CHAPITRE 7 : LA VIE CHEZ LES
NEPHITES
Dans notre étude du Livre de Mormon, nous nous sommes attaché
jusqu’ici à montrer que l’Écriture s’intègre dans un cadre
géographique plausible. Nous avons constaté que le récit
néphite décrit systématiquement des emplacements, des
migrations de populations, des voyages et des modes de
colonisation qui s’adaptent de manière cohérente au sud du
Mexique et au nord de l’Amérique Centrale – la Mésoamérique.
En même temps que notre traitement de la géographie, nous
avons également eu des aperçus du cadre culturel.
La culture et la société chez les peuples du Livre de Mormon
méritent que nous leur accordions une plus grande attention.
Les institutions d’un peuple servent de véhicules, de médias
ou de mécanismes par l’intermédiaire desquels ses idées
prennent leur forme et nous sont communiquées. Le Livre de
Mormon est rempli d’idées – enseignements, principes,
significations. Si nous voulons les saisir avec un maximum de
clarté, nous avons besoin de comprendre le mieux que nous
pouvons le moyen culturel par lequel elles nous sont
transmises. Nous ne devons pas nous attendre à ce que Joseph
Smith nous épargne ce travail dans sa traduction anglaise du
Livre de Mormon. Il nous a aidés, c’est vrai, néanmoins nous
devons encore chercher nous-mêmes la signification véritable
ou complète dans ses paroles, comme nous devons décoder
l’anglais de Shakespeare. Cela nous aidera de savoir comment
et pourquoi les Néphites, en termes sociaux et politiques, ont
prospéré et sont tombés, quelles sont les contraintes que leur
système économique leur imposait et quelles sont les idées
populaires qui allaient à l’encontre des exhortations de leurs
prophètes. On ne peut arriver à saisir le mode de vie d’un
peuple qu’en étudiant soigneusement tout ce que l’on peut
découvrir à son sujet. Étant donné qu’il y a tant de matière
que nous pourrions traiter, nous ne pourrons introduire ici
que des sujets que nous ne pouvons pas traiter complètement.
Ce chapitre comparera les Écritures avec les données externes
à propos der ce qui suit : Les métaux, les animaux utiles, les
sociétés secrètes, le commerce, les parentés et le
gouvernement. Lorsque nous aurons terminé, chaque mention,
dans le livre, de « bétail » ou de « marchands », de « parenté
» devrait avoir acquis une signification plus profonde pour le
lecteur. Et les forces civilisatrices qui ont tant contribué à
façonner le destin de ces peuples anciens pourront avoir un
sens nouveau pour nous.
L’utilisation des métaux
Les détracteurs du Livre de Mormon ont pris beaucoup de
plaisir à relever le fait que les passages de l’Écriture
concernant l’utilisation de métaux par les Néphites et les
Jarédites vont à l’encontre de ce que les experts ont déclaré
avec le poids de leur autorité sur le sujet. La position des
archéologues orthodoxes a longtemps été que l’on n’a utilisé
nulle part en Mésoamérique de métaux avant 900 apr. J.-C.
environ. Jusque tout récemment, les saints des derniers jours
n’étaient pas en mesure de régler ce conflit. En 1950, j’ai
publié deux articles qui avançaient des éléments de preuve en
faveur de l’existence d’objets métalliques provenant de sites
archéologiques mésoaméricains bien antérieurs à la date
acceptée de 900 apr. J.-C. [1]. Je concluais en disant que
d’autres découvertes seraient nécessaires pour que la question
de la datation puisse être réglée.
Une vingtaine d’années plus tard, je mettais les données à
jour et j’en ajoutais beaucoup plus [2]. Depuis lors, des
faits supplémentaires ont été apportés à l’appui de l’idée que
l’utilisation des métaux était bien plus ancienne en Amérique
qu’on le croyait. Une leçon de base que l’on retire de cette
expérience est que les experts se trompaient complètement. Les
métaux étaient bel et bien utilisés en Mésoamérique à l’époque
du Livre de Mormon.
Quelles sortes de preuves avons-nous ? La sorte la plus
contraignante consiste en de véritables spécimens découverts à
des endroits auxquels on a pu attribuer une date ancienne. Il
y en a plus d’une douzaine qui sont nettement antérieurs à 900
apr. J.-C. [3]. L’objet le plus ancien connu jusqu’à présent
remonte probablement au 1er siècle av. J.-C. environ. Il
s’agit d’un morceau de gaine de cuivre découvert sur un autel
à Cuicuilco dans la vallée de Mexico [4]. Outre des spécimens
anciens à coup sûr, d’autres découvertes, dont la date n’est
pas fermement établie, pourraient être antérieures à 900 apr.
J.-C. ; on a déduit, pour certains d’entre eux, qu’ils étaient
de date tardive, essentiellement parce qu’on avait trouvé du
métal et que « tout le monde sait » que l’on ne trouve du
métal que dans des sites tardifs. Quand on examine tous les
renseignements dont on dispose actuellement, il apparaît que
les archéologues devraient maintenant se poser une nouvelle
question. L’ancienne question était : Pourquoi n’y avait-il
pas de métaux dans la Mésoamérique ancienne ? Cette question
devrait maintenant devenir : Pourquoi récupérons-nous si peu
de témoignages des techniques métallurgiques qui étaient
sûrement présentes ?
Les récits traditionnels de Mésoamérique provenant de divers
groupes mentionnent l’utilisation de métaux que les
archéologues travaillant sur le terrain n’ont pu confirmer.
Les éléments linguistiques révèlent aussi que la connaissance
des arts de la métallurgie était antérieure à la date limite
supposée de 900 apr. J.-C. Longacre et Millon ont reconstitué
une partie de la langue proto-mixtèque de l’État d’Oaxaca et
des environs sur la base des mots découverts dans les langues
qui en ont dérivé. Quand ils ont dégagé des termes qui ont dû
être utilisés avant que les langues dérivées ne se détachent,
les chercheurs ont été intrigués par le fait qu’il semble
qu’un mot signifiant « métal » avait existé dans la
proto-langue vers 1000 av. J.-C. [5]. Bien entendu, la
métallurgie est censée ne pas avoir existé à ce moment-là.
Le même procédé linguistique a été appliqué aux langues mayas.
Le proto-tzeltal-tzotzil, remontant peut-être à 500 ans apr.
J.-C., avait un terme signifiant métal. Mais on trouve un
terme apparenté en huastèque, considéré comme étant la langue
qui a été la première à se détacher de la souche maya de base
aux environs de 2200 av. J.-C., pense-t-on [6]. Même si nous
ramenons arbitrairement ce chiffre aux environs de 1500 av.
J.-C., cette preuve linguistique indique que le métal était
connu des Mayas à une date étonnamment reculée. Kaufmann et
Campbell, dans une étude influente sur le groupe des langues
mixé-zoquéennes, ont ajouté une confirmation supplémentaire.
Ils sont parvenus à la conclusion que le proto-mixé-zoquéen
était vraisemblablement la langue des Olmèques connus des
archéologues. Cette langue ancienne avait, elle aussi, son mot
signifiant métal aux environs de 1500 av. J.-C. [7]. Ainsi
donc, le travail effectué en linguistique comparée montre que
les métaux ont dû être connus, et probablement utilisés, au
moins dès 1500 av. J.-C.. Cette date remonte à l’époque des
Jarédites pour laquelle nous n’avons, à ce jour, pas un seul
spécimen de métal. Ne semble-t-il pas vraisemblable que l’on
en découvrira un jour ?
Les arguments tirés des études comparatives confirment l’idée
que les métaux étaient connus depuis longtemps en Mésoamérique.
Ce n’est que récemment que les archéologues ont appris que
l’on travaillait le métal au Pérou dès 1900 av. J.-C. et qu’on
en faisait le commerce en Équateur avant 1000 av. J.-C. [8].
En même temps, tous les spécialistes de la Mésoamérique
s’accordent pour dire qu’il y a eu des relations entre le
Pérou et l’Équateur pendant des milliers d’années. Certains
croient fermement que c’est grâce à ces échanges que la
métallurgie a atteint le Mexique et le Guatemala [9]. On nous
demande en même temps de croire que quelque chose d’aussi
précieux que le métal a dû attendre jusqu’en 900 apr. J.-C.
pour être transporté vers le nord ; ce serait alors que, tout
à coup, l’idée d’utiliser le métal serait finalement apparue.
Il est aujourd’hui impossible d’accepter une conception aussi
étrange du processus des contacts culturels. Dudley T. Easby,
Jr., l’un des experts les plus respectés dans le domaine de la
technologie américaine du métal, écrivait en 1960 : « La
majorité des savants croient, sur la base d’éléments
indirects, que la métallurgie fine, dans le Mexique ancien,
était limitée aux quelques siècles qui ont précédé l’arrivée
des Espagnols. Peut-être ont-ils raison, mais il me semble que
leur théorie laisse beaucoup de choses inexpliquées [10]. »
Aujourd’hui, les facteurs linguistiques confirment les
soupçons d’Easby. Nous avons besoin d’une nouvelle théorie de
l’histoire de la métallurgie mésoaméricaine. Quand elle aura
été élaborée, la mention de métaux dans le Livre de Mormon ne
paraîtra plus aussi étrange qu’avant.
Rien de ce qui a été dit ici ne signifie qu’il existe
maintenant un accord point par point entre l’Écriture et les
découvertes scientifiques. Les éléments de preuve ont tendance
à s’orienter vers un accord, mais il reste quelques
différences sérieuses à régler. Pour voir de quoi il s’agit,
regardons maintenant avec attention ce que l’ouvrage néphite
nous dit sur les métaux. Mais nous ne devons pas laisser nos
idées préconçues concernant le texte nous empêcher de
comprendre.
Néphi, fils de Léhi, était le trait d’union entre la tradition
métallurgique du Proche-Orient et la culture néphite dans le
Nouveau Monde. Dans le désert arabe, il a trouvé du minerai,
l’a raffiné et en a fait des outils pour construire un bateau.
Pour la conception du navire, il a eu besoin de la direction
divine, mais sa description neutre du processus de fonte
montre qu’il s’est servi de ses propres connaissances pour le
faire (1 Néphi 17:8-11). Ce qu’il savait était probablement
assez rudimentaire – son appareillage l’était certainement,
puisque ce n’était pas grand-chose d’autre qu’un soufflet
(verset 11). Après tout, les Israélites n’étaient pas très
versés dans cette technique. Le savoir-faire dans le métal
avait été le monopole de clans non hébreux spécialisés, dont
les secrets professionnels se transmettaient de père en fils
[11]. Néphi a pu connaître les principes de base du processus,
mais il n’avait probablement pas maîtrisé le répertoire
complet des techniques.
En arrivant dans la terre promise, Néphi confectionna un jeu
de plaques sur lesquelles il tint ses annales (1 Néphi 19:1).
Une vingtaine d’années plus tard, il fabriqua d’autres plaques
(« les petites plaques de Néphi », 2 Néphi 5:28-30).
Entre-temps, ses partisans et lui avaient laissé derrière eux
les Lamanites dans les plaines côtières du Pacifique et
s’étaient installés en hauteur dans le pays de Néphi. Là, il
entreprit de transmettre la connaissance qu’il avait dans ce
domaine. Il apprit à son peuple « à travailler toutes sortes
de bois, et de fer, et de cuivre, et d’airain, et d’acier, et
d’or, et d’argent, et de minerais précieux » (2 Néphi 5:15).
C’est là une liste impressionnante. Malheureusement, le
langage ne nous permet pas de savoir avec certitude ce que les
Néphites faisaient de ces substances. Nous pouvons supposer
que certaines d’entre elles étaient utilisées à des fins
pratiques aussi bien que décoratives (voir 2 Néphi 5:16 à
propos des « choses précieuses »). Si c’est le cas, l’aspect
utilitaire a dû rapidement venir en deuxième place. Quelque
temps plus tard, les Néphites s’étaient mis à se préoccuper du
caractère « précieux » des minerais et des métaux (Jacob 1:16;
2:12). L’utilisation de la métallurgie à des fins utilitaires
n’est mentionnée qu’une seule fois par après, vers 400 av.
J.-C. (Jarom v. 8 ; il y est question d’instruments agricoles
et d’armes). À partir de ce moment-là dans l’histoire néphite,
toutes les mentions de métaux disent ou sous-entendent qu’ils
étaient strictement précieux – une source de richesse. En
fait, durant les 400 années finales du récit néphite, même
l’or et l’argent, les seuls métaux mentionnés de manière
distincte, ne sont relevés que quatre fois. Il est possible
qu’entre-temps les dépôts de surface demandant peu de
main-d’œuvre aient été épuisés, rendant le minerai plus
difficile à obtenir. Une étude sur les métaux en Amérique
suggère que ce genre de difficulté s’est probablement présenté
d’une manière générale, car c’est géologiquement vraisemblable
[12].
Le traitement des minerais ne retient pour ainsi dire pas
l’attention du Livre de Mormon. On ne nous parle qu’une seule
et unique fois de manière incontestable de fonte de métal.
Selon le récit jarédite, le roi Shule « fondit du minerai de
la colline et fit des épées » (Éther 7:9). Une mention néphite
possible du traitement des métaux dit qu’ils « travaillaient
des métaux de toute espèce, et les raffinaient » (Hélaman
6:11). Notez que les plaques de Néphi étaient des « plaques de
métal », là où nous nous attendrions à lire « plaques d’or »
ou quelque chose de ce genre (1 Néphi 19:1). Il y a ici des
questions qui se posent parce que nous ne savons tout
simplement pas ce que le texte veut dire quand il parle de ce
que les Néphites font avec les métaux. Le raffinage a pu
consister en un processus aussi simple que de chauffer un
morceau de minerai riche et de le marteler. Il est certain que
le roi jarédite qui « fit raffiner son or fin » à l’intérieur
d’une « prison » (Éther 10:7) n’a certainement pas transporté
des quantités massives de minerai dans un endroit pareil pour
le faire fondre, quoiqu’il soit fort possible que des ouvriers
aient traité de petites quantités d’or pas vraiment raffiné
pour en améliorer la qualité. En bref, nous restons
essentiellement ignorants des procédés techniques employés par
les artisans du Livre de Mormon, mais le texte ne nous donne
aucune raison de croire qu’ils étaient techniquement très
sophistiqués. On a l’impression, en lisant, qu’ils se
situaient au niveau des techniques modestes qui furent
courantes plus tard en Mésoamérique.
Qu’en est-il des métaux expressément cités dans le livre ?
Tous les métaux mentionnés existaient-ils en Mésoamérique ? On
nous en cite sept en tout : l’or, l’argent, le cuivre,
l’airain, le fer, l’acier et le « zif ».
Les spécimens d’or et d’argent sont bien connus. Certains
révèlent le système de moulage à « la cire perdue », connu en
Mésoamérique, au Pérou et aussi dans le Proche-Orient.
Cependant, la seule forme précisée dans les Écritures est la «
plaque » plate sur laquelle on tenait les annales historiques
et religieuses. Il serait impossible de les fabriquer
autrement que par martelage. Nous connaissons bien les métaux
martelés finement, mais les feuilles de métal pour la tenue
d’annales ne sont pas encore attestées par l’archéologie dans
le Nouveau Monde. (Un historien du XIXe siècle à Oaxaca a dit
que les ancêtres des Mixtèques faisaient des plaques d’or très
fines sur lesquelles ils gravaient des hiéroglyphes anciens,
mais nous ne connaissons pas la source de ses renseignements
[13].)
Le cuivre était, lui aussi, bien connu autrefois. L’objet
métallique le plus ancien connu en Mésoamérique est le morceau
de cuivre mentionné plus haut. Mais le cuivre était aussi à la
base d’alliages. Un alliage utilisé dans beaucoup de parties
de l’Amérique nucléaire était le tumbaga, un mélange d’or et
de cuivre. Traité correctement, il avait « l’apparence de l’or
», mais pesait moins et était probablement meilleur marché. R.
H. Putnam a avancé l’argument convaincant que les plaques du
Livre de Mormon qui étaient entre les mains de Joseph Smith
étaient en tumbaga. (Si elles avaient été d’or pur, elles
auraient été trop lourdes pour qu’une personne les transporte
à elle seule [14].) Un spécimen de tumbaga provenant du Belize
(Honduras britannique) montre que ce matériau était connu dans
les plaines mayas dès le Ve siècle apr. J.-C. au plus tard
[15].
Le bronze est un alliage différent, constitué de cuivre et
d’étain. On ne trouve pas le mot bronze dans le Livre de
Mormon, mais « airain ». Comme nous le savons, Néphi apporta
de Jérusalem les « plaques d’airain de Laban ». Jusqu’à il y a
quelques années, on pensait que ce que nous appelons airain
(un alliage comprenant du zinc) n’avait été créé que dans les
quelques derniers siècles. Pourtant la Bible parle d’ « airain
». Les spécialistes de la Bible ont réglé cette erreur
apparente en disant que le mot traduit par « airain » était en
fait le bronze. Le mot hébreu, dont on sait maintenant qu’il
désigne le cuivre et le bronze, a été traduit dans la version
King James de la Bible par différents mots anglais (dans
Ézéchiel 1:4, 27 il est rendu par « ambre »[« airain » dans
Segond, NdT] [16]). Toutefois, dans les quelques dernières
années, certains objets anciens de la région méditerranéenne
ont été testés par des techniques scientifiques plus évoluées
que précédemment, et les tests révèlent que l’airain
véritable, contenant du zinc, était utilisé chez les
Étrusques, probablement déjà à l’époque de Léhi [17]. Cela
veut dire que les plaques d’airain de l’époque de Léhi ne sont
sans doute ni une anomalie de l’histoire de la culture ni une
bizarrerie de nomenclature linguistique, mais littéralement du
métal.
Le bronze était utilisé en Mésoamérique, bien que sa
composition (c’est-à-dire la proportion d’étain) n’ait pas été
aussi standardisée que dans le Vieux Monde [18]. Chose
intéressante, Éther 10:23 fait avec exactitude la distinction
entre l’airain et le cuivre, et ce, dans un contexte subtil.
Le texte dit que les Jarédites entassèrent des monceaux de
terre « pour obtenir du minerai… de cuivre ». Naturellement,
ils n’auraient pas eu du « minerai d’airain » ou de bronze,
car ces métaux doivent être fabriqués par alliage. Au
contraire, le même verset dit qu’ils « faisaient » de
l’airain. La distinction dans la terminologie se présente
exactement telle qu’elle viendrait d’une personne qui a écrit
avec une connaissance réelle de la métallurgie.
Il est tentant de voir du tumbaga dans le « zif », car il est
mentionné deux fois en rapport direct avec l’airain et le
cuivre (Mosiah 11:3, 8). Il est possible de trouver plusieurs
dérivés du mot « zif » en hébreu dans deux sens généraux : «
brillant » d’une part et « plaqué » d’autre part. Les deux
significations peuvent convenir à un alliage ayant une surface
dorée. Mais le « zif » a aussi pu être l’étain, autre métal
connu en Mésoamérique [19]. En fait, même le mercure est une
possibilité, car il existait, lui aussi [20].
L’utilisation du fer a été démontrée dans des comptes rendus
des Espagnols, qui disent que les Aztèques utilisaient des
massues garnies de fer [21]. Un certain nombre d’objets ont
été conservés, qui sont incontestablement en fer ; le degré
considérable d’avancement technique qu’ils révèlent dans
certains cas suggère pour le moins qu’il y avait de l’intérêt
pour ce métal [22]. (Ce n’est pas étonnant, puisque même une
culture aussi simple que celle des esquimaux trouvait le fer –
provenant des météores – précieux.) Peu de ces spécimens ont
été analysés chimiquement pour déterminer si le fer utilisé
provenait de météores ou de minerai fondu. La possibilité que
l’on ait trouvé ou que l’on puisse un jour trouver du fer
fondu est renforcée par une découverte à Teotihuacan. Un vase
en céramique datant d’environ 300 apr. J.-C. et apparemment
utilisé pour faire fondre, contenait une masse « d’aspect
métallique ». Analysée chimiquement, il s’est avéré qu’elle
contenait du cuivre et du fer [23]. Linné, le même archéologue
suédois qui a fait cette découverte, accepte un morceau de fer
trouvé dans une tombe à Mitla (Oaxaca) comme étant
probablement raffiné [24].
Sans même examiner le fer fondu, nous constatons que les
peuples de la Mésoamérique ont exploité des minéraux de fer
dès les temps anciens. Des blocs d’hématite, de magnétite et
d’ilménite étaient apportés dans des sites de la vallée
d’Oaxaca en provenance des quelque trente-six affleurements de
minerai situés près de la vallée ou dans la vallée. On les
transportait jusqu’à des ateliers situés sur le site de San
José Mogote, et cela dès 1200 av. J.-C.. On en faisait des
miroirs en fixant les fragments sur des fonds de miroir
préparés et en en polissant fortement la surface. Ces objets,
qui avaient manifestement une grande valeur, étaient échangés
sur des distances considérables [25]. (Ce traitement des
minéraux, prouvé par l’archéologie, se pratiquait dans la
vallée que le chapitre 1 identifie comme étant le pays
jarédite probable de Moron. Les annales jarédites, quelques
siècles avant la date des découvertes de San José Mogote,
parlent du roi qui enfermait les artisans qui refusaient de
payer les impôts. Là, il les obligeait à raffiner « son or fin
» – Éther10:7). Mais c’est peut-être l’intérêt le plus étrange
de tous pour les matériaux de fer chez les anciens qui a
récemment été révélé. Nous avons maintenant des raisons de
penser que les Olmèques utilisaient la magnétite pour faire
des boussoles. (Ils devaient en déposer une lamelle sur un
morceau de bois dans un vase rempli d’eau ; le métal
s’orientait alors, ainsi que le bois sur lequel il se
trouvait, vers le nord magnétique [26].) Quelle substance
mystérieuse ce « métal précieux » (Hélaman 6:11) a dû leur
sembler !
Cependant, tout n’a pas été dit sur le fer. Au Proche-Orient,
les noms akkadiens, hittites et égyptiens donnés au fer
signifiaient quelque chose comme « le métal venu du ciel [27]
», car du fer était tombé sous forme de météores. Les
Égyptiens en concluaient que le ciel était de fer, bien qu’il
y ait eu très tôt du fer terrestre fondu dans le
Proche-Orient, peut-être dès 5000 av. J.-C. [28]. Quand les
Espagnols demandèrent aux Aztèques où ils trouvaient le fer,
ils montrèrent le ciel du doigt [29]. Leurs astronomes avaient
vu et enregistré des chutes de météores [30]. La quantité de
fer que l’on pouvait retirer des météores n’était pas
négligeable. H. H. Nininger, une des grandes autorités dans le
domaine des météores, a estimé qu’il tombe chaque année 50.000
tonnes de ce matériau sur la terre. Une grande partie en est
constituée de fer utilisable [31]. On a découvert un certain
nombre d’énormes morceaux au Mexique. L’un d’eux, le spécimen
Bacubirito, à Sinaloa, a quatre mètres de long et on estime
qu’il pèse 27 tonnes [32]. Les paysans du voisinage en ont
utilisé des morceaux pour faire des outils. Il ne serait pas
étonnant que les Néphites aient inclus le métal météorique
parmi toutes les sortes de fer qu’ils connaissaient (voir 2
Néphi 5:15).
Un autre problème complexe est « l’acier ». Nibley a expliqué
à quel point nous restons incertains sur ce que pourrait
vouloir dire le mot « acier » dans les anciens textes du Vieux
Monde [33]. Les traducteurs de la King James ne savaient qu’en
penser ; en plusieurs endroits où ils ont mis « acier » on le
traduirait maintenant par « bronze ». Même les experts ont des
difficultés, comme le laisse entendre un article technique
récent intitulé « Steel in Antiquity: A Problem in Terminology
[34] ». Au Mexique, nous rencontrons la même obscurité. Le
chroniqueur natif Tezozomoc écrit que les Tarascans (les
métallurgistes les plus remarquables de la Mésoamérique à
l’époque de la conquête espagnole) portaient des casques «
d’acier » [35]. Étant donné que nous en savons si peu, que ce
soit sur notre texte néphite ou sur les matériaux et les
processus utilisés dans la Mésoamérique préhispanique, nous
avons tout intérêt à ne pas tirer de conclusions hâtives sur
le caractère correct ou incorrect de pareille affirmation.
Dans une querelle récente sur l’utilisation de l’étain dans le
Proche-Orient ancien, J. D. Muhly et T. E. Wertime
soulignaient le fait que les documents qui mentionnent
l’utilisation inattendue de métal sont des preuves plus
convaincantes que le fait que les archéologues ne trouvent pas
de spécimen est acceptable comme preuve du contraire [36].
Caley et Easby parviennent à une conclusion identique en ce
qui concerne l’étain précolombien au Mexique. Après avoir
démontré l’existence de spécimens du métal en dépit des doutes
des archéologues, qui n’avaient pas examiné les faits, ils
finissent par faire cette réflexion : « Les résultats montrent
aussi qu’il n’est pas prudent de toujours écarter ou ignorer
les documents historiques comme sources possibles de
renseignements techniques ; certains des chroniqueurs du XVIe
siècle étaient apparemment plus sages et plus observateurs en
la matière que beaucoup de leurs critiques [37]. » Peut-être
que l’historien jarédite qui parle d’acier (Éther 7:9 ) et
Tezozomoc avec ses casques d’acier portés par les Tarascans
savaient tous les deux quelque chose que les archéologues
confirmeront un jour.
Nous avons vu que les métaux mentionnés dans le Livre de
Mormon peuvent être, pour la plupart, justifiés en
Mésoamérique. S’il y a un problème important, c’est celui qui
concerne la datation. Mais le tableau chronologique de
l’utilisation du métal est en train de changer, lui aussi,
comme nous l’avons vu plus haut. Il y a toujours des problèmes
dans ce que dit le Livre de Mormon à propos de ces substances,
mais il est intéressant de constater à quel point le sujet
tout entier est perçu différemment d’il y a, disons, un quart
de siècle.
Une orientation apparentée dans les recherches est également
prometteuse. La comparaison des noms des métaux dans les
langues mésoaméricaines avec ceux du Proche-Orient pourrait
nous dire quelque chose sur la connaissance de la métallurgie
chez les peuples du Livre de Mormon. Hyacinthe de Charency a
fait remarquer il y a longtemps qu’un mot maya insignifiant
l’or, nab ou naab, ressemble à l’égyptien noub, « or » [38].
Pendant des années, personne n’a fait attention aux travaux de
cet homme, de sorte que l’on n’a pas évalué l’idée
potentiellement significative que la correspondance des noms
entre les continents pourrait être le reflet d’une
transmission technologique précise. Avec l’aide de certains
collègues, j’ai trouvé d’autres parallèles suggestifs dans la
terminologie. L’égyptien hmty (cuivre) ressemble fort au
zoquéen hama-tin (or ou argent). (On annexait un préfixe
permettant de distinguer le métal dont il était question. À ma
connaissance, nous n’avons pas par écrit de mot zoquéen
désignant le cuivre [39].) Comme nous l’avons vu plus haut, le
zoquéen descend de la langue utilisée chez les Olmèques. En
outre, le zoquéen amachil (plomb) pourrait rappeler l’hébreu
anak (étain), mais il y a un lien plus vraisemblable avec
l’akkadien (le babylonien) auquel le mot hébreu a été emprunté
et où l’on utilisait annaku pour désigner l’étain ou le plomb
[40]. La langue akkadienne devait être proche dans le temps et
le lieu de la patrie des Jarédites. Mais les Sumériens, plus
anciens, étaient, eux aussi, proches du point d’origine
jarédite, et l’un de leurs termes pour désigner l’or, GUS.KIN,
rappelle le terme maya général désignant le métal précieux,
ta’kin (kin signifiant « soleil »). Puis, pour achever le
circuit, le sumérien AN.NA.HIA. signifie « étain », tandis le
zoquéen amachil veut dire « plomb ». (Les Mayas rattachaient
les deux métaux : le mot signifiant étain voulait dire,
littéralement, « plomb blanc [41] ».) Il y a d’autres liens
intéressants entre les mots. Pour savoir s’il y en a parmi eux
qui impliquent des liens historiques, il faudra faire
davantage de recherches, mais jusqu’ici les possibilités
semblent prometteuses.
Où se situe le Livre de Mormon par rapport à toutes les
données concernant les métaux ? D’abord, aussi bien dans le
Livre de Mormon que dans ce que nous savons de la Mésoamérique,
les métaux étaient utilisés davantage à des fins décoratives,
cérémonielles et « précieuses » que pour leur utilité. Nous ne
trouvons, ni dans le récit scripturaire ni dans le domaine
profane, de bonnes raisons pour lesquelles les métaux
n’étaient pas mieux utilisés (ou pourquoi nous n’en trouvons
pas davantage d’indications s’ils l’étaient). Une certaine
lumière est apportée à la raison pour laquelle les Néphites
considéraient certains minerais comme « précieux ». Mais les
questions qui restent, tant pour ceux qui étudient le Livre de
Mormon que pour les spécialistes de la Mésoamérique, sont
vastes. La conception scientifique conventionnelle du rôle des
métaux en Mésoamérique, et particulièrement concernant leur
date, subit en ce moment un changement majeur. L’évolution des
recherches sur le sujet dans la décennie à venir vaudra la
peine d’être suivie.
Les animaux dans le Livre de Mormon
De même que les passages du Livre de Mormon parlant de métaux
nécessitent une lecture précise et des comparaisons
approfondies avec les données scientifiques et historiques si
nous voulons en apprécier l’importance, de même ce qui est dit
à propos de la faune en territoire néphite doit être
soigneusement analysé et comparé en étant pleinement conscient
de ce qui est connu et inconnu à propos de la nature en
Mésoamérique aussi bien que des principes que nous savons
gouverner l’étiquetage des catégories naturelles dans diverses
cultures.
Quelles sortes d’animaux y a-t-il à examiner ? Douze animaux
sont précisés dans le Livre de Mormon : l’âne, la vache, le
chien, la chèvre, la chèvre sauvage, le cheval, la brebis, le
bœuf, le porc, l’éléphant, le « curelom » et le « cumom ».
Certaines autres expressions – veau, bétail, oiseaux, agneau,
bétail engraissé – sont, nous pouvons le supposer, des cas
spéciaux des animaux qui viennent d’être cités. Faire la liste
de ces noms est facile, mais que signifient-ils ? La réponse
n’est pas évidente. Réfléchissez un instant à ce que dit Néphi,
que quand ils arrivèrent à la terre promise, ils trouvèrent «
la chèvre et la chèvre sauvage » dans les forêts de leur
nouvelle patrie (1 Néphi 18:25). Quelle différence y avait-il
entre une « chèvre » non domestiquée et une « chèvre sauvage »
? Les traits qui distinguent les catégories n’apparaissent
pas. Ensuite il y a ces noms incompréhensibles, curelom et
cumom (Éther 9:19). Pour que tout cela ait du sens, il nous
faut faire intervenir un large éventail de renseignements
historiques et linguistiques et d’informations provenant des
sciences naturelles dans notre recherche d’indices permettant
d’interpréter ce que dit l’Écriture.
Certains animaux furent inclus dans les troupeaux de gros et
de petit bétail que les Néphites commencèrent à élever (2
Néphi 5:11). En fait, ils avaient « des troupeaux de toutes
sortes de bétail de toute espèce ». (Le bétail, en hébreu,
désigne des quadrupèdes grands ou petits.) Cependant les
chèvres, et les chèvres sauvages, et les chevaux que les
premiers Néphites étaient censés « élever » n’étaient pas
compris dans les troupeaux de gros bétail ni dans les
troupeaux de petit bétail (Énos, v. 21). De plus, les
Jarédites « avaient » des animaux dans deux catégories, ceux
qui étaient « utiles pour la nourriture de l’homme » et
d’autres qui étaient simplement « utiles à l’homme » (Éther
9:18-19). Cela ne nous avance pas beaucoup. Le texte n’est pas
plus clair. Lorsque, par-dessus le marché, il est question de
« flocks of herds » (Énos v. 21 – cette expression, qui
signifie littéralement « troupeaux de petit bétail de
troupeaux de gros bétail » n’a pas été traduite dans la
version française du Livre de Mormon – NdT), c’est à
désespérer de comprendre le système de classement.
Il y a une chose qui est claire. La terminologie qu’emploie le
document pour parler des animaux suit une logique différente
du modèle que connaissent bien la plupart d’entre nous, dont
les ancêtres viennent d’Europe occidentale. Les anthropologues
nous disent que les populations du monde ont de nombreux
modèles pour classifier les animaux ou les plantes aussi bien
que pour donner des noms aux directions géographiques ou pour
diviser le temps [42]. Hugh Nibley a attiré de nombreuses fois
l’attention là-dessus [43]. Lorsqu’ils sont arrivés en
Amérique, les Espagnols ont eu du mal à donner
systématiquement des noms aux animaux locaux. Les Indiens,
quant à eux, ont eu encore plus de mal à classifier les
animaux que les Européens importaient.
Un bon exemple de cette confusion est le coatimundi (nasua
narica). Landa, le religieux grâce auquel nous avons une
description détaillée du Yucatan, écrit à propos de cet animal
: « Il y a un animal qu’ils appellent chic, qui est
étonnamment actif, aussi grand qu’un petit chien, et qui a un
groin comme un porcelet. Les Indiennes l’élèvent, et il ne
laisse rien sans le déraciner et le retourner ; et c’est
incroyable de voir à quel point il aime jouer avec les
Indiennes et comment il les débarrasse des poux. » La chair du
coati était également couramment mangée, et l’animal reste
aujourd’hui un animal familier dans certaines maisons
paysannes mexicaines. Il est clair que c’était là un « animal
utile », mais il serait plus exact de le qualifier
d’apprivoisé plutôt que de domestiqué. (Soit dit en passant,
le Livre de Mormon n’utilise jamais de terme tel que
domestiqué.) Comment devrait-on appeler le coati en anglais ?
Un nom courant en espagnol est tejon. Malheureusement, tejon
est également le nom espagnol du blaireau aussi bien que du
raton laveur. Un autre nom, provenant des Aztèques, est pisote
(pezotli en nahuatl), dont la signification de base est
glouton. Toutefois, pisote est parfois également appliqué au
pécari ou cochon sauvage. Pour ce qui est du pécari, les
termes nahuatl quauhcoyametl et quahpizotl ont été créés après
la conquête pour distinguer les espèces natives du porc
castillan, qui avait été introduit, de sorte que, par
extension, le coati était parfois appelé quauhpezotli, glouton
des arbres, pour le distinguer du pécari, glouton du sol.
Finalement, les langues mayas ont donné au coati un nom qui
représentait son aspect enjoué, de là le nom de chic, clown
[44].
Quelles complications de terminologie et de classification
zoologique ! Cela ne sert pas à grand-chose de poser la
question, mais qu’est-ce qu’un chic? Nos périphrases du terme
maya, que ce soit « animal semblable à un petit chien », «
sorte de porcelet », « glouton arboricole », « animal de
compagnie qui fait le clown » nous aident très peu à voir de
quoi il est question. Un chic est tout simplement un chic. Il
est évident que la traduction d’étiquettes zoologiques de part
et d’autre de frontières culturelles doit être abordée en
excluant les idées toutes faites avec lesquelles nous abordons
vraisemblablement de telles questions. Nous en sommes réduits
à supposer que la « chèvre » et la « chèvre sauvage » que
Néphi a découvertes dans la forêt ne devaient pas être
forcément autre chose que des animaux ayant une ressemblance
générale avec les animaux du Vieux Monde auxquels nous pensons
lorsque nous entendons le terme chèvre.
Nous devrons revenir plus tard au problème de l’attribution
des noms, mais il y a une autre question qui doit d’abord
réclamer notre attention. Quels étaient les animaux qui
étaient réellement présents dans la région où les Néphites et
les Jarédites vivaient ? Les savants se sentent maintenant
assez sûrs de leur capacité de dire quelles espèces vivaient
dans des régions données. S’ils manquent de preuves de ce
qu’un animal déterminé a été présent en Mésoamérique, ils
croient que les possibilités d’encore trouver la preuve du
contraire sont limitées. Nous ne devons cependant pas exclure
la possibilité que des surprises nous attendent ; il est donc
justifié de faire preuve d’une certaine prudence vis-à-vis du
caractère concluant du tableau que l’on nous présente. La
connaissance actuelle des espèces en Mésoamérique indique
qu’il y avait suffisamment d’animaux convenant dans ce cadre
pour que les douze animaux du Livre de Mormon puissent
s’expliquer de manière plausible.
La fréquence des mentions d’animaux est inégale dans le Livre
de Mormon. Il en est dit davantage au début des récits
jarédite et néphite que dans les parties plus tardives. Cela
pourrait être un accident littéraire, cependant cela a une
logique. Lorsque la population augmente et remplit les terres
de meilleure qualité, un nombre plus grand de personnes entre
en concurrence avec les animaux pour l’espace et la
subsistance, et les animaux se retirent. Il y a peu de place
pour les animaux dans un endroit où « toute la surface du pays
s’était couverte de bâtiments, et le peuple était presque
aussi nombreux que le sable de la mer » (Mormon 1:7). Comme on
peut s’y attendre, le texte ne dit pas un mot de la présence
ni de l’utilisation des animaux chez les Néphites à l’époque
ou vers l’époque où Mormon fait cette affirmation au IVe
siècle de notre ère.
Les savants qui écrivent sur la Mésoamérique estiment que le
nombre d’animaux ayant une valeur potentielle pour les
habitants d’autrefois était réduit. Il y a du vrai là-dedans,
mais cette affirmation ignore trop souvent le fait que l’on
utilisait de manière substantielle une grande diversité
d’animaux. Dennis Puleston, de l’université du Minnesota, a
conclu, il y a quelques années, que les Mayas mangeaient bien
plus souvent qu’on ne le pensait la chair « d’animaux
semi-domestiqués » [45]. J’ai accumulé d’autres faits qui
confirment la position de Puleston. Si nous considérons tout
ce que nous savons maintenant de l’usage des animaux dans les
cultures mésoaméricaines, il n’est que juste de dire que la
plupart des choses que le Livre de Mormon dit à propos des
animaux sont plausibles. Il reste difficile de faire cadrer
certaines des affirmations du livre avec nos connaissances
actuelles, mais le tableau est beaucoup plus acceptable pour
les savants qu’il y a quelques années.
Il est facile d’expliquer les termes troupeaux de gros bétail
et troupeaux de petit bétail. Les cervidés et les porcs
(pécaris) pouvaient rentrer dans ces termes. Les élevages de
volailles étaient courants. Le dindon (melagris et agriocharis)
est, après tout, d’origine américaine. Parmi les autres
animaux de basse-cour domestiqués, apprivoisés ou au moins mis
en cage, il y avait le canard Muscovy, le canard Tinamou, la
caille, le « faisan », la « perdrix », la « colombe », le
curassow, le cotinga, la spatule rose, l’ara, le chachalaca et
le perroquet [46]. L’expression troupeaux de petit bétail a pu
comprendre des petits animaux de ce genre utilisés par les
populations locales de Mésoamérique tels que le lièvre, le
lapin, ainsi que le paca et l’agouti (deux rongeurs de la
taille d’un porcelet) [47].
Le chien est mentionné en cinq endroits du Livre de Mormon,
mais on ne nous dit rien de son utilisation. Il y en avait
deux types (peut-être deux espèces) qui étaient courants en
Mésoamérique. Le grand mastiff blanc bossu (itzcuintrepotzotli
en nahuatl) est un animal dont les descendants bruyants sont
une calamité pour les villages mexicains d’aujourd’hui. Une
espèce plus petite et sans poils (xoloitzcuintli en nahuatl)
était engraissée et mangée comme un mets délicat [48]. Les
Espagnols savouraient la chair de ces animaux à l’époque de la
conquête, bien qu’ils eussent été offensés, comme la plupart
d’entre nous le seraient, si on leur avait offert la chair du
gros chien. Peut-être les « troupeaux de petit bétail » des
Néphites comprenaient-ils les chiens engraissés.
Les Néphites utilisaient également le terme traduit par «
troupeaux de petit bétail » pour désigner aussi des
quadrupèdes plus grands. Quand les troupeaux de gros et de
petit bétail sont mentionnés ensemble (Hélaman 6:12 ; Éther
10:12), la distinction semble se rapprocher de celle que nous
faisons, mais nous ne sommes pas certains qu’ils faisaient
cette distinction.
C’est dans le cas des grands quadrupèdes que certains lecteurs
pensent que le texte scripturaire présente des problèmes. En
examinant les écrits concernant la grande faune de
Mésoamérique, nous rencontrons le problème linguistique à tous
les tournants. Les natifs et les Espagnols connaissaient bien
la difficulté. Les Mayas des plaines ont commencé par appeler
tous les gros animaux des Espagnols – cheval, mule, âne – du
nom de l’animal natif le plus proche ayant une taille
équivalente – le tapir. Toutefois, les Espagnols pensaient que
le tapir rassemblait au porc, bien qu’il pèse jusqu’à 300 kg
[49]. D’autres considéraient que le tapir ressemblait à l’âne
; il y a soixante ans, dans le sud du Mexique, on appelait
l’animal anteburro ou « précédemment-un-âne » [50]. Les Mayas
adoptèrent les noms espagnols pour les grands animaux que les
Européens avaient introduits (par exemple, uacax, bétail, de
l’espagnol vacas). Le mouton reçut un nom arbitraire, taman,
qui se traduit par « du coton que l’on peut manger ». La
chèvre européenne, quant à elle, reçut le nom du cervidé natif
à petits bois [51]. On retrouve la même confusion et le même
pragmatisme en Amérique du Nord, où les Indiens miamis ont eu
l’occasion de voir des vaches européennes avant que la tribu
ne soit repoussée suffisamment loin pour rencontrer le bison,
qu’ils ont alors appelé « vache sauvage ». L’explorateur
DeSoto appelait le bison simplement vaca, vache. Cependant,
les indiens delawares donnaient à la vache le nom du cervidé
et la tribu miami appela les moutons, quand elle les vit pour
la première fois, « ressemble-à-une-vache » [52]. Au Yucatan,
le père Landa remarqua que le tapir, quoique ayant la taille
d’une mule, avait un sabot comme un bœuf et il considérait le
petit cervidé « brocket » comme « une sorte de petite chèvre
sauvage » [53].
Mais n’est-il pas évident que la « vache » du Livre de Mormon
est purement et simplement notre bovin bien connu sans toutes
ces précautions oratoires ? Non, ce n’est pas si évident que
cela. D’abord, nous essayons de découvrir ce que le Livre de
Mormon veut réellement dire par les mots que nous avons en
traduction anglaise ; nous n’essayons pas que ce soit de
simplifier ou de compliquer l’affaire, mais seulement d’être
exact. Quand on s’efforce d’apprendre la vérité, on ne peut
rien considérer comme évident. Deuxièmement, il y a un manque
d’éléments de preuves dignes de foi – qu’ils soient
historiques, archéologiques, zoologiques ou linguistiques – de
ce qu’il existait des vaches du Vieux Monde en Amérique à
l’époque précolombienne. Il en va de même pour certains des
autres animaux mentionnés dans les annales néphites, où les
lecteurs modernes peuvent avoir le sentiment qu’ils
connaissent déjà bien les animaux sur la base des noms
traduits. Dans de tels cas, nous devons trouver une autre
manière de lire le texte pour que celui-ci ait du sens.
Alors qu’est-ce que le terme néphite que Joseph Smith a
traduit par vache a pu signifier en réalité ? Quand le groupe
de Cortez, au cours de la conquête, a traversé la base de la
péninsule du Yucatan, il a remarqué des troupeaux de cervidés
dociles dont certains savants pensent qu’ils étaient
semi-domestiqués [54]. Peut-être était-ce cela, les « vaches
». En outre, les Indiens mazahuas du Salvador, à l’époque de
la conquête, étaient un « peuple pastoral » qui « possédait et
entretenait » des troupeaux de cervidés [55]. (Tout élevage de
troupeaux dans l’Amérique préhispanique surprend la plupart
des historiens des civilisations, qui ont généralement postulé
l’absence totale de cette pratique. Ce n’est que récemment que
les savants ont démontré qu’une tradition pastorale
complètement développée, basée sur le lama domestiqué, a
existé pendant des milliers d’années dans le Pérou
précolombien [56].) Mais si les cervidés ne paraissent pas
satisfaisants pour faire office de vaches, qu’en est-il du
bison? On le trouvait jusqu’au Nicaragua en relation directe
avec les habitants de la période des premiers Néphites [57].
Nous pourrions aussi envisager le lama ou l’alpaca – des
camélidés américains – comme étant des vaches. Ils
transportaient des chargements et constituaient de la
nourriture et des fibres pour les populations de l’Équateur,
du Pérou, de la Bolivie et au-delà. Les zoologistes ne
confirment pas leur présence en Mésoamérique dans les temps
récents. (Beaucoup plus tôt, au cours du pléistocène, un type
de lama a vécu à coup sûr en Amérique du Nord.) Mais un
archéologue du Costa Rica a découvert un pot à effigie ayant
la forme d’un camélidé, et d’autres vases de ce genre sont
connus là-bas [58]. Une figurine préhispanique, provenant du
Guatemala, ressemble à un camélidé portant une charge [59]. Et
l’on a signalé, au milieu du XIXe siècle, des alpacas vivant à
l’état sauvage dans l’isthme de Tehuantepec [60]. À quelques
kilomètres de là se trouvaient les Indiens huaves, dont la
tradition dit que leurs ancêtres étaient venus autrefois
d’Amérique du Sud, patrie de l’alpaca et du lama [61].
Nous avons peut-être identifié suffisamment de candidats pour
la vache néphite, mais qu’en est-il du cheval ? Il y a eu, il
y a longtemps, de vrais chevaux (equus) sur le continent
américain, mais on a supposé qu’ils n’ont pas survécu jusqu’à
l’époque où des populations sédentaires ont habité le Nouveau
Monde [62]. J’ai résumé récemment les indices qui donnent à
croire que le problème n’est pas réglé. On a retrouvé des
ossements de chevaux dans un certain nombre de sites
archéologiques de la péninsule du Yucatan, dans un cas avec
des objets, à un mètre quatre-vingts sous la surface, dans des
circonstances qui excluent qu’ils proviennent de chevaux
espagnols [63]. Néanmoins, d’autres grands animaux ont pu
fonctionner suffisamment comme un cheval ou ressembler à un
cheval pour que ce soit l’un d’entre eux que l’on puisse
qualifier du nom de cheval. Une représentation préhispanique
figurant sur le couvercle d’un encensoir provenant de Poptun
(Guatemala), montre un homme assis sur le dos d’un cervidé et
lui tenant les oreilles ou les bois [64] et un monument de
pierre, datant d’environ 700 apr. J.-C., représente une femme
à cheval sur le cou d’un cervidé, tenant ses bois [65]. Il y a
aussi une autre figurine d’une personne chevauchant un animal,
provenant cette fois du centre du Mexique [66]. Cela veut dire
qu’il est possible que le cervidé ait pu servir comme d’une
espèce de « cheval » que l’on monte. (C’était, jusque
récemment, la pratique en Sibérie, de sorte que l’idée n’est
pas aussi bizarre que les modernes pourraient le penser. En
outre, dans les langues quiché des plateaux du Guatemala, nous
avons des expressions telles que keh, cervidé ou cheval, keheh,
monter ou chevaucher, et ainsi de suite [67].) Pour ce qui est
de tirer un véhicule, il n’y a pas de données permettant de
dire qu’une telle fonction existait dans l’Amérique ancienne
(les populations asiatiques du nord utilisaient le renne de
cette manière). Par conséquent, nous ne comprenons tout
simplement pas quelle a pu être la nature du « char »
mentionné dans le Livre de Mormon en rapport avec des «
chevaux » (Alma 18 et 20 ; 3 Néphi 3:22). Quoi qu’il en soit,
cette combinaison de cheval et de char est mentionnée dans le
livre en relation avec deux endroits géographiques seulement
(une partie du pays de Néphi et un endroit entre Zarahemla et
Abondance). Quelles que soient les applications de cette
association d’animal et de véhicule, l’usage n’a peut-être pas
été courant. Il est évident que nous devons rechercher
d’autres renseignements valables sur les « chevaux ». Il y a
quelques années à peine, personne ne pouvait démontrer, pour
les cultures mésoaméricaine, que les humains chevauchaient un
animal quelconque, quelles charges étaient transportées par
des animaux [68] ou qu’il existait des camélidés. Il se peut
que des découvertes éclaircissent les points obscurs qui
restent. En même temps, nous devons étudier le texte du Livre
de Mormon avec un soin extrême afin de comprendre ce qu’il dit
et ce qu’il ne dit pas. Par exemple, la façon dont les «
chevaux » sont mentionnés dans 3 Néphi 4:4 donne à penser
qu’ils étaient principalement utilisés comme nourriture, pas
pour porter des choses. Nous avons constamment besoin de faire
une lecture plus claire des Écritures.
L’affaire des ossements de chevaux découverts, il y a des
années, mais ignorés par tous les archéologues, nous dit que
nous devons constamment revoir l’adéquation des croyances
scientifiques « actuelles ». Le mouton eurasien n’est pas
censé non plus s’être trouvé dans l’Amérique précolombienne,
et pourtant l’on a trouvé de la véritable laine de mouton dans
un site funéraire à Cholula (Puebla, Mexique), dans un
contexte archéologique qui ne donnait aucune autre indication
d’une datation postérieure à l’arrivée des Espagnols [69]. Ce
spécimen unique ne nous conduit pas loin dans la direction
d’une lecture littérale du terme brebis dans le Livre de
Mormon, mais nous devrions sans doute garder cette porte
entrouverte.
Aucune recherche systématique n’a été faite pour comparer les
noms des animaux du Proche-Orient avec ceux de la Mésoamérique.
Il en va peut-être aussi des animaux comme nous l’avons vu en
ce qui concerne les métaux : des liens qui jettent une lumière
sur les choses peuvent apparaître grâce aux études
linguistiques. Un indice concernant les possibilités qui
existent provient du travail sur le groupe de langues yuman
(situé autour du Colorado inférieur, près de la frontière
entre les États-Unis et le Mexique). En reconstituant la
protoculture associée à la langue yuman ancestrale, par une
comparaison entre les langues qui en dérivent, un chercheur a
reconstitué, sur des bases solides, le mot signifiant « cheval
» [70]. C’est-à-dire que tout indique que ces gens avaient un
terme commun pour désigner le cheval longtemps avant l’arrivée
des chevaux européens. Les éléments dont nous disposons ne
sont, bien entendu, pas infaillibles, mais une autre
explication est absolument nécessaire si nous tenons à la
thèse que le cheval n’était pas connu à l’époque antique.
Les « pourceaux » et la « truie » sont mentionnés avec un air
de dégoût dans la partie néphite du Livre de Mormon (3 Néphi
7:8; 14:6). C’est ce à quoi nous nous attendrions de la part
d’un peuple qui suivrait, ne serait-ce que superficiellement,
les contraintes de la loi de Moïse concernant la consommation
de porc. Mais les Jarédites, qui n’étaient pas Israélites, ne
manifestent aucun scrupule à utiliser le « porc » comme
nourriture (Éther 9:18). Le pécari, ou cochon sauvage, était
présent en abondance dans la plus grande partie de la
Mésoamérique et était autant estimé pour sa chair que parce
qu’il tue les serpents vivant dans la nature.
Qu’en est-il de « l’éléphant » du livre d’ Éther ? Le
mastodonte et le mammouth ont jadis vécu dans toute l’Amérique
du Nord et dans une partie de l’Amérique du Sud. Ce sont
incontestablement des éléphants aux yeux des zoologistes. La
question est de savoir jusqu’à quelle époque ils ont vécu. La
plupart des experts pensent qu’ils n’ont pas survécu jusqu’à
l’époque des Jarédites. Le seul endroit où ils sont mentionnés
dans le Livre de Mormon, c’est dans le livre d’Éther, vers le
commencement de ces annales (d’après mes calculs sur la
chronologie jarédite, cette date a dû être antérieure à 2500
av. J.-C.) Les experts s’accordent à dire que le mammouth et
le mastodonte ont pu survivre dans des endroits favorables
beaucoup plus tard que l’époque normalement prévue de leur
extinction. Le mastodonte a déjà été daté, à Devil’s Den
(Floride), à une époque aussi tardive que 5000 av. J.-C. [71]
et, autour des Grands lacs, à 4000 av. J.-C. [72]. En outre,
il y a la découverte remarquable des restes d’un mastodonte
abattu en Équateur ; les céramiques accompagnant la découverte
datent, nous dit-on, d’après l’époque du Christ [73]. À la
lumière de cela, la datation, au radiocarbone, de restes de
chevaux, de mammouths et de mastodontes à Saint-Pétersbourg
(Floride) aux environs de 100 av. J.-C. ne semble pas
impossible [74]. L’unique mention de l’éléphant dans le
document jarédite – tout au début de l’histoire de la lignée –
donne à penser que l’animal s’est éteint dans leur région peu
de temps après. Il est possible que les Jarédites eux-mêmes
aient tué les derniers animaux qui vivaient dans leur zone.
Mais les Jarédites n’ont peut-être pas été le seul peuple à
noter par écrit la présence du grand animal. Certains Indiens
d’Amérique du Nord ont raconté des légendes concernant « de
grands animaux aux pattes raides qui ne pouvaient pas se
coucher » et un animal avec un cinquième appendice qui sortait
de sa tête [75]. Il est possible que les tribus aient transmis
par tradition orale l’un ou l’autre vague souvenir de
rencontre avec ces « éléphants ». Plus tardive l’époque à
laquelle les animaux ont survécu, plus il est facile
d’accepter la validité de la tradition. En tous cas, il est
possible que le mammouth ou le mastodonte aient continué à
exister au Mexique au moins jusqu’en 2500 av. J.-C.
Sans entrer dans de plus amples détails, nous pouvons noter
que d’autres animaux de la période du pléistocène ont
également pu exister jusqu’à l’époque de la colonisation
jarédite. C’est peut-être le cas du « cumom » et du « curelom
». Le fait que Moroni, le traducteur néphite du livre d’Éther,
ait été incapable de traduire ces noms à partir de la langue
originelle des Jarédites, indique que les animaux en question
étaient probablement éteints à son époque. Un os de paresseux
géant, travaillé par l’homme, trouvé au Guatemala, montre
qu’il y a au moins un candidat pour un tel animal [76].
Il est temps de résumer. La meilleure manière de procéder,
c’est de dresser un tableau. On trouvera dans la première
colonne les termes du Livre de Mormon désignant divers
animaux. Dans l’autre se trouvent les noms que l’on trouve
dans la nomenclature scientifique moderne, qui pourraient
raisonnablement y correspondre. Plusieurs animaux sont
possibles pour chaque nom du Livre de Mormon. Ordinairement il
n’y a aucune base permettant de préférer un candidat à un
autre. Faites votre choix. Mais le but n’est pas de fournir
une identification définitive. C’est plutôt de montrer qu’il y
a des animaux pouvant correspondre de manière plausible à
chaque terme de l’Écriture. Le tableau montre qu’il en est
ainsi. La recherche scientifique, ainsi qu’une étude plus
attentive du Livre de Mormon, peuvent encore apporter une
lumière plus grande sur le sujet. Quoi qu’il en soit, les
problèmes restants sont plus modestes qu’il y a quelques
années. On ne peut plus se permettre de balayer dogmatiquement
le Livre de Mormon en prétendant que ce qu’il dit sur la faune
est injustifiable.
Nom donné
par le Livre de Mormon |
Candidat
possible sur place |
Éléphant |
Mastodonte (Mammut americainum)
Mammouth (Mammuthus columbi) |
« Curelom » |
Paresseux (Megalonyx),
bison, tapir, mastodonte ou mammouth |
« Cumom » |
Mêmes
possibilités que « curelom » |
Vache |
Cervidé (Odocoileus),
brocket (Mazama pandora), camélidés (Paleolama, lama),
bison |
Cheval
|
Cervidé,
tapir, cheval (equus) |
Bœuf |
Tapir,
camélidé, bison |
Âne |
Tapir,
camélidé |
Mouton |
Camélidé, paca
ou agouti (tous deux des dasyproctidés) |
Chèvre |
Brocket,
cervidé |
Pourceau |
Pécari (pecari,
tayassu) |
Chien |
Chien (canis
familiaris) |
Sociétés secrètes
Peu d’institutions sociales préoccupent davantage les
prophètes du Livre de Mormon que les sociétés secrètes,
pourtant elles restent peu connues des lecteurs du livre. Que
devons-nous penser de ce mode d’organisation ? Comment
fonctionne-t-il, et pourquoi Mormon et Moroni mettent-ils
l’accent sur la menace qu’il constitue ? Après tout,
puisqu’elles sont secrètes, il est difficile d’en apprendre
grand-chose, mais ce que nous en savons pourrait éclairer les
Écritures d’une manière cruciale.
Premièrement, les organisations secrètes étaient répandues.
Elles ne sont pas une invention des auteurs du Livre de
Mormon. Les spécialistes ont étudié ce genre de groupes dans
les sociétés anciennes et tribales aussi bien que les exemples
vivants de notre société. Il en résulte que nous avons un
profil de ce à quoi les sociétés secrètes ressemblent souvent
[77]. Les caractéristiques récurrentes sont que, pour
recruter, elles font miroiter la promesse du pouvoir, de la
richesse et des avantages charnels ; elles utilisent des
signes secrets pour permettre à leurs membres de fraterniser à
l’insu du monde extérieur ; elles entretiennent la
respectabilité sociale de leurs participants pour camoufler
leurs objectifs radicaux ; elles procèdent à l’initiation des
recrues par une séries de tests, jusqu’à ce qu’ils parviennent
au statut d’initiés, de sorte que la majorité des membres, qui
sont aux premières étapes de l’intégration, n’en savent pas
vraiment beaucoup sur l’organisation.
Il existe plus d’une forme d’organisation. Il existait
autrefois, comme aujourd’hui, tout un éventail de types. Les
fraternités universitaires américaines, les « familles » du
crime organisé, les cartels qui fixent les prix, les «
plombiers » du Watergate, les mouvements politiques subversifs
et la police secrète ont tous plus ou moins leur place dans
cette sinistre catégorie. Certaines paraissent inoffensives et
ont en fait peu de pouvoir. D’autres sont manifestement
dangereuses, comme Moroni l’avait très bien compris (Éther
8:20-26). Le simple fait de garder le secret – de se
soustraire à la visibilité du public et à l’obligation de
rendre des comptes à celui-ci – ouvre, pour chacune de ces
unités, l’accès à des abus potentiels. Le problème réside
essentiellement dans les ambitions des dirigeants. Ils cachent
leur désir de dominer derrière le masque d’une organisation
relativement innocente. Un commentateur, qui parlait de la
mafia en Sicile, a dit : « L’idéologie du peuple est la mafia
: être fort, être puissant, dominer... Et la mafia est en
premier lieu le désir de dominer. Être le seigneur de la
situation [78]. » Le groupe, tel que le public le voit, épouse
très souvent en public des objectifs qui ont l’air très nobles
: « la justice », « l’égalité », « le respect des droits des
gens » – mais derrière cette façade, il reste des objectifs et
des dirigeants cachés. Webster cite « la règle constante des
sociétés secrètes », qui est « que les auteurs réels ne se
montrent jamais [79] ».
Si le pouvoir pur est une des forces motrices principales de
ces groupes, la satisfaction des désirs matériels et charnels
en est souvent une autre. Malgré quelques exceptions célèbres,
la plupart de ceux qui font partie des organisations secrètes
espèrent être mieux lotis, matériellement parlant, du fait
qu’ils sont devenus membres, même si la rhétorique du
mouvement le nie avec véhémence. Il est certain que nous
trouvons ces éléments-clefs dans les organisations secrètes de
la Mésoamérique, une des régions où cette pratique était bien
développée.
Le père Sahagun, une des meilleures sources sur la vie au
Mexique avant la conquête espagnole, dit à propos des
nahualistas : « Des gens semblables aux assassins [une société
secrète célèbre du Proche-Orient], audacieux et habitués à
tuer, ils avaient sur eux des morceaux de peau de jaguar, du
front et de la poitrine, le bout de la queue, les griffes, les
canines et les babines pour se rendre puissants, courageux et
effrayants [80]. » Chacun avait son nahual, un esprit animal
gardien, qui donnait son pouvoir à l’initié. Pour obtenir ou
découvrir ce pouvoir, la personne devait être formée à la
magie noire après avoir subi une initiation rigoureuse. On
utilisait parfois des substances hallucinogènes pour provoquer
la vision d’un esprit animal gardien. (Le groupe secret du
Vieux Monde connu sous le nom d’assassins, dont dérive notre
terme actuel, tire son nom du haschisch.) Lorsque l’on avait
obtenu, de cette façon, accès à son esprit nahual, on était
censé pouvoir devenir l’animal lui-même. On pouvait,
prétendait-on, sucer le sang des personnes endormies, causer
des maladies ou même manger des cadavres. Celui que l’on
craignait le plus et que l’on admirait avec le plus de
crainte, était le nahual jaguar, car ce félin – considéré
comme paresseux, rusé et aimant le plaisir – était, pour ses
ennemis, l’animal le plus subtilement terrifiant [81]. Le
symbolisme du jaguar, que l’on suppose lié à la croyance en ce
nahual ou « jaguar-garou » est vieux de milliers d’années et
remonte jusqu’à l’époque olmèque ou jarédite [82].
Les tenants mésoaméricains ultérieurs de cette croyance
formaient un ordre semi-sacerdotal appelé nahualteteuctin, «
maîtres magiciens » ou teotlauica « compagnons d’armes sacrés
». Pour faire partie de l’ordre, on devait subir des tests de
souffrance et d’abnégation. Le prêtre/souverain toltèque
Quetzalcoatl ou Kukulcan (pas le personnage originel qui
portait ces noms) était, prétendaient certains, le maître et
le patron de l’ordre, mais d’autres divinités y étaient
également associées [83].
D’autres documents espagnols nous disent que les nahualistas
continuèrent à exister jusqu’au cours de la période coloniale.
Ils restèrent, bien entendu, aussi secrets que possible, de
sorte que peu d’Espagnols entendirent parler d’eux. Néanmoins,
prises ensemble, les sources nous permettent d’en apprendre
assez bien sur leurs objectifs et leur fonctionnement. Ces
croyants « formaient une association cohérente s’étendant sur
la plus grande partie du sud du Mexique et sur le Guatemala,
inspirés partout par la haine des Espagnols et du
christianisme [84]. » Leurs membres étaient classifiés selon
des degrés ou des niveaux différents, chaque avancement
nécessitant de nouveaux rites d’initiation et la révélation, à
l’initié, de nouvelles connaissances secrètes. Des chapitres
ou des fraternités locaux étaient organisés et consacrés à
Juda Iscariote ou à Ponce Pilate, deux ennemis évidents du
modèle chrétien importé. Il y avait des centres reconnus de
l’association, particulièrement au Guatemala et dans les états
mexicains du Chiapas et d’Oaxaca. Les dignitaires les plus
importants de l’organisation résidaient près de ces centres.
Ce noyau tenait des conseils secrets dans des bastions du
culte, cavernes ou recoins rocheux, pas dans des constructions
artificielles. Le noir symbolisait les affinités de
l’association avec la nuit, les cavernes et les enfers, un
complexe d’idées provenant de temps beaucoup plus anciens. La
divinité la plus clairement associée aux nahualistas de la
période coloniale était Tepeyollotl (dieu aztèque important,
emprunté par eux à d’autres cultures plus méridionales). Il
passait pour être « le cœur de la terre », symbolisé par le
jaguar [85]. Les cérémonies, les formules et les façons de
procéder étaient à peu près les mêmes dans toute la région. En
outre ce n’était pas simplement une activité « religieuse »,
puisque les principaux prêtres nahualistes, dont la fonction
se transmettait souvent par les lignées familiales, furent les
organisateurs et les coordonnateurs d’un certain nombre de
révoltes contre les Espagnols. Ce que cette association
représentait en réalité, c’était la poursuite des vieilles
croyances et pratiques natives sous la forme d’une
contre-culture clandestine opposée au mode de vie tout entier
apporté par les Espagnols [86]. Nous avons même des raisons de
croire qu’une partie au moins de ces pratiques subsiste,
aujourd’hui encore, dans des endroits isolés du Mexique.
Pour l’essentiel, les nahualistas fonctionnaient comme une
société secrète classique. Les épreuves d’initiation, le
caractère secret des objectifs et des lieux, la subversion,
réelle ou potentielle, de l’ordre social général et la
séduction du pouvoir et des privilèges comme tactique de
recrutement en sont les indicateurs. L’influence exercée par
la clique centrale dominante d’une société secrète découle de
la connaissance ésotérique. « Pour acquérir de l’influence
dans une société secrète, il est toujours nécessaire de
prétendre à des connaissances supérieures [87] ». Le prêtre
nahualiste, tout comme l’adepte gnostique du monde
méditerranéen, prétendait connaître les grands secrets de
l’univers et la façon de maîtriser les puissances qui font que
des choses importantes se produisent, mais dans ce contexte,
la connaissance n’est considérée que comme un instrument ou
une arme. On ne la désire pas autant pour elle-même que pour
l’influence qu’elle apporte à celui qui la détient.
Ceux qui ont recours à des groupes secrets pour obtenir le
pouvoir et ses avantages profanes sont ordinairement ceux qui
ne détectent ni ne désirent les manières légitimes et
socialement approuvées de parvenir aux mêmes buts. Ces groupes
prospèrent dans des situations de changements sociaux et
économiques rapides et révolutionnaires. Certaines personnes
qui entretiennent des ambitions ou des griefs que les
institutions existantes ne traitent pas, recherchent des
parcours extraordinaires pour parvenir à leurs fins [88].
C’est ce genre de tension sociale qui se produisait chez
Néphites au Ier siècle av. J.-C. Nous avons déjà vu à quel
point la croissance et l’expansion de l’influence néphite
était dynamique à l’époque. Le commerce et la richesse
fleurissaient, des ambitions étaient stimulées dans une partie
de la population (par exemple les hommes-du-roi), et le vieux
système des relations basées sur la parenté, qui avait été
relativement suffisant à l’époque des rois Benjamin et Mosiah,
paraissait trop limité et trop localisé pour convenir aux
circonstances nouvelles. Ceux qui voulaient sauter dans le
train du changement, « percer », et gérer les choses à leur
profit (comme le Jacob de 3 Néphi 7:12), étaient prêts à
utiliser tous les moyens organisationnels sur lesquels ils
pouvaient mettre la main, même la conspiration, pour imposer à
la société conventionnelle la forme qu’ils désiraient.
Tout ceci est typique, pas étrange. Les chercheurs qui ont
étudié les groupes secrets ont été frappés par le fait que
leur forme générale est similaire dans la majeure partie du
monde et sur des milliers d’années. Les exigences
structurelles du secret expliquent certaines ressemblances
générales, et cependant des caractéristiques très précises se
retrouvent aussi un peu partout. On peut alors se poser la
question : le modèle de l’organisation secrète se répète-t-il
dans le monde parce qu’il y a des racines historiques communes
? L’historienne Nesta Webster le pense : « Même si l’on
conteste une affiliation directe [historique], il faut à coup
sûr reconnaître l’existence d’une source d’inspiration commune
qui produit, sinon une continuation, en tout cas un réveil
périodique des mêmes idées [89]. » Cette explication de la
réapparition des groupes secrets a tendance à s’accorder avec
ce que l’on trouve dans Hélaman 6:26-29 : « Ces serments et
ces alliances secrets n'étaient pas parvenus à Gadianton par
les annales qui avaient été remises à Hélaman; mais voici, ils
furent mis dans le cœur de Gadianton par ce même être qui
séduisit nos premiers parents… et il l'a révélée depuis le
commencement de l'homme jusqu'à ce jour » (Hélaman 6:26-29).
Selon le Livre de Mormon, il y a bel et bien eu une continuité
historique du Vieux Monde vers le Nouveau dans l’origine des
sociétés secrètes jarédites. Elles commencèrent quelques
générations à peine après l’arrivée des immigrants de
Mésopotamie dans le nouveau pays. L’un des Jarédites qui
ranimèrent la pratique dit : « [Mon père] n'a-t-il pas lu les
annales que nos pères ont apportées à travers le grand abîme?
Voici, n'y a-t-il pas un récit concernant ceux d'autrefois
qui, par leurs plans secrets, obtinrent des royaumes et une
grande gloire? » (Éther 8:9). L’historienne Nesta Webster va
plus loin : « Le [Proche-]Orient est le berceau des sociétés
secrètes [90]. » Lorsque les annales jarédites tombèrent
finalement entre les mains du souverain néphite Mosiah, son
peuple se montra impatient de savoir ce qu’était cette société
éteinte qui avait laissé derrière elle des traces mystérieuses
aussi impressionnantes que celles qu’il pouvait voir autour de
lui dans les ruines. Le roi rendit l’histoire publique, mais
ne dévoila aucun détail concernant les groupes secrets dont
parlait le récit d’Éther (Hélaman 6:26). Néanmoins, le simple
fait d’y avoir fait allusion devait aiguiser l’envie de
personnes ambitieuses d’en savoir davantage (c’est comme quand
on dit à un enfant : « Veille à ne pas mettre de haricots dans
tes oreilles »). C’est ainsi que le décor fut planté pour le
retour des combinaisons, quelle que soit la façon dont les
organisateurs ont pu obtenir les détails des rites et des
formes d’organisation.
Qu’est-ce que les organisations secrètes possèdent que les
groupes basés sur la parenté et la communauté n’ont pas ? La
réponse : la crédibilité instantanée. Supposons, par exemple,
que vous, commerçant, souhaitiez créer des liens commerciaux
avec une localité où vous ne connaissez personne. Ce qu’il
vous faudrait le plus, ce sont des rapports de confiance avec
quelqu’un d’influent dans cette localité. Dans les sociétés du
genre décrit dans le Livre de Mormon, tout l’éventail des
inventions sociales toutes récentes auxquelles nous avons
recours dans ce but – les compagnies, les banques, le crédit,
les contrats, les ambassades – n’avait pas encore été élaboré.
Si vous aviez de la parenté dans cet endroit, elle pourrait
vous faire confiance ; mais votre parenté aurait aussi peu de
chances de prendre pied au milieu de ce cadre étranger que
vous. Une organisation secrète avec des « chapitres » répandus
dans tout le pays pourrait fournir à une personne une «
confiance instantanée ». Dans l’Europe des siècles passés, les
groupes secrets de Templiers et de Juifs utilisaient ce genre
de lien au service des activités commerciales et financières
de leurs membres [91]. Les officiers militaires de beaucoup de
nations modernes se voient faciliter leurs relations dans de
nouvelles localités par le fait qu’ils sont membres d’un ordre
fraternel. Les organisations secrètes chez les Néphites et les
Jarédites ont pu remplir une fonction semblable pour les
commerçants.
Les spécialistes ont découvert, ces dernières années, que le
commerce constitue un grand moteur, qui peut propulser une
société grandissante vers le devant de la scène et vers la
richesse... pour un petit nombre de ses membres [92]. Ceux qui
actionnent la manette des gaz sont habituellement des
personnes du genre de Gadianton et du « roi Jacob » (3 Néphi
7:12), décidés à posséder le pouvoir et la richesse. Il n’est
pas étonnant de voir que 4 Néphi, v. 46, établit un lien
direct entre la bande secrète de Gadianton et la richesse
découlant du commerce : « Les brigands de Gadianton se
répandirent sur toute la surface du pays... Et ils amassaient
de l'or et de l'argent en abondance et commerçaient dans
toutes sortes de commerces » (4 Néphi 1:46). Cela nous permet
de saisir les liens entre les facteurs traités dans Hélaman 6.
Le verset 7 commence par décrire une situation dans laquelle
existe un commerce actif et la prospérité qui en découle
(versets 9, 11). Immédiatement après cela (verset 13), le
grand juge des Néphites est assassiné « par une main inconnue
», qui s’avère être celle de Gadianton (verset 18). Le lien
est établi au verset 17 : « Ils commencèrent à mettre leur
cœur dans leurs richesses; oui, ils commencèrent à chercher à
obtenir du gain, afin de s'élever l'un au-dessus de l'autre;
c'est pourquoi ils commencèrent à commettre des meurtres
secrets, et à commettre des actes de brigandage et à piller,
afin d'obtenir du gain » (Hélaman 6:17, italiques ajoutés). Il
se dégage de tout cela une image claire de la façon dont le
groupe secret motivait ses membres et acquérait du pouvoir
dans la société néphite. La description tout entière
correspond à l’image que nous avons des sociétés secrètes
connues dans de nombreux endroits du monde.
Les liens étroits existant entre le commerce et des groupes
étroitement unis et intéressés sont illustrés en Mésoamérique
par la pochteca aztèque, une sorte de guilde ou de société de
commerçants voyageant sur de grandes distances, avec ses
rituels, ses divinités et sa discipline interne, ressemblant
fort aux sociétés secrètes dont nous venons de parler. La
pochteca travaillait la main dans la main avec la structure du
pouvoir aztèque, ses membres servant l’État comme espions
quand ils voyageaient à l’étranger. En retour ils jouissaient
de la richesse et de nombreux privilèges grâce à l’influence
qu’ils exerçaient du fait de leur fonction sociale propre
[93]. Mais nous en savons encore trop peu sur les détails de
la pochteca pour avoir la certitude que les « combinaisons »
néphites leur ressemblaient autrement que d’une manière très
générale.
Un autre parallèle avec les brigands de Gadianton ressort de
la volonté d’exploiter de certains groupes assoiffés de
pouvoir en Mésoamérique. Le peuple aztèque (mexicain) tout
entier entre dans cette catégorie. Tribu minuscule de
chasseurs-cueilleurs, ils quittèrent les régions arides de
l’ouest du Mexique et s’introduisirent dans la région occupée
par la capitale actuelle peu de siècles avant l’arrivée des
Espagnols. Ils manifestèrent rapidement l’ambition de posséder
la richesse et le confort qu’ils voyaient parmi les
populations agricoles plus anciennes et quasi civilisées parmi
lesquelles ils s’étaient installés. Huitzilopochtli, l’un de
leurs premiers souverains, était un homme d’une « ambition
sans bornes » qui devint « l’incarnation des aspirations
religieuses et militaires aztèques ». Cet homme prétendait
connaître le secret qui leur apporterait la richesse et le
pouvoir qu’ils voulaient. En s’engageant à « servir le (dieu)
soleil pour devenir son peuple et terrifier les autres »,
Huitzilopochtli promit non pas simplement le luxe, mais un
recul constant des limites de leurs désirs : « Rien ne sera
leur limite, et il n’y a rien dont ils devront se passer. »
C’est avec cette sorte de promesse grisante qu’il les
conduisit à des conquêtes impitoyables. C’était un meneur
tellement exemplaire dans cette chasse au matérialisme, qu’il
fut considéré plus tard comme un dieu. Les conquérants
chrétiens espagnols voyaient en Huitzilopochtli « le diable »
et le rival principal du Christ [94]. C’est exactement la même
ambition d’exploiter les autres qui caractérisait les «
Toltèques ». Ils avaient faim et soif de pouvoir et tout
particulièrement du pouvoir ou de la « franchise » de
conquérir, d’exiger le tribut et de « faire fortune » dans un
territoire déterminé [95].
Cette convoitise éminemment mésoaméricaine de la richesse et
du confort nous rappelle irrésistiblement les tromperies
intéressées de Giddianhi écrivant au grand juge néphite
Lachonéus : « Je suis Giddianhi; et je suis le gouverneur de
cette société qui est la société secrète de Gadianton… livr[ez]
vos terres et vos possessions sans effusion de sang, afin que
ce peuple qui est le mien… puisse recouvrer ses droits et son
gouvernement » (3 Néphi 3:9-10). « Livr[ez] à ce peuple qui
est le mien, vos villes, vos terres et vos possessions, plutôt
que de le laisser venir contre vous avec l'épée… Ou, en
d'autres termes, livrez-vous à nous, et unissez-vous à nous,
et faites la connaissance de nos œuvres secrètes, et devenez
nos frères, afin d'être semblables à nous [en d’autres termes:
« Venez chercher votre part du gâteau »] : non pas nos
esclaves, mais nos frères et associés à tous nos biens »
(versets 6-7).
Manifestement, les groupes secrets du Livre de Mormon et de la
Mésoamérique se livraient aux mêmes tours et fonctionnaient
selon des règles similaires. Mais cette pratique était-elle
vraiment antique en Amérique ou a-t-elle été une évolution
tardive ? Certains chercheurs pensent que l’origine des
groupes pochteca remonte à Teotihuacan (aux premiers siècles
de notre ère) [96], mais le professeur Coe affirme qu’une
institution semblable jouait un rôle capital dans la
civilisation olmèque dès avant 1000 av. J.-C. [97]. J. A.
Bennyhoff a interprété des masques retrouvés par les
archéologues comme une indication de la présence de sociétés
secrètes autrefois [98]. Ces vestiges rituels sont présents
depuis 1200 av. J.-C. environ jusqu’à 600 av. J.-C. dans la
vallée d’Oaxaca (le Moron jarédite) [99]. C’est au IIIe
millénaire av. J.-C. que les sociétés secrètes sont
mentionnées pour la première fois chez les Jarédites ; les
archéologues n’ont que des renseignements fragmentaires sur
cette époque. Mais les organisations clandestines reprirent
vigueur aux environs de 1200 av. J.-C. (Éther 10:33), et
persistèrent jusqu’à la destruction des Jarédites. Par
conséquent, les masques d’Oaxaca coïncident, dans le temps et
dans l’espace, avec l’épanouissement des sociétés secrètes
selon le récit jarédite. (Soit dit entre parenthèses, une
grande partie des sculptures nahual (jaguar) de cette époque
ont été trouvées en des endroits reculés du « désert », là où
nous pourrions nous attendre à trouver les repaires de groupes
secrets.) On trouve de nouveau des masques en grand nombre au
cours de l’époque évoluée de Teotihuacan, pendant quelques
siècles après 300 apr. J.-C. Il se fait que c’est justement la
période où Mormon signale l’apparition de la société secrète
qui fut l’instrument de la chute des Néphites (Mormon 2:8, 10,
27-28; Éther 8:19-21).
Nous en avons vu suffisamment pour établir les faits suivants
: (1) une coutume largement répandue de créer des
organisations secrètes existait autrefois tant dans le Vieux
Monde qu’en Mésoamérique, comme le dit le Livre de Mormon ;
(2) ces unités constituaient une arme organisationnelle par
laquelle des intrigants ambitieux manipulaient les gens moins
avertis pour amasser des richesses, du pouvoir et d’autres
avantages; (3) les fonctions et les contextes des groupes
secrets mésoaméricains prennent tout leur sens si nous les
interprétons comme étant les « combinaisons » décrites dans le
Livre de Mormon ou vice versa; (4) les changements dynamiques
de société et d’économie dont le récit néphite dit qu’ils
étaient en cours au premier siècle av. J.-C. et de nouveau au
IVe et Ve siècles apr. J.-C. constituent le cadre qui a
favorisé l’apparition de ces groupes subversifs. La création
des organisations secrètes jarédites doit, sans aucun doute,
se comprendre dans des termes parallèles.
La parenté, base de la société néphite
Ce serait une erreur de croire que les organisations secrètes
étaient fondamentales pour les sociétés où les Néphites, les
Lamanites et les Jarédites vivaient. Elles étaient au
contraire des excroissances parasites, qui ne s’épanouissaient
que quand l’organisme principal était malade. Le modèle
fondamental de l’organisation parmi les populations du Livre
de Mormon était le même que dans quasiment toutes les sociétés
anciennes. La parenté était un élément fondamental de la
création et de la régulation des rapports entre personnes et
entre groupes. Dans la vie urbaine moderne, nous nous sommes
tellement écartés des pratiques anciennes que beaucoup de gens
d’aujourd’hui se doutent bien peu de l’importance que les
liens de parenté avaient autrefois. Dans la Palestine
israélite, aussi bien que pendant les premiers siècles de
l’existence néphite dans la terre promise américaine,
c’étaient les liens familiaux qui constituaient les connexions
sociales les plus cruciales. Les groupes israélites apparentés
qui avaient l’importance la plus vaste à l’époque de Léhi
étaient ce que l’on pourrait appeler les lignées.
L’appartenance à ces lignées était déterminée par la
descendance à partir d’un ancêtre masculin unique [100]. Dans
les sociétés mettant l’accent sur la lignée, la première
tendance que l’on a quand on veut se situer socialement, c’est
de comparer ses notes avec celles d’autres personnes pour
essayer de déterminer la distance qui nous sépare d’un ancêtre
commun. Une des premières choses que Léhi fait quand il reçoit
les plaques d’airain de Laban est de vérifier la généalogie,
où il découvre que Laban et lui ont un ancêtre masculin commun
à un niveau éloigné (1 Néphi 5:14, 16). C’est-à-dire qu’ils
appartenaient à un lignage commun et par conséquent voulaient
la possession des mêmes annales. À son arrivée dans la terre
promise, le groupe de Léhi continua à suivre le principe de la
lignée, comme le montre Jacob 1:13 : « Ils étaient appelés
Néphites, Jacobites, Joséphites, Zoramites, Lamanites,
Lémuélites et Ismaélites » (Jacob 1:13). Nous voyons de
nouveau le principe fonctionner quand Amulek et Alma, qui ne
se connaissent pas, se rencontrent et ont besoin de créer des
relations entre eux (Alma 8:20 et suiv.). Il faut également
noter l’effort d’Amulek d’orienter ses auditeurs vers sa
situation sociale (de parenté) par rapport à eux (Alma 10:2).
Les principes et les coutumes de l’organisation sociale ne
sont pas fixes et immuables. Les peuples modifient les règles
et les préférences gouvernant la parenté, le mariage, la
famille et d’autres dispositions sociales pour répondre à de
nouvelles circonstances. Par exemple, lorsqu’ils se sont
dispersés pour occuper de nouvelles terres relativement
inhabitées, les groupes de pionniers ont accordé moins
d’importance à certaines relations qui se justifiaient
davantage dans une vieille communauté surpeuplée, tout en
découvrant qu’ils avaient besoin de renforcer certains autres
liens pour contrebalancer les effets de la distance.
Néanmoins, lorsque c’est possible, les gens s’accrochent aux
anciennes coutumes [101]. C’est ainsi qu’on peut s’attendre à
la fois à la continuité et au changement dans les coutumes
israélites que le groupe de Léhi avait apportées, une fois que
le peuple a commencé à vivre dans le nouveau pays. En fait,
les anciennes coutumes ont pu être en grande partie submergées
par celles qu’ils ont rencontrées chez les Mulékites et qu’ils
leur ont empruntées, car les dispositions sociales de ces
derniers étaient vraisemblablement mieux adaptées aux
conditions de vie de l’environnement de Zarahemla. Chose
intéressante, les systèmes sociaux de la Mésoamérique
traditionnelle ne contredisent pas ce à quoi l’on pourrait
s’attendre de la part d’une culture israélite. Il y a des
différences qui sont évidentes, mais elles sont logiques. Et
les caractéristiques mésoaméricaines ne sont pas étonnantes à
la lumière des données fournies par le Livre de Mormon.
On voit clairement, dans les deux cas, l’accent mis sur les
relations calculées selon la lignée paternelle. Celle-ci est
claire dans le Livre de Mormon et chez les Mayas, comme le
montrent les documents de la période coloniale espagnole et
l’interprétation du matériel archéologique et artistique
[102]. L’organisation par la lignée, qui existait dans le sud
de la Mésoamérique, correspond également d’une manière
générale à l’image sociale du Livre de Mormon [103]. Par
exemple, un Maya était membre d’un groupe assez vaguement
défini (maya yucatèque ch’ibal), dont les membres, tout en
vivant dans des localités différentes, se considéraient comme
descendants d’un ancêtre masculin commun. Les membres
portaient un nom commun et il leur était souvent interdit
d’épouser quelqu’un d’autre portant le même nom [104]. Le fait
d’être membre du groupe permettait « aux personnes de
prétendre à la protection et à l’hospitalité les unes des
autres dans leurs mouvements d’une localité à l’autre [105] ».
J’ai suggéré précédemment qu’Alma, lors de sa tournée de
prédication (Alma 5-15), prenait tout d’abord contact avec des
membres de sa lignée dans les différentes villes auxquelles il
rendait visite. Même à Zarahemla, il était guidé par les liens
de parenté ; il prêchait apparemment surtout à des groupes
restreints, probablement de la parenté, dont « les pères »
avaient été avec son père chez les Zénifites au pays de Néphi
(Alma 5:11-13).
Une société en évolution rapide exerce une tension sur les
unités, quelles qu’elles soient, basées sur la parenté, car il
est difficile de régler les divergences économiques,
résidentielles et de standing entre personnes apparentées.
Nous avons tous vu avec quelle vitesse les liens avec notre
parenté peuvent se dissiper lorsqu’elle ou nous, nous nous
éloignons ou changeons radicalement de situation sociale.
Néanmoins, toutes les autres formes d’organisation dans la
société subissent une tension encore plus grande quand le
changement est urgent. Avant la crucifixion du Sauveur, les
Néphites parvinrent à un stade où le gouvernement
conventionnel – les relations ordonnées politiquement –
s’était effondré. Il ne restait plus grand-chose pour prendre
la relève si ce n’est la parenté ou les liens créés dans les
combinaisons secrètes : « Le peuple fut divisé, les uns
s'opposant aux autres; et ils se séparèrent les uns des autres
en tribus, chaque homme selon sa famille, et sa parenté, et
ses amis; et… chaque tribu se désigna un chef ou dirigeant; et
ainsi, ils devinrent tribus et dirigeants de tribus. Or,
voici, il n'y avait aucun homme parmi eux qui n'eût une grande
famille, et une grande parenté, et beaucoup d'amis; c'est
pourquoi, leurs tribus devinrent extrêmement grandes » (3
Néphi 7:2-4). Lorsque plus rien d’autre ne marchait, les liens
de sang restaient. Cet événement démontra à quel point le mode
d’organisation par la parenté était fondamental chez les
Néphites. Il ne sortait pas de nulle part pour répondre au
désastre ; les liens existaient depuis longtemps. Amulek le
confirme (Alma 10:4). Tout ce qu’il y eut, c’est que, lors de
la crise politique, des fonctions plus importantes furent
confiées à la structure basée sur la parenté.
Pour caser toute la population dans ces grandes « tribus », il
a fallu adapter pas mal de choses dans la généalogie et
l’histoire, mais c’est normal. La littérature anthropologique
est pleine de descriptions, en provenance du monde entier, de
la façon dont on modifie les généalogies selon les nécessités
pour les aligner sur les faits politiques et économiques de la
vie. Par exemple, les deux millions et demi de Somaliens du
Nord habitant en Afrique orientale « font remonter leur
lignage à celui du prophète Mahomet et à ses ‘Compagnons’ »,
bien que « de telles affirmations... semblent être
généralement fictives. Mais quel que soit leur contenu
historique, leur importance réside dans le fait qu’il valident
toute la base musulmane de la société somalienne [106] ».
De la même manière, la société néphite semble avoir été
capable d’incorporer la population tout entière sous son égide
sociale en une seule « charte » ou théorie historique
consistant en sept grandes branches ou super-lignées :
Néphites, Jacobites, Joséphites, Zoramites, Lamanites,
Lémuélites et Ismaélites (Jacob 1:13; 4 Néphi v. 36-38 ;
comparez avec D&A 3:17-18). Cette liste omet les « Sam-ites »
(potentiellement du fils de Léhi, Sam ; voir 2 Néphi 4:11) et
regroupe tous les fils d’Ismaël. Elle ignore aussi le passé
généalogique non néphite du nombreux « peuple de Zarahemla ».
Ces sept branches nous rappellent les célèbres « sept cavernes
» ou lignées d’où, selon la tradition, les habitants de la
Mésoamérique étaient censés provenir [107]. Une « tribu »
néphite ou macrolignée, du genre que mentionne 3 Néphi 7, a dû
de toute évidence avoir été un segment socio-politique de la
population censé être sorti d’un ancêtre commun, mais auquel
était annexé un nombre conséquent d’autres personnes, de sorte
que tous appartenaient à une « tribu » ou à une autre (notez
les « amis » de 3 Néphi 7:2, 4). Pareille tribu devait être
composée de familles et de sous-lignées constituant une
pyramide de parentés allant de la plus proche à la plus
éloignée. C’était normalement à l’aînée des sous-lignées que
revenait la position ayant la plus grande autorité, de sorte
que son homme le plus âgé était vraisemblablement celui que le
peuple désignait comme chef tribal (3 Néphi 7:3). En tout cas,
ce tableau rattache de manière plausible ce que dit le Livre
de Mormon à ce que nous connaissons des formes de parenté en
Mésoamérique.
Ceci nous amène à la question, qui se situe dans le même ordre
d’idées, des formes politiques. D’après les descriptions, dans
le Livre de Mormon, des assemblées néphites convoquées pour
prendre des décisions politiques (comme dans Mosiah 29:39),
nous pourrions commettre l’erreur de nous imaginer que le
principe de « un homme, une voix » régnait, mais aucune
société ancienne ne respectait littéralement cette notion.
Quand ils « donnaient leur voix », cela devait venir de l’aîné
des hommes d’une famille ou d’une sous-lignée. Bien entendu,
ces patriarches s’informaient d’abord des sentiments de ceux
qu’ils représentaient avant de prendre sur eux de parler pour
leur unité. C’est ainsi que le processus politique s’est
exercé dans une grande partie du monde jusqu’à une époque très
récente. Rien ne nous permet de penser qu’il n’en était pas
ainsi dans le Livre de Mormon.
Une autre question politique est celle-ci : les Néphites
avaient-ils un État ? (Un État est une organisation centrale
qui détient le monopole du pouvoir coercitif dans un
territoire). La réponse est, semble-t-il, à la fois oui et
non. Il est certain que le système de rois et de juges
représentait une tentative de centraliser la force sous forme
étatique, mais les dispositions ne fonctionnaient pas très
bien. Nous ne voyons aucune indication que le roi Benjamin ait
eu recours à la force pour mettre à la raison les
comportements déviants parmi son peuple. En fait, il est peu
probable qu’il ait même utilisé des agents autorisés (à
l’exception de messagers) pour gérer les affaires du
gouvernement. On lui appliquait le titre de « roi », mais en
soi ce titre auguste ne signifiait pas grand-chose (voir Alma
47:6 ; 3 Néphi 7:10). Les grands juges dans le gouvernement
néphite ultérieur ne furent pas beaucoup plus puissants non
plus. On ne nous dit pas un seul mot sur une force de police
ou une armée permanente. Ce qui nous impressionne, c’est
l’impuissance relative du gouvernement central. Ce n’est que
lorsque les gouvernants levaient une milice (« armée ») que
les dissidents pouvaient être tenus en bride (voir Alma 2).
Lorsque les Néphites ajoutèrent des tribunaux officiels et un
code de lois, ils se rapprochèrent d’un État, mais la
faiblesse permanente de l’appareil montre qu’il ne parvint
jamais à la stabilité.
Ce qui existait en fait d’unité s’appuyait fortement sur les
valeurs et les traditions communes. Lorsque apparaissaient des
groupes dissidents dont les valeurs différaient de manière
marquée de celles de l’establishment, ils menaçaient
l’existence même de la « nation » néphite. Il n’y avait pas de
« colle forte » d’institutions politiques pratiques pour
souder l’ensemble du système. Ce n’est que par des
exhortations constantes, appuyées par des activités
cérémonielles dictées par la tradition, que des dirigeants
comme Moroni pouvaient plus ou moins garder le peuple ensemble
(Alma 43:48 ; 46:19-21 ; 54:10). La religion faisait partie de
ce qui les rattachait les uns aux autres, de sorte que
lorsqu’il se produisait des dissensions religieuses, la
désunion politique était inévitable (Alma 8:11-12; 51:5-6)
[108]. Avant la période pleinement classique (200 apr. J.-C.),
la structure politique mésoaméricaine en est restée
essentiellement à ce niveau, son pouvoir unificateur et son
contrôle dépendant de valeurs et d’un rituel communs. Tant que
les populations gouvernées dans une seule unité s’accordaient
pour respecter des croyances et des divinités communes, on
pouvait maintenir la paix intérieure. Quand le culte et les
valeurs sacrées ne faisaient pas l’affaire, il n’y avait rien
d’autre qui puisse maintenir longtemps ensemble un peuple ou «
nation ». Et même lorsqu’un début d’État apparaissait, il
restait fragile.
En fin de compte, la fragilité des Néphites n’était cependant
pas déterminée par les structures centrales ou
gouvernementales. Les familles, les lignées et les communautés
étaient les formes d’organisation clefs. Les communautés
locales pouvaient encaisser pas mal de tensions à cause de
leur nature. Elles étaient capables d’absorber la diversité
interne et avaient de la souplesse face aux pressions
externes. Une des dispositions qui facilitaient cette
adaptabilité était le barrio. L’idée de ces sections
résidentielles distinctes à l’intérieur d’une même localité
est très ancienne dans toute la région [109]. Chaque secteur
avait tendance à avoir sa structure politique locale basée sur
l’une ou l’autre version du principe de la lignée. Les
rapports de sa population avec les autres barrios étaient
gouvernés par des règles et un cérémoniel. Certains barrios se
caractérisaient par des langues et des pratiques religieuses
différentes. Ce modèle nous permet de comprendre comment les
Néphites (à proprement parler) ont pu réussir à traiter avec «
le peuple de Zarahemla » au sein de la ville de Zarahemla. Il
se peut qu’ils aient occupé des barrios distincts dans des
zones résidentielles différentes, chacune ayant probablement
son gouvernement interne propre. C’est ainsi que lorsque Alma
parla au peuple à Zarahemla, « il était rassemblé en de vastes
groupes, et il alla d'un groupe à l'autre » (Mosiah 25:15).
Ces sept corps (verset 23) semblent être fonctionnellement
équivalents à des populations de barrio.
La place nous manque pour examiner complètement un aspect
donné quelconque de la vie néphite. Une matière beaucoup plus
importante, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Écriture,
attend que nous y prêtions attention. Par exemple, les
dispositions sociales et politiques sont manifestement
différentes chez les Néphites, les Lamanites et les Jarédites
; nous n’avons pas prêté beaucoup d’attention à ces
distinctions. Il y a largement assez de sujets et de matière
pour occuper les chercheurs pendant pas mal de temps.
Dans ce chapitre, nous avons lu des parties du Livre de Mormon
comme un texte dont les formes sociales et culturelles
méritent une étude attentive. Certains passages, dont la
brièveté est souvent contrariante, nous ont montré l’une ou
l’autre chose sur les métaux, l’élevage des animaux, les
groupes secrets, la parenté et le gouvernement chez les
Néphites et d’autres groupes du Livre de Mormon. En faisant
appel à la littérature abondante qui existe sur la culture
mésoaméricaine, nous avons pu voir des passages d’Écriture
sous un autre jour, jeter une lumière nouvelle sur leur
signification et colorer des détails. Il en résulte que le
cadre scripturaire s’ouvre sur de nouvelles dimensions. Le
fait que le tableau de la vie néphite dressé par le Livre de
Mormon corresponde aux sources externes confirme que nous
avons trouvé pour le livre un cadre plausible dans l’Amérique
ancienne.
NOTES
[1] « Preclassic
Metal? » American Antiquity 20, 1954, p. 64; idem,
« Indications of Early Metal in Mesoamerica », University
Archaeological Society Bulletin 5 Provo, Utah, 1954, 1-15. On
n’a prêté que peu d’attention à l’argument, comme dans Gordon
R. Willey, « The Prehistoric Civilizations of Nuclear America »,
American Anthropologist 57, 1955, p. 585.
[2] « A Reconsideration of Early Metal in Mesoamerica »,
Katunob 9, mars 1976, pp. 1-18.
[3] « A
Reconsideration », pp. 1-2. J’ai réuni d’autres exemples
depuis lors.
[4] Byron Cummings, « Cuicuilco and the Archaic of Mexico »,
University of Arizona, Bulletin IV, no. 8, Social Science
Bulletin 4 Tucson, 1933, pp. 38-39; Robert F. Heizer et James
A. Bennyhoff, « Archaeological Investigation of Cuicuilco,
Valley of Mexico, 1957 », Science 127, no. 3292, 1958,
pp. 232-233.
[5] R. E. Longacre et Rene Millon, « Proto-Mixtecan and
Proto-Amuzgo-Mixtecan Vocabularies: A Preliminary Cultural
Analysis », Anthropological Linguistics 3, 1961, p. 22.
[6] Terrence Kaufman, « El Proto-Tzeltal-Tzotzil: Fonologia
Comparada y Diccionario Reconstruido », Universidad Nacional
Autonoma de Mexico, Centro de Estudios Mayas, Cuadernos 5,
1972, p. 118; Marcelo Alejandre, Cartilla Huasteca con su
Gramatica, Diccionario y Varias Reglas para Aprender el Idioma,
Mexico, Secretaria de Fomento, 1899, pp. 84, 88; Hyacinthe de
Charency, « Les Norns des métaux chez différents Peuples de la
Nouvelle Espagne », Compte-Rendu, Congrès International des
Américanistes, Paris, 1890, Paris, 1892, pp. 539-541.
[7] « A Linguistic Look at the Olmecs », American Antiquity
41, 1976, pp. 80-89.
[8] J. W. Grossman, « An Ancient Gold Worker's Tool Kit: The
Earliest Metal Technology in Peru », Archaeology 25,
1972, pp. 270-275; A. C. Paulsen, « Prehistoric Trade between
South Coastal Ecuador and other Parts of the Andes » traité lu
lors de la réunion annuelle de 1972 de la Society for American
Archaeology. Les dates données dans ces traités doivent
doivent être revues à la hausse en fonction des corrections
apportées par la datation à l’aide des pommes de pin.
[9] J.
Charles Kelley et Carroll L. Riley, dir. de publ.,
Precolumbian Contact within Nuclear America, Southern
Illinois University Museum, Mesoamerican Studies 4
Carbondale, 1969.
[10] « Aspectos
Tecnicos de la Orfebreria de la Tumba 7 de Monte Alban », dans
« El Tesoro de Monte Alban », par Alfonso Caso, Instituto
Nacional de Antropologia e Historia, Memorias 3, Mexico, 1969,
pp. 393-394.
[11] Since Cumorah, Salt Lake City, Deseret Book, 1967,
p. 254.
[12] Clair C. Patterson, « Native Copper, Silver, and Gold
Accessible to Early Metallurgists », American Antiquity
36, 1971, pp. 292-294.
[13] Jose Antonio Gay, Historia de Oaxaca, vol. 1,
Mexico, 1881, pp. 4, 62. Il faut noter que F. W. Hodge, dir.
de publ., Handbook of American Indians North of Mexico,
part 2, Smithsonian Institution Bureau of American Ethnology,
Bulletin 30, Washington, 1910, p. 833, dit à propos d’un
groupe d’Indiens Creek (les « Tukabatchi ») d’Alabama, qu’ils
ont « eu en leur possession des annales en métal qu’ils
conservaient depuis des temps immémoriaux. Adair, Hist. Ind.
178, 1775, dit qu’à son époque elles se composaient de cinq
plaques de cuivre et de deux plaques de bronze. . . . »
[14] Read
H. Putnam, « Were the Plates of Mormon of Tumbaga? » Papers,
15th Annual Symposium on the Archaeology of the Scriptures,
Provo: BYU Extension Publications, 1964, pp. 101-109
accessible sous forme de réimpression auprès de la Foundation
for Ancient Research and Mormon Studies.
Concernant la dorure, notez Daniel F. Rubin de la Borbolla, « Orfebreria
Tarasca », Cuadernos Americanos 3, mai-juin 1944, XV,
pp. 127-138. Rubin attire l’attention sur le problème de ce
qui est arrivé à tout cet « or » que les Espagnols
prétendaient voir. Sa conclusion est qu’une bonne partie en
était simplement du cuivre plaqué or, même si les documents ne
mentionnent jamais le processus de dorure. Cela fait bien
entendu penser aux plaques du Livre de Mormon « ayant
l’apparence de l’or ». Voir aussi Heather Lechtman, « Pre-Columbian
Surface Metallurgy », Scientific American 250, juin
1984, pp. 53-63.
[15] David M. Pendergast, « Tumbaga Object from the Early
Classic Period, Found at Altun Ha, British Honduras Belize »,
Science 168, 2 avril 1970, pp. 116-118.
[16] The Interpreter's Dictionary of the Bible: An
Illustrated Encyclopedia, vol. 1, New York, Abingdon Press,
1962, pp. 467, 461.
[17] P. T. Craddock, « Europe's Earliest Brasses », MASCA
Journal 1, Philadelphie, décembre 1978, pp. 4-5.
[18] Par exemple, Guy Stresser-Pean, American Sources on
the Huasteca, HMAI 11, 1971, p. 590; W. C. Root, « Mexican
Bronze », dans Metals from the Cenote of Sacrifice, Chichen
Itza, Yucatan, par Samuel K. Lothrop, HUPM 10, no. 2 1952,
p. 20.
[19] Earle R. Caley et Dudley T. Easby, Jr., « New Evidence of
Tin Smelting and the Use of Metallic Tin in Pre-Conquest
Mexico », Actas y Memorias, 35a Congreso Internacional
de Americanistas, Mexico, 1962, vol. 1, Mexico, 1964, pp.
507-517.
[20] A. V. Kidder, Jesse D. Jennings et E. M. Shook,
Excavations at Kaminaljuyu, Guatemala, CIWP 561, 1946, p.
144; David M. Pendergast, « Ancient Maya Mercury », Science
217, 1982, pp. 533-535.
[21] H. H.
Bancroft, The Native Races of the Pacific States, vol.
2, San Francisco, A. L. Bancroft and Co., 1882, pp. 407-408.
[22] Rene Rebetez, Objetos Prehispanicos de Hierro y Piedra,
Mexico, Libreria Anticuaria, n.d..
[23] Sigvald Linne, Mexican Highland Cultures,
Ethnographical Museum of Sweden, Publication 7, n.s.
Stockholm, 1942, p. 132.
[24] Sigvald Linne, Zapotecan Antiquities,
Ethnographical Museum of Sweden, Publication 4, n.s.
Stockholm, 1938, p. 75.
[25] Jane
W. Pires-Ferreira, « Shell and Iron-Ore Mirror Exchange in
Formative Mesoamerica », dans The Early Mesoamerican
Village, dir. de publ.
Kent V. Flannery, New York, Academic Press, 1976, pp. 317-328.
[26] John B. Carlson, « Lodestone Compass: Chinese or Olmec
Primacy? » Science 189, 5 septembre 1975, pp. 753-760.
[27] Lincoln LaPaz, « Topics in Meteorics. Hunting Meteorites:
Their Recovery, Use, and Abuse from Paleolithic to Present »,
University of New Mexico, Publications in Meteoritics 6, 1969,
pp. 84-85.
[28] J. C.
Waldbaum, « The First Archaeological Appearance of Iron »,
dans The Coming of the Age of Iron, dir. de publ.
T. E. Wertime et J. D. Muhly, New Haven, Yale University Press,
1980, pp. 69-70.
[29] H. Hensoldt, « Meteorites and What They Teach Us, I »,
American Geologist 4, 1889, pp. 37-38; Jose M. Arriola, « Sellos,
Indumentaria, Utensilios Domesticos, Utensilios Industrial,
Objetos Rituales, Caracteres Alfabeticos y Numericos », dans
La Poblacion del Valle de Teotihuacan, vol. 1, dir. de
publ. Manuel Gamio, Mexico, Secretaria de Agricultura y
Fomento, Direccion de Antropologia, 1922, p. 218.
[30] LaPaz, « Topics in Meteoritics », p. 74.
[31]
Find a Falling Star, New York, Paul S. Ereksson, Inc.,
1972, p. 238.
[32] H. H. Nininger, Our Stone-Pelted Planet, Boston,
Houghton Mifflin, 1933, p. 75.
[33] Lehi in the Desert and the World of the Jaredites,
Salt Lake City, Bookcraft, 1952, pp. 210-213.
[34]
Lenore O. Keene Congdon, « Steel in Antiquity: A Problem in
Terminology », dans Studies Presented to George M. A.
Hanfmann, dir. de publ.
David G. Mitten etc., Harvard University, Fogg Art Museum
Monographs in Art and Archaeology 2 Mainz, Allemagne,
Verlag Philipp Von Zabern, 1971, pp. 17-27.
[35] Bancroft, The Native Races, vol. 2, p. 407.
[36] « Evidence for the Sources and Use of Tin During the
Bronze Age of the Near East: A Reply to J. E. Dayton »,
World Archaeology 5, 1973, p. 116.
[37] Caley et
Easby, « New Evidence of Tin », p. 515.
[38] De Charency, « Les Noms des Métaux », p. 540.
[39] R. de la Grasserie, Langue Zoque et Langue Mixe:
Grammaire, Dictionnaire, Bibliothèque linguistique
américaine 22, Paris, 1898, pp. 161, 169.
[40] Ce dernier point a été porté à mon attention par
l’assyriologue Paul Y. Hoskisson, ce dont je lui suis
reconnaissant.
[41] De la Grasserie, Langue Zoque, p. 170.
[42] Par exemple, Cecil H. Brown, « Growth and Development of
Folk Botanical Life-Forms in the Mayan Language Family »,
American Ethnologist 6, 1979, pp. 366-385.
[43] Lehi in the Desert, pp. 216-221; idem, Since Cumorah,
pp. 256-258
[44] Donald D. Brand, « The Coati or Pisote (Nasua narica) in
the Archaeology and Ethnology of Meso-America », Actas y
Memorias, 35a Congreso Internacional de Americanistas,
Mexico, 1962, vol. 3, Mexico, 1964, pp. 193-202. Pour une
théorie provocatrice de chevauchement de termes et de
classification, voir le traité de Joe E. Pierce, « Culture: A
Collection of Fuzzy Sets », Human Organization 36,
1977, pp. 197-200.
[45] The Role of
Semi-Domesticated Animal Resources in Middle American
Subsistence traité lu lors de la 37e réunion annuelle de la
Society for American Archaeology, 1972.
[46] Voici des sources représentatives: Matthew Wallrath,
Excavations in the Tehuantepec Region, Mexico,
Transactions of the American Philosophical Society, n.s., vol.
57, 2e partie, Philadelphie, 1967, p. 12; Kamar Al-Shimas,
The Mexican Southland, Fowler, Indiana, Benton Review
Shop, 1922, pp. 114-15; A. M. Tozzer, Landa's Relacion de
las Cosas de Yucatan, HUPM 18, 1941, pp. 201-202.
[47] L. C. Stuart, Fauna of Middle America, HMAI 1,
1964, pp. 318-319.
[48] Franz Termer, « Der Hund bei den Kulturvölkern
Altamerikas », Zeitschrift für Ethnologie 82, 1957, pp.
1-57; Ricardo E. Latcham, « Los Animales Domesticos de la
America Precolombina », Museo de Etnologia y Antropologia de
Chile, Publicaciones 3, no. 1, Santiago, 1922, pp.
42-73.
[49] Richard Perry, Life in Forest and Jungle, New
York, Taplinger, 1976, p. 91.
[50] Al-Shimas, The Mexican Southland, p. 115.
[51] Rafael Martin del Campo, « Contribucion a la Etnozoologia
Maya de Chiapas », dans Los Mayas del Sur y sus Relaciones
con los Nahuas Meridionales, VIII Mesa Redonda, San
Cristobal Las Casas, Chis., vol. 1, Revista Mexicana de
Estudios Antropologicos 17, 1961, p. 33.
[52] August C. Mahr, « Semantic Evaluation »,
Anthropological Linguistics 3, mai 1961, pp. 12, 23-24.
[53] Tozzer,
Landa's Relacion, pp. 203-204.
[54] Puleston, « Semi-Domesticated
Animal Resources », p. 6.
[55] Correspondance personnelle de Gareth Lowe, citant les
Anales del Museo Nacional David J. Guzman 5, nos. 17-18, 1954,
un article de l’historien Jorge Larde que je n’ai pas pu voir
directement.
[56] Jane Wheeler Pires-Ferreira, Edgardo Pires-Ferreira et
Peter Kralicke, « Preceramic Animal Utilization in the Central
Peruvian Andes », Science 194, 29 octobre 1976, pp.
483-490.
[57] Howel Williams, « Geologic Observations on the Ancient
Human Footprints near Managua, Nicaragua », Carnegie
Institution of Washington, Contributions to American
Anthropology and History 52, 1952, p. 30. Pour la datation
de la poterie usulutan qui y est associée, voir E. Wyllys
Andrews V, The Archaeology of Quelepa, El Salvador,
MARI 41, 1976, p. 65.
[58] Michael J. Snarskis, « Stratigraphic Excavations in the
Eastern Lowlands of Costa Rica », American Antiquity 4,
1976, 348-350. L’auteur signale avoir vu, dans des collections
privées, des vases à effigie du même genre, provenant du Costa
Rica, montrant des camélidés dont on avait bandé les yeux et
qui portaient des charges. Leur date, déterminée par des
facteurs stylistiques, se situe entre 300 av. J.-C. et 300
apr. J.-C., époque où il existait des liens particulièrement
forts entre la Mésoamérique de la côte Pacifique du Nicaragua
et du Costa Rica.
[59] Franz Termer, « Antiguedades de 'La Violeta,' Tapachula,
Chiapas », Estudios de Cultura Maya 4, 1964, pp. 90-92.
[60] J. J.
Williams, The Isthmus of Tehuantepec. . ., New York,
1852, p. 204.
[61] Wallrath, Tehuantepec Region, p. 14.
[62] Paul
S. Martin et H. E. Wright, Jr., dir. de publ., « Pleistocene
Extinctions: The Search for a Cause », Proceedings of the
International Association for Quaternary Research, VII
Congress, vol. 6, New Haven, Yale University Press, 1967, pp.
98-104; Robert A. Martin et S. David Webb, « Late Pleistocene
Mammals from the Devil's Den Fauna, Levy County », dans
Pleistocene Mammals of Florida, dir. de publ.
S. David Webb, Gainesville, University Presses of Florida,
1974, pp. 114-145; Jim J. Hester, « Late Pleistocene
Extinction and Radiocarbon Dating », American Antiquity
26, 1960, pp. 58-77; Paul S. Martin, « The Discovery of
America », Science 179, 9 mars 1973, p. 974.
[63] On signale avoir trouvé les restes d’un cheval avec des
restes humains lors de fouilles dans la caverne de Loltun, en
territoire maya. Le rapport ne mentionne aucune date.
Miami
Museum of Science Institute of Maya Studies Newsletter 7, no.
11, 15 novembre 1978, p. 2.
Les découvertes faites au Cenote Ch'en Mul, à Mayapan,
Yucatan, mentionnées par E. Ray, sont plus positives. Deux
lots contenant des ossements de chevaux ont été retirés de la
couche la plus basse, à environ deux mètres de profondeur. Ray
en a déduit à contre-cœur qu’ils devaient être précolombiens.
« Pre-Columbian Horses from Yucatan », Journal of Mammalogy
38, 1957, p. 278. Mercer avait trouvé d’autres restes de
chevaux dans des cavernes dans le sud-ouest du Yucatan en
compagnie d’objets archéologiques. The Hill Caves of
Yucatan, Philadelphie, Lippincott, 1896, p. 172.
[64] A. V.
Kidder, « Miscellaneous Specimens from Mesoamerica »,
Carnegie Institution of Washington Notes on Middle American
Archaeology & Ethnology 117, mars 1954, 20, figure 4e.
[65] David M.
Pendergast, « The Prehistory of Actun Balam, British
Honduras », Royal Ontario Museum Art and Archaeology
Occasional Paper 16, 1969, pp. 44-45.
[66] « Conocieron la Rueda los Indigenas Mesoamericanos? »
Cuadernos Americanos 25, no. 1, janvier-février 1946, en
face de 207.
[67] Munro
S. Edmonson, Quiche-English Dictionary, MARI 30 1965,
pp. 57-58.
Aussi kieh: cheval; kiehebal: coursier; kiehem: monté.
Comparez avec The War of Conquest: How It Was Waged Here in
Mexico. The Aztecs' Own Story as Given to Fr. Bernardino de
Sahagun, Rendered into Modern English by Arthur J. O. Anderson
and Charles E. Dibble, Salt Lake City, University of Utah
Press, 1978, p. 28, « Les chevaux – ils ressemblaient à des
cervidés – ils hennissaient »; p. 55, « Les
cervidés-qui-portaient-l’homme-sur-leur-dos, appelés
chevaux. »
[68] En plus des représentations de camélidés de Snarskis et
Termer, voir Termer, « Antiguedades », p. 91, concernant les
modelages de chiens et de « jaguars » portant des fardeaux
(mais on ne sait pas ce que cela signifie).
[69] Linne, Mexican Highland Cultures, p. 156.
[70] Howard W.
Law, « A Reconstructed Proto-Culture Derived from Some Yuman
Vocabularies », Anthropological Linguistics 3, 1961, p.
54.
[71] Id.; Martin et Webb, « Pleistocene
Mammals », pp. 144-145.
[72]
Wenner-Gren Foundation for Anthropological Research, Inc.,
Report for 1974, New York, 1975, p. 22, signalant les travaux
du Dr Warren L. Wittry.
[73] J. Augusta, The Age of Monsters, Prehistoric and
Legendary, Londres, Paul Hamlyn, 1966, pp. 11-12.
[74] Jim J. Hester, « Agency of Man in Animal Extinction »,
dans Martin et Wright, « Pleistocene Extinctions », p. 185.
[75] H. P. Beck, « The Giant Beaver: A Prehistoric Memory »,
Ethnohistory 19, 1972, p. 117; William Duncan Strong,
« North American Indian Traditions Suggesting Knowledge of the
Mammoth », American Anthropologist 36, 1934, pp. 81-88.
[76] E. M.
Shook, « The Present Status of Research on the Pre-Classic
Horizons in Guatemala », dans The Civilizations of Ancient
America, dir. de publ.
Sol Tax, New York, Cooper Square Publishers, 1967, p. 93. De
l’extrémité méridionale de l’Amérique du Sud nous vient un
renseignement qui pourrait rendre la possibilité de
l’existence du paresseux plus crédible. En Patagonie,vers le
début du 20e siècle, les spécialistes ont découvert des restes
du paresseux terrestre géant éteint avec de la peau qui avait
l’air fraîche et des os auxuqels adhéraient encore des
morceaux de muscle; dans une caverne dont une partie
importante avait été murée pour servir « d’étable », où les
déjections de paresseux étaient abondantes et où de l’herbe
coupée était empilée tout près pour servir de nourriture A.
Smith Woodward, « The Supposed Existing Ground-Sloth of
Patagonia », Natural Science 15, 1899, pp. 351-354.
Dans les années 1970, les travaux des archéologues au site de
Coba (Yucatan) ont révélé un enclos avec des murs pour animaux
domestiques. Les métates qu’on y a trouvés donnent à penser
qu’on leur faisait de la nourriture. On n’a trouvé aucune
indication permettant de dire quels étaient les animaux qu’on
y gardait. Jaime Garduno Argueta, « Introduccion al Patron de
Asentamiento del Sitio de Coba, Quintana Roo », Thèse
professionnelle, Escuela Nacional de Antropologia e Historia,
Mexico, 1979, pp. 107-108.
[77]
Hutton Webster, Primitive Secret Societies, New York,
Macmillan, 1908; Camilla H. Wedgwood, « The Nature and
Functions of Secret Societies », Oceania 1 1930, pp.
129-145; Norman MacKenzie, dir. de publ., Secret Societies,
New York, Holt, Rinehart et Winston, 1967.
[78] David Annan,
« The Mafia. » Dans Mackenzie, Secret Societies, p.
255.
[79] Nesta H. Webster, Secret Societies and Subversive
Movements, 7e éd. Londres, Britons Publishing Society,
1955, p. 188.
[80] Miguel Covarrubias, Mexico South: The Isthmus of
Tehuantepec, New York, Knopf, 1947, pp. 77-78.
[81] Id., p. 76.
[82] Peter D. Joralemon, A Study of Olmec Iconography,
Dumbarton Oaks Studies in Pre-Columbian Art and Archaeology 7,
1971; mais d’autres spécialistes ne sont pas du tout d’accord.
[83] Daniel G. Brinton, « Nagualism: A Study in Native
American Folk-lore and History », American Philosophical
Society, Proceedings 33, 1894, pp. 17, 12.
[84] Id.
[85] Id.,
37-41; Covarrubias, Mexico South, pp. 78-79.
[86] Brinton, « Nagualism »,
pp. 38-43.
[87] N. H. Webster, Secret Societies, p. 157.
[88] « Dans la Chine traditionnelle, la société secrète était
l’instrument principal d’expression des griefs populaires
contre le pouvoir supérieur de l’autorité impériale… Les
mécontents formaient une société de hors-la-loi ou se
joignaient à une société déjà existante. Proscrits par la loi,
les hommes recherchaient la clandestinité et vivaient de leur
intelligence et des ressources du pays. Ils ravageaient la
campagne et se cachaient dans les collines. La popularité que
connaissaient si souvent les bandits sociaux provenait de leur
identification réelle ou supposée aux masses et de leur
opposition à la pression exercée par l’autorité impériale sur
des institutions locales et plus ou moins indépendantes. En
Chine comme ailleurs, le banditisme social et son agent, la
société secrète, naissaient dans des conditions de tension. .
. . » Stanford M. Lyman, « Chinese Secret Societies in the
Occident: Notes and Suggestions for Research in the Sociology
of Secrecy », Canadian Review of Sociology and Anthropology 1,
mai 1964, p. 90. Voir aussi Maria Isaura Pereira de Queiroz,
« On Materials for a History of Studies of Crisis Cults »,
Current Anthropology 12, 1971, pp. 387-390.
[89] N. H. Webster, Secret Societies, p. 143
[90] Id., p. 1.
[91] Id.,
pp. 60, 178.
[92] Yehudi Cohen, « The Anthropological Enterprise »,
American Anthropologist 79, 1977, pp. 390, 393; Nibley,
Since Cumorah, pp. 399-409.
[93] Miguel Acosta Saignes, « Los Pochteca », dans De
Teotihuacan a los Aztecas, dir. de publ. Miguel
Leon-Portilla, Mexico, Universidad Nacional Autonoma de
Mexico, 1971, pp. 436-448; Rudolf van Zantwijk, « Las
Organizaciones Social-Economica y Religiosa de los Mercaderes
Gremiales Aztecas », Boletin de Estudios Latino-Americanos
10, 1970, pp. 1-20.
[94]
Gordon Brotherston, « Huitzilopochtli and What Was Made of Him »,
dans Mesoamerican Archeology: New Approaches, dir. de
publ., Norman Hammond, Austin, University of Texas Press,
1974, pp. 163-164.
[95] Munro
S. Edmonson, The Book of Counsel, MARI 35, 1971, pp.
215-217; Robert M. Carmack, Toltec Influence on the
Postclassic Culture History of Highland Guatemala, MARI
26, 1970, pp. 72-73.
[96] Lee A. Parsons et Barbara J. Price, dans Observations
on the Emergence of Civilization in Mesoamerica, dir. de
publ. Robert R. Heizer et John A. Graham, UCAR 11, 1971, pp.
169-195.
[97] Coe, « America's First
Civilization », op. cit., 110-111.
[98] The Preclassic Background for the Emergence of
Civilization in the Mexican Highlands, conférence faite devant
la Wenner-Gren Foundation Burg Wartenstein Symposium No. 47,
4-13 juillet 1970, p. 25.
[99] Kent
V. Flannery, « Contextual Analysis of Ritual Paraphernalia
from Formative Oaxaca. » Dans Flannery, dir. de publ., The
Early Mesoamerican Village, New York, Academic Press,
1976, pp. 338-340.
[100] J’utilise ici le terme lignée à un niveau très général.
La littérature anthropologique définit de diverses manières ce
terme et les termes apparentés. On trouvera un traitement
classique dans George P. Murdock, Social Structure, New
York, Macmillan, 1949, pp. 46 et suiv.
[101] Harold E. Driver, dans « Geographical Versus
Psycho-functional Explanations of Kin Avoidances », Current
Anthropology 7, 1966, pp. 131-182, traite de la force
relative de la tradition et de l’adaptation fonctionnelle.
[102] William A. Haviland, Ancient Lowland Maya Social
Organization, MARI 26 1968, pp. 95-117; idem, « Principles
of Descent in 16th Century Yucatan », Katunob 8, no. 2,
décembre 1972, pp. 63-73.
[103]
Haviland, « Principles of Descent », p. 64. Pour certaines
possibilités dans le nord de la Mésoamérique, Hugo G. Nutini,
« Clan Organization in a Nahuatl-Speaking Village of the State
of Tlaxcala, Mexico », American Anthropologist 63,
1961, pp. 62-78.
[104] Haviland, « Principles
of Descent », pp. 63-64.
[105] Id., p. 64.
[106] I. M. Lewis, « Force and Fission in Northern Somali
Lineage Structure », American Anthropologist 63, 1961,
p. 110. Comparez avec A. I. Richards, « A Problem of
Anthropological Approach », Bantu Studies 15, no. 1,
1941, p. 51.
[107] Par
exemple, G. C. Vaillant, The Aztecs of Mexico,
Harmondsworth, Penguin, 1950, pp. 97-98.
Ross T. Christensen a expliqué ceci pour les lecteurs membres
de l’Eglise dans « The Seven Lineages of Lehi », The New
Era 5, no. 5, mai 1975, pp. 50-51.
[108] L’hébreu n’avait pas de mot pour « religion ».
Cyrus H.
Gordon, Introduction to Old Testament Times, Ventnor,
New Jersey, Ventnor Publishers, 1953, p. 55.
Il est vraisemblable que le terme du Livre de Mormon traduit
par « religion » signifiait quelque chose comme « culte et
croyances concernant la Divinité ».
[109] Rene Millon, The Teotihuacan Map, Austin,
University of Texas Press, 1973, pp. 40-41; Nutini, « Clan
Organization », p. 62. « A Reconsideration of Early Metal in
Mesoamerica », Katunob 9, mars 1976, pp. 1-18.
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