsque nous examinons la reprise dAntiparah par les Néphites. Antipus et Hélaman,
les chefs néphites sur ce front, eurent recours à « un stratagème » pour amener les
Lamanites à quitter les défenses de la ville. Ils envoyèrent une petite troupe passer
devant la localité, incitant les Lamanites à la poursuivre. La destination de la troupe
était censée être évidente daprès litinéraire quelle empruntait :
« comme si nous allions vers la ville qui se trouvait au-delà, dans la région
frontière près du bord de la mer » (Alma 56:30-31). Antiparah se trouvait donc dans ou
près dun col sur un chemin qui descendait vers le bord de la mer venant dune
part dAntiparah et allant vers Zarahemla via Judéa dautre part. Une troupe
dhommes se dirigeant vers la mer de manière à être vue dun lieu de défense
dans la vallée de rivière près de Motozintla devait de toute évidence être en train
de traverser le col voisin pour descendre vers Izapa ou une autre ville de la région de
Soconusco. Antiparah convient très bien près de Motozintla.
Cest près de là que se produisit la bataille remarquable des 2000 jeunes guerriers
dHélaman. Ce dernier et ses jeunes Ammonites étaient montés de Mélek (sans aucun
doute via Zarahemla, patrie dHélaman) vers Judéa pour renforcer larmée
assiégée dAntipus. Ils arrivèrent juste à temps pour déjouer une attaque
lamanite contre Judéa. Les jeunes gens ne tardèrent pas à prendre part aux opérations
de reconquête dAntiparah. Une fois que les forces lamanites eurent été attirées
hors de leur bastion, les hommes dHélaman se retirèrent vers le nord et entrèrent
dans le désert (Alma 56:36-39). Le long du sommet en terrain libre et plat de la chaîne
de montagnes, ils coururent à travers une forêt de pins ou de chênes [29]. Sils
avaient essayé de descendre par lun des canyons sinuant en direction de Judéa,
leur base, les Lamanites auraient éventé le piège et auraient fait demi-tour et
lobjectif de la manuvre, qui était dattirer les Lamanites loin
dAntiparah, aurait été déjoué. Après une longue poursuite, les forces
saffrontèrent dans une bataille qui donna la victoire aux Néphites. Les
prisonniers furent ensuite emmenés sous bonne garde depuis le lieu de la bataille vers
Zarahemla, tandis que le gros des forces néphites retournait à sa base à Judéa.
Finalement, une fois que la garnison affaiblie dAntiparah eut renoncé et se fut
retirée, les préoccupations néphites concernant la défense de cette « région du pays
» furent apaisées. La carte montre de nouveau clairement pourquoi.
Les recherches archéologiques viennent à peine de commencer dans cette région
accidentée. Une reconnaissance rapide depuis le fleuve Grijalva en remontant la vallée
jusquà Motozintla na permis de découvrir aucun site de datation ancienne,
mais larchéologue qui a fait le travail a reconnu quil ne faisait que
commencer les recherches et que beaucoup dautres efforts étaient nécessaires [30].
Une documentation dune époque plus ancienne indique que des ruines de taille
importante sont effectivement présentes près de Motozintla et aussi près
dAmatenango de la Frontera, plus en contrebas dans la vallée, là où, à mon avis,
Cumeni pourrait convenir [31]. La ville de Zeezrom devait se trouver en aval, plus près
de Manti, peut-être au site de Guajilar, qui a été fouillé en 1976 et en 1977.
Cétait une grande zone de peuplement à lépoque de ces guerres néphites
[32]. Judéa devrait être dans la région de Chicomuselo, une situation idéale pour
couper la route à tout mouvement lamanite voulant descendre contre Zarahemla (Alma
56:25). Dans toutes ces régions, il existe très peu de terres cultivables ; cela
explique le degré élevé de dépendance des forces néphites et lamanites vis-à-vis des
importations de nourriture (Alma 56:27, 29, 32 ; 57:6, 8, 11, 15).
Pour pouvoir traiter complètement la microgéographie qui fut le théâtre de la bataille
et des marches qui permirent aux Néphites de récupérer Manti (Alma 58:13-29), il
faudrait avoir entre les mains des cartes locales détaillées et je nen ai pas. Les
cartes régionales et lobservation personnelle donnent à penser quil existe
des emplacements généralement plausibles pour ces mouvements militaires. (La même
topographie convient aussi dune manière générale à la bataille antérieure qui
eut lieu dans les environs et qui est rapportée dans Alma 43:25-54. Il faut une étude
plus soigneuse pour vérifier les détails.) Manti elle-même semble avoir
vraisemblablement été située là où se trouvent les grandes ruines de La Libertad.
Elle est située à la confluence de trois grands affluents qui forment le fleuve Grijalva
juste en dessous du grand site, et le désert qui est censé être là se trouve
directement à côté du site. La Libertad était, vers cette époque, la plus grande
ville de toute la « partie du pays » des affluents supérieurs [33].
La reprise de Manti mit fin à la grande guerre, mais son effet avait été profond.
Moroni, commandant en chef, avait eu recours à plusieurs reprises à la force armée pour
appuyer le gouvernement central dans ses efforts pour surmonter la pire des divisions et
lindécision qui lavaient affligé. Des populations avaient été déplacées
de manière tout à fait arbitraire et installées çà et là selon les besoins. Les
colonies avaient dû être consolidées pour la défense et de la main-duvre
avait dû être réquisitionnée pour construire des fortifications (Alma 50:10). Les
pertes avaient été lourdes de part et dautre et, même après la fin des
hostilités proprement dites, des tensions restèrent ; les Néphites ne pouvaient en
aucun cas relâcher leur surveillance (Alma 62:42). Toute la région gouvernée depuis
Zarahemla était plus étroitement unie que jamais. Il ne fait aucun doute que le besoin
urgent de communication et la nécessité de mouvements importants de personnel armé et
des femmes et des enfants dans leurs camps ont rendu leurs itinéraires plus réguliers.
La richesse, issue partiellement de laccroissement du commerce, sen était
suivie (verset 48). Lattention sétait portée davantage sur la valeur
stratégique et les ressources de la région de létroite bande et sur le pays
situé du côté du nord qui se trouvait au-delà (Alma 63:4-10). Apparemment,
linstruction et la tenue des registres sétaient également étendues (verset
12).
Ces caractéristiques de la vie dans la région de listhme dans le Livre de Mormon
concordent avec ce que nous savons de la Mésoamérique méridionale au cours de la
période qui suivit 75 av. J.-C.. De plus, les prototypes de nombreuses pratiques, qui
apparurent dans la vie néphite et mésoaméricaine à lÉpoque Classique du IVe
siècle apr. J.-C., sont déjà visibles maintenant, y compris les guerres, les classes
sociales, le commerce, les cultes et les autres éléments que Mormon décrit tout à la
fin de la carrière historique de ses peuples.
FACONS DE FAIRE LA GUERRE
Il serait bon maintenant de jeter un coup de sur certains données relatives à la façon
de faire la guerre en Mésoamérique pour pouvoir apprécier plus complètement la
manière dont les hommes de Moroni combattaient. Les traités classiques sur la culture
mésoaméricaine sont jusque tout récemment partis de lidée que la guerre a été
une exception tardive que les groupes plus anciens de la région ne pratiquaient
que les arts de la paix. Nous savons maintenant que ceci déforme totalement la réalité.
Il apparaît que les Mésoaméricains étaient, selon toute probabilité, rarement très
pacifiques. Il y a un nombre croissant dindications qui montrent que les conflits
armés étaient fréquents, même à lépoque olmèque. David Webster a publié une
monographie qui insiste sur le fait, du moins en ce qui concerne les plaines mayas, que «
la guerre et le militarisme furent des processus importants tout au long de lépoque
classique » (selon ses termes, de 300 à 900 apr. J.-C.). Plus tôt encore, « la guerre,
pendant les temps du Préclassique Tardif furent un facteur essentiel dans la définition
politique des diverses sous-régions des plaines [34]. » Et nous savons aussi maintenant
quau Honduras, sur le plateau du Guatemala, au centre du Mexique et à Oaxaca, des
éléments ont été découverts qui montrent que la guerre était dune grande
importance et dune grande antiquité [35].
Quand il traversa le sud du Mexique pendant son voyage épique vers le Honduras, Cortez
découvrit, autour de la région de Laguna de Terminos, des fortifications ressemblant
très fort à celles que Moroni érigea au Ier siècle av. J.-C. (Alma 53:1-5) dans les
plaines côtières orientales, à quelques dizaines de kilomètres seulement de la route
de Cortez. Le Livre de Mormon décrit le creusement dun fossé autour de la zone
protégée ; la terre dégagée était empilée vers lintérieur pour former un
talus. Au sommet de ce talus on plantait une palissade de bois dont on reliait les
éléments avec des sarments. Cette technique même est bien confirmée maintenant par
larchéologie. Les recherches de la National Geographic Society, université de
Tulane à Becan, au centre de la péninsule du Yucatan, ont montré que le procédé
était très ancien. Dans son interprétation des fouilles, Webster voit un rempart massif
de terre autour de ce centre quelque part entre 250 et 450 apr. J.-C., au cours de la
période où se produisirent les guerres finales entre Néphites et Lamanites. On peut se
faire une idée de la taille impressionnante de ces constructions défensives grâce à
lobservation de Webster que du sommet du talus (sans compter la palissade de bois
qui existait probablement au-dessus) jusquau fond du fossé la distance était
dune bonne dizaine de mètres. « Les ennemis pris au fond du fossé étaient à la
merci des défenseurs, dont les armes les plus efficaces, vu les circonstances, devaient
être de gros blocs de pierre. » De plus, « la largeur extrême de la défense assure
une protection supplémentaire, car, dans la plupart des endroits, ce nest
quavec beaucoup de difficultés que lon lançait des projectiles lourds du
talus jusquà lextrémité extérieure du fossé. Lancer vers le haut à
partir de lextérieur est presque impossible. Les défenseurs, peut-être protégés
par une palissade, pouvaient faire pleuvoir des projectiles sur une longue distance sur
les ennemis en approche en utilisant des propulseurs et des frondes [36]. » Comparez ces
citations avec Alma 49:22 : « Mais voici
[les assaillants lamanites] furent
balayés par les pierres et les flèches qui leur étaient lancées. » Une comparaison
complète des tactiques, de la stratégie et des constructions défensives en
Mésoamérique le peu quon en a appris sur le sujet jusquà présent
révèle beaucoup de parallèles instructifs avec le Livre de Mormon, ignorés pour
la plupart il y a quelques années seulement.
Les Écritures décrivent dautres aspects de la vie militaire. Les arcs et les
flèches, les pierres et les frondes, les javelots, les traits, les haches et diverses
espèces de boucliers sont bien attestés dans les documents et les vestiges
archéologiques de la Mésoamérique [37]. Les « vêtements épais » portés, pour des
raisons défensives, par les Néphites (Alma 43:19) semblent apparentés aux vêtements
rembourrés (ichcauipilli) utilisés par les Aztèques et leurs voisins. On mettait du sel
ou une autre substance entre des couches de tissu et lensemble était piqué
sommairement. Ce vêtement pouvait résister à limpact direct dune flèche et
pourtant il était si léger et si bon marché que les Espagnols eux-mêmes
ladoptèrent [38]. Et il y avait également dautres sortes darmures
[39]. Ce que le Livre de Mormon appelle « cimeterre » (dans le sens que le dictionnaire
donne au terme), comme lobjet du même nom en Asie, était une arme à brandir. Sa
force de frappe était suffisante pour percer une armure (comparez avec Alma 43:44)) ou
pour tuer dun seul coup (verset 37). Léquivalent mésoaméricain devait être
larme que les Aztèques appelaient le macuahuitl, un gourdin de bois dur bordé des
deux côtés de lames dobsidienne coupantes comme un rasoir. Les Espagnols
appelaient cette arme redoutable « épée », disaient quelle était plus coupante
que leurs propres armes et constatèrent avec consternation quun seul coup de cette
arme pouvait couper la tête à un cheval. Bernal Diaz, lun des conquérants
espagnols, signale aussi « des épées larges », distinctes du macuahuitl, mais, autant
que je sache, elles ne sont pas décrites ailleurs [40]. Une épée, selon la terminologie
normalement utilisée en Europe, a une lame pointue que lon utilise en la projetant
en avant. Le Livre de Mormon ne dit jamais que pareille arme ait été utilisée par les
Néphites ou les Lamanites. Il ny a quun cas où lon trouve une
description dune « épée » ayant une pointe dune sorte ou dune autre
: un soldat néphite frappe un chef lamanite, le scalpant accidentellement ; il ramasse
ensuite le scalp, le pose sur la « pointe » de son épée (plutôt que de le mettre au
bout de sa lance, comme nous pourrions nous y attendre), et le brandit (Alma 44:12-13).
Cette description bizarre ne nous explique pas exactement à quoi larme ressemblait.
De même que le texte du Livre de Mormon ne nous explique pas clairement laspect et
les fonctions des armes en forme dépée des Néphites, de même les sources sur le
Mexique et le Guatemala anciens ne donnent aucune précision concernant certaines armes.
La concordance entre lÉcriture et les sources extérieures semble suffisante pour
le moment ; il ny a aucun problème majeur à faire concorder les objets.
Il y a un principe de lorganisation militaire en Amérique ancienne qui éclaire
certains passages du Livre de Mormon. On parle parfois d « armée » néphite ou
lamanite, mais dans les affrontements plus importants, il est question de part et
dautre d « armées ». Les capitaines mésoaméricains dirigeaient leurs
propres forces composées dhommes faisant partie de leur parenté. Les dirigeants
navaient pas de pouvoir absolu, mais ils exerçaient une forte influence sur les
décisions affectant la guerre. Avec leurs conseillers, ils choisissaient sil
fallait ou non engager leurs unités de milice dans une campagne donnée. (Les soldats à
plein temps étaient une exception.) Il ressort dAlma 46:28 ; 50:12 et 62:4-5 que
Moroni avait beaucoup à gagner à persuader les chefs de ces groupes de lignée de se
joindre à lui. Les Amlicites (Alma 2:7-16) et les hommes-du-roi (Alma 51:17-21) étaient
composés dunités familiales ou géographiques qui refusaient de soutenir la cause
néphite officielle de Moroni. À la fin, les hommes-du-roi furent obligés dengager
leurs forces et de « hisser létendard de la liberté sur leurs tours et dans leurs
villes » comme symbole de loyauté au gouvernement central (verset 20). Avec cet
éclairage, les termes utilisés par Mormon pour décrire la bataille finale des Néphites
deviennent compréhensibles : « Et voici, les dix mille de Gidgiddonah étaient
tombés
, et Lamah était tombé avec ses dix mille; et Guilgal était tombé avec
ses dix mille; et Limhah était tombé avec ses dix mille, et Jénéum était tombé avec
ses dix mille, et Cumenihah, et Moronihah, et Antionum, et Shiblom, et Sem, et Josh
étaient tombés, chacun avec ses dix mille » et ainsi de suite (Mormon 6:13-14). À
lépoque de la conquête espagnole, Bernal Diaz utilise les mêmes termes concernant
lorganisation des armées tlascalanes qui étaient en face de Cortez. Cinq
capitaines apparurent sur le champ de bataille, chacun avec ses dix mille hommes : « Des
partisans du vieux Xicotenga... il y en avait dix mille ; dun autre grand chef
appelé Moseescaci il y en avait encore dix mille ; dun troisième, qui était
appelé Chichimecatecle, il y en avait encore autant » et ainsi de suite. Chaque groupe
avait son drapeau propre. (Larmée tlascaltèque qui sopposait à Cortez avait
un grand étendard « porté » par le commandant, bien quen réalité la perche
fût liée à son dos [41]. Nous nous rappelons que « Moroni, qui était le commandant en
chef des armées des Néphites », prit un morceau de son manteau, écrivit un slogan
dessus, « lattacha au bout dune perche » et « sen alla parmi le
peuple, agitant en lair la partie déchirée de son vêtement », comme le raconte
Alma 46:11-12, 19). Les Tlascalans portaient aussi des uniformes différents pour signaler
lunité à laquelle ils appartenaient et « chaque capitaine avait un insigne
différent, tout comme nos ducs et nos comtes de Castille. » La décision de savoir
sil fallait combattre était prise séparément par chaque capitaine pour son groupe
[42]. De plus, le chef dune unité militaire mésoaméricaine avait des rapports
spéciaux avec ses hommes : « Les guerriers qui combattaient sous ses ordres étaient
considérés, dans le cadre de la parenté, comme des fils et vassaux [43]. »
Cela rappelle dans le Livre de Mormon Hélaman et ses 2000 « fils » guerriers.
Les « armées » des Néphites et des Lamanites étaient probablement constituées de
groupes darmées séparés, chacune sous le commandement direct dun dirigeant
de lignée, chaque groupe venant dune région unique et parlant probablement à un
dialecte unique [44]. Pareille structure de commandement était fragile. Un commandant
étranger ne pouvait pas reprendre sous ses ordres une unité par une substitution
purement administrative. Ainsi, « lorsque les Lamanites virent que leurs capitaines en
chef étaient tous tués, ils senfuirent dans le désert » et rentrèrent chez eux
(Alma 49:25). Selon le même éclairage, nous pouvons comprendre pourquoi les
fortifications construites par lastucieux Moroni eurent pour résultat une
augmentation quotidienne de ses armées « à cause de lassurance de protection que
ses ouvrages leur apportaient » (Alma 50:12). Les chefs politiques locaux étaient de
plus en plus disposés à appuyer quelquun qui avait lair dêtre un
gagnant.
LAFFAIRE HAGOTH
La paix revenue, la curiosité accumulée concernant le pays situé du côté du nord se
donna publiquement libre cours. Morianton, nous nous en souviendrons, avait envisagé de
semparer du territoire situé au-delà de la bande étroite « couverte de grandes
étendues deau » et avait vainement essayé datteindre cette région (Alma
50:29), dont nous avons conclu quelle devait se trouver dans le centre-sud de
Veracruz. La crainte de Moroni avait été quune alliance soit conclue entre cette
région et Abondance, située probablement juste de lautre côté du fleuve
Coatzacoalcos. Si ces deux régions avaient été fusionnées en un seul état, cela
aurait ranimé la vieille unité territoriale que les Olmèques de la côte du Golfe
avaient exploitée avec tant de succès des siècles auparavant. Un homme ambitieux comme
Morianton (dont le nom, soit dit en passant, était purement jarédite) a dû voir les
possibilités dédifier, dans le pays de Désolation et au-delà, une puissance
politique qui pourrait ressusciter le vieux modèle olmèque/ jarédite. Il semble
évident que dautres voyaient des possibilités semblables. La devise de
lépoque, parmi ceux qui ne tenaient pas en place après la fin de la guerre
semblait être : « Lavenir est au nord. »
La trente-septième année de lère du règne des juges (vers 60 av. J.-C.), 5400
hommes, plus les femmes et les enfants, quittèrent Zarahemla pour le nord (Alma 63:4).
Lannée suivante, beaucoup dautres partirent. Dautres encore partirent
peut-être à la même époque du territoire lamanite. Cest quelque chose de plus
que la curiosité qui a dû pousser tant de personnes à partir. Quétait-ce ? Elles
y étaient probablement poussées autant quelles y étaient attirées. Nous avons vu
précédemment que la zone du pays de Zarahemla susceptible de donner de bonnes récoltes
était limitée. Nous avons également vu la population augmenter avec le temps. Quand
trop de personnes occupent une région productrice, il est possible de saccommoder
temporairement de pressions croissantes (comme dans le conflit avec les hommes-du-roi),
mais en fin de compte il y a des chances pour quune partie de la population
excédentaire aille voir ailleurs. Quand on lit Alma 62:39-41 (notez particulièrement les
« famines »), cela donne à penser que la trop grande importance de la population par
rapport à ce que la terre pouvait produire avait dû être une des causes de la guerre
qui venait davoir lieu, tout autant quelle en avait été le résultat. Quoi
quil en soit, le pays situé du côté du nord se trouvait devant eux avec la
perspective quil pouvait absorber une partie de lexcédent de population du
sud. Ils avaient déjà pris lhabitude de se délocaliser en masse en temps de
guerre. Mais il est très peu vraisemblable que de simples personnes privées se seraient
rendues dans les zones de peuplement du nord. Seules les unités « sociales »
organisées disposaient des ressources nécessaires pour entreprendre une tâche aussi
ambitieuse. Les groupes devaient vraisemblablement être forts au sens militaire du terme
pour prendre le contrôle dune région, quelle quelle soit, ayant beaucoup de
valeur, car cest une règle écologique générale que toutes les meilleures
régions de colonisation devaient être occupées depuis longtemps. Ce sont probablement
des unités de lignée qui ont mené à bien ces déménagements. Par conséquent, les
zones de peuplement néphites ont pu être fort concentrées géographiquement (mais notez
Hélaman 3:8). Il est improbable que les Néphites se soient dispersés par familles
séparées sur la surface du pays, comme lont fait les pionniers américains dans
lOuest. Les moteurs principaux étaient, selon toute vraisemblance, des dirigeants
ambitieux qui voyaient là une occasion daccroître leur pouvoir personnel et celui
de leur lignée. Morianton et Jacob (3 Néphi 7:12) sont des illustrations de ce type.
Toute cette histoire de recherche de nouvelles terres et dun nouveau pouvoir sonne
très mésoaméricain [45].
Ceux qui sont partis par voie de terre (sans aucun doute la majorité) ont dû
principalement traverser le passage étroit pour entrer précisément dans les zones sur
lesquelles Morianton avait jeté son dévolu, les plaines orientales du pays situé du
côté du nord près de létroite bande. Dautres partirent par la voie
maritime, sinstallant le long de la mer de louest dans le pays situé du
côté du nord. Quel que soit litinéraire suivi, les émigrants nauraient pas
voyagé plus loin que nécessaire. Nous navons aucune raison de croire que les
distances aient dépassé quelques centaines de kilomètres. (Du point de vue économique,
par exemple, cela na pas beaucoup de sens de transporter très loin des produits
encombrants comme le bois de construction, du moins dans les temps anciens Hélaman
3:10-12).
Il y a une exception apparente à cette règle vraisemblable des voyages courts. Hélaman
3:4 signale que certains Néphites « voyagèrent sur une distance extrêmement grande, de
sorte quils arrivèrent à de grandes étendues deau et à beaucoup de
rivières ». Ce passage paraît indiquer une distance plus grande que la région du pays
situé du côté du nord que Morianton essayait datteindre et qui était si proche
dAbondance que les deux auraient pu sallier (Alma 50:29-32). Dans le passé,
le sol de la vallée de Mexico était occupé par un ensemble de lacs dont la superficie
combinée était plus grande que quoi que ce soit dautre dans le centre du Mexique.
Cest ce système de lacs qui permit aux Aztèques de faciliter les déplacements de
marchandises nécessaires pour entretenir leur grande ville de Tenochtitlan. La
concentration exceptionnelle de ressources rendue possible par le fait que les lacs
raccordaient les terres adjacentes est maintenant considérée comme étant la raison
principale de la prospérité de la vallée aussi bien à lépoque aztèque
quaux époques précédentes. Cest pour ces raisons que la région devait
être attrayante pour les colonisateurs et pourrait être le territoire mentionné dans
Hélaman 3. Cest peut-être de la même région quil est question dans 3
Néphi 7:12, qui parle dun groupe de dissidents qui senfuirent vers « la
partie la plus septentrionale du pays » et occupèrent une ville appelée Jacobugath, qui
fut brûlée à lépoque de la Crucifixion (3 Néphi 9:9). Il est donc très
possible que les dimensions du pays situé du côté du nord, dont il est question dans
les annales néphites et jarédites, dépassent quelque peu les chiffres que jai
proposés au chapitre 1. Si les voyages étaient possibles jusquà la vallée de
Mexico, on devait se trouver près de lextrémité de la zone culturelle
mésoaméricaine à lépoque de nos annales. Et si ces dimensions plus grandes se
révélaient être correctes, elles constitueraient un lien possible intéressant, par
lintermédiaire du « roi » Jacob et de ses dissidents, entre les vieux centres du
Livre de Mormon et la montée en puissance de Teotihuacan, car ces émigrants vers la
vallée de Mexico ont pu atteindre cette région au début du Ier siècle apr. J.-C.,
juste au moment où sa croissance saccélérait.
Hagoth joua un rôle majeur dans cette impulsion donnée aux émigrations vers le nord.
Lendroit où se trouvait son port dattache est tout à fait clair : exactement
à la frontière entre les pays situés du côté du sud et du côté du nord,
cest-à-dire exactement à listhme ou bande étroite. Du côté mer de
louest ou côté Pacifique de listhme de Tehuantepec, il y a de grandes
lagunes profondes qui ont souvent incité à des activités maritimes. Dans les collines
situées juste à lintérieur des terres dans listhme, on trouve un bois
dexcellente qualité [46], qui était si désirable que les Espagnols le coupèrent,
le firent descendre par flottaison sur le fleuve vers le côté atlantique et
lenvoyèrent à Cuba pour construire des bateaux. Les lagunes et les ressources en
bois sont à lendroit du côté Pacifique de létroite bande qui est requis
par le chapitre 63 dAlma.
On a trouvé des zones de peuplement du premier siècle av. J.-C. dispersées le long de
la côte des états de Guerrero et dOaxaca, à quelques centaines de kilomètres au
nord de listhme [47]. Il est raisonnable de penser que cest une colonisation
néphite, et le commerce qui en résulta (Hélaman 3:10) se fit dans cette direction-là,
particulièrement parce que le bois de qualité est rare dans cette bande chaude et
sèche. Plus tard, en tout cas, cette région fut à coup sûr colonisée par des
populations provenant du sud de la Mésoamérique [48]. On peut imaginer que les colons
ont pu parcourir une distance considérable vers le nord, même jusquà létat
de Nayarit, à plus de 1.000 km de là, mais si cétait le cas, ils ont dû perdre
le contact avec leur mère patrie, puisque même à lintérieur du pays situé du
côté du sud, les communications étaient souvent ténues sur des distances beaucoup plus
courtes. (Notez les messages lents et inefficaces même parmi les plus hauts dirigeants
dans Alma 59 ; comparez avec Mosiah 7:1). Il y a des preuves concrètes que les voyages
par mer le long de la côte Pacifique non seulement du Mexique mais jusquen
Équateur, en Amérique du Sud, étaient une pratique ancienne, bien que probablement pas
régulière [49].
Le « navire » de Hagoth, sil était comme les bateaux que lon a connus plus
tard sur la côte du Pacifique, était soit une très grande pirogue sur laquelle on avait
dressé des flancs, soit un radeau de troncs équipé de voiles. Quelle quen ait
été la forme, il naurait pas pu être un vaisseau complexe fait de planches
ressemblant de près ou de loin aux navires européens. Nous navons, jusquà
présent, aucune preuve que de tels bateaux aient été construits ou utilisés dans le
Nouveau Monde avant la conquête espagnole et il semble peu vraisemblable quune
réalisation technologique aussi importante nait laissé aucune trace, même dans
les arts. Il nempêche que la grande pirogue que Colomb vit lors dun de ses
voyages au large de la côte du Yucatan était dune taille très respectable,
capable de transporter des dizaines de personnes pendant des jours daffilée [50].
Avec autant de preuves culturelles de voyages côtiers entre lAmérique du Sud et la
Mésoamérique, il se peut que nous découvrions un jour que les grands radeaux de mer que
lon a connus au large de lÉquateur ou du Pérou et qui étaient capables
datteindre les îles Galapagos au large de lAmérique du Sud [51], étaient
également fabriqués et utilisés au large du Mexique, bien que cela nait pas
encore été démontré.
Quen est-il de la tradition, qui a cours dans lÉglise, selon laquelle Hagoth,
le constructeur naval néphite qui ne revint jamais de son voyage, est lancêtre des
Polynésiens ? Il y a des années, jai compilé une grande quantité de traits
culturels partagés qui suggèrent effectivement des liens historiques entre ces îles et
diverses parties de lAmérique, et ce que jai fait a été complété par
dautres. Néanmoins les éléments dont nous disposons ne nous permettent pas de
mettre le doigt sur la moindre époque ni le moindre lieu précis pour une émigration du
commerce qui expliquerait les ressemblances de manière convaincante. Il reste impossible
de démontrer un lien clair entre les deux régions, bien que le débat continue [52].
Ayant été missionnaire en Polynésie, je connais bien le thème de Hagoth dans la
tradition de lÉglise, mais les éléments dont nous disposons ne le confirment pas
comme étant un fait historiquement fondé. Nous ne pouvons pas non plus exclure la
possibilité dun voyage rare entre le continent et les îles. La plupart des
éléments que lon cite dans un sens ou dans un autre sont soit faibles soit peu
clairs. Ceux qui veulent croire que Hagoth a atteint la Polynésie doivent se reposer
principalement sur la foi plutôt que sur des éléments de preuve dignes de confiance
[53]. Le Livre de Mormon lui-même, bien entendu, dit seulement que cet homme et ses
compagnons ont disparu en ce qui concerne le peuple de Zarahemla. Autant que celui-ci le
sache, il a pu mourir de vieillesse sur la côte occidentale mexicaine, ne disposant pas
dun bateau convenable pour faire le voyage de retour. Et nous nen savons rien
non plus.
Le chapitre 3 de ce livre citait des indications en provenance de plusieurs endroits du
centre et du sud du Mexique montrant que des influences culturelles et probablement une
élite démigrants arrivèrent effectivement de la Mésoamérique méridionale au
cours du premier siècle av. J.-C. et prirent le pouvoir sur place. Monte Alban à Oaxaca,
au début de sa période II, est un cas particulièrement limpide [54]. Au fil des
recherches, nous pouvons nous attendre à apprendre dune manière plus claire
comment et à quel point ces mouvements en direction du nord ont affecté les localités
habitées par les nouveaux colons.
LE CALCUL DU TEMPS CHEZ LES NEPHITES
On trouve, avec une fréquence croissante à mesure que lon avance, des
déclarations éparses dans toute la partie centrale du Livre de Mormon concernant le
système de datation néphite. Presque tous les lecteurs de lÉglise consultent
simplement les notes de bas de page, qui proposent des dates (dont aucune nest
vraiment exacte) dans notre calendrier. Si nous étudions de manière approfondie chaque
mention du calendrier néphite, les dates des notes de bas de page deviennent douteuses.
Nous pourrons peut-être éclaircir la question en examinant les calendriers
mésoaméricains.
Arrivé à la moitié du Ier siècle av. J.-C. (au début du livre dHélaman), le
lecteur a déjà compris que, pour les rédacteurs du Livre de Mormon, les détails
chronologiques sont extrêmement importants. On retrouve cette même caractéristique
culturelle en Mésoamérique. Les principales populations mésoaméricaines tenaient
strictement note du passage des années. Cest sur les Mayas de la péninsule du
Yucatan que nous avons les meilleurs renseignements. Ils mesuraient les années écoulées
à partir dune date lointaine (3113 av. J.-C.) dont la signification est inconnue
[55]. Les premiers Néphites utilisaient comme référence fondamentale la date du départ
de Léhi du pays de Jérusalem (2 Néphi 5:28 en est la première mention). Ils suivirent
cette pratique pendant quelque 600 ans, quoique, vers la fin de cette période, une
référence secondaire soit apparue, la date à laquelle les juges néphites commencèrent
à gouverner à la place du roi Mosiah, comme dans 3 Néphi 1:1 : « Or, il arriva que la
quatre-vingt-onzième année était passée, et il y avait six cents ans que Léhi avait
quitté Jérusalem. » Cette année-là, on observa des signes marquant la naissance de
Jésus-Christ en Palestine (verset 26).
Au départ, la connexion néphite avec la chronologie biblique est le « commencement de
la première année du règne de Sédécias, roi de Juda » (1 Néphi 1:4), qui est le
début des annales de Néphi. Léhi quitta Jérusalem et le calcul des années néphites
commença dans les quelques mois qui suivirent, semble-t-il, et toujours au cours de la
première année de Sédécias. La note de bas de page de lédition actuelle du
Livre de Mormon estime cette date à « vers 600 av. J.-C. ». Nous pouvons maintenant
être plus précis, grâce aux acquis de la recherche biblique. La tâche a été
difficile en partie parce que « la première année » des rois israélites pouvait avoir
deux significations. Selon un mode de calcul, on disait quun roi commençait à
gouverner dans la partie de lannée où il montait véritablement sur le trône ;
selon une autre méthode, sa première année était lannée de calendrier complète
suivant son accession au siège du gouvernement. Les Juifs de lépoque de Léhi
utilisaient probablement le premier système [56]. En outre, il y a le problème du
rattachement à notre calendrier actuel des passages de la Bible relatifs à la
chronologie. On a réussi à calculer les dates des souverains juifs à la suite de
nombreuses années de recherches historiques minutieuses. Les renseignements clefs
transitent par le Moyen Âge européen, lépoque de lempire romain, les
souverains hellénistiques, lempire perse et finalement les annales des rois
assyriens. Des éclipses sont mentionnées en relation avec des événements de la vie de
ces monarques ; les astronomes peuvent les dater avec précision, ce qui permet de fixer
toute la séquence sur notre calendrier à une ou deux années près [57].
Aujourdhui, la quantité de renseignements qui sinterpénètrent est si grande
quon ne peut pas mettre sérieusement en question la date de Sédécias. Les paroles
de Néphi commencent par des événements qui ont eu lieu dans le courant de lannée
juive qui chevauche nos années 597-596 av. J.-C..
Le deuxième lien clef entre les dates historiques du Vieux Monde et le Livre de Mormon se
situe à la naissance de Jésus. À ce jour, nous ne pouvons pas encore dater cet
événement avec certitude dans notre calendrier, étant donné que les annales
historiques de lépoque ne tiennent aucun compte de la naissance obscure de
lenfant de Bethléhem. Mais il y a, parmi les historiens, un consensus selon lequel
le Hérode qui gouvernait à lépoque de la naissance du Sauveur mourut en 4 av.
J.-C.. Dautres faits historiques sont mentionnés dans les évangiles Luc
2:2-3 donne le nom du gouverneur dune province avoisinante de lempire romain
au moment du recensement pour lequel Joseph et Marie durent se rendre à Bethléhem ; et
il y a des indications concernant lapparition de la « nouvelle étoile » qui
marqua la nativité (Matthieu 2:9-10 ; 3 Néphi 1:21). Lharmonisation de toutes ces
considérations historiques est une tâche compliquée donnant lieu à controverse. La
plupart des experts saccordent maintenant pour dire que la naissance de Jésus eut
lieu « un peu avant 4 av. J.-C. », avec la possibilité quelle se soit produite
dès 7 av. J.-C. [58]. Mais, objectera le lecteur, comment notre calendrier, avec sa
distinction entre avant et après Jésus-Christ a-t-il pu commettre une erreur sur un
événement aussi important ? Lexplication en est que lannée de la naissance
du Sauveur na pris de limportance dans le calendrier utilisé en Europe que
des siècles après lévénement. Le moine Denis le Petit a calculé la date après
500 apr. J.-C., mais il a commis une erreur, due essentiellement à linsuffisance
des documents historiques dont il disposait [59]. Ainsi donc, le Christ est né ni en 1
av. J.-C., ni en 1 apr. J.-C., mais probablement en 4 ou 5 av. J.-C., peut-être encore un
peu plus tôt.
Réfléchissez à ce que cela veut dire pour le Livre de Mormon. Aussi bien par la
prophétie (1 Néphi 10:4 ; 19:8 ; 2 Néphi 25:19) que par le système de datation
néphite de lhistoire (3 Néphi 1:1), lÉcriture américaine prévoit un
intervalle de 600 ans entre le départ de Léhi dans la première année de Sédécias et
la naissance de Jésus-Christ. Or les documents historiques non religieux
nautorisent pas plus de 593 ans (597 av. J.-C. à 4 av. J.-C.) entre ces
événements. Bien quil semble y avoir un problème, il existe une solution
intéressante. Pour comprendre de quoi il sagit, nous devons supposer que les
Néphites se sont mis à calculer leur temps en fonction du système de calendrier qui
était couramment utilisé dans le sud de la Mésoamérique à lépoque et à
lendroit où le récit scripturaire a été écrit. Tout ce que ce livre contient
jusquà présent confirme cette relation importante.
Notez que le mot « année » a plusieurs significations selon les civilisations. Diverses
définitions du mot « années » sont reconnues, chacune utilisée à des fins
différentes. Un dictionnaire non abrégé de la langue anglaise révèle que même nous,
nous avons plusieurs calculs différents pour lesquels nous utilisons un seul et même
mot. Parmi les Mayas des plaines, dont le calendrier est celui que nous connaissons le
mieux dans le sud de la Mésoamérique, on comptabilisait au moins trois espèces
dannées : (1) le tzolkin ou année sacrée de 260 jours (treize mois de vingt jours
chacun), (2) le haab, qui comptait 365 jours (dix-huit mois de 20 jours chacun, plus un «
mois » de clôture ou cinq jours « maléfiques »), (3) le tun de 360 jours. Le tun
était utilisé pour la plupart des calculs de calendrier, et servait apparemment
dapproximation au haab, ayant le mérite spécial de pouvoir être divisé et
multiplié beaucoup plus facilement (360 est divisible par beaucoup de nombres, 365 par
très peu). Les spécialistes du calendrier maya aimaient jouer avec des dates qui se
prolongeaient sur des millions dannées et remontaient jusquà 400 millions
dannées [60] ! Le système de calcul maya adapté aux questions de calendrier
ressemblait donc à ceci :
1 jour = 1 kin
20 jours = 1 uinal (« mois »)
360 jours = 1 tun (« année »)
20 tuns = 1 katun
20 katuns = 1 baktun (« cycle »)
Il ne faudrait surtout pas croire que le fait de reconnaître plusieurs types de calcul
des années est la manifestation dune confusion de la part des anciens à
légard des réalités astronomiques. Les experts des sociétés mésoaméricaines
savaient, avec une grande précision, combien de temps il fallait à la terre pour tourner
autour du soleil et la correspondance que ce cycle avait avec la lune dans ses mouvements,
avec les cycles de Vénus et de Saturne et, sans aucun doute, avec dautres
renseignements sur les corps célestes (dans le Livre de Mormon, comparez avec Alma 30:44
; Hélaman 12:14-15). Lutilisation de lannée tun de 360 jours était un
compromis délibéré par souci de facilité, rien de plus. Supposons que les Néphites
utilisaient le même système de calcul du temps que les Mayas [61]. Les « 600 ans »
prophétisés dans ce calcul constitueraient exactement un baktun et demi (trente katuns),
un total pratique de 216.000 jours. Ce calcul de 600 années tuns serait denviron
3156 jours plus court que le total obtenu en utilisant notre année sidérale actuelle
(approximativement 365 jours, 6 heures, 9 minutes et 9,54 secondes). En dautres
termes, 600 ans, daprès la méthode maya de calcul du temps, serait de 8,64 ans
plus courts que « 600 ans » au sens conventionnel daujourdhui. Si nous
calculons 600 années tuns à partir de la première année de Sédécias, 597-596 av.
J.-C., 216.000 jours nous amèneraient à lannée 4 av. J.-C., une date acceptable
pour la naissance du Christ.
Une autre confirmation de cette relation entre la chronologie néphite et le système
katun est fournie par la « prophétie baktun » quAlma semble avoir faite. Il
prédit à son fils que lextinction de sa lignée et de son peuple, les Néphites,
se produirait « quatre cents ans après le moment où Jésus-Christ se manifestera[it] à
lui » (Alma 45:10-14). Samuel, le prophète lamanite, annonça le même intervalle
jusquà la destruction des Néphites (Hélaman 13:5). Quatre cents tuns, cela ferait
un baktun ou cycle dans le système maya (144.000 jours soit environ 395 de nos années).
Les présages et les prophéties (ainsi que les « générations ») chez les Mayas
étaient couramment formulés en fonction du début ou de la fin dunités entières
de calendrier [62]. Dans la pensée mésoaméricaine, les prophéties dAlma et de
Samuel pour un baktun complet devaient être des affirmations extrêmement profondes. Et,
bien entendu, les 600 tuns avant le Christ, additionnés aux 400 ans après sa naissance,
font apparaître lhistoire néphite tout entière dans des termes de calendrier
entiers. Nous voyons cette même tendance à insérer lhistoire dans un schéma chez
les Égyptiens, les Aztèques et même les Israélites [63]. Yehudi Radday, un érudit
israélien, propose largument que lhistoire dIsraël entre
effectivement, et pas simplement dans les formes littéraires, dans un schéma symétrique
[64].
Pour que les choses soient bien claires, passons ces points en revue. Si lannée
néphite avait été la même que notre année actuelle de 365 jours et quelque, les
prophéties du Livre de Mormon, ainsi que son histoire, &auraient été erronées, car
de Sédécias à la naissance du Christ, il y a en fait, non pas 600, mais plus près de
592 de nos années solaires. Mais si nous supposons que les Néphites utilisaient la
méthode de calcul du temps qui avait cours dans le sud de la Mésoamérique, où doivent
se trouver les terres néphites, 600 des années tuns de 360 jours que lon y
utilisait correspondent plutôt bien à lintervalle manifeste entre Sédécias et le
Christ. Non seulement le problème est éliminé, mais cela nous donne un aperçu
important de lutilisation par les Néphites du système de calendrier qui avait
cours dans leur milieu géographique et culturel.
Si lespace nous le permettait, nous pourrions explorer dautres points
intéressants qui souvrent à nous grâce à cette relation évidente avec les
notions de calendrier et de temps mésoaméricains. Notons simplement en passant un autre
passage dÉcriture encore. Amalickiah avait failli remporter la victoire sur les
Néphites sur le bord de mer oriental, lorsque Téancum, capitaine néphite, se glissa
pendant la nuit dans le camp dAmalickiah, « lui enfonça un javelot dans le
cur » et se retira ensuite sans éveiller personne. Cétait la dernière nuit
de leur année. (Dans cette région, il est vraisemblable que la guerre devait se produire
entre octobre et février, lorsque les pluies et les inondations ne gênaient pas les
mouvements ; puisquà ce moment-là, Amalickiah était déjà bien avancé dans sa
campagne, il paraît vraisemblable que cette fin/début dannée se situait au
solstice dhiver ou aux environs du solstice dhiver.) « Et alors, voici, il
arriva, la vingt-sixième année du règne des juges sur le peuple de Néphi, que lorsque
les Lamanites séveillèrent, le premier matin du premier mois [de lannée],
voici, ils trouvèrent Amalickiah mort dans sa tente
Et alors, quand les Lamanites
virent cela, ils furent terrifiés; et ils abandonnèrent leur dessein
et se
retirèrent avec toute leur armée dans la ville de Mulek, et cherchèrent protection dans
leurs fortifications » (Alma 52:1-2). Dans toutes les sociétés mésoaméricaines
ultérieures, des efforts immenses ont été déployés pour déterminer si une période
de temps portait bonheur ou malheur pour une entreprise ou lautre. On recherchait
régulièrement les présages et ils étaient souvent liés aux événements du dernier ou
du premier jour [65]. Cétait tout à fait caractéristique des Mésoaméricains
dagir comme le firent les Lamanites à la mort dAmalickiah. Séveiller
le premier jour dune nouvelle année pour découvrir leur chef mort devait être
beaucoup plus décourageant pour ces gens sensibles aux présages que nous, les modernes,
nous pouvons limaginer.
Les allusions à lastronomie et au calendrier que nous glanons dans lÉcriture
sont bien à leur place dans le contexte des pratiques mésoaméricaines, mais nous ne
savons pas encore quand la connaissance que lon avait du calendrier dans la région
sest cristallisée sous la forme complète quelle avait à lépoque
classique. Ce ne fut probablement pas plus tard quen 100 av. J.-C., selon David
Kelley, de luniversité de Calgary, lun des grands spécialistes dans ce
domaine. Il croit aussi que des éléments clefs du système proviennent du Vieux Monde
[66]. Des recherches plus récentes semblent démontrer que 235 av. J.-C. a été
lannée exacte, basée sur les nécessités astronomiques, où le calendrier maya à
calcul long sest cristallisé [67]. (Le calendrier à calcul long comporte une
combinaison de « lannée vague » de 365 jours, qui est apparemment utilisée
depuis 1322 av. J.-C. environ, avec le calcul de 260 jours, dorigine plus tardive.)
Cela a pu se produire par la conjonction de connaissances olmèques avec la civilisation
mésoaméricaine méridionale en cours de développement, que jai appelée la
Seconde Tradition.
Quand il fut découvert par Mosiah, le peuple de Zarahemla utilisait apparemment un
calendrier lunaire, car il est dit que Coriantumr, le souverain jarédite, survécut
auprès deux pendant un certain nombre de « lunes ». Ceci est une allusion patente
à lhébreu yerah, « mois lunaire » ou « lune », reflet du calendrier simple des
Mulékites peu évolués. (Le calendrier juif avait été un calendrier strictement
lunaire jusquà ce que les Juifs empruntent le système babylonien à lépoque
de Léhi.) Puisquil nest plus question de « lunes » après larrivée
de Mosiah, il semble que lon puisse supposer, sans risque de se tromper, que son
groupe et lui amenèrent un système plus évolué des plateaux de Néphi/Guatemala. La
date à laquelle le professeur Vincent Malmstrom croit que se produisit linvention
du calendrier complexe de la Mésoamérique méridionale, 235 av. J.-C., tombe dans le
règne de Mosiah I. Se pourrait-il quil y ait un lien entre la combinaison de sa
connaissance du calendrier, amenée des plateaux du Guatemala, et le système mulékite,
lamalgame se catalysant pour causer lapparition du calcul long ? Les travaux
en cours pour tirer au clair les systèmes de calendrier de la Mésoamérique nous
donneront peut-être un jour un éclairage sur les influences et les mouvements des
populations du Livre de Mormon au IIIe siècle av. J.-C.
NOTES
[1] Comparez Alma 51:33 et 52:28 concernant la chaleur accablante des terres basses avec
les tentatives désastreuses faites à lépoque coloniale espagnole pour relocaliser
les gens des plateaux dans les terres basses. Souvent, « ils tombaient rapidement malades
et mouraient », Felix W. McBryde, Cultural and Historical Geography of Southwest
Guatemala, SISA 4, 1945, p. 11.
[2] On signale une pratique parallèle, quoique bien entendu pas nécessairement liée, de
la même manière de donner un nom aux souverains dans les hauteurs du Guatemala, où Keh
Nay, un célèbre prince quiché, a fourni le nom: « Jusquà larrivée des
Espagnols, les rois portaient ce nom, Keh Nay, parce que cest comme
César chez les natifs. » Munro S. Edmonson, The Book of Counsel: The Popol
Vuh of the Quiche Maya of Guatemala, MARI 35, 1971, p. 230, citant une source indigène.
[3] Sylvanus G. Morley, The Ancient Maya, 2e éd. Stanford, Stanford University Press,
1947, planche 19. Une exception temporaire a pu se produire à lépoque classique
tardive, selon Donald L. Brockington dans « The Archaeological Sequence from Sipolite,
Oaxaca, Mexico » thèse de doctorat, University of Wisconsin, 1966. Egalement,
correspondance privée de Brockington, citée dans P. et S. Turner, Chontal to
Spanish-English and Spanish to Chontal Dictionary, Tucson, University of Arizona Press,
1971, p. 335, signalant des sites côtiers dOaxaca avec des céramiques de
lépoque classique tardive comme celles de Tabasco, probablement faites par des gens
de langue maya. Comparez avec linterprétation de Michael D. Coe quune culture
« hautement mayoïde » occupait la région de la côte du Golfe à lépoque
classique tardive, Archaeological Synthesis of Southern Veracruz and Tabasco, HMAI 3, 2e
partie, 1965, p. 705, mais cela aussi était temporaire.
[4] Edward B. Sisson, « Settlement Patterns and Land Use in the Northeastern Chontalpa,
Tabasco, Mexico, A Progress Report », Ceramica de Cultura Maya, no. 6, 1970, pp. 41-54.
[5] Philip Drucker et Eduardo Contreras, « Site Patterns in the Eastern Part of Olmec
Territory », Journal of the Washington Academy of Sciences 43, 1953, pp. 392-393; Thomas
A. Lee, Jr., « The Historical Routes of Tabasco and Northern Chiapas and Their
Relationship to Early Cultural Developments in Central Chiapas », dans Mesoamerican
Communication Routes and Cultural Contacts, dir. de publ. Thomas A. Lee, Jr., et Carlos
Navarrete, NWAF 40, 1978, p. 54.
[6] Philip Drucker, La Venta, Tabasco. A Study of Olmec Ceramics and Art, Smithsonian
Institution, Bureau of American Ethnology, Bulletin 153, 1952, p. 5.
[7] Jorge L. Tamayo, en collaboration avec Robert C. West, The Hydrography of Middle
America, dans HMAI 1, 1964, p. 93; Lee, « Historical Routes », p. 57.
[8] Rene R. Gadacz, Pre-Spanish Commerce in the Gulf Coast Lowlands of Mexico, Calgary,
Alberta: Western Publishers, 1979, p. 50.Sisson, « Settlement Patterns », p. 49.
[9] F. V. Scholes et R. L. Roys, The Maya Chontal Indians of Acalan Tixchel, CIWP 560,
1948, pp. 3, 18.
[10] F. V. Scholes et R. L. Roys, The Maya Chontal Indians of Acalan Tixchel, CIWP 560,
1948, pp. 3, 18.
[11] Correspondance personnelle, Philip Drucker, 1953.
[12] Bernal Diaz del Castillo, The Bernal Diaz Chronicles, trad. et dir. de publ. A.
Idell, Garden City, New York, Doubleday, 1956, pp. 49-50.
[13] Le site T-2 est bien placé pour lun deux. Certains des neuf ou dix sites
environnants se révéleront probablement être de la même période, beaucoup ne sont pas
encore datés. Sisson, « Settlement Patterns.
[14] Un article de journal récent est symptomatique de la tendance qui existe dans le
traitement de la géographie de la Mésoamérique, même aujourdhui. Parlant des
perspectives pétrolières du Belize, anciennement le Honduras Bitannique, un journaliste
parle de découvertes spectaculaires de pétrole « au nord dici » au Mexique. En
réalité, les découvertes ont été faites dans les états de Chiapas et de Tabasco,
juste à louest du Belize; bien entendu, la région à laquelle il est fait allusion
est située du côté du nord (en direction de Mexico). Christian Science Monitor, 16
juillet 1977, p. 7.
[15] Roman Pina Chan et Carlos Navarrete, Archaeological Research in the Lower Grijalva
River Region, Tabasco and Chiapas, NWAF 22, 1967, pp. 3-11.
[16] On trouvera des parallèles entre leur voyage et leur arrivée et les traditions
mésoaméricaines dans mon article dans The Improvement Era, « The Twig of the Cedar »,
60, mai 1957, pp. 330-337.
[17] Des dunes de sable formées par le vent ont couvert le site après la Phase IV de son
occupation (dernière occupation « olmèque »?), ce qui donne à penser quil y a
eu abandon après 550 environ av. J.-C. Philip Drucker, Robert F. Heizer et Robert J.
Squier, Excavations at La Venta, Tabasco, 1955, Smithsonian Institution, Bureau of
American Ethnology, Bulletin 170, 1959, pp. 81-82, 113, 218-230.
[18] Philip Drucker dans « The La Venta Olmec Support Area », dans Kroeber
Anthropological Society, Papers 25, automne 1961, pp. 59-72, en donne une description
détaillée.
[19] Matthew W. Stirling, « Great Stone Faces of the Mexican Jungle », National
Geographic Magazine 78 septembre 1940, p. 327.
[20] Voir note sur ce sujet au chapitre 3 parlant dIgnacio Bernal, The Olmec World,
Berkeley, University of California Press, 1969, p. 59.
[21] Constance Irwin, Fair Gods and Stone Faces, New York, St. Martins, 1963.
[22] Gareth W. Lowe, Thomas A. Lee, Jr., et Eduardo Martinez Espinosa, Izapa: An
Introduction to the Ruins and Monuments, NWAF 31, 1982, p. 306.
[23] R. Sidrys, J. Andreson et D. Marcucci, « Obsidian Sources in the Maya Area »,
Journal of New World Archaeology 1, no. 5, 1976, pp. 1-13, Fred W. Nelson et Barbara
Voorhies, « Trace Element Analysis of Obsidian Artifacts from Three Shell Midden Sites in
the Littoral Zone, Chiapas, Mexico », American Antiquity 45, 1980, pp. 540-550. El Chayal
nest pas la seule source possible dobsidienne près de Kaminaljuyu, comme le
montrent ces références, mais cest la plus probable.
[24] Chose intéressante, le tableau que dresse George Kubler des centres de pèlerinage,
en rapport avec la notion imprécise de la territorialité qui apparaît avec évidence
dans les cultures mésoaméricaines, rappelle furieusement le Livre de Mormon. Il suggère
que le commerce s'est développé le long des routes de pèlerinage vers de saints
sanctuaires "entretenus par des gildes sacerdotales", comme c'était plus ou
moins le cas dans la Mésoamérique postérieure. Il poursuit : "Donc, si nous
devions imaginer la géographie mentale des voyageurs préclassiques, elle ressemblerait
à un réseau de sentiers plutôt qu'à une carte en forme de puzzle et on y verrait plus
en évidence les noeuds et les carrefours que le réseau ou les frontières. Les déserts
et les montagnes non peuplés seraient moins importants que les villes et leur alignement
le long des cours d'eau et des routes. Ainsi, une 'carte' préclassique devait ressembler
à des points reliés par des lignes plutôt qu'à une 'carte' de régions ayant des
frontières communes." George Kubler, « Comments », dans Observations on the
Emergence of Civilization in Mesoamerica, dir. de publ. Robert F. Heizer et John A.
Graham, UCAR 11, 1971, p. 160.
[25] Pierre Agrinier, Mound 1A, Chiapa de Corzo, Chiapas,, Mexico, A Late Preclassic
Architectural Complex, NWAF 37, 1975, p. 41.
[26] Lee, « Historical Routes », pp. 49-60; Carlos Navarrete, « The Pre-Hispanic System
of Communications between Chiapas and Tabasco », dans Mesoamerican Communication Routes
and Cultural Contacts, dir. de publ. Thomas A. Lee, Jr., et Carlos Navarrete, NWAF 40,
1978, pp. 87-99.
[27] Frans Blom et Gertrude Duby, La Selva Lacandona Mexico, Editorial Cultura, 1957.
[28] Leo Waibel, La Sierra Madre de Chiapas, Mexico, Sociedad de Geografia y Estadistica
de Mexico, 1946, p. 216.
[29] Carlos Navarrete a traversé la même région, mais a trouvé moins encore, pas même
les sites de Mulleried. « Un Reconocimiento de la Sierra Madre de Chiapas: Apuntes de un
Diario de Campo », Universidad Nacional Autonoma de Mexico, Centro de Estudios Mayas,
Cuadernos 13, 1978.
[30] Gareth W. Lowe, Archaeological Exploration of the Upper Grijalva River, Chiapas,
Mexico, NAWF 2, 1959, p. 57, fig. 58c. Les travaux ultérieurs montrent des liens
suffisants entre les céramiques du préclassique tardif à Izapa et celles de la
Dépression Centrale pour quil soit vraisemblable quil y ait eu, à
lépoque, communication par le col près de Motozintla et par conséquent de
certains sites le long de cet itinéraire. Gareth W. Lowe, Thomas A. Lee, Jr., et Eduardo
Martinez Espinosa, Izapa: An Introduction to the Ruins and Monuments, NWAF 31, 1982, p.
14.
[31] Manuel Gamio, « Exploracion Economico-cultural en la Region Oncocercosa de Chiapas,
Mexico », America Indigena 6, no. 3, 1946, mapa 3, basé sur des données de Mullerried
qui montraient des « piramides » en trois endroits du voisinage. Leur présence
démontre la capacité écologique dabriter des sites importants, bien quaucun
site préclassique nait encore été signalé.
[32] Thomas A. Lee, Jr., A Preliminary Report of the First Phase of Excavations at
Guajilar, Chiapas, 1976. Etude non publiée dans les archives de BYU-NWAF.
[33] Donald E. Miller, La Libertad, A Major Middle and Late Preclassic Ceremonial Center
in Chiapas, Mexico, A Preliminary Report. Etude non publiée dans les archives de
BYU-NWAF. Miller met provisoirement fin au peuplement du site vers 100 av. J.-C. Andrew
McDonald, qui a également examiné les céramiques, croit que la phase suivante est
également représentée. (Correspondance personnelle). Si tel nétait pas le cas,
Guajilar ou Ojo de Agua pourraient se révéler avoir été le site de la ville de Manti.
[34] David L. Webster, Defensive Earthworks at Becan, Campeche, Mexico, Implications for
Maya Warfare, MARI 41, 1976, pp. 3, 113.
[35] Par exemple, Robert Wauchope, « Protohistoric Pottery of the Guatemala Highlands »,
dans Monographs and Papers in Maya Archaeology, dir. de publ. W. R. Bullard, Jr., HUPM 61,
2e partie, 1970, p. 99. Sanders note: « Il y a une accumulation rapide de preuves de ce
que les sociétés mésoaméricaines classiques en général
étaient beaucoup plus
militarisées quon ne le pensait. » William T. Sanders et Joseph W. Michels,
Kaminaljuyu Project-1968 Season. Part 1: The Excavations, PSUO 2, mai 1969, p. 166; Claude
F. Baudez et Pierre Becquelin, « Archéologie de Los Naranjos, Honduras », Mission
archéologique et ethnologique française au Mexique, Etudes mésoamericaines 2, 1973, pp.
3-4, 69. Angel Palerm a été lun des premiers à reconnaître la fréquence des
guerres dans la Mésoamérique ancienne dans ses « Notas Sobre las Construcciones
Militares y la Guerra en Mesoamerica », Instituto Nacional de Antropologia e Historia,
Anales 8, 1954, pp. 123-134.
[36] Webster, Defensive Earthworks, p. 95.
[37] Florencia Muller, « Instrumental y Armas », dans Antropologia, Teotihuacan. Onceava
Mesa Redonda, vol. 1, Mexico, Sociedad Mexicana de Antropologia, 1966, pp. 232-237.
[38] A. P. Maudslay, trad. et dir. de publ.., Bernal Diaz del Castillo, The Discovery and
Conquest of Mexico, 1517-1521, New York, Farrar, Straus et Cudahy, 1956, pp. 331, 19; H.
H. Bancroft, The Native Races [des Etats du Pacifique], vol. 2, San Francisco, A. L.
Bancroft and Co., 1882, p. 410.
[39] Bancroft, Native Races, p. 407.
[40] Bernal Diaz, Chronicles, pp. 161-62, 110, 103.
[41] Bancroft, Native Races, p. 412.
[42] Id., pp. 107, 112-116.
[43] Robert Carmack, Toltec Influence on the Postclassic Culture History of Highland
Guatemala, MARI 26, 1968, p. 80.
[44] Id., pp. 106, 112-116.
[45] Lawrence H. Feldman, « 'Tollan' in Central, Mexico, The Geography of Economic
Specialization », Katunob 8, no. 3, février 1973, pp. 3-6.
[46] J. J. Williams, The Isthmus of Tehuantepec, Being the Results of a Survey for a
Railroad. . . New York, D. Appleton & Co., 1852, pp. 92-93, 97-98, 247.
[47] Donald L. Brockington, « Investigaciones Arqueologicas en la Costa de Oaxaca »,
Boletin INAH 38, 1969, pp. 33-40.
[48] Brockington, « Investigaciones », pp. 33, 35.
[49] J. Charles Kelley et Carroll R. Riley, dir. de publ., Precolumbian Contact within
Nuclear America, Southern Illinois University Museum, Meso-American Studies, Carbondale,
1969; Carolyn Baus Reed Czitrom, « Figurillas Solidas de Estilo Colima: Una Tipologia »,
Instituto Nacional de Antropologia e Historia, Departamento de Investigaciones Historicas,
Coleccion Cientifica: Arqueologia 66, Mexico, 1978, p. 55; Clinton R. Edwards, «
Possibilities of Pre-Columbian Maritime Contacts among New World Civilizations », dans
Man Across the Sea: Problems of Pre-Columbian Contacts, dir. de publ. Carroll L. Riley
etc., Austin, University of Texas Press, 1971, pp. 3-10; Michael D. Coe, « Archaeological
Linkages with North and South America at La Victoria, Guatemala », American
Anthropologist 62, 1960, pp. 363-393; Robert C. West, « Aboriginal Sea Navigation between
Middle and South America », American Anthropologist 63, 1961, pp. 135-137.
[50] Albert Collier, The American Mediterranean, HMAI 1, 1964, pp. 128-129.
[51] Edwards, « Maritime Contacts », p. 8.
[52] John L. Sorenson, « Evidences of Culture Contacts Between Polynesia and the Americas
in Precolumbian Times » mémoire de maîtrise, université Brigham Young, 1952; David H.
Kelley, « Linguistics and Problems in Trans-Pacific Contacts », Actas y Memorias, 35a
Congreso Internacional de Americanistas, Mexico, 1962, vol. 1, Mexico, 1964, pp. 17-18;
George F. Carter, « Domesticates as Artifacts », dans The Human Mirror: Material and
Spatial Images of Man, dir. de publ. Miles Richardson, Baton Rouge, Louisiana State
University Press, 1974, pp. 206-215. Plusieurs articles de Man Across the Sea abordent le
sujet, pour et contre. Voir en particulier larticle de Donald Brand, un de mes
professeurs.
[53] Jerry K. Loveland, « Hagoth and the Polynesian Tradition », BYU Studies 17, 1976,
pp. 59-73.
[54] « Les porteurs aristocratiques de la culture de Monte Alban II » sont peut-être
venus « du Chiapas ou des plateaux du Guatemalan ou peut-être des plateaux par le
Chiapas », dit Ignacio Bernal dans The Olmec World, Berkeley, University of California
Press, 1969, p. 166. Tout le style artistique d Izapan du centre-sud de Veracruz est
de même dérivé du Chiapas. Michael D. Coe, Archaeological Synthesis of Southern
Veracruz and Tabasco, HMAI 3, 2e partie, 1965, pp. 694-696; John F. Scott, « The
Danzantes of Monte Alban. Part I: Text », Dumbarton Oaks Studies in Pre-Columbian Art and
Archaeology 19 Washington, 1978, pp. 58-59, 70-71.
[55] Encyclopaedia Britannica, 15th ed., s.v. « Chronology: Pre-Columbian America », par
J. E. S. Thompson.
[56] E. R. Thiele, The Mysterious Numbers of the Hebrew Kings: A Reconstruction of the
Chronology of the Kingdoms of Israel and Judah, Chicago, University of Chicago Press,
1951, pp. 14-15, 28, 165-166; idem, A Chronology of the Hebrew Kings, Grand Rapids,
Zondervan, 1977.
[57] Thiele, Mysterious Numbers, pp. 44-46, 294; Jay H. Huber, « Lehi's 600 Year Prophecy
and the Birth of Christ », Foundation for Ancient Research and Mormon Studies,
Preliminary Report HUB-82 Provo, Utah, 1982.
[58] Encyclopaedia Britannica, 15th ed., s.v. « Chronology: Christian; » P. L. Maier,
First Christmas, The True and Unfamiliar Story in Words and Pictures, New York, Harper and
Row, 1971; Werner Keller, The Bible as History, New York, Wm. Morrow, 1956, pp. 343-353;
R. A. Rosenberg, « The 'Star of the Messiah' Reconsidered », Biblica 53, no. 1, 1972,
pp. 105-10; Jack Finegan, Light from the Ancient Past, 2e éd. Princeton, Princeton
University Press, 1959, pp. 252, 257, 260-261. Plus récemment, trois astronomes anglais
ont conclu que « létoile de Bethléhem » était une nova ou lexplosion
dune étoile, dont les documents chinois rapportent quelle a brillé pendant
70 jours au printemps de lan 5 av. J.-C. « Better Late Than Never », Smithsonian
Magazine 8, mars 1978, p. 14. Voir aussi la critique par Owen Gingerich dautres
livres sur le sujet dans Journal for the History of Astronomy 12, 3e partie, 1983, pp.
212-213.
[59] Article de lEncyclopaedia Britannica cité à la note précédente s. v. «
Chronology: Christian ».
[60] Encyclopaedia Britannica, s.v. « Chronology: Pre-Columbian America ».
[61] Robert F. Smith, dans des documents de travail non publiés, a montré que
lhistoire de la lignée jarédite est faite parfaitement pour couvrir exactement 130
katuns, lhistoire néphite 50 katuns et les deux ensemble 180 katuns.
[62] On a argumenté quune « année prophétique » de 360 jours est à la base des
déclarations chronologiques de lAncien Testament. Robert Anderson, The Coming
Prince: Or the Seventy Weeks of David with an Answer to the Higher Critics, 10e éd.
Londres, J. Nisbet, 1915; reimpression, Grand Rapids, Kregel, 1957. Lutilisation de
périodes de temps ayant une longueur symbolique, ainsi que la manipulation des nombres
par rapport au calcul du temps par les prophètes est visible dans Nombres 14:34;
Ézéchiel 4:5-6; Apocalypse 11:2-3; 12:6; 13:5.
[63] J. E. S. Thompson, « Symbols, Glyphs, and Divinatory Almanacs for Diseases in the
Maya Dresden and Madrid Codices », American Antiquity 23, janvier 1958, p. 297; R. L.
Roys, The Book of Chilam Balam of Chumayel, Norman, University of Oklahoma Press, 1967, à
lorigine 1933, pp. 184-185.
[64] « Chiasm in Kings », Linguistica Biblica 31, 1974, pp. 52-67. Dennis E. Puleston,
dans « An Epistemological Pathology and the Collapse, or Why the Maya Kept the Short
Count », dans Maya Archaeology and Ethnohistory, dir. de publ. Norman Hammond et Gordon
R. Willey, Austin, University of Texas Press, 1979, pp. 63-71, démontre une structure
fascinante qui se révèle assez semblable.
[65] Voir J. E. S. Thompson, « Symbols, Glyphs, and Divinatory Almanacs . . . »,
American Antiquity 23:297.
[66] Correspondance personnelle; « The World Ages in India and Mesoamerica », Society
for Early Historical Archaeology, Newsletter and Proceedings 137, mars 1975; idem, The
Nine Lords of the Night, UCAR 16 1972, pp. 53-68. Kelley naccepte pas quil y
ait eu une transmission en 600 av. J.-C. depuis le Vieux Monde, qui pourrait expliquer les
éléments du Vieux Monde quil croit avoir été intégrés au système
mésoaméricain. Il pense que certains de ces traits ont été élaborés par les Grecs,
à Alexandrie en particlier, cest pourquoi il insiste sur le fait que la date la
plus ancienne possible de la transmission, probablement par le nord-ouest de lInde,
mais en fin de compte par la Méditerranée orientale, est 200 av. J.-C. Il y a cependant
des raisons de croire que, comme pour une grande partie de lhistoire de la culture,
des idées traditionnellement attribuées aux Grecs existaient en réalité plus tôt. La
date limite de 200 av. J.-C. imposée par Kelley pourrait se révéler être trop tardive.
[67] Vincent H. Malmstrom, « A Reconstruction of the Chronology of Mesoamerican
Calendrical Systems », Journal for the History of Astronomy 9, 1978, pp. 105-116. Dans un
article ultérieur, Malmstrom amplifie certains aspects de son argument tout en maintenant
ouverte la possibilité dune diffusion transocéanique vers la côte du Pacifique du
sud de la Mésoamérique comme source de certaines transformations du calendrier. Voir «
Architecture, Astronomy, and Calendrics in Pre-Columbian Mesoamerica », dans
Archaeoastronomy in the Americas, dir. de publ. Ray A. Williamson, Ballena Press
Anthropological Papers 22, Los Altos, Californie, Ballena Press, 1981, pp. 249-261.
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