CHAPITRE 9 : CAUSES
INTERIEURES (SUITE)
1. Parmi les causes déterminantes conduisant à l'apostasie générale de
l'Eglise, nous avons spécifié comme troisième dans la série : Changements
sans autorité dans l'organisation et le gouvernement de l’Eglise.
2. Une comparaison entre le plan d'organisation sur lequel l'Eglise
primitive était fondée et le système Ecclésiastique qui prit sa place
donnera une preuve précieuse de la condition vraie ou apostate de l'Eglise
moderne. L'Eglise primitive était gérée par des apôtres, des pasteurs, des
grands-prêtres, des soixante-dix, des anciens, des évêques, des prêtres,
des instructeurs et des diacres[1]. Nous n'avons pas de preuve que le
conseil président de l'Eglise, comprenant les douze apôtres, se perpétua
au-delà du ministère terrestre de ceux qui avaient été ordonnés à cet
appel saint pendant la vie du Christ ou peu de temps après son ascension.
Et nous n'avons pas trace d'ordination de personnes à l'apostolat,
indépendamment de l'appartenance au conseil des douze, au-delà de ceux
dont l'appel et le ministère sont rapportés dans le Nouveau Testament qui,
en tant que récit historique, prend fin avec le premier siècle.
3. L'histoire Ecclésiastique autre que les Saintes Ecritures nous informe
cependant que partout où une branche, ou Eglise, était organisée, un
évêque ou un ancien était mis en fonction. Il ne fait aucun doute que
pendant la vie des apôtres, ils étaient reconnus et respectés comme
autorités présidentes de l'Eglise.
Quand on établissait des branches ou Eglises, on choisissait des évêques
et on soumettait leur nomination au vote des membres. Comme on l'a déjà
précisé, le principe de l'autonomie, ou consentement commun, était
respecté au temps des apôtres avec un soin qui touchait au devoir sacré.
Nous lisons que les évêques étaient assistés dans leur administration
locale par des anciens et des diacres.
4. Après le départ des apôtres, les évêques et d'autres officiers furent
nommés par les autorités existantes ou sur leur instance. Les affaires de
chaque Eglise ou branche étaient dirigées et réglées par les officiers
locaux de telle sorte que l'égalité régnait entre les différentes Eglises,
aucune n'exerçant ou ne réclamant la suprématie sauf par déférence
volontairement accordée aux Eglises qui avaient été organisées parle
ministère personnel des apôtres. Tout au long du premier et pendant la
plus grande partie du deuxième siècles, « Ies Eglises chrétiennes étaient
indépendantes les unes des autres ; et elles n'étaient pas liées par une
association, une confédération ou d'autres liens que ceux de la charité.
Chaque assemblée chrétienne était un petit Etat, gouverné par ses propres
lois qui étaient soit décrétées, soit soutenues par la société » [2].
5. Il en était de même pour les évêques que pour leurs Eglises : une
égalité était reconnue entre eux. Par la suite, au deuxième siècle et tout
au long du troisième, cependant, des distinctions et des signes de rang
marqués apparurent parmi les évêques, ceux des grandes villes riches
prenant préséance en autorité et en dignité sur les évêques des provinces
du pays. Les évêques des villes ou des provinces les plus grandes
s'arrogèrent le titre distinctif de métropolitains[3] et exercèrent un
pouvoir de présidence sur les évêques d'une juridiction plus limitée.
6. Le deuxième siècle fut marqué par la coutume de tenir des synodes ou
conciles de l'Eglise ; cette pratique trouva son origine dans les Eglises
de Grèce, puis elle devint générale. Le pouvoir de ces conciles s'accrut
rapidement de telle sorte qu'au troisième siècle, nous les trouvons en
train de légiférer pour les Eglises et de diriger par édit et commandement
dans des matières qui étaient autrefois laissées au vote des gens. Il est
inutile de dire que cette façon de s'arroger l'autorité est à l'origine de
l'arrogance et de la tyrannie dans le gouvernement de l'Eglise. Comme la
forme de gouvernement de l'Eglise changeait de plus en plus, beaucoup
d'ordres du clergé ou d'officiers de l'Eglise de moindre importance virent
le jour ; c'est ainsi qu'au troisième siècle, nous trouvons, d'après les
Ecritures, sous-diacres, acolytes, huissiers, lecteurs, exorcistes et
copistes. Comme exemple de l'orgueil de l'office, il vaut la peine de
remarquer qu'il était interdit au sous-diacre de s'asseoir en présence
d'un diacre sans que ce dernier ne donne son accord.
7. Rome, si longtemps la « maîtresse du monde » dans les affaires
séculières, s'arrogeait la prééminence dans les affaires de l'Eglise, et
l'évêque de Rome réclamait la suprématie. Il ne fait aucun doute que
l'Eglise fut organisée à Rome par Pierre et par Paul. La tradition, fondée
sur l'erreur, disait que l'apôtre Pierre fut le premier évêque de Rome ;
et ceux qui furent successivement reconnus comme évêques de la métropole
prétendirent être, en fait, les successeurs de l'apôtre président. De nos
jours, la grande, mais néanmoins fausse, prétention de l'Eglise catholique
est que le pape actuel est le dernier successeur en ligne - non seulement
à l'épiscopat mais à l'apostolat.
8. La juste suprématie des évêques de Rome, ou des pontifes romains comme
on les appela par la suite, ne tarda pas à être remise en question ; et
quand Constantin fit de Byzance, ou Constantinople, la capitale de
l'empire, l'évêque de Constantinople réclama l'égalité. La dispute divisa
l'Eglise, et pendant cinq cents ans la dissension s'accrut ; au neuvième
siècle (855 ap. J.-C.) elle mena à un grand schisme à la suite duquel
l'évêque de Constantinople, qui se distingua par le nom de patriarche,
refusa toute autre allégeance à l'évêque de Rome qui se nommait aussi le
pontife de Rome. Ce schisme est caractérisé aujourd'hui par la distinction
que l'on fait entre les catholiques romains et les catholiques grecs.
9. L'élection du pontife, ou évêque de Rome, fut longtemps laissée au
suffrage du peuple et du clergé ; par la suite, la fonction électorale fut
dévolue au seul clergé ; et au onzième siècle, le pouvoir fut donné au
collège des cardinaux qui le détient toujours à l'heure actuelle. Les
pontifes romains s'efforcèrent, par un zèle de tous les instants,
d'acquérir une autorité temporelle comme une autorité spirituelle ; et
leur influence était devenue si grande qu'au onzième siècle nous les
trouvons en train de clamer le droit de diriger les princes, les rois et
les empereurs dans les affaires des différentes nations. C'est à cette
époque, celle du début de leur plus grand pouvoir temporel, que les
pontifes prirent le nom de pape, le mot signifiant littéralement « papa »,
ou père, et l'appliquèrent dans le sens de père universel. Le pouvoir des
papes s'accrut pendant le douzième siècle et on peut dire qu'il atteignit
ses sommets au treizième siècle.
10. Non contents de la suprématie prise dans toutes les affaires
Ecclésiastiques, les papes « poussèrent l'insolence jusqu'à prétendre se
donner pour maîtres de l'univers, arbitres de la destinée des royaumes et
des empires, et souverains suprêmes sur les rois et les princes de la
terre » [4]. Ils prétendirent au droit d'autoriser et d'orienter les
affaires internes des nations et de rendre légale la rébellion des sujets
contre leur souverain si ce dernier ne restait pas favorable au pouvoir de
la papauté.
11. Comparez cette Eglise arrogante et tyrannique du monde avec l'Eglise
du Christ. Notre Seigneur a déclaré à Pilate : « Mon royaume n'est pas de
ce monde » [5]; et une autre fois auparavant quand le peuple voulut le
proclamer roi avec une domination terrestre[6], il s'éloigna d'eux.
Cependant, l'Eglise qui se vante de son origine divine comme fondée par le
Christ, qui ne voulut pas être roi, s'érige au-dessus de tous les rois et
souverains et se proclame le pouvoir suprême dans les affaires des
nations.
12. Au quatrième siècle, l'Eglise avait promulgué ce que l'on a depuis
désigné comme une infamie, à savoir que « si, après avertissement
convenable, on soutenait des erreurs de religion et y adhérait, on
encourait des peines civiles et des tortures corporelles » [7]. L'effet de
cette règle injuste apparut de plus en plus atroce au fil des années de
sorte qu'au onzième siècle et plus tard, nous découvrons l'Eglise
infligeant des peines sous forme d'amendes, d'emprisonnement, de tortures
physiques et même de mort pour des infractions aux règles de l'Eglise et,
plus infâme encore, accordant la réduction ou l'annulation de ces peines
contre versement d'argent. Cela mena à la pratique choquante de la vente
des indulgences ou pardons, coutume qui fut ensuite portée au terrible
extrême qui consistait à en établir avant que l'on ne commette une offense
particulière, offrant ainsi littéralement contre argent des permis de
pécher, avec l'assurance de l'immunité temporelle et la promesse de
l'immunité spirituelle.
13. Le fait d'accorder des indulgences à titre d'exemption de peines
temporelles se limitait d'abord aux évêques et à leurs agents et cette
pratique date, sous forme de commerce organisé, du milieu du douzième
siècle environ. C'est aux papes cependant qu'était réservé le droit de
remettre les peines de l'au-delà contre paiement des sommes prescrites,
allant ainsi jusqu'à l'extrême blasphème. La prétendue justification de
cette prétention impie était aussi horrible que l'acte lui-même et
constitue la terrible doctrine de surérogation.
14. Telle qu'elle est formulée au treizième siècle, cette doctrine était
présentée de la sorte : « Il existe vraiment un immense trésor de mérite
composé des pieuses et vertueuses actions que les saints avaient
accomplies au-delà de ce qui était nécessaire pour leur propre salut, et
qui étaient donc applicables au profit des autres ; le gardien et
dispensateur de ce précieux trésor était le pontife romain, et il avait
donc le pouvoir de donner à qui il jugeait bon une partie de cette source
inépuisable de mérite, selon la culpabilité respective de chacun et
suffisamment pour les délivrer de la punition encourue du fait de ses
crimes[8]. »
15. La doctrine de surérogation manque tout autant de raison que de base
scripturale et de véracité. La responsabilité individuelle de l'homme pour
ses actes est tout aussi sûrement un fait que son libre arbitre d'agir
pour lui-même. Il sera sauvé par les mérites et par le sacrifice
expiatoire de notre Rédempteur et Seigneur ; et son appel au salut fourni
dépend strictement de sa soumission aux principes et ordonnances de
l'Evangile tel que Jésus-Christ l'a établi. La rémission des péchés et le
salut éventuel de l'âme humaine sont donnés ; mais ces dons de Dieu ne
peuvent s'acheter avec de l'argent. Comparez les terribles fausses idées
de la surérogation et la pratique blasphématoire de prendre sur soi de
remettre les péchés d'un homme sur la base des mérites d'un autre avec la
déclaration du seul et unique Sauveur de l'humanité : « Je vous le dis :
au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine
qu'ils auront proférée[9]. » Son apôtre inspiré, voyant le jour de
terrible certitude en vision prophétique, témoigne solennellement : « Et
je vis les morts, les grands et les petits, qui se tenaient devant le
trône. Des livres furent ouverts. Et un autre livre fut ouvert, celui qui
est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs oeuvres,
d'après ce qui était écrit dans ces livres. La mer rendit les morts qui
étaient en elle, la mort et le séjour des morts rendirent les morts qui
étaient en eux ; et chacun fut jugé selon ses oeuvres[10]. »
16. Les Ecritures proclament le fait éternel de la responsabilité
individuelle[11] ; l'Eglise déclare au jour de sa décadence que le mérite
de l'un peut être acheté par un autre et payé en devises du monde. Une
telle Eglise peut-elle être dans quelque mesure l'Eglise du Christ?
17. Pour illustrer la vente d'indulgence en Allemagne au seizième siècle,
nous avons le récit des actes de Johannes Tetzel, un agent du pape, qui
voyageait pour vendre le pardon des péchés. Milner dit : « Myconius nous
assure lui-même avoir entendu Tetzel pérorer avec une effronterie
incroyable à propos du pouvoir illimité du pape et de l'efficacité des
indulgences. Le peuple croyait que du moment que n'importe quelle personne
avait payé l'argent pour l'indulgence, il était certain de son salut ; et
que les âmes pour lesquelles les indulgences étaient achetées étaient
immédiatement libérées du purgatoire ... Johannes Tetzel se vantait
d'avoir sauvé plus d'âmes de l'enfer par ses indulgences que saint Pierre
n'en avait converties par sa prédication. Il assurait à ses acheteurs que
leurs crimes, si énormes fussent-ils, seraient pardonnés ; d'où la quasi
inutilité pour lui de les exhorter à abandonner toutes craintes concernant
leur salut. Car, la rémission des péchés étant complètement obtenue, quel
doute pouvait-il y avoir concernant le salut[12]? »
18. La copie d'une indulgence écrite de la main de Tetzel, vendeur de
pardons du pape, nous est parvenue sous la forme suivante : « Que notre
Seigneur, Jésus-Christ, vous fasse miséricorde et vous absolve par les
mérites de sa passion très sainte. Et moi, par son autorité, celle de ses
apôtres Pierre et Paul, et par celle du très saint pape, qui m'a été
accordée et confiée dans ces domaines, je t'absous, premièrement de toutes
les condamnations Ecclésiastiques, quelle que fût la manière dont tu les
as encourues ; et puis de tous les péchés, transgressions et excès, si
énormes qu'ils puissent être, même de ceux qui sont réservés à la
connaissance du saint siège ; et aussi loin que les clefs de l'Eglise
sainte s'étendent, je te remets toutes les punitions que tu mérites dans
le purgatoire à cause d'elles ; et je te rétablis aux saints sacrements de
l'Eglise, à l'unité des fidèles et dans cette innocence et cette pureté
qui étaient tiennes lors de ton baptême ; afin qu'à ta mort, les portes du
châtiment soient fermées et que les portes du paradis de délices soient
ouvertes ; et si tu ne meurs pas maintenant, cette grâce restera en pleine
vigueur quand tu seras sur le point de mourir. Au nom du Père et du Fils
et du Saint-Esprit[13]. »
19. A titre d'excuse ou de défense, on a dit en faveur de l'Eglise
catholique romaine qu'une profession de contrition ou de repentance était
requise de chaque demandeur d'indulgence et que le pardon était établi sur
la base de cette pénitence et non pas premièrement pour de l'argent ou
pour un équivalent ; mais que ceux qui recevaient des indulgences, d'abord
volontairement, et par la suite en accord avec la coutume établie,
faisaient une offrande matérielle ou un don à l'Eglise. On rapporte, en
outre, que certains des abus associés à la vente des indulgences furent
désapprouvés par le concile de Trente, vers le milieu du seizième siècle.
Néanmoins le terrible fait demeure que pendant quatre cents ans, l'Eglise
avait prétendu que son pape avait le pouvoir de remettre tous les péchés
et que l'on avait vendu et acheté la promesse de rémission[14].
20. Le terrible péché de blasphème consiste à prendre à son compte les
prérogatives et les pouvoirs divins. Nous trouvons ici le pape de Rome,
chef de la seule Eglise reconnue à l'époque, prenant sur lui de remettre
les punitions à subir dans l'au-delà pour les péchés commis dans la
mortalité. Un pape prétendant siéger en jugement comme Dieu lui-même!
N'est-ce pas là l'accomplissement des terribles conditions d'apostasie
prévues et prédites comme devant précéder la seconde venue du Christ?
Lisez vous-mêmes : « Que personne ne vous séduise d'aucune manière ; car
il faut que l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître
l'homme du péché, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève
au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou de ce qu'on adore, jusqu'à
s'asseoir dans le temple de Dieu[15]. »
21. Un autre abus perpétué par les conciles et par lesquels les souverains
pontifes exerçaient leurs pouvoirs autocratiques, se révèle par les
restrictions imposées concernant la lecture et l'interprétation des
Ecritures. Le même concile de Trente, qui avait désavoué l'autorité ou le
blâme pour les actes des représentants de l'Eglise à propos du commerce
scandaleux d'indulgences, prescrivit des régulations plus rigides
interdisant la lecture des Ecritures par le peuple. Ainsi- « Une loi
sévère et intolérable fut décrétée, concernant tous les interprétations et
commentaires des Ecritures ; elle leur interdisait d'expliquer le sens de
ces livres divins, sur des points de foi et de pratique, de manière à leur
faire parler un langage différent de celui de l'Eglise et des anciens
docteurs. La même loi déclara aussi que seule l'Eglise (c'est-à-dire son
dirigeant, le pontife de Rome) avait le droit de déterminer la vraie
signification des Ecritures. Pour remplir la mesure de ces procédés
tyranniques et iniques, l'Eglise de Rome s'obstina à affirmer, bien que
pas toujours avec la même imprudence ni la même simplicité de langage, que
les saintes Ecritures n'étaient pas composées pour l'usage de la foule,
mais seulement pour celui de ses instructeurs spirituels ; et, en
conséquence, ordonna que ces divins écrits fussent retirés au peuple en
tous lieux où il était permis de mettre à exécution sa demande
impérieuse[16]. »
22. Est-il possible qu'une Eglise enseignant de telles hérésies puisse
être l'Eglise établie par Jésus-Christ? Le Seigneur Jésus commandait à
tous : « Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles
la vie éternelle : ce sont elles qui rendent témoignage de moi[17]. »
23. Les ténèbres s'étaient sûrement abattues sur la terre. L'Eglise du
Christ avait depuis longtemps cessé d'exister. À la place d'une prêtrise
conférée par autorité divine, une papauté créée par l'homme menait avec la
main de fer de la tyrannie et sans égard des limites morales. Dans une
oeuvre savante, le docteur J.W. Draper donne la liste des pontifes qui
sont passés à la tête de l'Eglise depuis le milieu du huitième siècle
jusqu'au milieu du onzième siècle
avec des notes biographiques pour chacun[18]. Et quel tableau y
trouve-t-on dépeint!
Pour remporter la couronne papale, pas un crime n'était trop grand ; et,
pendant plusieurs siècles, les immoralités de beaucoup de papes et de
leurs subordonnés sont trop choquantes pour qu'on en donne une description
détaillée. On peut prétendre que l'auteur cité en dernier et dont les
paroles figurent ci-dessous, était un opposant reconnu de l'Eglise
catholique romaine et que son jugement est donc entaché de préjugés ;
qu'il soit dit en réponse à cela que les faits attestés de l'histoire
soutiennent la terrible accusation. Pour commenter ces faits, le docteur
Draper dit :
24. « Plus de mille ans s'étaient écoulés depuis la naissance de notre
Sauveur et voici quelle était la condition de Rome. L'historien pourrait
bien fermer les annales de ces temps, par dégoût. Le cœur du chrétien
pourrait bien se déchirer devant une telle liste de crimes hideux. Nous
pourrions bien demander si ces hommes étaient les représentants de Dieu
sur terre, ceux-là même qui avaient vraiment atteint le stade que le
dernier effort de méchanceté humaine ne peut franchir. Ce n'est que des
siècles plus tard que l'opinion publique en vint à la vraie conclusion
philosophique : le rejet total des prétentions divines de la papauté.
Pendant un temps, les maux étaient attribués à la manière dont on élisait
le pontife comme si cela pouvait influencer d'une quelconque manière la
descente d'un pouvoir qui prétendait être surnaturel et immédiatement sous
les soins de Dieu . . . Personne ne peut étudier le développement du
pouvoir Ecclésiastique italien sans découvrir qu'il dépendait complètement
de l'opération humaine ; trop souvent de la passion et de l'intrigue
humaine ; qu'il manquait complètement de toute marque de construction et
de soin divins, que c'était le produit de l'homme et non celui de Dieu,
portant donc en soi l'héritage de passions humaines, de vertus humaines et
de péchés humains[19]. »
25. En accroissant les changements et les altérations sans autorité dans
l'organisation et le gouvernement, l'établissement terrestre connu comme «
I'Eglise » avec des papes, des cardinaux, des abbés, des religieux, des
moines, des exorcistes, des acolytes, etc., perdit toute ressemblance avec
l'Eglise telle que le Christ l'avait établie et ses apôtres l'avaient
maintenue. L'argument catholique qu'il y a eu une succession ininterrompue
d'autorité dans la prêtrise depuis l'apôtre Pierre jusqu'au présent
occupant du trône papal est insoutenable à la lumière de l'histoire, et
manque de raison à la lumière des faits. L'autorité de parler et d'agir au
nom de Dieu, le pouvoir d'officier dans les ordonnances de salut de
l'Evangile du Christ, le grand honneur de servir en tant qu'ambassadeur
autorisé de la cour des cieux, ne sont pas obtenus comme les don s des
princes et ne doivent pas être achetés pour de l'argent, ni gagnés comme
trophées du glaive sanguinaire. L'histoire de la papauté est la
condamnation de l'Eglise de Rome[20].
* * * * * * *
[1] Voir Luc 6 :13 et Marc 3 :14 ; Ephésiens 4 :11 ; Hébreux 5 :1-5 ; Luc
10 :1-11 ; Actes 14 :23 ; 15 :6 ; 1 Pierre 5 :1 ; 1 Timothée 3 :1 ; Tite 1
:7 ; Apocalypse 1 :6 ; Actes 13 :1 ; 1 Timothée 3 :8-12.
[2] Mosheim, Eccl.. History, Cent. II, Part. II, chap. 2 :2.
[3] Voir Mosheim, Eccl. History, Cent. II, Part. II, chap. 2 :3 ; aussi
Cent. IV, Part. II, chap. 2 :3 ; comparer avec Cent. I, Part. II, chap. 2
:14.
[4] Mosheim, Eccl.. History, Cent. XI, Part. II, chap. 2 :2.
[5] Jean 18 :36.
[6] Jean 6 :15.
[7] Mosheim, Eccl.. History, Cent. IV, Part. II, chap. 3 :16.
[8] Citation par Mosheim ; voir Eccl. History, Cent. XII, Part. II, chap.
3 :4.
[9] Matthieu 12 :36.
[10] Apocalypse 20 :12-13.
[11] Pour un traitement concis de la doctrine de la responsabilité de
l'homme, voir Articles de Foi, du même auteur, chapitre 3.
[12] Milner, History of the Church, Cent. XVI, chap. 2.
[13] Milner, History of the Church, Cent. XVI, chap. 2.
[14] Voir note 1 à la fin du chapitre.
[15] 2 Thessaloniciens 2 :4, 3. Voir note 4 à la fin du chapitre.
[16] Mosheim,Eccl.. History, Cent. XVI, Part. I, chap. 1 :25.
[17] Jean 5 :39 ; comparer avec le verset 46 ; aussi avec Esaïe 8 :20 ;
Luc 16 : 29 et Actes 17 : 11.
[18] Voir note 3 à la fin du chapitre.
[19] Draper, IntellectualDevelopment of Europe, volume 1, page 382.
[20] Voir notes 2 et 3 à la fin du chapitre.
NOTES
1. L’Eglise de Rome responsable du commerce d'« indulgences*. Compte tenu
de la prétention soutenue par certains défenseurs de l'Eglise romaine, à
savoir que le commerce honteux des indulgences ne fut pas sanctionné par
l'Eglise et que l'Eglise ne peut pas être tenue responsable des excès
auxquels ses subalternes se livrent dans leurs actes prétendument
officiels, les remarques suivantes de Milner, autorité judicieuse en
matière d'histoire de l'Eglise (Cent. XVI, chap. 2), peuvent s'avérer
intéressantes : « Il n'apparaît pas que les dirigeants de la hiérarchie
aient jamais trouvé la moindre faute dans le fait que Tetzel outrepassât
sa délégation, jusqu'à ce qu'une opposition se fit ouvertement jour à la
pratique des indulgences. D'où il apparaît avec évidence que les
protestants n'ont pas censuré injustement les corruptions de la cour de
Rome à ce propos ... Les indulgences étaient adjugées aux plus offrants et
les entrepreneurs employaient pour procéder à leur commerce les députés
qu'ils pensaient les plus capables de promouvoir leurs vues lucratives.
Les officiers inférieurs concernés par ce commerce étaient vus tous les
jours dans des tavernes se livrant au dérèglement et à la sensualité (Maimbourg,
p. 11). Pour finir, tout ce que le plus grand ennemi de la papauté
pourrait avoir souhaité était exhibé à cette époque avec l'impudence et la
témérité la moins déguisée, comme dans le but de rendre ce système
Ecclésiastique pervers infâme aux yeux de toute l'humanité. » L'auteur
poursuit son commentaire par l'échelle des prix selon laquelle ces
indulgences étaient placées à portée de la bourse de toutes les classes,
trouve dans le trafic général la preuve d'une ignorance profonde et d'une
superstition terrible et montre ensuite le besoin d'une nouvelle
dispensation de l'Evangile de la manière suivante : « C'était, de toute
façon, l'arrangement de choses qui ouvrait la voie à la réception de
l’Evangile. Mais qui devait proclamer l'Evangile dans sa beauté et sa
simplicité originelles? Les princes, les évêques et les hommes instruits
du temps voyaient tout ce scandaleux commerce à propos du pardon des
péchés ; mais il ne s'en trouvait aucun qui possédât la connaissance, le
courage et l'honnêteté nécessaires pour détecter la fraude et pour laisser
ouverte à l'humanité la vraie doctrine de salut par la rémission des
péchés par Jésus-Christ. » Milner trouve l'inauguration d'une nouvelle ère
dans la « Réforme » au cours du seizième siècle. Il suffit à notre but
présent de savoir qu'il reconnut le besoin de préparation par lequel le
chemin serait ouvert à la réception de l'Evangile » (Milner, Church
History, Cent. XVI, chap. 2).
2. Trois papes en même temps. « L'un des coups les plus durs portés tant à
l'autorité temporelle que spirituelle des papes fut le déplacement, en
1309, sous l'influence du roi français, Philippe le Bel, du siège
pontifical de Rome en Avignon, en Provence. C'est là qu'il resta pendant
environ soixante-dix ans, période connue dans l'histoire de l'Eglise sous
le nom de captivité babylonienne. Tandis qu'il était établi en ce lieu,
tous les papes furent Français et bien sûr, toute leur politique était
façonnée et contrôlée par les rois de France. . . Les mécontents
s'éveillèrent parmi les Italiens au sujet de la situation de la cour
pontificale et cela mena finalement à une scission ouverte entre eux et le
parti français. En 1378, les factions opposées élirent chacune un pape et
il y eut ainsi deux dirigeants de l'Eglise, l'un en Avignon et l'autre à
Rome. Le spectacle des deux papes rivaux, chacun prétendant être le
successeur légitime de Pierre et le seul chef infaillible de l'Eglise,
poussa très naturellement les hommes à remettre en question les
prétentions et l'infaillibilité des deux. Cela donna un choc au respect
que le monde avait si généralement tenu pour règle à l'égard du siège
pontifical, et il ne s'en remit jamais. Finalement, en 1409, un concile
général de l'Eglise s'assembla à Pise dans le but de régler la querelle
honteuse. Le concile déposa les deux papes et élut Alexandre V dirigeant
suprême de l'Eglise. Mais les affaires, au lieu de s'arranger ainsi ne
firent qu'empirer ; car aucun des deux pontifes déposés ne voulut renoncer
à son autorité en obéissant aux ordres du concile et il y eut donc
maintenant trois papes au lieu de deux. En 1414, un autre concile fut
appelé à Constance, pour le règlement de la dispute naissante. Deux des
plaignants furent déposés et l'un démissionna. Un nouveau pape fut alors
élu, le pape Martin V. En sa personne, le monde catholique fut de nouveau
uni sous un seul dirigeant spirituel. Le schisme fut apparemment guéri,
mais la blessure avait été trop profonde pour ne pas laisser de marques
permanentes sur l'Eglise » (P. V. N. Myers, General Historique, pp. 457,
458). La rupture entre les factions française et italienne à laquelle
Myers fait allusion dans la citation ci-dessus, est connue dans l'histoire
comme le grand schisme. Cela peut être considéré comme le début décisif du
pouvoir temporel des papes.
3. La papauté se condamne. La ligne de succession de la papauté pendant
une période limitée définie dans le texte, est donnée par Draper comme
suit : Pour certains il peut sembler souhaitable, vu les intérêts de la
religion seule, de passer sous silence toute référence biographique
concernant les papes ; mais on ne peut faire cela sans être injuste avec
le sujet. Le principe essentiel de la papauté que le pontife romain est le
représentant du Christ sur terre, fait nécessairement obstacle à sa
relation personnelle avec nous. Comment comprendrons-nous sa foi sinon
dans l'optique de l'exemple qu'en donne sa vie? En vérité, le caractère
malheureux de ces relations fut la cause qui poussa les mouvements en
Allemagne, en France et en Angleterre qui amenèrent la chute de la papauté
en tant que pouvoir politique réel, mouvements qu'il ne faut comprendre
que par l'intermédiaire de la connaissance suffisante de la vie privée et
des opinions des papes. Il est bien, autant que possible, de s'abstenir de
systèmes alourdissants avec les imperfections des individus. Dans ce cas,
ils sont inséparablement liés. La particularité insigne de la papauté est
que, bien que son histoire puisse être imposante, sa biographie est
infâme. Cependant, je m'abstiendrai d'en parler dans cette deuxième
optique plus que l'occasion semble le demander nécessairement ; je
passerai sous silence certains de ces cas qui choqueraient profondément
mon lecteur religieux et je me limiterai donc aux âges compris entre le
milieu du huitième et le milieu du onzième siècle, m'excusant auprès du
critique impartial en expliquant que c'étaient là les siècles
principalement concernés dans ce chapitre. « A la mort du pape Paul 1er,
qui avait atteint le pontificat en 757, le duc de Népi contraignit
certains évêques à consacrer Constantin, l'un de ses frères, comme pape ;
mais des électeurs plus légitimes ayant choisi Etienne en 768,
l'usurpateur et ses adeptes furent sévèrement punis ; Constantin fut rendu
aveugle ; on amputa la langue de l'évêque Théodorus et on le laissa mourir
de soif dans un cachot. Les neveux du pape Adrien saisirent son
successeur, le pape Léon III, en 795 dans une rue et, le forçant à entrer
dans une église à proximité, tentèrent de le rendre aveugle et lui
coupèrent la langue ; à une époque ultérieure, ce pontife essaya de
supprimer une conspiration visant à le déposer, et Rome devint la scène de
rébellions, de meurtres et d'incendie. Son successeur Etienne V fut
ignominieusement chassé de la ville en 816 ; son successeur, Pascal 1er,
fut accusé d'avoir rendu aveugle et d'avoir assassiné deux Ecclésiastiques
dans le palais du Latran ; il fut nécessaire que des représentants de
l'empereur enquêtent à ce sujet, mais le pape mourut après s'être disculpé
par serment devant trente évêques. Jean VIII, incapable de résister aux
musulmans, fut contraint en 872 de leur payer un tribut ; l'évêque de
Naples, entretenant une alliance secrète avec eux, reçut sa part du
pillage qu'ils amassèrent. C'est lui que Jean excommunia et il ne voulut
pas lui donner l'absolution à moins qu'il trahisse le chef des musulmans
et qu'il n'en assassine d'autres lui-même. Une conspiration Ecclésiastique
éclata pour assassiner le pape ; on saisit certains des trésors de
l'Eglise ; et le portail saint Paneras fut ouvert avec de fausses clefs
pour laisser entrer les Sarrasins dans la cité. Formosus, qui avait été
engagé dans ces transactions et excommunié comme conspirateur du meurtre
de Jean, fut par la suite élu pape en 891 ; Boniface VI lui succéda en 896
; il avait été déposé du diaconat, puis de la prêtrise pour sa vie
immorale et lascive. Sous Etienne VII qui suivit, on sortit du tombeau la
dépouille mortelle de Formosus, drapée dans ses vêtements de pape, on le
plaça assis sur une chaise, on le jugea devant un conseil et la scène
absurde et indécente se termina lorsqu'on coupa trois doigts au cadavre et
qu'on les jeta dans le Tibre ; mais Etienne lui-même fut destiné à donner
l'exemple de la bassesse à laquelle la papauté était tombée ; il fut jeté
en prison et étranglé. En cinq ans, de 895 à 900, cinq papes furent
consacrés. Léon V, qui succéda en 904, fut, en moins de deux mois, jeté en
prison par Christophe, l'un des chapelains, qui usurpa sa place et qui, à
son tour, fut bientôt expulsé de Rome par Serge 111 qui, avec l'aide de la
force militaire, saisit le pontificat en 905. Cet homme, selon un
témoignage du temps, vécut en rapport criminel avec la prostituée Theodora
qui, avec ses filles Marozia et Theodora, aussi prostituées, exercèrent un
contrôle extraordinaire sur lui. Jean X partagea aussi l'amour de Theodora
: elle lui donna d'abord l'archevêché de Ravenne et le fit ensuite
parvenir à Rome en 915, comme pape. Jean correspondait bien à cette époque
; il organisa une confédération qui empêcha peut-être Rome de tomber aux
mains des Sarrasins, et le monde fut étonné et édifié par la vue de ce
pontife guerrier à la tête de ses troupes. Par l'amour de Theodora, comme
on l'a dit, il s'était maintenu au pontificat pendant quatorze ans ; il
fut renversé par les intrigues et la haine de sa fille Marozia. Elle le
surprit dans le palais du Latran ; elle tua son frère Pierre devant ses
yeux ; le jeta en prison où il mourut bientôt étouffé avec un oreiller,
a-t-on dit. Après un petit intervalle, Marozia fit de son fils le nouveau
pape, Jean XI, en 931. Beaucoup affirmèrent que le pape Serge fut son
père, mais elle était disposée à l'attribuer à son mari Albéric dont elle
épousa par la suite le frère, Guido. Un autre de ses fils, Albérie, ainsi
nommé d'après son présumé père, jaloux de son frère Jean, le jeta en
prison avec leur mère Marozia. Après un moment le fils d'Albéric fut élu
pape en 956 ; il prit le titre de JeanXII, la lascive Marozia ayant ainsi
donné un fils et un petit-fils à la papauté. Jean n'avait que dix-neuf ans
quand il devint ainsi le chef de la chrétienté. Son règne était
caractérisé par les immoralités les plus choquantes de sorte que
l'empereur Othon 1er fut contraint par le clergé allemand d'intervenir. On
convoqua un synode pour son jugement dans l'Eglise Saint-Pierre, avant
lequel, semble-t-il, Jean avait reçu des pots de vin pour la consécration
d'évêques ; il avait ordonné l'un d'entre eux qui n'avait que dix ans et
il avait accompli cette cérémonie sur la tête d'un autre dans une étable ;
il était accusé d'inceste avec l'une des concubines de son père et de tant
d'adultères que le palais du Latran était devenu une vraie maison de
prostitution ; il rendit un Ecclésiastique aveugle, en castra un autre, et
tous deux moururent des suites de leurs blessures ; il s'adonnait à la
boisson, au jeu et à l'invocation de Jupiter et de Vénus. Quand il fut
appelé à comparaître devant le concile, il fit savoir « qu'il était parti
à la chasse » ; aux pères qui lui faisaient des remontrances, il fit
remarquer d'une manière menaçante « que 'Judas, ainsi que les autres
disciples, reçurent de leur maître le pouvoir de lier et de délier mais
que dès qu'il s'avéra un traître à la cause commune, le seul pouvoir qu'il
conserva, fut celui de lier son propre cou pour se pendre ». Là-dessus,
mais triomphant par la suite, il saisit ses opposants, coupa la main de
l'un, le nez, le doigt, la langue des autres. Sa vie se termina bientôt
par la vengeance d'un homme dont il avait séduit la femme. « Après des
détails de ce genre, il est presque inutile de faire allusion aux annales
des papes suivants : de raconter que Jean XIII fut étranglé en prison ;
que Boniface VII emprisonna Benoît VII et le fit mourir de faim ; que Jean
XIV fut mis à mort en secret dans les cachots du château Saint-Ange ; que
le cadavre de Boniface fut tramé dans les rues par la populace. Le
sentiment de révérence, même le respect pour le souverain pontife, avaient
complètement disparu à Rome ; dans toute l'Europe, le clergé était
tellement choqué de l'état de choses que, dans son indignation, il
commença à considérer favorablement l'intention de l'empereur Othon d'ôter
aux Italiens leur privilège de nommer le successeur de Saint Pierre et de
le confiner à sa propre famille. Mais son parent, Grégoire V, qu'il plaça
sur le trône pontifical, fut très bientôt contraint par les Romains de
s'enfuir ; ses excommunications et ses foudres religieuses furent tournées
en dérision par eux ; ils étaient trop bien au courant de la vraie nature
de ces terreurs ; ils vivaient derrière la scène. Une punition terrible
attendait l'antipape Jean XVI. Othon revint en Italie, se saisit de lui,
le rendit aveugle, lui coupa le nez et la langue et l'envoya parcourir les
rues monté à sens contraire sur un âne, une outre de vin sur la tête. Il
semblait impossible que les choses devinssent pires : cependant, Rome
devait encore voir Benoît IX en 1033, un garçon de moins de douze ans,
élevé au trône apostolique. A propos de ce pontife, l'un des ses
successeurs, Victor III, déclara que sa vie fut si honteuse, si déréglée,
si exécrable qu'il frémissait de la décrire. Il gouverna comme un
capitaine de bandits plutôt que comme un prélat. Le peuple, enfin, ne
pouvant supporter ses adultères, ses homicides et ses abominations se
souleva contre lui. Au désespoir de conserver sa position, il mit la
papauté aux enchères. Elle fut achetée par un prêtre qui devint Grégoire
VI en 1045 » (J. W. Draper, Intellectual Development of Europe, volume 1,
chapitre 12, pp. 378-381).
4. Commentaire du passage tiré de 2 Thessaloniciens 2 :3-4. On se
rappellera que l'application que l'on fait dans le texte de la déclaration
de Paul sur l'apostasie est celle que font les théologiens de
dénominations protestantes. Elle n'est en aucun cas particulière à
l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Lisons de nouveau
le passage : « Que personne ne vous séduise d'aucune manière ; car il faut
que l'apostasie soit arrivée auparavant et qu'on ait vu paraître l'homme
du péché, le fils de la perdition, l'adversaire qui s'élève au-dessus de
tout ce qu'on appelle Dieu ou ce qu'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le
temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu. » Dans son commentaire de la
Bible, le docteur Adam Clarke dit de cette Ecriture : « La plupart des
auteurs protestants comprennent que le tout fait allusion aux papes et à
l'Eglise de Rome ou au système entier de la papauté.. . L'évêque Newton a
examiné toute la prophétie avec son talent et son jugement habituels . . .
La plupart des commentateurs contemporains suivent ses pas. Il applique le
tout à l'Eglise Romaine : l'apostasie, sa défection des pures doctrines du
christianisme ; et « l'homme du péché », etc., la succession générale des
papes de Rome. » Un abrégé de l'interprétation de l'évêque Newton est
ensuite ajouté : le voici, en partie : « Car il faut que ... soit arrivée
auparavant, etc. : Le jour du Christ ne viendra pas avant qu'il ne vienne
une apostasie. L'apostasie ici décrite n'est pas, il est clair, une
apostasie d'une nature civile, mais religieuse ; ce n'est pas une révolte
contre le gouvernement, mais une défection de la vraie religion et du vrai
culte. . . jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, etc. : Par le temple
de Dieu, l'apôtre ne pouvait pas vouloir dire le temple de Jérusalem,
parce que, il le savait, ce temple serait détruit dans quelques années.
Après la mort du Christ, le temple de Jérusalem n'est jamais appelé le
temple de Dieu et si, quelque part, on mentionne la maison ou le temple de
Dieu, on veut parler de l'Eglise en général ou de chaque croyant en
particulier. Quiconque consultera 1 Corinthiens 3 :16-17 ; 2 Corinthiens 6
:16 ; 1 Timothée 3 :15 ; Apocalypse 3 :12 ; ne manquera pas d'exemples
pour prouver que sous la dispensation de l'Evangile, le temple de Dieu est
l'Eglise du Christ ; et que l'homme du péché assis implique celui qui la
dirige et préside ... Après cette enquête, il semble y avoir peu de place
pour douter du sens général et de la signification du passage. Les
Thessaloniciens (comme nous l'avons vu d'après certaines expressions dans
la première épître), furent alarmés comme si la fin du monde était proche.
L'apôtre, pour redresser leurs erreurs et dissiper leurs craintes, leur
assure qu'une grande apostasie ou défection des chrétiens de la véritable
foi et du véritable culte doit arriver avant la venue du Christ. Toutes
les marques et caractères concourants nous justifieront si nous imputons
cette apostasie à l’Eglise de Rome. Le vrai culte chrétien est le culte du
seul vrai Dieu, par le seul et unique Médiateur, l'homme Jésus qui est le
Christ, et c'est de ce culte que l'Eglise de Rome s'est très
singulièrement éloignée, en substituant d'autres médiateurs et en
invoquant et en adorant les saints et les anges ; rien n'est apostasie
s'il n'est d'idolâtrie ... Si l'apostasie est justement imputée à l'Eglise
de Rome, il s'ensuit donc que l'« homme du péché » est le pape, pas l'un
quelconque des papes en particulier, mais le pape en général comme le
premier dirigeant et partisan de cette apostasie. »
L'opinion du docteur MacKnight est aussi citée avec approbation par
Clarke. Dans son Commentary and Notes (volume III, p. 100, etc.),
MacKnight dit : « Comme il est dit, cet homme du péché devait être révélé
en son temps, il ne peut y avoir que peu de doute que l'âge des ténèbres
pendant lequel toute culture fut renversée par l'interruption des barbares
du nord, fut la période donnée à l'homme du péché pour se révéler. Nous
savons donc qu'à ces époques, les corruptions du christianisme et les
usurpations du clergé atteignirent leur apogée. En bref, les annales du
monde ne peuvent produire de personnes, ni d'événements auxquels les
choses écrites dans ce passage ne puissent être appliquées d'une manière
aussi appropriée qu'aux évêques de Rome. »
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