CHAPITRE 8 : CAUSES
INTERIEURES (SUITE)
1. Parmi les causes directes menant à l'apostasie de l'Eglise primitive,
nous avons précisé : les additions sans autorité aux cérémonies de
l’Eglise et l'introduction de changements essentiels dans les ordonnances
principales.
2. Le ridicule dont les païens accablèrent l'Eglise primitive à cause de
la simplicité du culte chrétien a déjà été mentionné. Cette cause de
reproche n'était pas la moindre parmi les critiques judaïques pour qui le
rituel et la cérémonie, le formalisme et les rites prescrits figuraient
parmi les choses indispensables à la religion. Très tôt dans son histoire,
l'Eglise manifesta une certaine tendance à remplacer la simplicité
originelle de son culte par des cérémonies élaborées, modelées selon le
rituel judaïque et les idolâtries païennes.
3. Pour ce qui est de ces innovations, Mosheim écrit à propos des
conditions du deuxième siècle : « Il n'existe pas d'institution si pure et
si excellente que la corruption et la folie de l'homme n'altérera par la
suite ni n'encombrera d'ajouts étrangers à sa nature et à son dessein
premier. Ce fut particulièrement le cas du christianisme. Au cours de ce
siècle, beaucoup de rites et de cérémonies inutiles furent ajoutés au
culte chrétien et leur introduction fut très nuisible pour les hommes
sages et bons. Ces changements détruisant la belle simplicité de
l'Evangile flattèrent bien sur le goût de la foule qui se délecte plus de
la pompe et de la splendeur des institutions extérieures que des charmes
inhérents à la piété rationnelle et solide, et qui prête généralement peu
attention à tout ce qui ne frappe pas ses sens physiques[1]. » L'auteur
cité explique que les évêques de cette époque ont accru les cérémonies et
cherché à leur donner de la splendeur « en les accommodant aux faiblesses
et aux préjugés des Juifs comme des païens » [2].
4. Pour concilier plus efficacement les exigences de l'Evangile aux
préjugés judaïques, rattachés à la lettre de la loi mosaïque, les
officiers de l'Eglise du premier et du deuxième siècles s'attribuèrent les
anciens titres ; ainsi les évêques se nommèrent grands-prêtres et les
diacres lévites. « De même », dit Mosheim, da comparaison de l'oblation
chrétienne avec la victime et le sacrifice juifs, produisirent une
multitude de rites inutiles et fut l'occasion d'introduire cette notion
erronée de l'eucharistie, représentant cette grande offrande qui fut faite
un jour sur la croix pour les péchés des mortels comme un sacrifice réel,
et non seulement comme une commémoration » [3].
5. Au quatrième siècle, nous trouvons l'Eglise encore plus désespérément
livrée au formalisme et à la superstition. Le respect décent avec lequel
les restes des premiers martyrs avaient été honorés dégénéra en une
superstition révèrente qui atteignait le culte. Cette pratique fut
autorisée à l'instar de l'adoration païenne des héros déifiés. Des
pèlerinages aux tombes des martyrs devinrent une forme commune de dévotion
religieuse ; et les cendres des martyrs ainsi que la poussière et la terre
provenant des endroits rendus sacrés par certains événements inhabituels
furent vendues comme remèdes souverains contre la maladie et comme moyen
de protection contre les assauts des esprits du mal.
6. La forme de culte public changea tellement pendant le deuxième et le
troisième siècles qu'elle conserva très peu de ressemblance avec la
simplicité et la ferveur de celle des premières assemblées. Les discours
philosophiques prirent la place des témoignages fervents, et l'art
rhétorique et celui du débat de controverse remplaça la véritable
éloquence de la conviction religieuse. On permit les applaudissements et
ils étaient attendus comme preuve de la popularité du prédicateur. Brûler
de l'encens, acte d'abord abhorré par les assemblées chrétiennes en raison
de son origine et de sa signification païennes, était devenu fréquent dans
l'Eglise avant la fin du troisième siècle.
7. Au quatrième siècle, l'adoration des images, des représentations et des
effigies avait sa place dans le culte prétendument chrétien ; et la
pratique se généralisa au cours des siècles qui suivirent. Un effort pour
contrôler les abus provenant de cette pratique idolâtre au huitième siècle
aboutit à la guerre civile[4].
8. Si l'on considère ces exemples de cérémoniaux et de rites superstitieux
païens remplaçant la simple modalité découlant du culte authentique qui
caractérisait l'Eglise au jour de son intégrité, qui peut mettre en doute
le fait solennel et terrible d'une véritable apostasie? [5] Mais plus
importants encore que ces simples rajouts au cérémonial du rite sont les
changements introduits dans les ordonnances les plus sacrées et les plus
importantes de l'Eglise du Christ. Comme les autorités ecclésiastiques
s'accordent à considérer que les ordonnances les plus importantes de
l'Evangile établi à l'origine par le Christ et perpétué par ses apôtres
comprennent le baptême et la Sainte Cène du Seigneur, nous n'examinerons
que ces deux-là comme exemples des altérations sans autorité que nous
considérerons maintenant. En réduisant ainsi nos exemples d'illustration,
nous ne voulons pas dire que le baptême et la Sainte-Cène cités étaient
les seules ordonnances caractérisant l'Eglise ; les preuves abondent que
ce n'est pas le cas. Ainsi, l'imposition des mains avec l'autorité pour
conférer le Saint-Esprit dans le cas de croyants baptisés fut aussi
importante que le baptême lui-même[1], et fut sûrement considérée comme
une ordonnance essentielle dès le début[6]. De plus, l'ordination à la
prêtrise, par laquelle les hommes recevaient un pouvoir par autorité
divine, fut indispensable au maintien d'une Eglise organisée. Les exemples
choisis, cependant, seront suffisants pour répondre au but de notre
présente enquête.
CHANGEMENT DANS L'ORDONNANCE DU BAPTEME
9. D'abord donc, en quoi l'ordonnance du baptême consistait-elle à
l'origine quant au but et au mode d'administration, et quels changements
subit-elle au cours de l'apostasie progressive par laquelle l'Eglise
passa? Il n'est pas besoin de démontrer ici que le baptême est important ;
l'Eglise chrétienne a généralement soutenu cette idée tant dans les temps
anciens que dans les temps modernes[7]. Le but du baptême fut et est
l'obtention de la rémission des péchés ; le fait de satisfaire à cette
condition a été depuis le début le seul moyen d'obtenir l'accès dans
l'Eglise du Christ[8].
10. Dans les débuts de l'Eglise, le baptême fut administré sur profession
de foi et preuve de repentance, et était accompli par immersion[9] par une
personne investie de l'autorité requise de la prêtrise. Il n'y avait pas
de délai pour administrer l'ordonnance quand l'éligibilité avait été
démontrée. A titre d'exemples, nous pouvons citer la rapidité avec
laquelle le baptême fut administré aux croyants en ce jour important de la
Pentecôte[10] ; le baptême administré par Philippe au converti éthiopien
immédiatement après la profession de foi obligatoire[11] ; le baptême
immédiat de Corneille, le dévot, et de sa famille[12] ; et le baptême
rapide du geôlier converti par Paul, son prisonnier[13].
11. Au deuxième siècle, cependant, le mandat sacerdotal avait restreint le
baptême aux deux occasions de fêtes de l'Eglise, Pâques et la Pentecôte,
la première étant l'anniversaire de la résurrection du Christ et la
deuxième la commémoration du jour de la Pentecôte. Un circuit de
préparation long et pénible était exigé du candidat avant qu'il ne soit
reconnu digne ; pendant ce temps, il était connu comme catéchumène ou
novice en formation. Selon certaines autorités, un cours de préparation de
trois ans était toujours exigé sauf des cas d'exception[14].
12. Au cours du deuxième siècle, le baptême comme symbole d'une nouvelle
naissance fut mis en valeur par de nombreux rajouts à l'ordonnance ; ainsi
les nouveaux baptisés étaient traités comme des enfants et on leur donnait
du lait et du miel en signe de leur immaturité. Comme le baptême était
interprété comme une cérémonie de libération de l'esclavage de Satan,
certaines formules utilisées pour libérer les esclaves furent ajoutées.
L'onction d'huile devint aussi une partie de la cérémonie. Au troisième
siècle, la simple ordonnance du baptême fut encore plus encombrée et
pervertie par les services d'un exorciste. Ce personnage officiel se
livrait à « des menaces, à des cris et à des déclamations terribles » par
lesquels on chassait les démons et les esprits du mal dont le candidat
était censé être affligé. « Le fait de chasser les démons était alors
considéré comme une préparation importante au baptême après laquelle les
candidats retournaient chez eux, parés de couronnes et portant des
vêtements blancs tenus pour emblèmes sacrés, les premières de leur
victoire sur le péché et sur le monde, les autres de leur pureté et de
leur innocence intérieures[16] ». Il n'est pas difficile de voir dans
cette cérémonie superstitieuse la preuve d'une altération païenne de la
religion chrétienne. Au quatrième siècle, cela devint la coutume de mettre
du sel dans la bouche du membre nouvellement baptisé comme symbole de
purification, le baptême en lui-même étant précédé et suivi d'une onction
d'huile.
13. La forme ou le mode de baptême subirent aussi un changement radical
pendant la première moitié du troisième siècle, changement qui amena la
destruction de son symbolisme essentiel. L'immersion[17], représentation
de la mort suivie par la résurrection, ne fut plus considérée comme un
trait important, et l'aspersion d'eau fut autorisée à sa place. Une
autorité pas moins importante que Cyprien, l'évêque érudit de Carthage,
plaidait en faveur de l'aspersion au lieu de l'immersion dans les cas de
maladie physique ; et la pratique ainsi commencée devint ensuite générale.
Le premier exemple dont on ait trace est celui de Novatus, hérétique qui
demanda le baptême quand il sentit sa mort prochaine[18].
14. La forme du rite de baptême n'était pas seulement radicalement
changée, mais l'application de l'ordonnance fut pervertie. La pratique
consistant à administrer le baptême aux enfants fut reconnue conforme au
troisième siècle, mais son origine fut sans doute antérieure. A l'occasion
d'une polémique prolongée pour savoir s'il était sans danger de repousser
le baptême des enfants jusqu'au huitième jour après la naissance, suivant
la coutume juive de procéder à la circoncision ce jour-là, il fut
généralement décidé qu'un tel délai mettrait en danger le bien-être futur
de l'enfant s'il mourait avant d'atteindre l'âge de huit jours, et que le
baptême devrait être administré dès que possible après la naissance[19].
Il est difficile d'imaginer une doctrine plus infâme que celle de la
condamnation des enfants non baptisés, et il n'est pas nécessaire de
rechercher une preuve plus forte des hérésies qui avaient envahi et
corrompu l'Eglise primitive. Une telle doctrine est étrangère à l'Evangile
et à l'Eglise du Christ, et son adoption comme principe essentiel est
preuve d'apostasie[20].
CHANGEMENTS DANS L'ORDONNANCE DE LA SAINTE-CENE DU SEIGNEUR
15. La Sainte-Cène du Seigneur a été considérée comme une ordonnance
importante dès le temps de son établissement dans l'Eglise de
Jésus-Christ. Cependant, malgré son caractère sacré, elle a subi une
altération radicale, tant dans son symbolisme que dans son but reconnu. La
Sainte-Cène, telle qu'elle fut instituée par le Sauveur et administrée aux
jours du ministère des apôtres, était aussi simple que sacrée et
solennelle. Liée au véritable esprit de l'Evangile, sa simplicité est
sanctifiante ; interprétée par l'esprit d'apostasie, sa simplicité devient
un reproche. C'est de cela que proviennent la prescription de longues
prières de Sainte-Cène et l'introduction d'une grande pompe que nous
trouvons au troisième siècle. Les assemblées qui pouvaient se le permettre
utilisaient de la vaisselle d'or et d'argent, et ce avec ostentation. Les
non membres et les membres « qui étaient en état de pénitence » étaient
exclus du service de Sainte-Cène à l'instar du caractère exclusif lié aux
mystères païens. La polémique et la dissension éclatèrent pour savoir
quelle était la période correcte pour administrer la Sainte-Cène, le
matin, le midi ou le soir ; et pour savoir la fréquence de célébration de
l'ordonnance[21].
16. Par la suite, la doctrine de la transsubstantiation fut érigée en
principe important de l'Eglise de Rome. Pour résumer brièvement, les
substances, c'est-à-dire le pain et le vin utilisés pendant la
Sainte-Cène, perdent leur caractère de simples pain et vin et deviennent
en fait le corps et le sang du Christ crucifié. On prétend que la
transmutation a lieu d'une manière si mystique qu'elle trompe les sens ;
et ainsi, bien qu'étant réellement le corps et le sang, les éléments ont
encore l'apparence du pain et du vin. Cette vision, si fermement défendue
et respectée avec tant de ferveur par les membres conformistes de l'Eglise
romaine, est dénoncée avec violence par d'autres comme « un principe
absurde » [22] et « une doctrine monstrueuse et artificielle » [23]
17. L'origine de cette doctrine a donné lieu à force discussion[24], les
catholiques romains prétendant qu'elle est très ancienne, tandis que les
opposants insistent sur le fait que ce fut une innovation du huitième ou
du neuvième siècle. Selon Milner, elle fut ouvertement enseignée au
neuvième siècle[25] ; elle fut formellement établie en dogme par le
concile de Plaisance en 1095 ap. J.-C. [26] et devint un article de foi
important ; il fut demandé à tous d'y croire, par acte de la cour
ecclésiastique de Rome vers 1160. Un édit officiel du pape Innocent III
confirma le dogme comme principe et exigence obligatoires de l'Eglise en
1215[26] ; et cela reste effectivement en vigueur dans l'Eglise catholique
romaine de nos jours. La doctrine fut adoptée par l'Eglise grecque au
dix-septième siècle[28].
18. Les emblèmes consacrés, ou « hosties », étant considérés comme le
corps et le sang réels du Christ, furent adorés comme étant eux-mêmes
divins. Ainsi, « une pratique très pernicieuse d'idolâtrie se greffa à
l'acceptation de cette doctrine. Les hommes se prosternaient devant
l'hostie consacrée et l'adoraient comme Dieu ; et le caractère nouveau,
absurde et impie de cette abomination frappa beaucoup l'esprit de tous les
hommes qui n'avaient pas perdu tout sens de la religion vraie » [29]. L'«
élévation de l'hostie », c'est-à-dire la présentation des emblèmes
consacrés devant l'assemblée pour qu'elle les adore, est un élément du
rituel actuel de culte de l'Eglise catholique romaine. La célébration de
la messe est, enseigne-ton, un sacrifice réel, bien que mystique, au cours
duquel le Fils de Dieu est quotidiennement offert de nouveau en expiation
constante pour les péchés présents des fidèles assemblés. Une autre
altération de la Sainte-Cène eut lieu avec l'administration du pain
seulement, au lieu du pain et du vin comme cela était requis à l'origine.
19. C'est ainsi que le but simple et l'efficacité assurée de la
Sainte-Cène furent cachés derrière un nuage de mystère et une parade
cérémonielle. Comparez cela avec la simplicité solennelle de l'ordonnance
telle que le Seigneur l'a instituée : il prit du pain et du vin, les
bénit, les donna à ses disciples et dit : « Faites ceci en mémoire de moi
» [30]. A propos du pain, il dit : « Ceci est mon corps » ; à propos du
vin : « Ceci est mon sang » ; cependant son corps était alors intact, son
sang n'avait pas été versé. Les disciples mangèrent le pain, non pas le
corps d'un homme vivant et burent du vin, non pas du sang ; et il leur fut
commandé de faire cela en mémoire du Christ[31]. La perversion de la
Sainte-Cène est une preuve de l'écartement de l'esprit de l'Evangile du
Christ, et quand on en fait un dogme important dans une Eglise, c'est la
preuve de la condition apostate de cette Eglise.
20. Voici, « ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, ils
rompaient l'alliance éternelle » [32].
* * * * * * *
[1] Mosheim, EccL History, Cent. II, Part. 11, chap. 4.
[2] Voir note 1 à la fin du chapitre.
[3] Mosheim, EccL History, Cent. I, Part. 11, chap. 4 :4.
[4] Voir Mosheim, EceL History, Cent. VIII, Part. Il, chap. 3 :9,10.
[5] Voir note 2 à la fin du chapitre.
[6] Voir Actes 8 :5-8, 12, 14-17 ; aussi 19 :1-7 ; voir aussi 2 :38 ;
Matthieu 3 : 11 ; et Marc 1 : 8.
[7] Voir Matthieu 3 : 11.
[8] Pour un traitement concis de ce sujet, voir Articles de Foi du même
auteur, chap. 6 et 7.
[9] Voir Marc 1 :4 et Luc 3 :3 ; aussi Actes 2 :38 ; 1 Pierre 3 :21 et
Actes 22 :16. Comparer avec 2 Néphi 31 :17.
[10] Voir note 3 à la fin du chapitre.
[11] Actes 2 :37-41.
[12] Actes 8 :26-39.
[13] Actes 10 :47-48.
[14] Actes 16 :31-33.
[15] Schlegel, livre 8, chapitre 32.
[16] Mosheim, Eccl History, Cent. III, Part. 11, chap. 4-4.
[17] Voir note 3 à la fin du chapitre.
[18] A propos de la doctrine scripturale du baptême, de son mode
d'administration et de son symbolisme, voir chap. 6 et 7 des Articles de
Foi du même auteur.
[19] Voir Milner, Church History, Cent. III, chap. 13.
[20] Pour une discussion sur le baptême des enfants, voir le chapitre 6
des Articles de Foi du même auteur. Voir note 4 à la fin du chapitre.
[21] Voir note 5 à la fin du chapitre.
[22] Milner.
[23] Mosheim.
[24] Voir note 6 à la fin du chapitre.
[25] Milner, Church History, Cent. IX, chap. 1.
[26] Idem, Cent. XIII, chap. 1.
[27] Mosheim, Eccl History, Cent. XIII, Part. II, chap. 3 :2.
[28] Idem, Cent. XVIII, Part. 11, chap. 2 :3.
[29] Milner, Church History, Cent XIII, chap. 1.
[30] Luc 22 :19, 20, comparer avec Matt. 26 :27, 28.
[31] Pour un exposé complet du sacrement de la Sainte-Cène, voir Articles
de Foi, du même auteur, chapitre 9.
[32] Voir Esaïe24 :4-6.
NOTES
1. Cérémonies ajoutées comme compromis. Les Juifs et les païens étaient
habitués à une grande variété de cérémonies pompeuses et magnifiques dans
leurs services religieux. Et comme ils considéraient ces rites comme une
partie essentielle de la religion, il était naturel qu'ils considèrent
avec indifférence, voire avec mépris, la simplicité du culte chrétien qui
était dépourvu de ces cérémonies qui rendaient leurs services si spéciaux
et si frappants. Pour dissiper donc, dans une certaine mesure, ce préjugé
contre le christianisme, les évêques jugèrent nécessaire d'accroître le
nombre de rites et de cérémonies, et de rendre ainsi le culte publie plus
frappant aux sens physiques. Ce rajout de rites extérieurs avait aussi
pour but de faire disparaître les calomnies injurieuses dont les prêtres
juifs et païens accablaient les chrétiens à cause de la simplicité de leur
culte, les jugeant de peu supérieurs aux athées parce qu'ils n'avaient pas
de temples, pas d'autels, pas de victimes, pas de prêtres, ni quoi que ce
fût de cette pompe apparente dans laquelle le commun est si enclin à
placer l'essence de la religion. Les dirigeants de l'Eglise adoptèrent
donc certaines cérémonies extérieures pour qu'ils puissent ainsi captiver
les sens du commun et réfuter les reproches de leurs adversaires »
(Mosheim, Ecclesiastical History, Cent. II, Part II, chap. 4 :2, 3).
Voici une note ajoutée à l'extrait précédent par le traducteur anglais, le
docteur Archibald McLaine :
Un passage remarquable dans la vie de Grégoire, surnommé le Thaumaturge,
c'est-à-dire, le faiseur de miracles, illustrera ce point de la manière la
plus claire. Voici le passage : « Quand Grégoire vit que la foule
ignorante persistait dans son idolâtrie, à cause des plaisirs sensuels et
autres qu'ils avaient lors des fêtes païennes, il leur accorda la
permission de se livrer à ces plaisirs, à célébrer la mémoire des saints
martyrs, espérant que dans la suite du temps, ils retourneraient de leur
propre gré à un mode de vie plus vertueux et plus régulier. » Il ne fait
pas l'ombre d'un doute que par cette permission, Grégoire permit aux
chrétiens de danser, de s'amuser et de faire la fête près des tombes des
martyrs lors de leur fête respective et de faire tout ce que les païens
avaient l'habitude de faire dans leurs temples pendant les fêtes célébrées
en l'honneur de leurs dieux. »
Le Grégoire auquel il est fait allusion dans la note que l'on vient de
citer vécut au milieu du troisième siècle. Il acquit le titre de
Thaumaturge pour sa réputation de faiseur de miracles dont beaucoup
d'autorités contestent l'authenticité. Il fut évêque à Néocésarée et homme
de grande influence dans l'Eglise. Sa sanction des cérémonies modelées à
l'exemple des rites païens eut sans doute un effet profond.
2. Cérémonies de l’Eglise au cinquième siècle. « La théologie sublime et
simple des premiers chrétiens fut progressivement corrompue et la
monarchie céleste, déjà voilée par des subtilités métaphysiques, se
dégrada par l'introduction d'une mythologie populaire qui tendit à
rétablir le règne du polythéisme. Comme les objets de la religion furent
progressivement réduits au principe de l'imagination, on introduisit les
rites et les cérémonies qui semblaient influencer plus puissamment les
sens du commun. Si, au début du cinquième siècle, Tertullien ou Lactance
étaient soudain ressuscités des morts, pour assister à la fête de tel ou
tel saint ou martyr populaire, ils auraient regardé avec étonnement et
indignation le spectacle profane qui avait succédé au culte pur et
spirituel d'une assemblée chrétienne. Dès que les portes de l'Eglise
auraient été ouvertes, ils auraient été incommodés par la fumée de
l'encens, le parfum des fleurs et l'éclat des lampes et des cierges qui
diffusaient, à midi, une lumière fastueuse, superflue et, à leur avis,
sacrilège. S'ils s'étaient approchés de la balustrade de l'autel, ils
auraient avancé dans la foule prosternée formée pour la majeure partie
d'étrangers et de pèlerins qui résidaient dans la ville pour les fêtes et
qui ressentaient déjà la forte intoxication du fanatisme et peut-être du
vin. Leurs baisers dévots étaient marqués sur les murs et le sol de
l'édifice sacré ; et leurs prières ferventes étaient adressées, quel que
pût être le langage de leur Eglise, aux os, au sang, aux cendres des
saints qui étaient généralement cachés par un drap ou un voile de soie aux
yeux du commun. Les chrétiens fréquentaient les tombeaux des martyrs dans
l'espoir d'obtenir, de leur puissante intercession, toutes sortes de
bénédictions spirituelles mais plus spécialement temporelles . . . Le même
esprit originel uniforme de superstition pouvait proposer, à des époques
et dans des pays les plus éloignés, les mêmes méthodes pour tromper la
crédulité et pour affecter les services de l'humanité ; mais il faut
confesser franchement que les ministres de l'Eglise catholique imitaient
le modèle profane qu'ils étaient impatients de détruire. Les évêques les
plus respectables s'étaient persuadés de ce que les rustres ignorants
renonceraient de meilleur gré aux superstitions du paganisme s'ils
découvraient une ressemblance, une compensation au sein du christianisme.
La religion de Constantin conquit définitivement, en moins d'un siècle,
l'empire romain ; mais les vainqueurs eux-mêmes étaient insensiblement
soumis aux cris de leurs rivaux vaincus » (Gibbon, Decline and Fall of the
Roman Empire, chapitre 20).
3. Premier aspect du baptême chrétien. L'histoire fournit des preuves
abondantes qu'au premier siècle après la mort du Christ, le baptême était
administré seulement par immersion. Tertullien fait ainsi allusion à la
cérémonie d'immersion commune à son époque : « Peu importe que l'on soit
lavé dans la mer, dans un étang, une rivière ou une fontaine, un lac ou un
canal ; peu importe aussi que l'on soit plongé dans le Jourdain par Jean
ou daris le Tibre par Pierre ... Nous sommes immergés dans l'eau. »
Justin le martyr décrit la cérémonie qu'il pratiqua lui-même. Décrivant
d'abord l'examen préparatoire des candidats, il dit : « Après cela, nous
les conduisons où il y a de l'eau et ils renaissent à cette sorte de
nouvelle naissance selon laquelle nous sommes nous-mêmes nés de nouveau.
Car au nom de Dieu, le Père et Seigneur de tout, et de Jésus-Christ, notre
Sauveur, et du Saint-Esprit, l'immersion est accomplie dans l'eau ; parce
que le Christ a aussi dit : « Si un homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne
peut entrer dans le royaume de Dieu. »
L'évêque Bennet a dit à propos des pratiques des premiers chrétiens : «
Ils les menèrent dans l'eau et les ensevelirent dans l'eau comme un homme
est enseveli dans une tombe ; puis ils dirent ces paroles : « Je te
baptise (ou lave) au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit » ; puis
ils les faisaient sortir et des vêtements propres leur étaient mis ; c'est
de là que vient l'expression être baptisé dans la mort du Christ ou être
ressuscité avec le Christ et prendre sur soi le noM du Seigneur
Jésus-Christ, rejetant le vieil homme et assumant le nouveau. »
Il ne fait pas de doute que les apôtres immergeaient ceux qu'ils
baptisaient ... Et il est très clairement prouvé Par d'innombrables
témoignages des pères que l'Eglise primitive suivait leur exemple »
(Vossius). « L'ancienne méthode la plus utilisée fut sans question le fait
d'ensevelir pour ainsi dire la personne baptisée daris l'eau et la sortir
de nouveau (l’archevêque Secker).
« L'immersion » était la méthode habituelle pour administrer le baptême
dans l'Eglise primitive ... L'immersion était, sans aucun doute, le mode
commun d'administrer le baptême et fut maintenue quand le baptême pour les
bébés fut en vigueur. . - L'aspersion prit progressivement la place de
l'immersion sans que l'on ait formellement renoncé à l'autre pratique »
(Canon Farrar).
4. Notes historiques sur le baptême des bébés. « Le baptême des bébés au
cours des deux premiers siècles après le Christ, était totalement inconnu
... La coutume de baptiser les bébés ne commença pas avant le troisième
siècle après la naissance du Christ. Ali cours des premiers siècles, on
n'en trouve pas trace ; et c'est sans le commandement du Christ qu'il fut
introduit » (Curcullaeus).
« Il est certain que le Christ n'ordonna pas le baptême des bébés ... Nous
ne pouvons pas trouver que les apôtres ordonnèrent le baptême des bébés.
Nous ne pouvons pas tirer une telle conclusion des passages où l'on
mentionne le baptême d'une famille entière (comme dans Actes 16 :33 ; 1
Corinthiens 1 :16), parce qu'il faut encore rechercher s'il y avait des
bébés dans ces familles qui aient un âge qui ne leur permettait pas de
recevoir l'Evangile en le comprenant ; car c'est là-dessus que tout
repose.. . Comme le baptême était étroitement lié à l'entrée consciente
dans la communion chrétienne, la foi et le baptême étaient toujours
associés ; et donc il est probable au plus haut degré que le baptême ne
fut accompli que dans des cas où les deux étaient satisfaits ensemble et
que la pratique du baptême des bébés était inconnue à cette période (la
période apostolique) . . . Le fait qu'il n'apparaisse pas de trace de
baptême de bébés jusqu'à une période aussi tardive que celle d'Irénée (au
moins certainement pas avant lui) et vu que la première fois qu'il fut
reconnu comme une tradition apostolique date du courant du troisième
siècle est une preuve plutôt en défaveur qu'en faveur de l'admission de
son origine apostolique » (Johann Neander, théologien allemand qui vécut
dans la première moitié du dix-neuvième siècle).
« Qu'ils viennent donc quand ils sont grands, quand ils peuvent
comprendre, quand on leur enseigne où ils doivent venir. Qu'ils deviennent
chrétiens quand ils peuvent connaître le Christ (Tertullien, l'un des «
pères chrétiens » latins, vécut de 150 à 200 ap. J.-C.). L'opposition
presque violente de Tertullien à la pratique du baptême des bébés est cité
dans Neander comme « preuve que ce n'était alors pas généralement
considéré comme une ordonnance apostolique ; car dans ce cas, il ne se
serait pas aventuré à parler si fermement contre elle ».
Martin Luther, écrivant dans la première moitié du seizième siècle,
déclara : « Il ne peut pas être prouvé par les Ecritures sacrées que le
baptême des bébés fut institué par le Christ ou commencé par les premiers
chrétiens après les apôtres. »
Par tekna, l'apôtre entend non pas bébés mais postérité ; le mot apparaît
en de nombreux endroits du Nouveau Testament (voir entre autres Jean 8
:39) dans ce sens ; d'où il semble découler que l'argument qui est très
communément tiré de ce passage pour le baptême des bébés est sans effet et
ne vaut rien » (Limborch, originaire de Hollande et théologien de renom,
vécut de 1633 à 1712).
5. Résumé des changements dans l'ordonnance de la Sainte-Cène. « Les
erreurs concernant la Sainte-Cène, sa signification et la manière de
l'administrer, se multiplièrent rapidement pendant les premiers siècles de
l'ère chrétienne. Dès que le pouvoir de la prêtrise n'exista plus, de
nombreuses discussions s'élevèrent concernant l'ordonnance, et
l'observation de la Sainte-Cène fut altérée. Des professeurs de théologie
s'efforcèrent de faire naître l'idée qu'il y avait un grand mystère dans
ce rite naturellement simple et des plus impressionnants ; que tous ceux
qui n'étaient pas en entière communion avec l'Eglise devaient être exclus,
non seulement de la participation à l'ordonnance, ce qui était
justifiable, mais du droit d'assister au service, pour ne pas profaner le
rite mystique par leur présence impie. Ensuite naquit l'hérésie de la
transsubstantiation - qui prétend que les emblèmes de la Sainte-Cène
perdaient, par la cérémonie de la consécration, leur caractère naturel de
simple pain et vin et devenaient en réalité de la chair et du sang - des
parties réelles du corps crucifié du Christ. Point n'est besoin
d'arguments contre de tels dogmes. Alors suivit la vénération, par le
peuple, des emblèmes, le pain et le vin, considérés comme parties du corps
du Christ, élevés dans la messe pour l'adoration du peuple ; et plus tard
la coutume de la suppression de la moitié du sacrement fut introduite. Par
l'innovation mentionnée en dernier lieu, le pain seul fut administré,
l'assertion dogmatique étant que le corps et le sang sont représentés
d'une façon mystique dans un des « éléments ». Il est certain que le
Christ commanda à ses disciples de manger et de boire en souvenir de lui »
(du même auteur, Articles de Foi, chapitre 9, note 4).
6. A propos de l'ancienneté de la doctrine de la transsubstantiation.
Comme décrit dans le texte, la date d'origine de la doctrine catholique de
la transsubstantiation a beaucoup été débattue. Le résumé suivant est
instructif. « Les protestants combattant l'idée catholique de la présence
réelle du corps et du sang dans l'eucharistie, la transsubstantiation, ont
tenté de prouver que cette doctrine n'était pas antérieure au huitième
siècle. En ceci, cependant, les preuves sont contre eux. Ignace, évêque
d'Antioche, écrivant au début du deuxième siècle, dit de certains présumés
hérétiques : « Ils n'admettent pas les eucharisties et les oblations parce
qu'ils ne croient pas que l'eucharistie soit le corps de notre Sauveur
Jésus-Christ qui souffrit pour nos péchés » (Epître d'Ignace aux habitants
de Smyrne). De même Justin le martyr écrivit dans la première moitié du
deuxième siècle : « Nous ne les considérons pas (le pain et l'eau) comme
aliment ordinaire ou comme un besoin ordinaire mais, comme par la parole
de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, fut fait chair et prit sur lui la
chair et le sang pour notre salut, de même la nourriture qui était bénie
par la prière de la parole qui émane de lui et de qui notre corps et notre
sang, par transmutation, reçoivent la nourriture est, nous est-il
enseigné, le corps et le sang de ce Jésus qui fut chair » (Apologie de
Justin à l'empereur Antonius). Après le temps de Justin, le témoignage des
pères est abondant. Il ne peut y avoir de doute quant à l'ancienneté de
l'idée de la présence réelle du corps et du sang de Jésus dans
l'eucharistie ; mais cela prouve, comme nous le disions du baptême des
bébés, non pas que la doctrine est vraie mais que peu après la mort des
apôtres, la simplicité de l'Evangile fut corrompue ou entièrement
abandonnée » (B. H. Roberts, Outlines of Ecelesiastical History, p. 133).
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